Chapitre cinq
L 'Approvisionnement
La situation d'approvisionnement en France se décompose
en deux types de pratiques liées à des registres alimentaires
différenciés. A priori en France, les étudiants
étrangers sont face à plusieurs possibilités : soit ils
décident de manger d'une manière qui se rapproche le plus
possible de chez eux, soit ils modifient leurs pratiques alimentaires et
s'initient à la nourriture française. Ces choix, qui n'en sont
pas vraiment comme nous le verrons dans un chapitre ultérieur, mettent
en oeuvre deux situations différentes face à la situation
d'approvisionnement.
Du point de vue de l'approvisionnement, c'est lorsque
l'étudiant cherche à retrouver en France les produits typiques de
son pays que la démarche est source de difficultés. C'est cette
situation dont il sera question en priorité dans cette partie
dédiée à l'approvisionnement, on se concentrera sur les
difficultés propres à la découverte d'une nouvelle offre
alimentaire en France.
I. Les difficultés d'un approvisionnement en
produits du pays d'origine
1) La contrainte de coût : l'effet-revenu et
l'alimentation
La contrainte de revenu peut être un
élément déterminant des achats alimentaires : le revenu
commande le choix des produits, et par là, leur agencement en plats et
menus. On peut supposer qu'existent deux attitudes idéal-typiques : une
attitude de restriction alimentaire, le choix de consacrer une part importante
du budget à d'autres postes qu'à celui de l'alimentation, et une
attitude hédoniste caractérisée par la volonté
affirmée de bien manger, qui se traduit pour des catégories
migrantes par la volonté de manger au plus proche de ses habitudes
alimentaires. Les restrictions du budget alimentaire rendront difficiles la
reconstitution d'un style ethnique d'alimentation. Nous faisons
l'hypothèse qu'il existe un effet-revenu en ce qui concerne
l'alimentation : l'individu réalise un arbitrage dans sa consommation
entre l'achat de produits français et l'achat de produits de son pays
d'origine. Parmi les étudiants que nous avons interrogés et les
bloggeurs avec qui nous sommes rentrés en contact, tous les
garçons adoptent la même attitude de restrictions du coût de
l'alimentation. Giovanni, Abdelbaki et Mickaël témoignent tous du
souci de diminuer le coût de l'alimentation : ils achètent des
produits premier prix, ne mangent pas à la cantine pour des raisons
économiques. Faut-il incriminer la variable sexe ou plutôt la
variable origine sociale. Ces trois étudiants figurent aussi parmi les
étudiants qui sont de l'origine la plus modeste relativement aux autres
étudiants observés.
Les produits du pays d'origine sont rares et
nécessairement plus chers. Leur achat nécessite un investissement
financier ainsi qu'un investissement en temps. Il ne faut pas négliger
la dimension temporelle : notre population est constituée
d'étudiants ayant entre 24 et 28 ans, faisant des études
supérieures longues, ils sont en master 2 ou en thèse. Le manque
de temps est donc une situation majeure pour ces étudiants : or suivant
leur localisation géographique, se rendre dans un magasin
spécialisé peut représenter un fort investissement, que
tous ne sont pas prêts à fournir.
Le revenu peut représenter un niveau extrême
contrainte pour les groupes qui dépendent des importations de produits
exotiques, nécessaires à la préparation des plats
ethniques. Le coût des produits alimentaires auxquels l'individu est
habitué peut représenter une des causes essentielles de
l'explication des comportements d'innovation en matière de pratiques
culinaires. C'est parce que les produits typiques sont trop chers que l'on se
résout à
abandonner un certain nombre d'aliments authentiques au profit
d'aliments français. La créativité sur le mode alimentaire
peut être rapportée dans certaines conditions à
l'économie du marché d'insertion.
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