III Le pétrole comme arme de pression et
d'indépendance
A. La gestion de la rente pétrolière
« Rendre le pétrole au
peuple » : tel est le mot d'ordre affiché par Hugo
Chavez lors de son élection. Ceci passera par « une
redistribution de la dépense publique en faveur des secteurs
populaires » avait il annoncé. Nous avons pu noter dans
la partie précédente que en effet son programme
politique était essentiellement basé envers les plus
démunis.
Ceci est d'abord passé par la reprise en main de la
compagnie pétrolière nationale : la PDVSA. En effet,
partant du bilan que la part des recettes perçues sur les exportations
et versées par la PDVSA à l'Etat s'était constamment
amenuisée, passant de 70,6% en 1981 à 38,6% en 2000, Hugo Chavez
a réformé en profondeur cette compagnie. Pour cela, depuis
Novembre 2004 M. Rafael Raminez Carreno cumule les mandats de ministre de
l'énergie et du pétrole ; et de président de la
PDVSA. Ceci a eu un effet quasi immédiat car en 2004 sur un chiffre
d'affaires de 60 milliards de dollars, la contribution de la PDVSA au budget
national s'est élevée à 11,4 milliards de dollars soit
environ 50% des recettes fiscales.
Toutefois « en dessous de 29 dollars le baril,
la PDVSA ne pourra plus fournir un tel effort financier » ceci
nous explique pourquoi Hugo Chavez tente aujourd'hui de maintenir un prix du
baril le plus haut possible via une pression sur l'OPEP. Son plaidoyer en
faveur d'une remontée du prix du pétrole et allé, en Mars
dernier, jusqu'à s'opposer à une augmentation des quotas de
l'OPEP contribuant au reflux des prix. N'oublions pas au passage que l'OPEP fut
fondée sur une idée du ..... Venezuela ; ceci lui
confère un rôle primordiale et historique dans l'organisation
comme le souligne les dirigeants de l'Arabie Saoudite. De plus on peut dire que
le président Vénézuelien fait d'une pierre deux
coups car en maintenant un prix du baril haut il s'assure de fortes
recettes fiscales et il continue sa politique anti-américaine car les
Etats-Unis restent à ce jour les principaux importateurs de
pétrole. En effet, les Etats-Unis sont très dépendants du
pétrole et plus particulièrement de son prix qui peut rapidement
faire chuter le Dow Jones ou ralentir la croissance américaine.
B. La diversification des débouchés
pétroliers
Sa politique contre le système américain via le
pétrole ne s'arrête d'ailleurs pas là, en effet Hugo Chavez
mène aujourd'hui une diplomatie pétrolière tous azimuts.
Il a ces derniers mois signé de nombreux accords cadres de
coopération notamment avec l'Argentine, le Brésil, la Chine,
l'Espagne, l'Inde, l'Iran, la Libye, le Nigeria, la Qatar, la Russie,
l'Uruguay... En analysant cette liste, nous pouvons affirmer que la plupart de
ces accords ont une forte connotation politique :
§ L'Argentine de Kirchner fut le théâtre il
y a peu de temps d'une crise économique et financière majeure
orchestrée par le FMI. Cet accord de coopération avec le
Venezuela peut donc l'aider à se relancer. Par la même cet accord
la place dans le giron du Venezuela dans l'optique d'un projet d'une
« grande patrie » en Amérique Latine.
§ Dans le même ordre d'idée, le
Brésil avait acquis dans les années 1990 une quasi
indépendance au pétrole notamment par le biais d'énergies
alternatives comme l'éthanol, le gaz non liquéfié. J'ai
moi-même pu noter lors d'un séjour au Brésil que les
voitures étaient dotées de moteur pouvant fonctionner via ces
trois sources d'énergie et qu'un simple sélecteur permettait
d'activer le gaz ou l'éthanol. Mais ce système innovant fut
totalement remis en question par la banque mondiale. En effet le
président Lula cherchant à obtenir une annulation partielle de la
dette brésilienne, la banque mondiale lui a proposé un deal
consistant à annuler une partie de la dette s'il ne poursuivait pas sa
politique d'indépendance pétrolière. Bien sûr ceci
fut officieux mais quand on sait que ce sont les USA qui dominent la banque
mondiale (aujourd'hui il s'agit de M Wolfowitz) on peut se demander si le
pétrole n'est pas une arme de contrôle des USA contre les pays du
sud. L'accord de coopération proposé par Hugo Chavez a de nouveau
l'ambition de préparer la « grande patrie »
d'Amérique Latine en ramenant le Brésil dans les bras du
Venezuela.
§ Les pays comme l'Inde, la Chine ou encore la Russie
sont en revanche des pays constituant les principales puissances en devenir du
21e siècle. En signant ces accords de coopération,
Hugo Chavez limite l'influence américaine sur sa politique
pétrolière. Notons au passage que selon les estimations les
besoins en pétrole Chinois vont exploser au cours des vingt prochaines
années. D'ailleurs le ministre du pétrole
vénézuelien M. Ramirez a déclaré que
« l'objectif est de diversifier les débouchés
pétroliers, avec une prédilection pour l'Inde et la
Chine ». Pour ce qui est de la Russie, un accord d'Octobre 2004
fait que les ventes de pétrole russe sur le continent américain
sont honorées par les Vénézueliens et de même les
ventes de pétrole vénézuelien en Europe sont
assurées par la Russie. Dans la pratique, quand un Etat américain
achète du pétrole russe c'est un pétrole
vénézuelien qui lui est livré, ceci pour diminuer les
coûts de transport.
§ Quant aux pays comme l'Iran et la Libye, les accords
ont bien sûr pour but de choquer la communauté internationale car
il s'agit de pays en marge ; même si la Libye a récemment
adoucie sa politique en mettant une politique anti-terroriste en oeuvre.
Il n'empêche que la diversification prendra du temps
car elle implique, d'une part, la construction de nouvelles infrastructures de
transports, comme un oléoduc traversant le Panama pour ouvrir une voie
vers la côte pacifique et, d'autre part, l'adaptation des raffineries
destinataires, chinoises ou indiennes, aux spécificités du brut
lourd vénézuelien. D'ailleurs le ministre du pétrole a
souligné que « tout en cédant les actifs les moins
rentables, nous maintiendrons notre présence sur le marché nord
américain, qui est l'un de nos marchés les plus
importants »
En réaction à cette politique de
diversification, le grand voisin américain s'efforce se son
côté de diversifier ses sources d'approvisionnement en Afrique et
en Asie Centrale. Bien sûr on ne peut s'empêcher de se
remémorer les discours tenu par Bill Clinton bien avant que Hugo Chavez
n'entre en scène, en effet le président des Etats-Unis avait
alors affirmé que « comparé aux autres grands pays
pétroliers comme l'Irak, l'Iran, l'Arabie Saoudite ou la Russie, le
Venezuela est accessible et relativement stable ». Avec
l'apparition du facteur d'indépendance, le Venezuela n'est plus
l'allié d'antan.
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