Abdou Diouf est convié dans les premières
semaines de sa présidence au troisième sommet islamique de
Taïf. Cette institution, crée en 1972, marque la solidarité
et la coopération entre les Etats musulmans dans les domaines
économique, social et culturel. Le Sénégal, composé
à 90% de musulmans, est le pays d'Afrique noire le plus islamisé.
Il mérite par conséquent une place de choix dans cet
événement malgré le fait que l'Etat soit laïc et que
son premier Président était... chrétien.
En tant que musulman convaincu, Diouf arrive aisément
à se faire accepter par ses "frères". La dévotion du
Président offre une nouvelle image de l'islam au Sénégal,
à la fois sincère - Abdou Diouf se rend
régulièrement à la mosquée, le plus souvent
accompagné de son Premier ministre et... de quelques photographes - et
tolérant , Abdou Diouf étant, comme Abdoulaye Wade ou Habib
Thiam, lié maritalement à une catholique.
Il reçoit donc un accueil chaleureux en terre
saoudienne. Malgré la présence du Roi du Maroc Hassan II ou du
Président l'Autorité nationale palestinienne Yasser Arafat, le
Président sénégalais a l' honneur suprême de
répondre, au nom de l'ensemble de la communauté islamique, au
discours du Roi d'Arabie Saoudite Khaled. Cette attention laisse à
penser que le Sénégal est définitivement rentré
dans le cercle des grandes nations du monde musulman. Aussitôt
surnommé "l'homme de Taïf" par la propagande étatique, Abdou
Diouf est pour Le Soleil la grande vedette de ce troisième
sommet islamique 13.
Ce succès, que l'on qualifie de diplomatique, lui est
bénéfique à deux niveaux. Sur le plan international, il
offre à Abdou Diouf la possibilité de se rapprocher des riches et
puissants pays du Moyen-Orient. Les alliés historiques du
Sénégal - qu'ils soient saoudiens, koweïtiens ou irakiens -
sont contactés pour aider économiquement le pays. Dès le
lendemain du sommet, ils offrent plus de 200 milliards de FCFA, qui vont
principalement à l'Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve
Sénégal (OMVS). Sur le plan intérieur, Diouf montre
à la communauté musulmane, et plus particulièrement aux
membres des confréries mouride et tidjane, que l'Etat ne renie plus le
fait que "l'islam soit la religion de la majorité des
Sénégalais". Il espère séduire un électorat
musulman tenté parfois de se détourner de la vie politique au
profit d'une vie associative sous le contrôle des religieux. Son
intérêt est bien évidemment d'éviter la formation
d'un parti à caractère religieux, tel qu'a pu l'être
l'éphémère Hizboulahi (Parti de Dieu) d'El Hadj
Ahmed Khalifa Niasse.
A travers Taïf, Abdou Diouf apparaît comme un
être pieu, désireux de s'afficher en compagnie des "têtes
d'affiche" du monde musulman. L'image de "l'homme de Taïf" fait partie
intégrante de la propagande qui fait le succès du
Président de la République entre 1981 et 1983. Un autre
évènement international assoit l'autorité de Diouf : le
coup d'Etat manqué en Gambie dans la nuit du 29 au 30 juillet 1981. Il
favorise la formation de la Confédération de
Sénégambie.
13 "Succès personnel pour Abdou Diouf", Le
Soleil, 30 janvier 1981.