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Le projet de loi sur les partis politiques au Maroc

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par Hassan Bentaleb
Université Montpellier 1 - Master recherche en science politique 2005
  

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1-3 Le rôle du ministère de l'Intérieur :

Parmi les points qui ont suscité de très fortes réactions des partis politiques, c'est la présence quasi hégémonique du ministère de l'Intérieur, et la marginalisation de la justice. Sur les 53 articles qui constituent les corps de ce projet de loi, le « ministère de l'Intérieur » a été cité 16 fois, contre une présence timide et marginale de la justice, qui a été cité seulement 3 fois2(*)8. Le ministre de l'Intérieur a les prérogatives suivantes :

- « Les membres fondateurs d'un parti politique déposent auprès du ministère de l'Intérieur un dossier... ».

- « le ministre de l'Intérieur saisit les personnes citées à l'article 8 (1er alinéa) dans les soixante jours suivant la date du dépôt de la demande de constitution, aux fins de régularisation de leur dossier (...).
A défaut de régularisation dans le délai prescrit, le ministre de l'Intérieur prend une décision motivée de rejet de la demande de constitution du parti. ».

- « Si les conditions de constitution du parti sont conformes à la présente loi, un extrait de la demande de constitution du parti est publié au Bulletin Officiel, à l'initiative du ministre de l'Intérieur »

- «A l'issue du congrès constitutif, un mandataire du congrès dépose auprès du ministère de l'Intérieur un dossier comportant le procès verbal du congrès, accompagné de la liste des noms de l'ensemble des congressistes ».

- « Trente jours à compter de la date de ce dépôt, le parti est réputé légalement constitué sauf si le ministre de l'Intérieur ne propose la régularisation de la constitution du parti ».

- « Tout changement survenu au niveau des instances dirigeantes du parti, ainsi que toute modification d'adresse du siège du parti doivent être communiqués au ministère de l'Intérieur dans un délai de sept jours ».

- « Les unions ou fédérations de partis doivent faire l'objet d'une déclaration auprès du ministère de l'Intérieur ».

- « L'état et les pièces justificatives des dépenses au titre de la participation de l'Etat au financement des campagnes électorales générales communales ou législatives sont examinées par une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes et composée de : (...) un représentant du ministère de l'Intérieur... ».

-« Lorsque les activités d'un parti politique portent atteinte à l'ordre public, le ministre de l'Intérieur ordonne, par décision motivée, la suspension du parti et la fermeture provisoire de ses locaux ».

-« La suspension du parti et la fermeture provisoire de ses locaux sont ordonnées pour une durée de un à quatre mois.
A la fin de ce délai, et à défaut de demande de dissolution, le parti recouvre tous ses droits sauf si le ministre de l'intérieur n'ordonne, dans les formes de l'article 42 ci-dessus, la prorogation de la suspension et de la fermeture provisoire des locaux du parti pour une durée qui ne peut dépasser deux mois ».

-« En cas d'inobservation des formalités de la présente loi, le ministre de l'Intérieur saisit les instances dirigeantes aux fins de régularisation de la situation du parti.
A défaut de régularisation dans le délai d'un mois, le ministre de l'Intérieur ordonne la suspension du parti dans les formes et conditions prévues par les articles 42 et 43 ci-dessus ».

Cette présence si fort du ministère de l'Intérieur laisse pense que les prometteurs de ce texte croient que le ministère dispose de suffisamment de légitimité pour se poser en arbitre neutre de la vie politique, et comme si la scène politique était pacifiée et que l'État se situait indiscutablement au-dessus du jeu partisan. Pourtant, pour certains, rien n'est plus faux, vu son long passif de manipulations et de trucages électoraux.


Le nouveau projet de loi va permettre donc au ministère de l'Intérieur de redevenir« mère des ministères », à qui seul revient le contrôle de la scène politique, en jouant le rôle qu'il avait joué auparavant, c'est-à-dire, créer des nouveaux partis, réactiver les partis moribonds, et coopter les partis politiques qui ne joue pas le jeu du pouvoir2(*)9.

Par contre, d'autres pensent, que le rôle du ministère de l'Intérieur dans le processus de constitution et de fonctionnement des partis politiques ne constitue pas un problème, puisque d'une part, le projet fait introduire le citoyen qui peut à tout moment dénoncer un parti qui se met contre les lois fondamentales du pays ; droit que bénéficie aussi le procureur du roi3(*)0. Cette intrusion peut avoir lieu aussi bien pour la suspension que pour la dissolution. Et d'autre parte, on oublie souvent qu'au Maroc, le ministère de l'Intérieur ne fait pas partie d'un gouvernement, mais c'est un ministère dit de « souveraineté » qui relève constitutionnellement du domaine réservé du roi, et donc ce ministère est une autorité indépendante relevant directement du Roi.

Face à cette présence hégémonique du ministère de l'Intérieur, la justice n'a qu'un rôle secondaire, voir inexistant, puisque à travers les articles du projet de loi, la justice joue des rôles mineurs3(*)1:

-« Lorsque les activités d'un parti politique portent atteinte à l'ordre public, le ministre de l'Intérieur ordonne, par décision motivée, la suspension du parti et la fermeture provisoire de ses locaux.
Cette décision est notifiée aux intéressés. Elle ne peut être contestée que devant le tribunal administratif de Rabat.

-« Le tribunal de première instance de Rabat est compétent pour connaître des requêtes en déclaration de nullité, prévues aux articles 4 et 15 de la présente loi, ainsi que des requêtes en dissolution en cas de non-conformité à la loi, à l'initiative de toute personne intéressée ou du ministère public ».

-« En cas de dissolution spontanée, les biens du parti sont dévolus conformément aux statuts. A défaut de règles statutaires relatives à la dissolution, le congrès détermine les règles de la liquidation. Au cas où le congrès ne se prononce pas, le tribunal de première instance de Rabat fixe les modalités de la liquidation à la demande du procureur ou de toute personne intéressée. En cas de dissolution judiciaire ou administrative, la décision de justice ou le décret de dissolution fixeront les modalités de liquidation conformément aux dispositions statutaires ou par dérogation à celles-ci ».  

* 28 - Ibid.

* 29 -Ibid, Telquel, op., cit.

* 30 - Journal Hebdomadaire, « Entretien avec Abdellatif Agnouch », , n°181 du 6 au 12 novembre 2004.

* 31 - el yasar el Mouhd,"L'avant-projet de loi sur les partis: une premier lecture", Ali Karimy n°75, 17/23 décembre 2004.  

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