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Les représentations dans la géographie : une approche à valoriser dans les pays du Sud (l'exemple des hautes terres d'afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale

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par David Leyle
Université Bordeaux 3 - DEA de géographie 2001
  

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DEUXIÈME PARTIE :

LES HAUTES TERRES D'AFRIQUE DE

L'OUEST : DES MILIEUX SPÉCIFIQUES POUR

L'ÉTUDE DES REPRÉSENTATIONS ?

Les majestueux inselbergs du pays Kapiski après la saison des pluies (Monts Mandara), chacun étant le domaine d'un Esprit (Skar).

INTRODUCTION

Nous venons de cerner le concept des représentations, son rôle sur les comportements spatiaux des individus et des sociétés, ainsi que ses approches méthodologiques ; cette démarche nous paraît une nécessité pour pouvoir maintenant justifier le rôle des représentations dans l'amélioration des connaissance géographiques, et leur utilisation dans la mise en place de projets, à l'aide d'exemples plus concrets.

Le choix des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale comme terrain d'étude s'inscrit dans la recherche d'unités socio-spatiales distinctes pour appréhender les représentations, en suivant l'approche territoriale que nous avons défini plus haut. Nos préférences, pour des raison notamment bibliographiques, se sont donc portées sur ces hauts reliefs d'Afrique de l'Ouest :

· la dorsale guinéenne (rép. de Guinée), comprenant le massif du Fouta-Djalon et les Monts Nimba (voir carte p. 8 ).

· la chaîne de l'Atacora s'étendant du N-W Bénin au S-W Togo, comprenant l'Atakora, le Plateau Kabyé, les Monts Fazao et les Monts Togo (voir carte p.9 et 10 ).

· la dorsale camerounaise (Cameroun), aux frontières de l'Afrique centrale, comprenant le Mont Cameroun, les Hautes Terres de l'Ouest, l'Adamaoua, les Monts Alantika et les Monts Mandara (voir cartes p 11 ).

Nous avons souhaité travailler dans des milieux < montagnards », car ces derniers ont en effet été longtemps reconnus comme des espaces aux caractéristiques biophysiques, socio-économiques et culturelles < spécifiques » ; le discours peut aujourd'hui être nuancé, notamment grâce aux travaux réalisés sur les représentations.

Mais < La montagne ne doit pas être une simple légitimation d'une démarche scientifique » (Debarbieux, B., 1989). Il s'avère donc essentiel de s'attarder non seulement sur la composante montagnarde en milieu tropical, en tant qu'objet géographique, avec ses réalités environnementales (biophysiques, socioéconomiques) pouvant influencer les représentations, mais aussi sur ces montagnes en tant que qu'image culturelle et sociale forte. Se pencher sur la dialectique milieux montagnards-représentations semble une étape utile à la compréhension des systèmes de représentations des individus et des sociétés de notre terrain d'étude.

L'intérêt est d'autant plus grand que s'annonce en 2002 < l'année internationale de la montagne », sous l'impulsion de l'Agenda 21 Chapitre 13, établit lors de la CNUCED1 de Rio en 1992 et du Bilan du Sommet de la Terre en 1997, par l'ONU (voir note 11). Désignés comme < espaces sensibles à protéger et à

1 CNUCED : Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le développement, généralement appelé < Sommet de la Terre ».

aménager» (Messerli, B., et Yves, J-D., 1999), il existe aujourd'hui un engouement pour les milieux montagnards, vecteur de multiples projets à venir. De plus les mêmes auteurs constatent que dans les montagnes et sur les hauts plateaux se retrouvent la majorité des espaces protégés sur la plan de l'environnement. Alors, dans ce contexte, s'intéresser de plus près à la spécificité de ces milieux nous semble opportun.

CHAPITRE 1 :
LES HAUTES TERRES D'AFRIQUE DE L'OUEST ET D'AFRIQUE CENTRALE : DES MILIEUX AUX CARACTÉRISTIQUES BIOPHYSIQUES MONTAGNARDES ?

 

La spécificité montagnarde existe-elle réellement pour ces hautes terres d'Afrique de L'Ouest et d'Afrique Centrale ? (voir note 12). Nous exposerons plusieurs interrogations concernant tout d'abord le « fait montagnard », au sens commun évocateur mais difficile à qualifier objectivement. Nous allons alors essayer de mettre en évidence certaines caractéristiques spécifiques de ces environnement montagnards ; elles sont tout d'abord biophysiques, car il est important de cerner quelle peut-être la portée des potentialités du milieu sur les comportements spatiaux des individus et de leurs groupes.

Dégager des facteurs qui conditionnent les activités spatialisées humaines nous amène à réfléchir sur la spécificité des représentations en milieu montagnard. Si on compare certains milieux biophysiques des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale à d'autres dans le monde considérés comme montagnards, comme le Massif des Alpes ou encore ceux de l'Est asiatique, peut-on alors se demander s'il est possible de parler de montagnes tropicales dans cette zone ? L'exemple du relief le montre ; même si la dorsale camerounaise s'assimile plus aisément à des montagnes puisqu'elle culmine 4070 m au Mont Cameroun (voir carte p.11), la majeure partie de ces reliefs reste en dessous de 2000 m (dorsale guinéenne), voire inférieure à 1000 m (chaîne de l'Atacora).

Apparaît une notion fondamentale dans l'analyse des milieux montagnards : la notion de gradients*. Au-delà de cet exemple, elle s'étend en effet à la totalité des éléments biophysiques des écosystèmes montagnards et permet de mettre en rapport, tout en les visualisant de plus près, les différents écosystèmes du terrain d'étude.

1. DES DISCONTINUITÉS DANS LES PAYSAGES.

Nombreux sont les auteurs qui évoquent la verticalité et ce qu'elle implique sur les dénivellations comme l'une des principales caractéristique des milieux montagnards1. Mais, à partir de quel seuil cette verticalité peut être annonciatrice d'une montagne ? Ce seuil n'existe pas de manière objective, et les débats ouverts à ce sujet sont nombreux, mais pour notre part on se réfère plus particulièrement à la discontinuité du paysage, dans la lignée de Thouret J-C., Debarbieux, B., (1989) pour lesquels < Toute morphologie est liée à une discontinuité des propriétés du milieu ; la montagne, pour être une forme géographique, doit pouvoir répondre à ce critère de discontinuité >,.

Les montagnes se distinguent donc dans le paysage par leur massivité, par la rupture qu'elles constituent avec les reliefs environnants (voir note 13); l'exemple de l'Afrique de l'Ouest montre bien la relativité du fait montagnard et l'importance des gradients.

Les reliefs2 sont appréciés et mesurés au moyen du paramètre altitudinal : ils se distinguent ainsi par cette composante verticale qui en fait des espaces a trois dimensions.

Les deux grandes lignes des relief les plus à l'Ouest, la dorsale guinéenne et la chaîne de l'Atacora sont des ceintures montagneuses relativement étendues. La première se déroule sur un axe nord-sud de la Guinée-Bissau à la Côte d'Ivoire; on y distingue le massif du Fouta-Djalon et ses hauts-plateaux au Nord et la < constellation >, des massifs du Sud dominée par les Monts Nimba (1752 m) (voir carte p. 8). Alors que la seconde dorsale, orientée N-E / S-W du Niger au Ghana, d'aspect étroit3, est constituée de vigoureux reliefs à ses extrémités Nord (641 m) et Sud (920 m), ainsi que des résidus de massifs épars en son centre (voir carte p. 9 et 10) ; bien que d'altitude relative, ces reliefs entaillent les monotones étendues planes qui les entourent.

Nous sommes ici sur des vieux massifs érodés, au relief caractéristique des hauts contreforts et des cascades en marche d'escalier, avec un modelé tabulaire profondément entaillé, guidant le réseau hydrographique. Ces dorsales sont pourtant < récentes >, dans l'histoire géologique de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique Centrale puisqu'elles ont d'abord été des zones tectoniques déprimées du bouclier africain, dans lesquelles se sont déposés des sédiments. Relevés par des mouvements verticaux, ces massifs sont ainsi assis sur des roches sédimentaires traversées par des venues volcaniques basiques, recouvrant le socle granitique.

1 Morin, S., Debarbieux, B., Messerli, B., Yves, J-D, Brunet, R.,...etc.

2 Il paraît évident que nous excluons ici les micro-reliefs.

3 Guère plus de 50 km de large.

La dorsale camerounaise, est composée de véritables « citadelles » et « murailles »1 qui s'étendent selon un axe N-W / S-W du Cameroun au Tchad en longeant la frontière Nigériane. Il s'agit là encore du socle granitique soulevé par des mouvements tectoniques, fortement intrusé par des venues volcaniques, formant le grand appareil central (Mont Manengouba : 2396 m). Ainsi dominés, ces hauts plateaux en marches d'escalier délimités par de grands escarpements (Hautes terres de l'Ouest, Monts Alantika, Monts Mandara, l'Adamaoua, entre 1000 et 2000 m), surplombent les plaines et les bas plateaux environnants.

Le travail de l'érosion et de la tectonique toujours active a fortement fracturé et entaillé ces reliefs : d'aspect austère, disséqués, compartimentés et fortement encombrés de roches arrachées au reliefs pour les reliefs cristallins (Monts Alantika) ; pour les reliefs volcaniques, sous la forme de vastes plateaux découpés, modelés en demi-oranges ou en hauts bowé2 pour les plateaux et sous la forme de gorges ou de caldeiras3 pour les grands appareils de la dorsale.

Ainsi, il est possible de rapprocher ces différents massifs dans les processus géomorphologiques de leur genèse, dans leurs pédogenèses, dans leur domination sur les plaines périphériques et leur discontinuité dans le paysage ; certes ces milieux offrent des caractères différents entre eux en terme d'altitude, impliquant des paramètres écologiques contrastés sur lesquels nous reviendrons, mais les effets de domination topographique existent dans ces massifs. Bien que ces derniers soient plus prononcés sur les reliefs de la dorsale camerounaise que sur les autres massifs étudiés, une vision globale de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique Centrale montre que ces ensembles émergent nettement dans la morphologie de cette zone. Pour Morin S., ces allures de forteresses sont fréquentes dans les massifs soudaniens et sahél iens.

La verticalité peut-être considérée de plusieurs manières par les sociétés qui y vivent : comme un avantage, car le commandement des reliefs sur les basses terres périphériques peut constituer une protection physique en cas de conflit (site de protections perchés, observatoires, ...etc.), mais aussi comme un milieu qui semble plus contraignant, puisque les systèmes de pentes ou de versants qui déterminent le commandement et le compartimentage, impliquent des modes de production, de communication et de protection de la ressource appropriés au milieu : gestion des sols contre l'érosion, préservation des ressources agricoles et pastorales... etc

De plus, notamment pour la dorsale camerounaise (le compartimentage du relief y étant plus accentué) les niches topographiques que constituent les hautes terres de l'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale sont des terrains favorables à l'isolement et à l'enclavement des sociétés y vivant, favorisant la multiplicité des

1 Morin, S., 1996

2 bowé (bowal au singulier) : ces cuirasses indurées Les formations consolidées sont constituées de dépôts des cuirasses latéritiques et ferrugineuses.

3 Grand cratère formé par effondrement ou par explosion de la partie centrale d'un volcan (Georges, P., 1970)

Les chutes de la Saala entaillent les imposants contreforts à Ouest des hauts plateaux centraux du Fouta-Djalon qui s'élèvent au dessus de 1000 m.

Cliché: Beuriot M. et Leyle D., 2000

Les imposants Monts Mandara, vus du village de Rhumsiki (Pays Kapsiki) au Nord de la dorsale camerounaise.

Cliché: Morin, S.

42 bis

DOCUMENT 5

Les Monts Nimba sont le point culminant de la dorsale guinéenne à 1752 m au dessus de la Guinée forestière.

http://www.unesco.org/whc/sites/155.htm

Escarpement vertigineux des Monts Alantika (dorsale camerounaise) qui commandent l'aiguille de Saptou et les plaines environnantes.(D'après Morin, S.)

Cliché: Morin, S.

Grand appareil volcanique de la dorsale camerounaise: la caldeira des Monts Bamboutos qui s'élève au dessus de 2100

LES HAUTES TERRES D'AFRIQUE DE L'OUEST ET
CENTRALE : DES MASSIFS IMPOSANTS...

...ET DES HAUTS PLATEAUX

Les Hautes Terres de l'Ouest du Cameroun; le pays Bamiléké et la « douceur de ses paysages » (Morin, S., 1996)

Cliché: Morin, S.

Plateaux du Sud de l'Atacora béninois, dans la région de Boukombé.

www.isa-africa.com

42 ter

Les hauts plateaux du Fouta-Djalon, dans la région de Labé, aux reliefs et aux pentes adoucies.

Cliché: Beuriot, M. et Leyle D.

DOCUMENT 6

groupes ethniques, avec leurs coutumes et leurs langages propres : A propos des montagnes camerounaises, Balandier G. (in Morin, S., 1996) écrit que « ces peuples montagnards accrochent leurs villages aux pitons granitiques, et se révèlent très attachés à leur montagne, non seulement pour des raisons de sécurité, car elles jouent un rôle refuge, mais aussi pour des raisons culturelles, car elles sont le lieu le plus sacralisé ».

Ainsi, au-delà du compartimentage et des barrières physiques, pour les sociétés qui vivent sur ces hautes terres (voir docs. 5 et 6) , la verticalité, la massivité, apparaît comme un facteur déterminant, voir comme une constante dans les images qu'elles produisent, dans les représentations qu'elles se font de leur environnement écologique. Toutefois, peut-on établir qu'il existe une corrélation entre la vigueur ou la massivité d'un relief et la fréquence ou l'intensité des représentations qu'il véhicule ? La démonstration semble délicate.

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