2 LES REPRÉSENTATIONS DU MILIEU DANS LE
SYSTÈME PRODUCTIF : D'AUTRES RATIONALITÉS
La longue familiarité des pratiques, des besoins
esthétiques et leurs besoins spirituels des communautés du Sud
confère aux éléments du milieu, et à leurs
interrelations dans les écosystèmes, une valeur symbolique et
rituelle qui en est indissociable et qui conditionne largement leur usage
(Gallais, J., 1974).
On en revient de ce fait à l'implication des
représentations dans le système productif, qui dans le cadre de
notre terrain d'étude, est principalement basé sur
l'activité agricole. L'artisanat, la production industrielle ou encore
le commerce sont rarement des activités centrales dans les
stratégies de reproduction des sociétés ; ces
activités occupent plutôt une fonction secondaire. Cependant il
s'agit de réintégrer chaque groupe social étudié
dans son contexte géographique et socioéconomique pour mieux
cerner les représentations et leurs portées spatiales.
Quel est le rapport à la ressource ? Leurs
conditions d'accès ? Les signes de reconnaissance dans les paysages ?
Quelle est la part des rituels et des recettes techniques dans les modes de
mise en valeur ? Les représentations que se font les individus
et leurs groupes du milieu écologique, fortement influencées par
les croyances religieuses et populaires, se retrouvent dans les modes de mise
en valeur des ressources par les populations.
Jusqu'à présent, de nombreux exemples
abordés nous ont mis sur la voie des logiques et des stratégies
de gestion du milieu par les sociétés, qu'on retrouve sous des
formes d'adaptation aux potentialités du milieu et dans l'étendue
des pratiques de gestion de la ressource disponible. Ces logiques de gestion
tendent vers un seul et même but : la reproduction de la
communauté, ou du moins de la strate sociale, clanique ou familiale
à laquelle les individus s`identifient.
Elles s'affirment souvent par des savoirs et des pratiques
empiriques, résultat des expériences et de leurs enseignements
parfois multiséculaires1. Ces stratégies de gestion de
la ressource suivent donc les dynamiques du milieu et des
sociétés
CALENDRIER DES ACTIVITES EN PAYS TAMBERMA
DOCUMENT 20
Le calendrier des activités sociales et agricoles est
immuable et rythme la vie des tamberma. Ainsi, la vie religieuse et sociale est
indissociable des travaux agricoles, tous deux, étroitement liés,
sont apposés sur le même emploi du temps (Deletage, V, 1997,
texte, tableau et cliché)
dans le temps et dans l'espace. Elles constituent des
systèmes normatifs, des repères pour la communauté, et
intègrent ou s'approprient l'innovation, si celle-ci est jugée
efficace. Même si elle s'avère souvent précaire face aux
crises, la tradition ne peut être assimilée à
l'immobilisme. Ainsi liées aux milieux par les images mentales, les
représentations des hommes se retrouvent donc également dans la
gestion de la ressource, sous de multiples configurations : «
Contrairement à ce qui se passe en Occident, les aspects techniques ne
sont pas isolés des considérations sociales ou
magico-religieuses. Ils en sont bien souvent indissociables. C'est sans doute
ce qui les rend à la fois difficiles à comprendre et à
prendre en considération par l'observateur extérieur. >>
(Rossi, G., 2000)
« Les savoirs écologiques, bien qu'ils ne soient
pas conçus et utilisés consciemment comme tels1, font
partie de toutes les cultures du monde tropical >> (Rossi, G., 2000). Or,
bien souvent, les structures exogènes (Etat, ONG, organismes
internationaux de gestion de l'environnement... etc.) interviennent dans les
processus autochtones afin de « rationaliser >>, ou «
d'optimiser >> les pratiques de gestion de la ressource. Pour justifier
leur démarche interventionniste, elles invoquent le caractère
« prédateur >> et « destructeur >> des modes de
mise en valeur des sociétés « sousdéveloppées
>>, et implantent des programmes de développement (et leurs lots
d'innovations), ainsi que des projets de protection de l'environnement.
Ce que nous observons à travers les paysages ce n'est
pas seulement un écosystème plus ou moins transformé, mais
aussi l'empreinte d'un système social, avec ses propres
représentations du milieu, ses rationalités de gestion de la
ressource et ses stratégies de limitation du risque.
Ces pratiques d'organisation des activités productives
s'expriment notamment à travers les représentations des cycles
climatiques2, dont les rythmes et les aléas ont une
corrélation étroite avec des rites ou des
cérémonies agricoles sur fond social (voir doc.20). Sur ce point,
les sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique
Centrale marquent, par les représentations des éléments du
milieu et de leurs cycles, les calendriers des modes de mise en valeur. Ces
rituels agricoles ou sociaux témoignent d'une certaine vision des
dynamiques biophysiques du milieu. L'importation dans ces systèmes
socio-agricoles de techniques ou de cultures nouvelles par des organismes
exogènes échoue souvent car leur valorisation
nécessiterait des transformation des calendriers auxquels les
populations sont attachées. Ces rituels, rythmés par les cycles
et les représentations que s'en font les populations, restent des
repères socio-culturels forts, de véritables
éléments de cohésion sociale. De plus ils garantissent au
groupe le maintien de la production agricole en adéquation avec ses
objectifs, qui ne tendent pas toujours vers l'optimisation : d'après
P-M. Decoudras (1997), « leurs logiques ne poussent pas
nécessairement les paysans à optimiser leurs productions et leurs
revenus, contrairement à la vision technocratique exogène du
développement >>. Ainsi, la praxis agricole des
sociétés des hautes terres de notre terrain d'étude
recèle de
1 De manière « rationnelle >>, «
scientifique >>, « optimale >>...
2 Et donc agricoles.
ARBRES SACRÉS ET FÉTICHISME
1 2
DOCUMENT 21
4
1: fétiche au pied d'un baobab sacré en pays
Tamberma (Deletage, V., 1998)
2: bois sacré et cimetière en pays Tamberma
(Deletage, V., 1998)
3: Diable de la brousse Toma, Guinée forestière
(Saulnier, T., 1953)
4: forêt sacrée dans le Fouta-Djalon.(Beuriot, M
& Leyle D., 2000)
3
79 bis
multiples rites et cérémonies,
conditionnés par les représentations du milieu, et elle participe
à la fois à l'activité productive, mais également
à la cohésion socioculturelle du groupe.
Nous traiterons ici dans le détail l'exemple de
l'arbre, élément important du paysage et des systèmes
agraires en Afrique : par sa composition et par le rôle qui lui est
assigné, le peuplement arboré de l'espace agricole apparaît
comme révélateur de la stratégie que chaque
société conduit à l'égard du milieu où elle
est insérée (Pélissier, P.). Marquage foncier,
élément productif et protecteur des sols des systèmes
agro-sylvo-pastoraux, ressource en bois, symbole sacré ou encore source
d'ombre pour les palabres, l'arbre marque par sa forte présence les
paysages des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale. Il est
ainsi visible dans les paysages sous plusieurs formes : isolée, espaces
boisés, parcs arborés, haies vives...etc. D'après Deletage
V., (1998), il est un composant fondamental dans l'expression des croyances et
dans la pratique des rites, notamment pour les religions animistes.
Sur les Hautes Terres de l'Ouest camerounais, les arbres
sacrés des chefferies se localisent toujours dans les bas de pentes
humides, et les vallons hydromorphes à raphiales1. Le vieux
et grand Ficus est un symbole royal2, et les kapokiers, fromagers ou
canariums, symbolisent les âmes des ancêtres, et font
référence aux fonctionnement des institutions traditionnelles des
sociétés secrètes qui s'y abritent (voir doc.21 et
doc.18). Dans le Fouta-Djalon, l'implantation d'une tapade est
symbolisée par la plantation d'un arbre, souvent un oranger, et signe
l'appropriation foncière3 ; on retrouve également de
multiples variétés arborées dans les haies vives qui
structurent le bocage, qui derrière des fonctions agronomiques et
productives, sont les gardiens des tapades contre les mauvais esprits, et les
protecteurs de leurs habitants (voir doc. 15 et 16).
Les représentations de l'arbre sont ainsi visibles dans
le paysage : les forêts sacrées en constituent des témoins.
Dédiées aux divinités et aux esprits, elles
représentent l'empreinte visible de la présence de forces
surnaturelles qui vivent dans une dimension parallèle à celle des
humains ; ce que Deletage V. (1998) appelle « un pont entre les deux
mondes », concrétisation des relations que les hommes ont
tissé avec les esprits. En pays Tamberma, les bois sacrés,
représentent le lieu de rencontre des âmes des ancêtres et
des âmes des vivants : n'ayant pas tous la même fonction mystique,
certains sont les domaines de fétiches4 alors que d'autres
1 Même si celles-ci sont relativement récentes,
jouent un rôle essentiel dans les actes de la vie sociale, par les
matériaux et les produits divers qu'on en retire et surtout par le vin
de raphia qu'on y récolte et qui participe à toutes les libations
et de la simple politesse vis à vis des hôtes (d'après
Morin, S., 1996)
2 « Le Ficus est le plus grand arbre de la montagne : il
est grand comme le prince » (Vincent, J.F., 1991)
3 Dans les haies vives dans les montagnes humides du Cameroun,
cette fonction est remplie par le Cang, (Ficus agnophila Hutch) que
l'on retrouve dans toutes les concessions. Le plus souvent, cette fonction
d`appropriation est symbolisée, marquée par des Fromagers (Ceiba
pentanda).
4 Dans la religion animiste, un fétiche représente
un abri pour l'âme de l'être ou de l'animal
vénéré décédé.
accueillent des démons1 redoutés ou
les sépultures des défunts. Sur les hautes terres humides du
Cameroun, les forêts situées aux marges du territoire sont
perçues de manière négative, peuplées de
génies malfaisants : elles représentent l'au-delà,
l'ailleurs, alors que les bois sacrés des chefferies, Domaine des Dieux
du lignage, donnent une image rassurante (Morin, S., 1996); ces sanctuaires
forestiers représentent un repère identitaire2.
Demeures de divinités et des ancêtres,
territoires des sorciers, des prêtres et des chefs, les forêts
sacrées baignent dans une multitude de représentations et de
privilèges, d'interdit, de tabous : dans celles des Kabyés du
Togo, toute utilisation prédatrice de la ressource forestière est
strictement prohibée, au risque de provoquer la colère des
esprits qui se manifestent par des phénomènes paroxysmiques, et
qui sont responsables de dégâts que la communauté devra
réparer par des sacrifices et des offrandes. La majorité de ces
espaces sacrés servent de semencier pour des espèces utiles, de
réserve de pharmacopée traditionnelle, de coupe-vent, de
protection des versants et des têtes de sources3. On constate
alors que derrière le sacré se cache le souci de gestion et de
protection de la ressource polymodale et multifonctionnelle que
représente l'arbre (D'après Rossi, G., 2000 et Deletage, V.,
1998).
Or, depuis la colonisation, les Etats et les organismes
internationaux implantent des projets de gestion de la ressource en bois, de
protection de la biodiversité forestière, ou de réduction
de l'érosion des versants. Ils fondent leurs actions sur des postulats
scientifiques hérités de cette époque, qui remettent en
cause les pratiques paysannes, mettant en avant << l'irrationalité
» du pastoralisme et << l'inconscience » des feux de brousse,
et qui s'inspirent d'une vision fonctionnelle et esthétique de l'espace.
Dans le Fouta-Djalon, l'exemple de Hooré Dimma approché plus haut
évoquait les incompréhensions des communautés à
l'égard de la science et des techniques des << Blancs » (voir
doc.19 et annexe 13 ).
Un autre exemple peut argumenter cette incohérence : le
projet de << Restauration et de protection du massif du Fouta-Djalon
» (André et Pestana, 1998, Rossi, G., 2000). Fondé sur un
récit alarmiste d'experts, mal renseignés sur la
réalité de la dégradation des sols (voir annexe 14), le
projet fut instauré par l'OUA en 1979 et financé dans ses
différents volets par de multiples bailleurs de fonds
(Coopération française, FED, USAID, PNUD, FAO...). Le
Fouta-Djalon fut décrété (abusivement) <<
château d'eau d'Afrique de l'Ouest » ; il est donc devenu un enjeu
majeur pour les pays dont les ressources en eau dépendent des fleuves
qui y naissent. Pour protéger cette ressource << en danger »
le projet préconise alors la protection des formations
forestières, qui conditionnent la pérennité des
débits et donc la sécurité
1 Démons et génies des bois sacrés se
rapportent généralement à un esprit, une entité
invisible.
2 La forêt sacrée est avant tout
considérée comme un lieu de culte et de recueillement. Elle est
également la preuve indiscutable de l'existence légale d'un
groupe et de ses droits sur le sol ; elle est la mémoire du
territoire.
3 <<[ En pays Tamberma,] ces bois sont parfois
arrosés par des marigots, il peut même arriver que le long du
piémont atacorien, des sources y soient localisées. Ces cours
d'eau sont considérés eux aussi comme sacrés dans le
périmètre du bois, car ils permettent aux esprits de s'abreuver.
»(Deletage, V, 1997)
ARBRES, MODERNITÉ ET CONSERVATION
Aménagements de haies coupe-vent « modernes
>> mis en place par la FAO. Ces plantations rectilignes de
résineux sont destinées à faciliter la mise en culture
tout en protégeant le sol de l'abrasion éolienne et de
l'évapotranspiration. Les haies sont entretenues par les paysans, qui
touchent les rétributions du projet, mais que ces réalisation
font plus rire qu'elles ne sont efficaces. Les colons, puis les administrations
qui suivirent ont reboisé de manière sporadique certaines zones
du Fouta-Djalon de plantations monospécifiques. Des résineux, la
« mode >> est passée à
celle de l'eucalyptus. (Cliché: Beuriot, M, &
Leyle D., 2000)
81 bis
Dans le village de Lelato (sous-préfecture de
Daralabé), situé juste en bordure Est de la forêt
classée de Daralabé, les habitants revendiquent des terres ayant
appartenues à leurs ancêtres dans le périmètre
même de la forêt, alors que ce site classé existe depuis la
colonisation (enquêtes personnelles).
Depuis ce temps, il se plaignent auprès des technicien
forestiers de dégâts de la faune dans leur tapades proche et des
risques que constitue la traversée de la forêt; celle-ci est en
effet réputée jusqu'à Labé (25km au Nord) pour
être un domaine de bandits dans lequel il ne vaut mieux pas tomber en
panne de moto...
Carte IGN, 1958, 1/50000 modifiée
DOCUMENT 22
hydraulique en aval, et les reboisements
monospécifiques1 (voir doc.22). « Depuis la
période coloniale, la dégradation des milieux dans le Fouta est
donc systématiquement dénoncée [par les autorités
successives et les organismes internationaux]. Elle est toujours
présentée comme la conséquence directe des pratiques
paysannes extensives. >> (André et Pestana, 1998, Rossi, G.,
2000). Pourtant, la réalité offre un bien autre visage : le
couvert forestier progresse et l'érosion est inexistante2
(voir annexe 13). Les discours malthusiens des premiers explorateurs et
administrateurs, catastrophistes et urgentistes, ont ainsi construit les
représentations scientifiques contemporaines du phénomène
de la dégradation du milieu dans la massif du Fouta-Djalon. Pour Rossi,
G, ce projet illustre l'inertie des représentations dans le temps. Cela
dit, la permanence de ces contre-vérités scientifiques cache
aussi des intérêts financiers et géopolitiques certains
pour l'Etat guinéen et les organismes intervenant sur
place3.
Ainsi, au détriment d'une gestion traditionnelle
efficace qui répond à des représentations et à des
rationalités différentes de celles des intervenants, les
boisements sont protégés là où les populations les
utilisent et les gèrent parfaitement (réserves, forêts
classées, opérations de reboisement), et sont parfois
supprimés, ou remplacés par des formations
monospécifiques, là où leur valeur productive et
symbolique est fondamentale pour les communautés (voir doc. 15 et
16).
Les représentations autour de l'arbre et les valeurs
sociales qu'elles véhiculent sont largement négligées ;
comme par exemple au Togo où le code forestier de 1987, destiné
à gérer juridiquement toutes les forêts du pays, incorpore
sans distinctions les bois sacrés qui deviennent ainsi des domaines
administrés par l'Etat.
Les représentations du milieu s'expriment ainsi sous de
multiples formes dans le rapport à l'espace des sociétés
des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale.
On peut distinguer de manière générique
deux types de rapports des hommes à leur milieu : une relation
orientée vers le fonctionnalisme et le matérialisme pour les
populations de tradition judéo-chrétienne et islamique, alors que
dans les sociétés animistes, l'homme n'est pas opposé
à la nature : il en fait partie intégrante (voir note 24)
(D'après Rossi, G., 2000). Ces rapports au milieu conditionnent les
représentations des individus et de leurs groupes. Ils confortent la
communauté et contribuent au façonnement des stratégies de
reproduction du groupe, au niveau socioculturel, mais également au
niveau des activités de production et de la gestion de ces
écosystèmes.
Dans leurs représentations du territoire, on remarque
que la vision traditionnelle est celle d'un espace binaire4,
où les positions d'acteur endogène et
1 « Les innombrables entreprises de reboisement
illustrent mieux que n'importe quel autre domaine la conception
désarticulée de l'environnement qui préside aux
opérations contemporaines d'aménagement. >> (Pellisier, P,
1981)
2
4 nature humanisée/nature sauvage.
3 Ecologie business ?
« Le mot érosion n'apparaît que pour dire
qu'elle n'existe pas dans la région >> (Bidou, J-E., 2000)
1 On pourrait aussi bien dire tout espace ou toute formation
socio-spatiale.
d'acteur exogène se prêtent à des
représentations identifiables. Mais comme le précise Braudel
(1986), « tout village1 a beau faire, il ne se suffira jamais
à lui même. Toute communauté à besoin d'une
indispensable ouverture ». Par exemple, les migrations des populations et
les activités commerciales ont toujours participé aux logiques et
aux stratégies des sociétés, dans la gestion de la
ressource et la minimisation des risques.
Les unités socio-spatiales villageoises des hautes
terres de notre terrain d'étude doivent ainsi être abordés
comme les éléments d'un réseau, à
l'intérieur de systèmes dynamiques. Cette approche se justifie
d'autant plus que les contextes contemporains de ces sociétés
intègrent progressivement les populations montagnardes (plus ou moins
enclavées) aux réseaux supérieurs nationaux et
internationaux.
CHAPITRE 3 :
AU-DELÀ DE LA SOCIÉTÉ ET DE SON TERRITOIRE : LES VISIONS
DU MONDE EXTÉRIEUR ET DE SES ACTEURS.
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Même si elles restent fortement attachées
à leur territoire local, les communautés des hautes terres
d'Afrique Centrale et d'Afrique de l'Ouest entretiennent tout de même des
liens avec « le monde extérieur ». Nous l'avons
précédemment vu, les espaces et les aires qui s'étendent
au-delà du territoire et de l'espace vécu des individus
contribuent à la formation de représentations, d'images d'une
réalité déformée ou imaginée.
Or depuis la colonisation, de multiples structures,
organisations et administrations interviennent, souvent physiquement par des
actions, dans les territoires des sociétés, sur leur
système productif ou encore sur leurs pratiques de gestion de la
ressource. Ces « étrangers » soumettent depuis plusieurs
générations les communautés à des projets et
à des politiques. Nous avons montré par des exemples que
l'interventionnisme exogène de ces acteurs est loin de faire
l'unanimité au sein des sociétés des hautes terres
d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale : généralement il ne
correspond pas à leurs besoins réels, si toutefois elles
considèrent la nécessité d'une aide.
Ainsi, face à l'intervention sur leur territoire
d'acteurs transitionnels, les émigrés, et surtout les acteurs
exogènes, l'Etat, les projets, les opérateurs
privés1 ou encore les ONG, on peut s'interroger sur les
représentations des populations à leur égard et à
celles de leurs actions. Nous pourrons alors mettre en opposition deux visions
différentes du réel ou chacun raisonne selon ses
intérêts et ses représentations.
1 Ces acteurs privés, souvent motivés par des
intérêts économiques, ne seront pas abordés en
profondeur, conformément à notre démarche qui s'appuie sur
les actions institutionnelles; cela dit, leur rôle ne doit pas être
négligé.
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