b. Les limites de l'organisation du suivi et de
l'évaluation
Malgré la multiplicité de ces instances, le
suivi et l'évaluation de la libéralisation agricole peine
à produire ses fruits. Des difficultés organisationnelles
continuent à faire obstacle non seulement dans le domaine de la
production statistique mais aussi dans la conduite du dispositif.
D'après le DSRP, la production statistique est faible du fait de
l'incapacité des services sectoriels à produire des
données de bonne qualité. Une insuffisance des financements dans
le domaine conduit à l'obsolescence des données. En guise
d'exemple le dernier recensement agricole daterait de 1984. Par ailleurs,
s'agissant de la conduite du dispositif d'évaluation, on note l'absence
d'indicateurs d'objectifs qui peuvent permettre la visibilité et la
traçabilité de la libéralisation agricole. Enfin le sens
même de la libéralisation est à remettre en cause celle-ci
a été conçue avec pour finalité de renforcer les
capacités d'exportation du secteur agricole. Un accent particulier est
mis sur le renforcement des cultures à forte vocation exportatrice au
détriment des besoins alimentaires locaux. La création du CICC,
de la SODECAO, atteste de l'intérêt manifeste des autorités
pour les cultures pérennes. Dans le même temps aucune structure de
ce type n'existe pour les cultures vivrières. On aboutit donc à
une extrême vulnérabilité de l'économie nationale
vis-à-vis des chocs extérieurs. Les pays Afrique Caraïbe et
Pacifique sont dépendants du marché européens à
hauteur de 40%. Le constat est que la promotion intensive des cultures
pérennes au détriment des cultures vivrières instaure une
concurrence entre les deux secteurs de l'agriculture camerounaise. Dans ce
contexte la facture alimentaire du Cameroun ne s'accroît. Au cours de
l'année 2000, le Cameroun importait 60% de maïs pour combler ses
besoins alimentaires et en 2004, l'importation s'élevait à
72%.
3. le manque de mesures d'accompagnement de la
libéralisation agricole.
La libéralisation agricole n'est pas une politique
économique entièrement à part. Comme tout instrument de
développement, elle aurait dû s'inscrire dans la synergie des
autres politiques de développement économique et social. Cette
précaution n'a pas été prise en ce qui concerne la
conduite de la libéralisation du secteur agricole au Cameroun. Les
mesures d'accompagnement du développement rural en général
n'ont pas été prises. Avant la libéralisation, la SODECAO
s'occupait non seulement des questions ayant directement trait à la
production agricole, mais aussi des problématiques incidentes du
développement rural comme le désenclavement des zones de
production. La compression des missions de la SODECAO ne s'est
accompagnée de la création d'un dispositif remplacement. Il
aurait dû être ainsi puisque tout compte fait c'est à l'Etat
de garantir la viabilité du jeu économique par la construction et
l'entretien des routes par exemple. Tout s'est déroulé comme si
la libéralisation agricole entraînait un désengagement
de
l'Etat et non un re-ciblage du rôle de l'Etat dans la
sphère économique. Ce n'est que dans le cadre actuel de la
Facilité pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté
(FRPC) dans laquelle le Cameroun s'est engagé en décembre 2000
que le volet d'accompagnement social a été intégré
dans les politiques de libéralisation économique au Cameroun. En
ce qui concerne le désenclavement rural ce n'est que dans le cadre de
l'IPPTE en 2000 que des mesures dont attend encore les résultats ont
été initiées. En somme l'absence de mesures
d'accompagnement dans le domaine des infrastructures a été
préjudiciable l'efficacité de la réforme du secteur
agricole.
Tous ces éléments visent à
démontrer que la libéralisation agricole au Cameroun aurait pu
mieux se passer à l'instar des pays du Sud comme la Chine, le Vietnam ou
la Thaïlande qui ont procédé à des
libéralisation progressive et sélective pour aboutir aux
résultats économiques que nous connaissons. La
progressivité et la sélectivité aurait certainement
évité à la réforme structurelle de l'agriculture de
produire des contraintes économiques supplémentaires pour le
développement.
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