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Les représentations dans la géographie : une approche à valoriser dans les pays du Sud (l'exemple des hautes terres d'afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale

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par David Leyle
Université Bordeaux 3 - DEA de géographie 2001
  

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2 LES REPRÉSENTATIONS DU MILIEU DANS LE SYSTÈME PRODUCTIF : D'AUTRES RATIONALITÉS

La longue familiarité des pratiques, des besoins esthétiques et leurs besoins spirituels des communautés du Sud confère aux éléments du milieu, et à leurs interrelations dans les écosystèmes, une valeur symbolique et rituelle qui en est indissociable et qui conditionne largement leur usage (Gallais, J., 1974).

On en revient de ce fait à l'implication des représentations dans le système productif, qui dans le cadre de notre terrain d'étude, est principalement basé sur l'activité agricole. L'artisanat, la production industrielle ou encore le commerce sont rarement des activités centrales dans les stratégies de reproduction des sociétés ; ces activités occupent plutôt une fonction secondaire. Cependant il s'agit de réintégrer chaque groupe social étudié dans son contexte géographique et socioéconomique pour mieux cerner les représentations et leurs portées spatiales.

Quel est le rapport à la ressource ? Leurs conditions d'accès ? Les signes de reconnaissance dans les paysages ? Quelle est la part des rituels et des recettes techniques dans les modes de mise en valeur ? Les représentations que se font les individus et leurs groupes du milieu écologique, fortement influencées par les croyances religieuses et populaires, se retrouvent dans les modes de mise en valeur des ressources par les populations.

Jusqu'à présent, de nombreux exemples abordés nous ont mis sur la voie des logiques et des stratégies de gestion du milieu par les sociétés, qu'on retrouve sous des formes d'adaptation aux potentialités du milieu et dans l'étendue des pratiques de gestion de la ressource disponible. Ces logiques de gestion tendent vers un seul et même but : la reproduction de la communauté, ou du moins de la strate sociale, clanique ou familiale à laquelle les individus s`identifient.

Elles s'affirment souvent par des savoirs et des pratiques empiriques, résultat des expériences et de leurs enseignements parfois multiséculaires1. Ces stratégies de gestion de la ressource suivent donc les dynamiques du milieu et des sociétés

CALENDRIER DES ACTIVITES EN PAYS TAMBERMA

DOCUMENT 20

Le calendrier des activités sociales et agricoles est immuable et rythme la vie des tamberma. Ainsi, la vie religieuse et sociale est indissociable des travaux agricoles, tous deux, étroitement liés, sont apposés sur le même emploi du temps (Deletage, V, 1997, texte, tableau et cliché)

dans le temps et dans l'espace. Elles constituent des systèmes normatifs, des repères pour la communauté, et intègrent ou s'approprient l'innovation, si celle-ci est jugée efficace. Même si elle s'avère souvent précaire face aux crises, la tradition ne peut être assimilée à l'immobilisme. Ainsi liées aux milieux par les images mentales, les représentations des hommes se retrouvent donc également dans la gestion de la ressource, sous de multiples configurations : « Contrairement à ce qui se passe en Occident, les aspects techniques ne sont pas isolés des considérations sociales ou magico-religieuses. Ils en sont bien souvent indissociables. C'est sans doute ce qui les rend à la fois difficiles à comprendre et à prendre en considération par l'observateur extérieur. >> (Rossi, G., 2000)

« Les savoirs écologiques, bien qu'ils ne soient pas conçus et utilisés consciemment comme tels1, font partie de toutes les cultures du monde tropical >> (Rossi, G., 2000). Or, bien souvent, les structures exogènes (Etat, ONG, organismes internationaux de gestion de l'environnement... etc.) interviennent dans les processus autochtones afin de « rationaliser >>, ou « d'optimiser >> les pratiques de gestion de la ressource. Pour justifier leur démarche interventionniste, elles invoquent le caractère « prédateur >> et « destructeur >> des modes de mise en valeur des sociétés « sousdéveloppées >>, et implantent des programmes de développement (et leurs lots d'innovations), ainsi que des projets de protection de l'environnement.

Ce que nous observons à travers les paysages ce n'est pas seulement un écosystème plus ou moins transformé, mais aussi l'empreinte d'un système social, avec ses propres représentations du milieu, ses rationalités de gestion de la ressource et ses stratégies de limitation du risque.

Ces pratiques d'organisation des activités productives s'expriment notamment à travers les représentations des cycles climatiques2, dont les rythmes et les aléas ont une corrélation étroite avec des rites ou des cérémonies agricoles sur fond social (voir doc.20). Sur ce point, les sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale marquent, par les représentations des éléments du milieu et de leurs cycles, les calendriers des modes de mise en valeur. Ces rituels agricoles ou sociaux témoignent d'une certaine vision des dynamiques biophysiques du milieu. L'importation dans ces systèmes socio-agricoles de techniques ou de cultures nouvelles par des organismes exogènes échoue souvent car leur valorisation nécessiterait des transformation des calendriers auxquels les populations sont attachées. Ces rituels, rythmés par les cycles et les représentations que s'en font les populations, restent des repères socio-culturels forts, de véritables éléments de cohésion sociale. De plus ils garantissent au groupe le maintien de la production agricole en adéquation avec ses objectifs, qui ne tendent pas toujours vers l'optimisation : d'après P-M. Decoudras (1997), « leurs logiques ne poussent pas nécessairement les paysans à optimiser leurs productions et leurs revenus, contrairement à la vision technocratique exogène du développement >>. Ainsi, la praxis agricole des sociétés des hautes terres de notre terrain d'étude recèle de

1 De manière « rationnelle >>, « scientifique >>, « optimale >>...

2 Et donc agricoles.

ARBRES SACRÉS ET FÉTICHISME

1 2

DOCUMENT 21

4

1: fétiche au pied d'un baobab sacré en pays Tamberma (Deletage, V., 1998)

2: bois sacré et cimetière en pays Tamberma (Deletage, V., 1998)

3: Diable de la brousse Toma, Guinée forestière (Saulnier, T., 1953)

4: forêt sacrée dans le Fouta-Djalon.(Beuriot, M & Leyle D., 2000)

3

79 bis

multiples rites et cérémonies, conditionnés par les représentations du milieu, et elle participe à la fois à l'activité productive, mais également à la cohésion socioculturelle du groupe.

Nous traiterons ici dans le détail l'exemple de l'arbre, élément important du paysage et des systèmes agraires en Afrique : par sa composition et par le rôle qui lui est assigné, le peuplement arboré de l'espace agricole apparaît comme révélateur de la stratégie que chaque société conduit à l'égard du milieu où elle est insérée (Pélissier, P.). Marquage foncier, élément productif et protecteur des sols des systèmes agro-sylvo-pastoraux, ressource en bois, symbole sacré ou encore source d'ombre pour les palabres, l'arbre marque par sa forte présence les paysages des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale. Il est ainsi visible dans les paysages sous plusieurs formes : isolée, espaces boisés, parcs arborés, haies vives...etc. D'après Deletage V., (1998), il est un composant fondamental dans l'expression des croyances et dans la pratique des rites, notamment pour les religions animistes.

Sur les Hautes Terres de l'Ouest camerounais, les arbres sacrés des chefferies se localisent toujours dans les bas de pentes humides, et les vallons hydromorphes à raphiales1. Le vieux et grand Ficus est un symbole royal2, et les kapokiers, fromagers ou canariums, symbolisent les âmes des ancêtres, et font référence aux fonctionnement des institutions traditionnelles des sociétés secrètes qui s'y abritent (voir doc.21 et doc.18). Dans le Fouta-Djalon, l'implantation d'une tapade est symbolisée par la plantation d'un arbre, souvent un oranger, et signe l'appropriation foncière3 ; on retrouve également de multiples variétés arborées dans les haies vives qui structurent le bocage, qui derrière des fonctions agronomiques et productives, sont les gardiens des tapades contre les mauvais esprits, et les protecteurs de leurs habitants (voir doc. 15 et 16).

Les représentations de l'arbre sont ainsi visibles dans le paysage : les forêts sacrées en constituent des témoins. Dédiées aux divinités et aux esprits, elles représentent l'empreinte visible de la présence de forces surnaturelles qui vivent dans une dimension parallèle à celle des humains ; ce que Deletage V. (1998) appelle « un pont entre les deux mondes », concrétisation des relations que les hommes ont tissé avec les esprits. En pays Tamberma, les bois sacrés, représentent le lieu de rencontre des âmes des ancêtres et des âmes des vivants : n'ayant pas tous la même fonction mystique, certains sont les domaines de fétiches4 alors que d'autres

1 Même si celles-ci sont relativement récentes, jouent un rôle essentiel dans les actes de la vie sociale, par les matériaux et les produits divers qu'on en retire et surtout par le vin de raphia qu'on y récolte et qui participe à toutes les libations et de la simple politesse vis à vis des hôtes (d'après Morin, S., 1996)

2 « Le Ficus est le plus grand arbre de la montagne : il est grand comme le prince » (Vincent, J.F., 1991)

3 Dans les haies vives dans les montagnes humides du Cameroun, cette fonction est remplie par le Cang, (Ficus agnophila Hutch) que l'on retrouve dans toutes les concessions. Le plus souvent, cette fonction d`appropriation est symbolisée, marquée par des Fromagers (Ceiba pentanda).

4 Dans la religion animiste, un fétiche représente un abri pour l'âme de l'être ou de l'animal vénéré décédé.

accueillent des démons1 redoutés ou les sépultures des défunts. Sur les hautes terres humides du Cameroun, les forêts situées aux marges du territoire sont perçues de manière négative, peuplées de génies malfaisants : elles représentent l'au-delà, l'ailleurs, alors que les bois sacrés des chefferies, Domaine des Dieux du lignage, donnent une image rassurante (Morin, S., 1996); ces sanctuaires forestiers représentent un repère identitaire2.

Demeures de divinités et des ancêtres, territoires des sorciers, des prêtres et des chefs, les forêts sacrées baignent dans une multitude de représentations et de privilèges, d'interdit, de tabous : dans celles des Kabyés du Togo, toute utilisation prédatrice de la ressource forestière est strictement prohibée, au risque de provoquer la colère des esprits qui se manifestent par des phénomènes paroxysmiques, et qui sont responsables de dégâts que la communauté devra réparer par des sacrifices et des offrandes. La majorité de ces espaces sacrés servent de semencier pour des espèces utiles, de réserve de pharmacopée traditionnelle, de coupe-vent, de protection des versants et des têtes de sources3. On constate alors que derrière le sacré se cache le souci de gestion et de protection de la ressource polymodale et multifonctionnelle que représente l'arbre (D'après Rossi, G., 2000 et Deletage, V., 1998).

Or, depuis la colonisation, les Etats et les organismes internationaux implantent des projets de gestion de la ressource en bois, de protection de la biodiversité forestière, ou de réduction de l'érosion des versants. Ils fondent leurs actions sur des postulats scientifiques hérités de cette époque, qui remettent en cause les pratiques paysannes, mettant en avant << l'irrationalité » du pastoralisme et << l'inconscience » des feux de brousse, et qui s'inspirent d'une vision fonctionnelle et esthétique de l'espace. Dans le Fouta-Djalon, l'exemple de Hooré Dimma approché plus haut évoquait les incompréhensions des communautés à l'égard de la science et des techniques des << Blancs » (voir doc.19 et annexe 13 ).

Un autre exemple peut argumenter cette incohérence : le projet de << Restauration et de protection du massif du Fouta-Djalon » (André et Pestana, 1998, Rossi, G., 2000). Fondé sur un récit alarmiste d'experts, mal renseignés sur la réalité de la dégradation des sols (voir annexe 14), le projet fut instauré par l'OUA en 1979 et financé dans ses différents volets par de multiples bailleurs de fonds (Coopération française, FED, USAID, PNUD, FAO...). Le Fouta-Djalon fut décrété (abusivement) << château d'eau d'Afrique de l'Ouest » ; il est donc devenu un enjeu majeur pour les pays dont les ressources en eau dépendent des fleuves qui y naissent. Pour protéger cette ressource << en danger » le projet préconise alors la protection des formations forestières, qui conditionnent la pérennité des débits et donc la sécurité

1 Démons et génies des bois sacrés se rapportent généralement à un esprit, une entité invisible.

2 La forêt sacrée est avant tout considérée comme un lieu de culte et de recueillement. Elle est également la preuve indiscutable de l'existence légale d'un groupe et de ses droits sur le sol ; elle est la mémoire du territoire.

3 <<[ En pays Tamberma,] ces bois sont parfois arrosés par des marigots, il peut même arriver que le long du piémont atacorien, des sources y soient localisées. Ces cours d'eau sont considérés eux aussi comme sacrés dans le périmètre du bois, car ils permettent aux esprits de s'abreuver. »(Deletage, V, 1997)

ARBRES, MODERNITÉ ET CONSERVATION

Aménagements de haies coupe-vent « modernes >> mis en place par la FAO. Ces plantations rectilignes de résineux sont destinées à faciliter la mise en culture tout en protégeant le sol de l'abrasion éolienne et de l'évapotranspiration. Les haies sont entretenues par les paysans, qui touchent les rétributions du projet, mais que ces réalisation font plus rire qu'elles ne sont efficaces. Les colons, puis les administrations qui suivirent ont reboisé de manière sporadique certaines zones du Fouta-Djalon de plantations monospécifiques. Des résineux, la « mode >> est passée à

celle de l'eucalyptus. (Cliché: Beuriot, M, & Leyle D., 2000)

81 bis

Dans le village de Lelato (sous-préfecture de Daralabé), situé juste en bordure Est de la forêt classée de Daralabé, les habitants revendiquent des terres ayant appartenues à leurs ancêtres dans le périmètre même de la forêt, alors que ce site classé existe depuis la colonisation (enquêtes personnelles).

Depuis ce temps, il se plaignent auprès des technicien forestiers de dégâts de la faune dans leur tapades proche et des risques que constitue la traversée de la forêt; celle-ci est en effet réputée jusqu'à Labé (25km au Nord) pour être un domaine de bandits dans lequel il ne vaut mieux pas tomber en panne de moto...

Carte IGN, 1958, 1/50000 modifiée

DOCUMENT 22

hydraulique en aval, et les reboisements monospécifiques1 (voir doc.22). « Depuis la période coloniale, la dégradation des milieux dans le Fouta est donc systématiquement dénoncée [par les autorités successives et les organismes internationaux]. Elle est toujours présentée comme la conséquence directe des pratiques paysannes extensives. >> (André et Pestana, 1998, Rossi, G., 2000). Pourtant, la réalité offre un bien autre visage : le couvert forestier progresse et l'érosion est inexistante2 (voir annexe 13). Les discours malthusiens des premiers explorateurs et administrateurs, catastrophistes et urgentistes, ont ainsi construit les représentations scientifiques contemporaines du phénomène de la dégradation du milieu dans la massif du Fouta-Djalon. Pour Rossi, G, ce projet illustre l'inertie des représentations dans le temps. Cela dit, la permanence de ces contre-vérités scientifiques cache aussi des intérêts financiers et géopolitiques certains pour l'Etat guinéen et les organismes intervenant sur place3.

Ainsi, au détriment d'une gestion traditionnelle efficace qui répond à des représentations et à des rationalités différentes de celles des intervenants, les boisements sont protégés là où les populations les utilisent et les gèrent parfaitement (réserves, forêts classées, opérations de reboisement), et sont parfois supprimés, ou remplacés par des formations monospécifiques, là où leur valeur productive et symbolique est fondamentale pour les communautés (voir doc. 15 et 16).

Les représentations autour de l'arbre et les valeurs sociales qu'elles véhiculent sont largement négligées ; comme par exemple au Togo où le code forestier de 1987, destiné à gérer juridiquement toutes les forêts du pays, incorpore sans distinctions les bois sacrés qui deviennent ainsi des domaines administrés par l'Etat.

Les représentations du milieu s'expriment ainsi sous de multiples formes dans le rapport à l'espace des sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale.

On peut distinguer de manière générique deux types de rapports des hommes à leur milieu : une relation orientée vers le fonctionnalisme et le matérialisme pour les populations de tradition judéo-chrétienne et islamique, alors que dans les sociétés animistes, l'homme n'est pas opposé à la nature : il en fait partie intégrante (voir note 24) (D'après Rossi, G., 2000). Ces rapports au milieu conditionnent les représentations des individus et de leurs groupes. Ils confortent la communauté et contribuent au façonnement des stratégies de reproduction du groupe, au niveau socioculturel, mais également au niveau des activités de production et de la gestion de ces écosystèmes.

Dans leurs représentations du territoire, on remarque que la vision traditionnelle est celle d'un espace binaire4, où les positions d'acteur endogène et

1 « Les innombrables entreprises de reboisement illustrent mieux que n'importe quel autre domaine la conception désarticulée de l'environnement qui préside aux opérations contemporaines d'aménagement. >> (Pellisier, P, 1981)

2

4 nature humanisée/nature sauvage.

3 Ecologie business ?

« Le mot érosion n'apparaît que pour dire qu'elle n'existe pas dans la région >> (Bidou, J-E., 2000)

1 On pourrait aussi bien dire tout espace ou toute formation socio-spatiale.

d'acteur exogène se prêtent à des représentations identifiables. Mais comme le précise Braudel (1986), « tout village1 a beau faire, il ne se suffira jamais à lui même. Toute communauté à besoin d'une indispensable ouverture ». Par exemple, les migrations des populations et les activités commerciales ont toujours participé aux logiques et aux stratégies des sociétés, dans la gestion de la ressource et la minimisation des risques.

Les unités socio-spatiales villageoises des hautes terres de notre terrain d'étude doivent ainsi être abordés comme les éléments d'un réseau, à l'intérieur de systèmes dynamiques. Cette approche se justifie d'autant plus que les contextes contemporains de ces sociétés intègrent progressivement les populations montagnardes (plus ou moins enclavées) aux réseaux supérieurs nationaux et internationaux.

CHAPITRE 3 :
AU-DELÀ DE LA SOCIÉTÉ ET DE SON TERRITOIRE : LES VISIONS DU MONDE EXTÉRIEUR ET DE SES ACTEURS.

Même si elles restent fortement attachées à leur territoire local, les communautés des hautes terres d'Afrique Centrale et d'Afrique de l'Ouest entretiennent tout de même des liens avec « le monde extérieur ». Nous l'avons précédemment vu, les espaces et les aires qui s'étendent au-delà du territoire et de l'espace vécu des individus contribuent à la formation de représentations, d'images d'une réalité déformée ou imaginée.

Or depuis la colonisation, de multiples structures, organisations et administrations interviennent, souvent physiquement par des actions, dans les territoires des sociétés, sur leur système productif ou encore sur leurs pratiques de gestion de la ressource. Ces « étrangers » soumettent depuis plusieurs générations les communautés à des projets et à des politiques. Nous avons montré par des exemples que l'interventionnisme exogène de ces acteurs est loin de faire l'unanimité au sein des sociétés des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale : généralement il ne correspond pas à leurs besoins réels, si toutefois elles considèrent la nécessité d'une aide.

Ainsi, face à l'intervention sur leur territoire d'acteurs transitionnels, les émigrés, et surtout les acteurs exogènes, l'Etat, les projets, les opérateurs privés1 ou encore les ONG, on peut s'interroger sur les représentations des populations à leur égard et à celles de leurs actions. Nous pourrons alors mettre en opposition deux visions différentes du réel ou chacun raisonne selon ses intérêts et ses représentations.

1 Ces acteurs privés, souvent motivés par des intérêts économiques, ne seront pas abordés en profondeur, conformément à notre démarche qui s'appuie sur les actions institutionnelles; cela dit, leur rôle ne doit pas être négligé.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault