Chapitre II. Les propositions pour plus
d'équité et d'efficacité dans le
commerce international
Les propositions suivantes pourraient constituer des axes de
réflexion pour déterminer les positions du Cameroun dans les
négociations internationales concernant la libéralisation du
commerce agricole. Ces propositions concernent des principes d'action qui
pourraient guider les autorités dans les processus de
négociations internationales. Ces principes prennent en compte la
problématique des subventions au commerce qui constituent des freins
à la promotion d'une agriculture compétitive au sud. La question
de l'accès aux marchés du nord est aussi abordée dans le
cadre de ces modestes propositions.
A. proposition relative aux subventions agricoles :
l'option pour un principe de libre
subvention modulé par le nombre de population
présent sur le territoire d'un Etat
Le principe de base de l'OMC, en ce qui concerne les
subventions agricoles, comporte des carences pour un fonctionnement efficace.
Nous proposons un principe certes en divergence mais qui offrirait mieux cette
garantie d'efficacité.
1. les carences du système actuellement en vigueur
à l 'OMC
Selon l'accord sur l'agriculture, l'ambition de la
libéralisation agricole est de parvenir à une réduction
des subventions avant leur suppression totale. Dans le cadre de cet accord, les
pays développés se sont engagés à diminuer leurs
subventions aux exportations de 36% en valeur et de 21% en volume. Les PVD ont
admis des baisses respectives de 21% et de 24%. Tous les autres pays en
particulier les plus pauvres ont l'interdiction de recourir à ce type de
soutien. Comme nous l'avons souligné cette interdiction
institutionnalise une libéralisation agricole injuste et inefficace.
Même dans ce cas d'une suppression pure et simple des subventions,
l'égalité des pays devant les financements ne serait guère
établie. La suppression des subventions est motivée par
l'idée que la fin des dotations permettra à l'investissement
privé de prendre le relaie. La confiance en l'investissement
privé se justifie par le fait que la rationalité du marché
est celle qui favorise la réalisation d'une spécialisation par
dotation de facteurs de production telle que David RICARDO l'a
énoncé. A notre avis la confiance en la rationalité
privée pour équilibrer les orientations de production est
erronée. Il aurait pu en être autrement si toute les
régions économiques du monde faisaient face aux même
risques. La notion de risque pays renforce cette idée d'une
discrimination dans l'attractivité des investissements. On peut
définir ce concept comme la probabilité de matérialisation
d'un sinistre résultant du contexte économique et politique d'un
Etat étranger dans lequel une entreprise effectue ses activités.
Bernard MAROIS1 distingue deux types de risque : le risque politique
résultant des décisions du gouvernement local et le risque
économique provenant de la dépréciation monétaire.
De ce fait, des situations comme l'état de guerre ou le manque de
démocratie deviennent des facteurs de répulsion pour les
investissements directs étrangers. Plus encore des risques naturels
comme le tsunami peuvent se traduire par une fuite des capitaux
étrangers. Une région peut donc être propice à la
spécialisation dans le secteur primaire mais n'attirera pas forcement
les investissements dans ce domaine pour cause de risques politiques. On ne
peut donc pas avoir confiance en l'investissement privé
caractérisé par une frilosité vis à vis des risques
pour prendre
1 Bernard MAROIS, le risque pays, PUF, Que sais-je ? 1990
le relaie de l'Etat en Afrique. Dans un cas comme celui du
Cameroun caractérisé par « la corruption et
l'inefficacité des administrations », on ne saurait s'attendre
à voir les IDE affluer massivement à l'occasion de la
libéralisation agricole. Dans ce contexte il est important que l'Etat et
les partenaires au développement mettent sur pied des actions pour
soutenir les activités qui sont exclues du marché. En fait
l'existence des risques à l'investissement autorise à un
traitement différencié selon les cas. L'hypothèse actuelle
de traitement uniforme ne semble pas satisfaire les principaux acteurs de la
libéralisation du commerce international des produits agricoles. Il faut
en effet noter que les pays en développement et plus encore les pays
pauvres sont opposés à l'idée de l'interdiction qui leur
est fait de soutenir leurs agriculteurs raison pour laquelle ils ont
émis l'idée d'un traitement spécial et
différencié. Plus récemment encore il y a eu l'idée
d'une boîte de développement ; elle serait en quelque sorte
jumelle de la boîte verte. Ces initiatives traduisent la volonté
des pays en développement de soutenir leurs agriculteurs pour assurer la
sécurité alimentaire. Cette préoccupation devrait aussi
celle des pays développés mais pour des raisons autres. Pour
ceux-ci les subventions agricoles ne sont pas un enjeu de survie
économique mais plutôt de survie politique. L'adoption par le
congrès des Etats-Unis le 3 mai 2002 d'une loi prévoyant une
augmentation des aides fédérales à l'agriculture à
concurrence de 70% montre le caractère éminemment politique des
subventions agricoles. En fait cette loi adoptée intervenait quelques
mois avant les élections législatives de novembre 2002. Au cours
de la campagne électorale le soutien aux agriculteurs était
devenu un enjeu de bataille électorale1 . Dès lors il
serait illusoire de penser que les pays développés qui sont sous
une pression constante de l'électorat supprimeront volontairement les
subventions aux agriculteurs. A notre avis le scénario le plus à
même de favoriser l'efficacité de la libéralisation est non
pas l'uniformité de traitement mais l'égalité de
traitement.
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