WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les représentations dans la géographie : une approche à valoriser dans les pays du Sud (l'exemple des hautes terres d'afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale

( Télécharger le fichier original )
par David Leyle
Université Bordeaux 3 - DEA de géographie 2001
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

TROISIÈME PARTIE :

TENTATIVE D'APPROCHE DES REPRÉSENTATIONS

POUR UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION DES

LOGIQUES SOCIO-SPATIALES: UNE CARENCE DE

L'INTERVENTIONNISME DES STRUCTURES

EXOGÈNES.

Barrage de Foduyé envasé, sur les hauts plateaux centraux du Fouta-Djalon (Labé-Timbi), construit par un projet pour irriguer des parcelles ; quelques années après la départ du projet, le barrage et les canaux sont progressivement abandonnés. Miné par le manque de moyens pour entretenir la structure et par les tensions sociales internes aux participants, le développement voulu par le projet n'aura pas été durable du tout..

INTRODUCTION

« Penser le Sud quand on est du Nord, penser le Nord quand on est du Sud, [...] cela suppose une rupture épistémologique et un renversement de problématique qu'une grande majorité de politiques, de banquiers, de développeurs et de chercheurs ne sont pas encore près à assumer » (Bertrand, G., 20001). La pensée globale des phénomènes, qu'ils soient politiques, socio-économiques ou géographiques apparaît aujourd'hui limitée, décalée par rapport à leurs réalités multiples et changeantes. Chaque société, chaque territoire ne peut plus être abordé de manière générale, avec des outils conceptuels qui émanent d'une vision ethnocentrée d'inspiration occidentale. La compréhension des logiques sociospatiales des hommes s'affirme comme une optique incontournable à l'accompagnement des sociétés dans leur développement, car « ne pas voir le même espace lorsqu'on travaille ensemble est une difficulté majeure, c'est ne pas parler le même langage. » (Rossi, G., 2000).

Nous allons montrer que, jusqu'à présent, la majorité des politiques institutionnelles, mises au point dans des visions globales du développement et de la gestion de l'environnement, s'affranchissent toujours des représentations des hommes, vecteurs des logiques socio-spatiales. Pour cela, nous proposons ici une grille de lecture des représentations que peuvent avoir les sociétés de leur sphère endogène, à savoir leurs rapports sociaux internes et leurs rapports au milieu, mais également de la sphère exogène, le monde extérieur et plus particulièrement les acteurs institutionnels politiques et économiques, nationaux et internationaux. Ainsi, nous orienterons dans un premier temps la réflexion sur l'approche locale des sociétés et de leur environnement, qui reste aujourd'hui la forme de territorialisation des individus la plus aisément observable sur notre terrain d'étude ; nous élargirons ensuite l'échelle des observations.

Cette tentative de trouver des pistes, des faisceaux de représentations des sociétés ne se veut pas exhaustive ; il s'agit plutôt d'une tentative méthodologique d'approche, argumentée d'exemples concrets, le plus possible en rapport avec l'interventionnisme des structures exogènes dans les sociétés et leurs territoires. Identifier les représentations des individus et des sociétés dans un contexte socioéconomique connu facilite la compréhension des logiques socio-spatiales et leurs dynamiques paysagères. Nous pensons que ce type de démarche, si elle était adaptée à la préparations de politiques et de projets dans les pays du Sud, viabiliserait les actions menées. Utopie ?

1 In Rossi, G., 2000

CHAPITRE 1 :
SUR LES TRACES DU TERRITOIRE, LES REPRÉSENTATIONS DE L'HOMME ET DE LA VIE SOCIALE.

65

 

Dans cette tentative de mise en évidence de pistes de recherche pour l'identification et l'interprétation des représentations, nous avons tout d'abord choisi de nous intéresser aux images mentales qui sont construites par l'individu sur luimême (sur lesquelles nous nous attarderons peu) , ainsi que celles émanant de la société à laquelle il appartient, dans sa structure et ses rapports sociaux. En effet, sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, il apparaît que la dynamique et la gestion des paysages des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale s'associent étroitement à l'ensemble du contexte socio-culturel.

Il s'agit ici de « rendre compte de ce qui, dans les attitudes et les comportements des personnes réelles, échappe à la logique agrégative du marché, à l'interaction mécanique des stratégies individuelles et à la recherche rationnelle de l'intérêt personnel, pour s'orienter par référence à la croyance dans l'existence d'une personne collective. » (Di Méo, G., 1991) . Dans cette démarche, Nous nous appuierons sur des exemples de notre terrain d'étude, pour montrer que les représentations, ciment des sociétés et de leur culture, sont trop souvent négligées dans les interventions des projets et des politiques exogènes alors qu'elles facilitent la compréhension de logiques socio-spatiales.

Le bocage est à la fois un mode de gestion de l'agriculture et de l'élevage sur les terroirs peuplés, et un mode de vie, un cadre de vie construit autour de la protection. Ce choix technique motivé par la promiscuité du bétail et des cultures exprime aussi certaines tension sociales exacerbées par la promiscuité des hommes entre eux et les enjeux fonciers. L'habitat ne se conçoit pas sans clôture.

Ainsi, outre la compréhension d'un système d'agroélevage, l'étude des îlots de bocages apporte un éclairage sur les représentations et sur le fonctionnement interne de la communauté rurale (voir carte men-tale ci-contre). Le social et le symbolique se révèlent ici aussi par le géographique (Bonnemaison, 1992). Inversement, le géographique se comprend par le symbolique. Les fonctions symboliques des clôtures contribuent, de manière invisible, à fonder une organisation de l'espace quand à elle bien observa- ble.

Nombre d'observateurs peu attentifs confondent aujourd'hui encore les palissades du Fouta-Djalon avec des clôtures mortes, ne voulant décidément pas voir ou admettre que c'est précisément l'installation de palissades en piquet qui a abouti à la création de forêts réticulaires favorisant à leur tour toute une dynamique naturelle d'enrichissement floristique. Certains projets environnementaux enfermés sur les problèmes de déforestation proposent, sans grand succès, du fil de fer et du grillage pour remplacer les palissades, ignorant que ce changement technique pourrait amorcer la disparition du bocage (voir ci-contre). Absorbés par la question du bois de feu, certains forestiers ont tendance à occulter le rôle des ligneux de la haie qui satisfont les besoins domestiques.

DOCUMENT 15

PRATIQUES ET REPRÉSENTATIONS DE LA HAIE DANS LE FOUTA-DJALON (1)

PRATIQUES ET REPRÉSENTATIONS DE LA HAIE DANS LE FOUTA-DJALON (2)

Quand un individu qui réussit redoute les jalousies de ses semblables et souhaite en particulier se prémunir de son entourage, il s'adresse à un marabout. Il prie le karamoko de l'enclore; aux barrières matérielles que constituent la clôture et la case, on ajoute une clôture symbolique autour du corps, Le hoggugol bandu.

Le karamoko récite alors une formule magique, le coorawol, ou il est question d'un haie contre les sorciers; le karamoko entoure ainsi le plaignant d'un enveloppe symbolique isolante. C'est une véritable barrière, invisible mais bâtie comme un rempart, que le karamoko dresse autour de l'individu pour le protéger des attaques de la sorcellerie.

Le hoggugol bandu mis en place, un sorcier est dans l'incapacité d'exercer son influence maléfique. Jusqu'alors, les clôture matérielles ne pouvaient rien contre le mangeur d'âme. Une simple coorawol entourant celui qui se sent convoité d'un filtre protecteur magique aura suffi à rassurer ce dernier. Ainsi, la clôture se révèle ici aussi comme la pièce maîtresse du corpus des protections magiques. Aussi invisible soit elle, la clôture du corps donne lieu à une représentation réaliste

Textes et documents d'après Lauga-Sallenave, C., 1996

« Construit d'abord ta clôture »

DOCUMENT 16

A travers les clôtures et les barrières de protection symbolique, la société du Fouta-Djalon nous livre les représentations qu'elle se fait de son environnement et des forces invisibles qui l'animent. La multiplicité des haies et l'installation d'autres barrières matérielles et symboliques dans les jardins enclos permettent à chacun de neutraliser tout danger extérieur et de s'isoler de son proche entourage, de ses voisins, de ses parents... La clôture, le toit, la porte, la serrure, en sont des signes. On les retrouve dans la terminologie hoggo et tapade [concession d'un ménage] expriment une volonté de fermeture, et uddidugol, mot pour dire « ouvrir » qui se traduit par « fermer à l'inverse », ainsi que dans certains gestes de la vie quotidienne (verrouillage systématique des portes, empressement à enclore...). Ils révèlent plus discrètement un état d'esprit de fermeture. Derrière les protection matérielles, se révèlent enfin des barrières symboliques dont le hoggugol bandu (ci-dessus), la clôture reste la pièce maîtresse, la clé de voûte, du dispositif de protection.

Le bocage est un dispositif de protection qui associe le clos et l'ouvert et un dispositif de protection qui associe des barrières visibles et des barrières symboliques. Les barrières symboliques sont aussi nécessaires à la culture intensive. Qu'elle soit matérielle ou virtuelle, la clôture est une protection contre les menaces naturelles et surnaturelles et même quand elle apparaît tout d'abord un solide rempart contre le bétail. La boucle est bouclée. Le réalisme et le symbolisme forment un système. L'imaginaire paysan s'ancre profondément dans la réalité; une réalité qui est construite et non léguée par la nature puisque les protections magiques sont techniques. On protège ses cultures comme on protège son corps du sorcier et on protège son corps comme on protège ses cultures de la dent du bétail. On ne saurait dire si la violence symbolique de la sorcellerie a la même force qu'autrefois. Toujours est-il que la clôture individuelle exprime encore très souvent l'enracinement d'une certaine peur de l'autre.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius