3. L'hypothèse
de Yirmiya et al. (1996) : un rôle différent pour l'enfant
selon le type de tâche.
a. Présentation de l'hypothèse
Une difficulté particulière existe dans les
tâches de tromperie, en comparaison avec les tâches de fausses
croyances (Baron-Cohen, 1992; Russel et al., 1991; Happé, 1991,
cité par Sodian et Frith, 1992; Sodian et Frith, 1992; Yimiya et al.,
1996). L'attribution de croyances requiert seulement une estimation de ce que
l'autre personne sait ou ne sait pas. De façon différente, la
tromperie requiert une manipulation active des états mentaux, ce qui
semble plus complexe.
Une différence essentielle entre les tâches de
tromperie et les tâches de fausses croyances se situe au niveau du point
de vue du sujet. Dans les tâches de fausses croyances, le sujet est
spectateur de la situation : il est passif. Il n'a pas de rôle
à jouer. Il doit estimer quelles sont les pensées, les croyances
de l'autre. Ainsi dans les tâches de type « Sally et
Anne » (Wimmer et Perner, 1983), le sujet est face à une
situation où il doit deviner, prédire le comportement à
venir de l'autre sur la base de son comportement habituel. Il lui attribue des
états mentaux.
Au contraire, dans les tâches de tromperie, le sujet est
actif, il a un rôle à jouer. Il est inclus dans la situation. Il
doit manipuler activement les états mentaux de l'autre (Yirmiya et al.,
1996). Ainsi dans les tâches de type « Roi et
Voleur », l'enfant est amené à agir de telle
manière que cela va interférer sur les états mentaux de
l'autre. Ces deux types de tâches demandent une position
différente de la part du sujet. Soit il est spectateur, soit il est
acteur.
Selon Yirmiya et al. (1996), les tâches de tromperie
sont plus difficiles que les tâches de fausses croyances, car en plus de
supposer une compréhension des états mentaux de l'autre, elles
demandent une manipulation de ceux-ci. Ceci suggère que la position
d'acteur est une position plus complexe ; La position d'acteur devrait se
développer plus tard. Il paraît nécessaire d'être
performant en tant que spectateur pour pouvoir réussir en tant
qu'acteur.
Sur un plan plus théorique, cette dissociation revient
à spécifier le modèle cognitif du développement de
la théorie de l'esprit de Baron-Cohen (1995). En effet, une
différenciation en fonction de l'âge dans l'acquisition de ces
pôles sous-entendrait une dissociation du module ToMM. Celui-ci pourrait
en fait être composé de deux sous modules, un sous module ToMM
spectateur et un sous module ToMM acteur, organisé de manière
hiérarchique. Cette hypothèse serait d'autant plus
avéré s'il existe un lien de dépendance entre les deux,
notamment si l'on observe que la position d'acteur ne peut apparaître si
la position de spectateur n'est pas en partie maîtrisée.
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