1. LES LOGIQUES SPATIALES DES HOMMES : LE ROLE DES
REPRÉSENTATIONS DANS LEUR TERRITORIALITE
De toute évidence, les recherches sur les
représentations en géographie balayent un large champ de
thématiques et d'applications possibles de la discipline
géographique. Au-delà du débat
épistémologique, le géographe ne peut plus aujourd'hui
s'affranchir de l'espace mental, construction individuelle et sociale qui
influence chacun de nos actes. Seulement, face aux multiples clé
d'entrées que nous offrent les représentations il s'avère
nécessaire de clarifier notre démarche, en justifiant ce qu'elles
signifient ainsi que leurs rôle dans les production territoriales des
hommes. Pour aborder la dialectique espace géographique -
représentations, nous nous appuierons sur les travaux de Di Méo
G. (1991, 1998), dont les diverses influences théoriques et
méthodologiques évoquées plus haut, nous permettent la
« compréhension, aussi universelle que possible, sur la
façon dont l'Homme et ses sociétés se représentent,
conçoivent et produisent leur rapport à l'espace,
territorialisant du même coup certaines aires de celui-ci » (Di
Méo, G., 1998).
1.1 Essai de définition des représentations
: des sciences sociales à la géographie
Les représentations sont étudiées et
utilisées dans de nombreuses sciences sociales ; de multiples
définitions plus ou moins approfondies existent. De par sa puissance
métaphorique, le mot se prête ainsi à de très
nombreuses définitions selon les contextes où il est
utilisé.
C'est tout d'abord sous la plume de psychologues,
centrés sur les mécanismes cognitifs, et de sociologues que
furent définies les représentations (voir annexes 1 et 2 ) : La
représentation mentale est le produit d'une élaboration
psychologique et sociale du réel ; elles portent la marque du sujet et
de son activité. Ce dernier aspect renvoie au caractère
constructif, créatif, autonome des représentations qui comportent
une part de reconstruction, d'interprétation de l'objet et d'expression
du sujet Elles mettent en relation le réel (objets des perceptions et
des représentations), le sujet psychologique (avec ses
déterminations propres) et le même sujet abordé dans sa
dimension sociale (avec ses apprentissages et ses
SYSTÈME1 DE
REPRÉSENTATION DE LA RÉALITÉ ET COMPORTEMENT
HUMAIN
DOCUMENT 2
MOTIVATIONS OBJECTIFS
ÉVALUATION ADOPTION
FACTEURS PSYCHOLOGIQUES
RÉALITÉ
INFORMATION CODES MÉDIATION
IMAGE2
(réalité modifiée)
CONTRAI NTES CULTURELLES, SOCIALES,
ÉCONOMIQUES, PHYSIQUES
FACTEURS CULTURELS
COMPORTEMENT
1 Les représentations ne peuvent être
réduites; on peut alors parler de « système de
représentation ». (D'après Di Méo, G., 1991)
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Source: d'après Bailly A., Berdoulay V., Bertrand
M.J., et al. Conception et réalisation Leyle D., 2001.
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2 Si un objet est représenté de manière
négative par le sujet, il peut intervenir une situation de blocage ou de
rejet. On parle alors d'« image négative » (Brunet, R.,
1974)
Les représentations orientent et organisent les conduites
et les communications sociales (Jodelet, D., 1989)
La représentation d'un objet est un système
d'élaboration perceptive et mentale qui schématise le milieu en
le transformant en images, soit la façon dont les individus transcrivent
en images les expériences du milieu. (D'après Fisher, G.N.,
1983)
codes sociaux). (D'après Jodelet, D., 1989). La
dialectique sujet-objet, où le sujet est un être socialisé
et donc influencé par la médiation sociale, est ainsi mise en
avant : « Il n'y a pas de représentation sans objet »
(Jodelet, D., 1989). On retrouve cette interrelation dans la définition
des représentations de Piaget et Inhelder : « la
représentation consiste soit à évoquer les objets en leur
absence, soit à enrichir la stricte connaissance perceptive par des
considérations et des connotations émanant du couple intelligence
/ imagination. Elle traduit une perception modelée par la psyché.
»
Si on considère que l'essence de la géographie
est l'entendement du rapport des hommes à l'espace (voir note 5), des
sociétés à leur environnement, à leurs territoires,
l'étude des représentations privilégie alors l'espace
comme objet. Nous l'avons vu précédemment, l'étude des
images mentales en géographie, a tout d'abord été
abordée sous la forme des perceptions de l'espace et du milieu. Ce n'est
que progressivement que la géographie s'est ouverte aux
représentations. L'intégration de la subjectivité de
l'imaginaire dans la compréhension des dynamiques spatiales humaines, a
tout d'abord posé plus de problèmes et de questions au
géographe qu'elle ne lui a donné de réponses. Pour Bailly
A. (1985), la perception se réduit à la fonction par laquelle
l'esprit se représente des objets en leur présence. Elle laisse
donc peu de place à l'imaginaire et à la conceptualisation par le
sujet ou le groupe de sujets. En effet, la perception fait
référence à une liaison entre l'objet et le sujet, alors
que la représentation, elle, permet d'intégrer ce que l'homme
à intériorisé tout au long de son apprentissage social
(médiations, codes, normes... etc).
Certaines représentations sont une constante, au lien
étroit entre représentations individuelles et collectives ;
d'autres sont variables dans le temps, influencées par le
phénomène. Quelle que soit la part de la psychologie individuelle
dans la formation de ces représentations, elles renvoient toujours
à des référentiels sociaux, culturels et territoriaux :
« Nous ne pouvons plus nous passer d'un sujet socialisé en
matière de construction géographique » (Di Méo,
1991). Les informations issues de notre environnement -social ou naturel,
bâti ou non bâti- sont filtrés par notre perception, par nos
codes sociaux et par notre histoire, puis influencent nos comportements. Les
pratiques induites par les représentations des acteurs donnent à
leur tour un sens à l'espace. Nous avons affaire à un
système d'interactions entre le sujet et l'objet (voir doc. 2).
Admettre l'influence des représentations en
géographie, c'est présupposer une logique mentale, pour tout ce
qui concerne l'espace, dans la façon de le vivre, de le percevoir et de
l'organiser. Cette démarche doit tenir compte en amont des
représentations sociales ou culturelles qui, si elles ne sont pas
forcément des représentations de l'objet « espace
géographique », sous-tendent des influences conséquentes sur
les activités humaines : indirectement concernées par l'objet
géographique, elles induisent des corollaires sur l'espace en aval du
processus de
représentation1. Aussi, bien que notre
vocation de géographe nous amène à considérer
préférentiellement2 les représentations de
l'espace, du milieu ou de l'environnement géographique, nous essayerons
de tenir compte de toute la dimension que nous offrent les
représentations dans la mesure où elles apportent des
élément de compréhension des logiques spatiales des
populations.
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