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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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4. La Basse-Casamance en ébullition :

Le 26 décembre 1982 à Ziguinchor, capitale de la Casamance, une manifestation séparatiste menée par l'abbé Augustin Diamacoune Senghor est "écrasée" par les autorités sénégalaises. Le meneur et des journalistes de la revue Kemilak (l'heure est grave), sont arrêtés. Ils ont essayé de remplacer le drapeau sénégalais par un étendard casamançais. Cette initiative est considérée comme inacceptable par l'Etat, qui tente depuis l'indépendance de maintenir l'unité de la Nation et de nier toutes les exceptions culturelles régionales ou ethniques. Pour endiguer l'agitation dans la région, le dispositif militaire aux alentours de Ziguinchor est immédiatement renforcé tandis que l'abbé Senghor et une cinquantaine de sympathisants du Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC) sont présentés devant la Cour de sûreté de l'Etat.

En réaction, le PS organise le 29 décembre 1982 à Ziguinchor une contre-manifestation pour montrer l'attachement des habitants de la région à l'unité sénégalaise. On observe à travers cet événement une certaine "union sacrée", le PDS se déclarant solidaire de l'action socialiste et participant même au défilé. Quant à Abdou Diouf, il réitère au cours de son message de fin d'année sa volonté "de maintenir l'unité du pays" 19.

Pourquoi une telle révolte dans un pays réputé depuis son indépendance sage et unifié ? La Casamance n'a été rattachée à l'espace sénégalais que le 12 mai 1866, suite à un échange territorial entre le Portugal et la France. Outre l'aspect colonial, la Basse-Casamance se différencie du reste du territoire par sa population (on compte des diolas, baïnocks, mandingues, mancagnes etc..) et sa religion (animiste ou chrétien). Elle est constituée d'immenses forêts et de rivières, rendant son climat presque similaire à celui de la Guinée-Bissau. Enfin, son particularisme est accentué par sa géographie. Effectivement, la Basse-Casamance n'est que très peu reliée au reste du Sénégal, étant prise en étau entre l'enclave gambienne anglophone et la Guinée-Bissau lusitanophone.

Regroupant des communautés solidaires, vivant en autarcie grâce à la culture intensive du riz, la Basse-Casamance subit après la seconde guerre mondiale les "contrecoups" de la poussée démographique du nord et du centre. Des "pauvres" sérères, toucouleurs et wolofs s'installent dans la région dans le but d'y cultiver l'arachide, plus rentable que le riz. Il y a alors une déforestation intensive, qui nuit peu à peu aux cultures traditionnelles des casamançais de souche. Ils se sentent de ce fait "coloniser". Le pouvoir PS, qui ne dispose d'aucun dirigeant originaire de la contrée, n'a pas d'intermédiaire capable d'infléchir sur ce malaise. Ce désarroi socialiste, on le remarque dans les propos tenus par l'un des cadres du parti , Boubacar Obèye Diop.

"Il ne faut pas se dissimuler. La réalité de la spécificité casamançaise est une donnée permanente de notre histoire politique. Il faudra être très attentif aux perturbations psychologiques que peuvent véhiculer dans notre belle et prometteuse région du sud des sentiments de frustration, de peur ou de doute, exploitables à des fins malsaines" 20.

Ce sentiment de "colonisation" est récupéré par des intellectuels. Ces derniers, qui n'hésitent pas à prôner l'indépendance, viennent des hautes sphères de la population. Il n'est donc pas étonnant que ce soit un ecclésiastique qui prenne la tête de la rébellion, en l'occurrence l'abbé Diamacoune

19 Pierre Biarnès, "Dakar reste confronté à l'irrédentisme casamançais",Le Monde, 4 janvier 1983.

20 Le Soleil, 31 décembre 1982.

Senghor. Si la légitimité de la présence sénégalaise, et par conséquent l'autorité d'Abdou Diouf, est remise en cause en Casamance à partir de 1982, ceci n'altère en rien les chances de victoire des socialistes pour les élections de 1983.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway