3 LES THÉORIES ET LES CONCEPTS AUTOUR DES
REPRÉSENTATIONS AUJOURD'HUI : UN VASTE DÉBAT.
A partir du milieu des années 1970, suite au colloque
de Rouen1 sur l'espace vécu2, ce que Claval P.,
Metton A. et bien d'autres redoutaient être un effet de mode, s'affirme
comme une nouvelle clé d'entrée au débat
géographique. La voie ouverte par les précurseurs des
années 1960/1970 est désormais empruntée par de nombreux
géographes : « on sent chez beaucoup de chercheurs l'espoir de
découvrir certaines constantes derrière la multiplicité
des interprétations que les individus donnent du monde » ( Claval
P., 1973).
Sans rentrer dans le détail des multiples ouvrages
publiés ces deux dernières décennies,
l'énumération en serait futile, nous allons néanmoins
dégager les différents courants de recherche dans le monde sur le
thème des représentations, celles de l'espace plus
spécifiquement. Pour cela, nous nous appuierons notamment sur le travail
de Bailly A.3, relayé sur cette thématique par de
nombreux collègues géographes au cours des différents
colloques sur les perceptions et les représentations de l'espace
(Genève, Lausanne, Venise, Pau... etc.).
Les recherches sur les représentations de l'espace
géographique peuvent être abordées sous trois points de
vue, trois grandes directions de recherche; ces travaux
développés depuis le début des années 1970, sont
chacun influencés par des présupposés philosophiques et
des objectifs propres.
3.1 la pensée environnementaliste issue de la
psychologie cognitive* anglo-saxonne
On peut tout d'abord distinguer le courant
environnementaliste* et la psychologie cognitive* anglo-saxons, dont l'objectif
est d'évaluer la manière dont les perceptions et les
représentations de l'environnement influencent nos réactions et
nos comportements spatiaux. L'individu est à la fois le sujet et la
finalité de la recherche; en effet ce genre de problématique
privilégie les différentes enquêtes de types
psychosociologique pour essayer de percer les personnalités, les
impressions et le pourquoi des pratiques.
Poussé par des scientifiques comme Ittelson (1973) ou
Moore et Golledge (1976) ce courant de recherche s'est attaché à
comprendre les rétroactions des individus face à un stimuli
environnemental et les mécanismes qui les commandent. Pour cerner
1 Ce colloque faisait état du programme financé
par le CNRS,
2 Organisé par Frémont A. et Gallais J.
3 BAI LLY, A., Pratiques et perceptions de l'espace : les
principaux courants de recherche dans le monde. Hégoa. 1985,
n° 1.
les interactions individu-environnement, l'analyse
émotionnelle face à l'habitat (De Vries, 1981 ; Espe, 1981 ;
Kaliaden, 1982), l'évaluation de la distance sur la géographie
touristique (Plettner, 1979), ou encore la qualité de la vie qui inclut
le rôle de la participation publique aux opérations
d'aménagement (Laurence, 1982) ont été des
problématiques abordées. Mais la voie de recherche de
prédilection des géographes anglo-saxons et notamment
américains reste la perception des catastrophes naturelles (Heathcote,
1979 ; Hultaker, 1981).
Ces travaux ont des objectifs opérationnels ; ils sont
destinés à répondre à un problème ou une
attente en vue d'une opération d'aménagement (voir note 4), ou
encore dans la mise en place d'un programme dans les pays du Sud ; ces derniers
décrétés comme étant plus exposés aux
aléas du milieu biophysique, on a donc justifié leur
sous-développement par un milieu contraignant : réminiscence du
déterminisme* ? L'analyse environnementaliste établit ainsi un
lien étroit entre l'environnement physique et le comportement humain :
les déterminations1 du milieu occultent ici les
régulations collectives et minimisent les différenciations des
modèles de l'homme de ceux de la société. La
majorité des projets anglo-saxons développés dans les pays
du Sud répondent toujours à cette approche «
réductionniste » (Bailly A., 1985). On peut alors s'interroger sur
leur pertinence aux vues des résultats obtenus; nous y reviendrons plus
bas.
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