2. LA MARQUE DES SOCIÉTÉS DANS LES PAYSAGES :
DES FORMES DE TERRITORIALISATION ORIGINALES
La multiplicité des toponymes rencontrés, les
cartes ethniques, la multitude d'héritages linguistiques ou encore la
variété des types architecturaux, mettent en évidence la
mosaïque et l'éparpillement des populations sur les hautes terres
d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale (voir annexes 5, 6, 7 et 8). Les
origines de cette répartition sont conditionnées par des grappes
de facteurs physiques, sociaux, culturels, politiques et économiques,
dynamiques dans l'espace et dans le temps.
2.1 Des peuplements contrastés dans l'espace
Les dissymétries de peuplement s'expliquent notamment
par les potentialités de ces milieux. Le poids des déterminations
biophysiques dans notre terrain d'étude est fonction -nous l'avons vu-
de multiples gradients zonaux d'altitude et de dénivellation, qui
génèrent des potentialités dont les individus et les
sociétés ne peuvent s'affranchir totalement : « Il n'est
guère réaliste de nier toute influence des contraintes et des
potentialités bioclimatiques des milieux physiques sur les modes de
structuration de l'espace » (Rossi, G., 2000).
Encore largement orientées vers la production agricole
et pastorale, les sociétés africaines se regroupent de
préférence sur des espaces ruraux favorables à leurs
activités de production. L'importance des cultures vivrières,
où dominent le mil, le sorgho, le manioc, le maïs, le fonio et les
tubercules est un facteur incontournable dans les stratégies de
reproduction des groupes humains en Afrique de l'Ouest et en Afrique Centrale.
Bien que les productions vivrières soient parfois concurrencées
dans l'espace par les cultures de rente depuis le début du
siècle1, la sécurité alimentaire prime sur
l'instabilité des productions à l'exportation. En effet, la
fluctuation des prix de vente sur les cours internationaux décourage
souvent les petits exploitants.
En raison des potentialités montagnardes
appréciées par de nombreuses populations, le peuplement des
hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale peut atteindre 2000
hab/km² sur les riches substrats volcaniques, qui contrastent
avec les marges granitiques ne dépassant pas 60 hab/km²
; de même
1 Caractérisant les milieux montagnards à tendance
humide :café, cacao, banane et bois principalement.
que le massif du Fouta-Djalon a également des
densités rurales élevées dépassant 250
hab/km² sur les hauts plateaux. Mais à l'inverse,
l`Adamaoua (moins de 10 hab/km²) et les Alantika (guère
plus de 20 hab/km²) apparaissent sous peuplés par
rapport à leur potentiel productif.
D'une capacité pédologique et hydrologique
importante par rapport à celles des basses terres, les montagnes
d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale ont toujours attiré les
populations : « ces massifs1 se sont offerts comme terre
d'élection à une époque où les plaines et montagnes
étaient, sur la plan de la culture matérielle, plus comparables.
Ils apparaissaient comme les seules zones habitables pour les populations en
place » (Seignobos, C., 1982). Ce phénomène s'est parfois
même accentué à l'époque contemporaine avec les
cultures de rentes dans les montagnes humides, à l'image de la forte
immigration de Kabyés sur le plateau Akposso (Monts Togo). Mais les
communautés ont eu des dynamiques démographiques
différentes. On peut attribuer ces divergences aux multiples formes de
réponse face à des aléas biophysiques et sociaux :
conquête spatiale, migrations, amélioration du système
productif par l'assimilation d'innovations, conflits... etc.
Pour caractériser géographiquement les
communautés inégalement réparties et comprendre la nature
de leur rapport à l'espace, il nous semble utile de nous attarder sur la
dimension historique et socio-économique de leurs évolutions.
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