Comment peut on envisager la durabilité touristique des montagnes françaises ?( Télécharger le fichier original )par Mari Jaouen Ecole Supérieure Européenne (Poisy 74) et Université Jean Moulin (Lyon 69) - Diplôme Universitaire en Ingénierie de l'Espace Rural 2004 |
2.2.1.3 Le foncier : une ressource mal gérée22(*)Le développement touristique en montagne a permis à certaines communes d'éviter l'exode rural que d'autres subissaient. Cependant, les pressions qu'il exerce sur le foncier et l'immobilier, sont un redoutable piège pour le développement touristique durable. Dès 1986, des élus et hauts fonctionnaires soulignaient les différents problèmes posés par le développement touristique. Il en ressortait que les fondements du développement touristique étaient trop axés sur l'immobilier privatif. L'équipement et l'aménagement touristique étaient financés par la vente de foncier et la construction immobilière. On assiste aujourd'hui à une nouvelle course dans ce domaine, largement encouragée par la politique nationale. Les mesures d'exonérations fiscales de l'immobilier de loisir dans les zones de revitalisation rurale en sont un bon exemple et bouleversent l'ensemble du marché immobilier : - Il y a un réel refroidissement des lits qui sont peu adaptés à la demande de la clientèle et qui souffrent de la concurrence des lits neufs. - La rénovation des logements anciens, qui ne correspondent plus aux exigences de la clientèle, est difficile. La concurrence des lits neufs dans les ZRR, a eu pour effet de relancer la course aux lits neufs dans l'ensemble des Alpes et des Pyrénées. Cette nouvelle course aux lits neufs est une contre performante et dangereuse pour l'avenir. Chacune des quatre sphères présentes dans les communes support de station (clientèle, civile, économique, publique) pour des intérêts divers, fait pression sur l'instance communale : - la sphère clientèle évolue. Ses attentes sont de plus en plus complexes. Les pressions exercées par cette sphère sont multiples et parfois contradictoires. Mais les demandes qui en découlent pèsent sur les acteurs publics et privés de la station, en matière de paysage, de foncier et d'immobilier. - la sphère civile est traversée par de multiples intérêts. Du fait de la pression foncière, la population locale a de moins en moins accès aux logements. De plus, les propriétaires fonciers participent à la spéculation foncière et immobilière, contre les intérêts même de leurs concitoyens. - la sphère économique est inégalement touchée par la question. Cependant le maintien des chiffres d'affaires passe par le maintien des lits chauds. Or les lits anciens se refroidissent. Les sociétés de remontées mécaniques ont ces dernières années investit ce terrain de l'immobilier car leurs chiffres d'affaires y sont directement liés et font aussi parfois pression sur les élus locaux. La sphère publique doit donc faire face à ces pressions multiples, plus ou moins contradictoires. Elle a pourtant l'obligation de maîtriser l'urbanisation, de gérer et améliorer les services publics, d'entretenir l'espace public et les paysages, de préserver les ressources naturelles. Les principales responsabilités des communes portent donc sur cette maîtrise foncière et immobilière et, globalement, sur l'anticipation du développement touristique, avec des moyens et une expertise technique qui, comme nous le verrons, ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. Les conséquences sur la consommation de l'espace sont aujourd'hui nettement visibles. Un certain nombre de témoins et d'acteurs s'inquiètent et proposent de changer d'orientations : - « Trop de béton dans la neige » déclare Alain Boulogne, le maire des Gets en Haute-Savoie. - « Passer du quantitatif au qualitatif, repenser les développements non plus seulement en termes de gestion immobilière mais en termes d'inscription de projet touristique majeur au coeur d'une démarche respectueuse de l'environnement, en lien avec les potentialités du site... », tel est le nouveau challenge des élus des communes de montagne et que proposent certains acteurs locaux. Le désengagement radical, non accompagné de l'Etat, particulièrement des services déconcentrés de l'équipement sur ces problématiques de gestion foncière et urbaine, laisse les collectivités locales seules sous les multiples pressions. Malheureusement, tout porte à croire que la structuration intercommunale, seul moyen de s'affranchir d'une gestion communal qui ne parait plus pertinent pour la gestion foncière et immobilière, ne sera pas effective avant longtemps. * 22 GERBAUX F., Quand la montagne questionne les politiques d'aménagement touristique durable du territoire, in Université de Pau et des Pays de l'Adour, Tourisme durable en montagne, entre discours et pratique, Séminaire international, Pau, 4 et 5 mai 2006 |
|