Le projet de loi sur les partis politiques au Maroc( Télécharger le fichier original )par Hassan Bentaleb Université Montpellier 1 - Master recherche en science politique 2005 |
UNIVERSITE DE MONTPELLIER I DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE MASTER RECHERCHE SCIENCE POLITIQUE SPECIALITE : GOUVERNANCE EN EUROPE DU SUD MEMOIRE DE MASTER : LE PROJET DE LOI SUR LES PARTIS POLITIQUES AU MAROC
Réalisé par BENTALEB HASSAN, Sous la direction de Monsieur le professeur PAUL ALLIES. MontpellierSeptember-2005Remerciements : Un grand merci à mon Directeur de mémoire, Monsieur Paul Allies, notamment pour avoir fait preuve de patience et de compréhension à mon égard. Je tiens, par ailleurs, à remercier, M. Salah Berrho, professeur de science politique à l'université de Marrakech, qui m'a inspiré l'idée de ce mémoire, M. Mohamed Kmo, le directeur du parti UC, les journalistes et les personnels d'archives de journaux al-Ahdat al-Magribia, le Matin, Assahifa, el-Yassar el-Mohad, le Journal Hédomadaire, al-Ayme, el-Itihad el-Ichtraki, ainsi que toutes les personnes rencontrées pour m'avoir consacré une partie de leurs temps et fourni toutes les informations indispensables à la bonne réalisation de ce travail. Je suis tout particulièrement reconnaissant envers Monsieur Ibrahim Hasnji pour avoir bien voulu relire les versions préliminaires, et pour ses commentaires très utiles.
« Il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » CHARLES DE MONTESQUIEU De l'esprit des lois, 1748
Introduction : ............................................................6
I - le projet de loi sur les partis politiques: la genèse et le contenu........14 A- La genèse et le contexte : ................................................. 15 1- une défaillance législative concernant les partis politiques............. 18 2- les élections de 2002 et le gouvernement Jettou. ......................... 20 3- les attentats du 16 mai. ....................................................... 23 4-le projet américain de « Grand Moyen-Orient »........................... 24
B- Le nouveau projet de loi sur les partis politiques :..................... 26
1-2-1 la réforme constitutionnelle : hier et aujourd'hui.................43 1-2-2 ce qu'on reproche à la constitution............................... 45 Conclusion :...................................................................50 II - Le financement des partis politiques :.....................................51
A- Le soutien de l'Etat aux partis politiques :..................................52 1- les subventions aux groupes parlementaires...........................52 2- La participation de l'Etat dans les campagnes.........................53 B- Ressources propres aux partis politiques : .................................55 1- les cotisations............................................................ 55 2- « l'impôt partisan »....................................................... 56 C- la problématique du financement au sein des partis politiques :......59 1- la question de transparence..............................................59 2- Le financement secret des partis politiques...........................61 3- Le financement étranger des partis politiques........................63 4- Les fonds privés et les partis politiques................................64
D- Le nouveau projet et la question financière :..............................67 1- l'exemple des législations des pays démocratiques................67 2- Les scandales dans les pays ayant un financement public..... 70 3- L'exemple du Maroc...................................................72 Conclusion :................................................................. 74 Conclusion générale : ...............................................................75 Annexe :...............................................................................77 Annexe 1 :...................................................................78 Annexe2 :....................................................................82 Annexe3 :....................................................................88 Bibliographie :..................................................................... 98
« Je suis aimé par mon peuple(...). Si chaque fois qu'un parti tient son congrès,je me présentais dans la salle en disant : je me propose comme secrétaire ou président, je serai élu par ovation, à l'unanimité. »Hassan II. La Mémoire d'un roi. Tout travail de recherche passe par un effort préalable d'identification de l'objet d'étude, mais aussi par la proposition d'un concept permettant de saisir la réalité observée. Dans le cadre de notre recherche, il convient de s'arrêter sur les connotations du mot « parti politique » qui porte parfois des significations fortement contradictoires. Dans l'Occident, la phénomène partisane comme groupement plus ou moins organisé de personnes en vue de la conquête ou la conservation du pouvoir politique est née assez récemment, en même temps que le phénomène électoral (début XIX s), et se généralise avec l'accession des masses à la majorité politique (fin XIX - début XX s). Destinée à gérer la population électorale, elle s'est imposé comme agent d'intégration et agent de conflit, c'est-à-dire, l'intégration d'une collectivité désormais marquée par des solidarités politiques, liée par une commune citoyenneté, mais aussi par des croyances partagées. Conflit au sein d'une société divisée par des clivages et par le jeu de la libre concurrence pour le pouvoir1(*). Au pays du Sud, le phénomène partisan a émergée dans un autre contexte, celui de colonisation et la lutte pour l'indépendance, et du coup, le parti politique est perçu, en premier lieu comme élément de revendication de l'indépendance et de cristallisation des comportements nationaliste, au lieu de concourir pour le pouvoir. Après l'indépendance, la situation ne va guère changer, car si l'histoire occidentale a mêlé parti et conquête du pouvoir en synchronisant la formation des partis politiques et celle de la mobilisation électorale, la logique partisane, dans les pays du sud va répondre à d'autres considérations stratégiques, porteuses d'autres fonctions2(*). Dans ce cas du figure, le Maroc n'a pas fait l'exception. Il va connaître son premier parti en 1934, sous le protectorat français. Et après l'indépendance, il va opter pour le multipartisme et l'interdiction du parti unique. Les partis ont pour rôle, et selon l'article 3 de la constitution, le concoure à l'organisation et à la représentation des citoyens. Cela veut dire que le parti marocain est une organisation qui n'a pour but non pas la conquête du pouvoir par l'élection, mais est uniquement une machine de propagande et d'agitation. En effet, la monarchie Alaouite est la clé de voûte de système politique marocain. Son titulaire dispose, de par la lettre et la pratique constitutionnelle, de pouvoirs étendus. De ce fait, les partis toutes tendances confondues, doivent, s'ils veulent accéder au pouvoir, maintenir avant tout leur confiance en la personne du roi, et fournir les compétences nécessaires au fonctionnement de l'appareil d'Etat ; et d'autre part, servir de soupape de sécurité aux appétits et aux mécontentements. Ainsi, le parti marocain constitue une structure nécessaire mais non indispensable à l'expression de la diversité du peuple marocain dans le respect de son unité, incarnée par le roi, qui exprime l'unanimité. Pour comprendre comment on est arrivé à cette situation ? , Un retour en arrière s'impose. Dés les années trente, le Maroc va connaître la création de son premier parti politique : Kotlat el Amal el watani (comite d'action nationale. Il s'agit d'un regroupement des nationalistes qui veulent l'indépendance du pays. Ce parti va laisse place au Parti Istiqlal et PDI (Parti Démocratique d'Indépendance) de Hassan el Ouazzani, nationaliste modéré - « beaucoup trop », selon l'Istiqlal. A l'Indépendance, après l'écrasement de (PDI), le PI fait pratiquement le seul maître du jeu, à cote du Palais. Pourtant, le PI était profondément divisé et son influence ne s'exerçait-elle pas de manière uniforme sur l'ensemble du pays. Sa participation au pouvoir était susceptible de lui permettre d'unifier ses ranges et d'utiliser le prestige du roi pour étendre son autorité à l'ensemble du pays. Mais, Mohammed v est parvenu progressivement à le neutraliser et à le pousser à rompre sous l'effet de son poids. D'une part, en l'associant au pouvoir sans le lui abandonner et, d'autre part, en lui promettant la monarchie constitutionnelle sans la réaliser3(*). Entre temps, le prince Moulay Hassan, qui supportait déjà assez mal les Istiqlalient, leur prestige, leur influence auprès de feu Mohammed V, et fort soucieux d'une monarchie quasi hégémonique, va jouer « le pluralisme », et créa un nouveau parti : le MP (mouvement populaire), confié à deux hommes proches du Palais : le tandem Abdelkrim Khatib- Mahjoubi Aherdane. Et en même temps, Moulay Hassan a encourage la fronde au sein de l'Istiqlal, ce qui fini par paie par une scission du parti avec la constitution de l'Union national des Forces populaires (UNFP), qui va rapidement menacer à son tour, le pouvoir de la monarchie. John Waterbury a bien résumé cette période : « En 1956, l'Istiqlal était une force politique considérable, la plus considérable dont Mohammed V devait tenir compte. Le parti rassemblait incontestablement tous les nationalistes marocains. Un affrontement était inévitable entre le Palais et L'Istiqlal dans la mesure où le premier n'avait pas l'intention de restreindre ses pouvoirs - ni même de les définir- et le deuxième, tout en n'ayant pas de malveillances particulière envers le roi, voulait cependant limiter l'étendu de ses prérogatives. La monarchie resta sur la défensive pendant trois ans, observant prudemment la situation. Conservant soigneusement le contrôle de l'armée, de la police et de l'intérieur, elle poussait doucement l'Istiqlal à rompre sous l'effet de son poids. L'éclatement du parti ouvrit la voie à l'offensive royale et à la subordination progressive de toute l'activité gouvernementale au Palais. Les clans de l'élite, infortunés et impuissants, ont été les témoins de cette manoeuvre de lui opposer une résistance concertée. L'euphorie et les grands espoirs des premières années de l'indépendance se sont dissipés et les élites en sont venues à accepter le fait de leur « corruptibilité ». Cynisme et désillusion les poussent à rechercher les avantages du régime et les tactiques de division du Palais en sont grandement facilitées. »4(*). La création de l'UNFP s'est faite en deux temps : C'est la création au tout début de l'année 1959, sur l'initiative d'Aballah Ibrahim, Premier ministre depuis le 23 décembre1958, la Confédération nationale du parti de l'Istiqlal, avant que la rupture soit consommée avec le PI, et la naissance officielle de l'UNFP. Une fois représenté au gouvernement comme un groupement politique, l'UNFP dénoncerait la monopolisation du pouvoir par le trône5(*). A défaut d'empêcher l'arrestation de dirigeants de l'UNFP poursuivis pour offenses au roi et pour complot contre la vie du prince héritier Moulay Hassan, la détermination du gouvernement bloquait le système. Mais le leadership royal était désormais solidement assuré par l'avènement du pluripartisme. En mai 1960, le roi décidait de dissoudre le gouvernement et d'assumer lui-même les fonctions de président du Conseil, tout en prenant l'engagement solennel de promulguer une Constitution avant la fin 1962. La promesse devait être tenue par Hassan II, monté sur le trône en février 1962, à la mort de son père. Avec la constitution du 14 décembre 1962, la monarchie consacrait sa suprématie alors même qu'elle était réputée devenir « constitutionnelle ». En 1963, à l'occasion des premières élections dans l'histoire du pays, Hassan II et son conseillé Ahmed Réda Guédira imaginent le FDIC (front de défense des institutions constitutionnelles). Sans être un parti, le front regroupe le MP, le PDI et les libéraux. Un parti hétéroclite et brinquebalant qui prétend être un front royaliste dont le rôle est de contrecarrer le "démocratisme" du mouvement national. Il participera au gouvernement issu des législatives de 1963. Il en sort à égalité avec l'Istiqlal et l'UNFP, fournit ministres et députés, avant de retourner au néant, sa mission étant terminée. Hassan II peut d'autant mieux gouverner que les complots de 1963, dont l'élaboration n'a jamais été clairement établie, lui permettent de condamner la plupart des dirigeants de l'UNFP à la prison ou à l'exil. En 1965, Hassan II décrète l'état d'exception, le Parlement est dissout, le roi gouverne à lui seul. En ce milieu des années 1960, des milliers de militants et de jeunes, dont des dizaines de personnalités de gauche, ont déjà été soumis à la torture et connu les geôles du régime. Les morts se comptent par milliers. Figure de proue de l'opposition, Ben Barka a été enlevé et assassiné en France. Privés de leurs éléments les plus courageux ou les plus dynamiques, éliminés, emprisonnés ou exilés, les partis d'oppositions font le dos rond et sont contraints d'entrer dans un débat inégal avec le pouvoir puisque c'est lui qui en fixe les règles. Jusqu'en 1971, date du premier putsch militaire contre Hassan II, celui-ci cultive encore des rapports avec ce qui reste de la classe politique. A l'UNFP, sa source privilégiée reste Bouabid, avec qui les contacts se font directement, ou en passant par Mohamed Aouad, son ami et conseillé du roi. A l'Istiqlal, Hassan II traite avec M'hamed Boucetta (sa famille a une longue tradition de service du Makhzen) . Au long de cette période, un seul parti verra le jour, c'est le MPDC (mouvement populaire démocratique constitutionnelle) de Abdelkrim Khatib en 1965 après son coup de gueule suite à l'état d'exception décrété par Hassan II. Il s'agit d'une coquille vide maintenue sous contrôle, dont l'usage sera fait, des décennies plus tard, pour la création du PJD (parti de Justice et Développement). Aherdane prendra les rênes du Mouvement. Ce dernier connaîtra le même sort puisque le Mouvement Populaire sera scindé en deux partis. Le deuxième putsch de 1972 installe le pays dans une paranoïa sans précédent. Hassan II coupe les ponts avec Bouabid, soupçonné de connivence avec les putschistes. Bouabid lance une première Koutla avec l'Istiqlal pour essayer de faire face au Palais. En 1973, le complot avorté de Moulay Bouazza imputé à l'UNFP, met davantage la pression sur Bouabid, obligé de se délester de l'aile blanquiste incarné par le Fqih Basri. Une option qui allait se concrétiser, après une validation préalable auprès du Palais, par la création de l'USFP(l'union socialiste des forces populaires), qui pille son ancêtre l'UNFP et le réduit à un parti fantôme. En parallèle, Hassan II entreprend une démarche similaire auprès du PLS, l'ancien parti communiste de Ali Yata, prié de renier son aile gauchiste aux rêves révolutionnaires. C'est ainsi que Le PPS( parti de progrès et socialisme) est né en 1974 et, avec lui, comme le dit ce militant du parti, « une nouvelle histoire : celle du communisme monarchiste ». Ce définitif retour à la raison des socialistes, communistes et nationalistes ressemble bien à une capitulation. Hassan II en profite pour obtenir l'union national, sur la question Sahara. Ainsi, la participation de ces partis à la Chambre des Représentants en 1977 et 1984 sanctionne l'issue d'un processus de marginalisation et de satellisation. Une autre fois, on ne trouve mieux que Waterbury pour résume bien la situation : «le Roi, ne peut se permettre de laisser une faction devenir trop puissante mais, d'une autre cote, il ne souhaite la disparition d'aucune d'entre elles ; ce serait perdre quelques pions à manipuler et se priver d'éléments bien commodes pour donner du relief. De leur cote, les factions en sont venues à accepter le jeu, selon les règles du Roi. Elles se bornent à des « revendications positives » qui leur procurent les avantages marginaux d'un régime qu'aucune d'enter elles ne rejette complètement (...). La stagnation est le prix de ce jeu de bascule ; aucune faction isolée ne peut prendre à elle seule le risque d'une initiative hardie et elles sont incapables, ensemble, d'action concertée. Le rôle que le roi s'est choisi n'est pas de diriger mais d'orchestrer les évolutions du « Ballet national des thuriféraires »6(*). Dès 1976, c'est le retour à la normale. Le roi décide d'organiser des élections. Les législatives, tenues en 1977, crée la surprise : le premier parti (143 siège sur 260) n'est ni l'Istiqlal, ni l'USFP, ni même le fidèle MP. C'est plutôt ces SAP, candidats sans appartenance qui gagnent aussitôt le nom de « Ahrar ». Hassan II, qui désire créer une nouvelle classe politique, décide de transformer les SAP en parti qu'il confie à son Premier ministre Ahmed Osman, et ainsi le RNI (Rassemblement national des indépendants) est né. Avec ses 143 élus, le RNI ressemble à une baudruche dont le ventre menace d'exploser à tout moment. Lorsque l'équipe nationale de foot perd 5 à 1 face à l'Algérie, en décembre 1979, les élus RNI font bloc contre le budget du ministère de la jeunesse et des sports. Le Palais réalise que cette majorité devient menaçante. En 1981, le RNI subit ainsi une scission. Le PND (parti national de démocratie) voit le jour. Entre-temps, Hassan II entreprend, en 1983, la création de l'UC (l'union constitutionnelle). Comme pour le RNI, Hassan II, pour concrétiser son projet fait appel à son Premier ministre du moment, Maati Bouabid. Et comme le RNI ou le FDIC, hier, l'UC devient à son tour le parti numéro un du pays. Avec l'UC, le RNI, et accessoirement le PND, sans oublier le MP, Hassan II dispose de suffisamment de possibilités « démocratiques » pour tourner le dos à l'USFP, à l'Istiqlal, au PPS et à l'OADP (organisation d'action démocratique et populaire). Le roi est plus que jamais en position de force. C'est désormais Driss Basri(ex-ministre de l'intérieur), le nouvel homme à tout faire du Palais, qui garde les contacts avec les « opposants », qu'ils soient socialistes ou istiqlaliens. Basri voit chez lui les uns et les autres, pendant que le roi leur ferme sa porte. A partir de 1992, Hassan II entreprend un processus constitutionnel qui avait pour but la montée au pouvoir de l'opposition historique. En 1998, une année avant sa mort, Hassan II installe le gouvernement d'alternance sous la conduite de Abderrahmane Youssoufi, qu'a depuis accepté tous les compromis. Une attitude qui lui vaudra, à lui et à son parti, un discrédit populaire. Pour punir le seul parti (l'OADP) qui, sans rejeter la Constitution, ne la cautionnait pas pour autant, Driss Basri encourage passivement une scission interne qui allait aboutir à la création d'un nouveau parti : le PSD (le parti social démocrate). En parallèle, le vizir voit d'un bon oeil la fronde menée au sein du PPS par Thami Khyari et lui offre la possibilité, à son tour, de créer un parti : le FFD. A droit de l'échiquier politique, et à l'ombre de l'Alternance, Hassan II a toléré l'émergence de nouveaux partis. Le PJD, fruit d'une fusion entre les islamistes et le MPDC, et le MDS (mouvement démocratique et sociale) de Mahmoud Archane. Pour le RNI, il va continuer de jouer le rôle pour lequel il a été crée, basculant tantôt à droit, tantôt à gauche, défaisant facilement les coalitions, assumant ainsi le rôle du « centre » tel qu'il imagine par Hassan II. Deux partis sont restés sur le carreau dans cette nouvelle configuration royale : le PND et l'UC. Le premier souffre toujours de l'image brouillée qu'il traîne depuis l'époque Dlimi. Le deuxième est perdu depuis la disparition de Maati Bouabid et Abdellatif Semlali7(*). Avec l'arrive de Mohamed VI au pouvoir, et le limogeage de Driss Basri, les choses devenu plus complexe, car la chute de l'ancien ministre et ses hommes qu'il avait placés aux postes de responsabilité va entraîner l'ambiguïté de frontière entre les différents protagonistes du scène partisane. Avec l'Alternance, les partis du « mouvement national » (c'est à dire issu de l'Istiqlal historique), aux premiers rangs desquels l'USFP et l'Istiqlal, qui constituent l'armature des gouvernements d'alternance depuis 1998, on va assister à un remplacement du Makhzen historique. Le parti de Mehdi Ben Barka a battu en retraite et abandonné les projets de réformes importantes. Les dirigeants de l'USFP, empâtés par six années de gouvernance et de proximité avec le pouvoir, ont manifestement été cooptés par le Makhzen. C'est un néo-Makhzen qui en train de prendre la place du Makhzen défunt8(*). Cette situation sans équivoque, va discrédit la vie politique et délaisser les partis politique quel que soit leur tendance politique, c'est ce que va démontre le sondage publier par l'association Maroc 2010 à la veille des échéances électorales du 2002, sur les « perceptions des citoyens envers la vie politique du pays ». Le verdict est sans appelle : 3.7% et 8.7% se déclarent respectivement militants ou sympathisants d'un parti politique. 87.6% se situent en dehors des mouvances partisanes actuelles. 51.3% expliquent leur non-engagement partisan en déclarant que « la politique ne leur dit rien »9(*). Face à cette situation désastreuse, le débat est lance. Toute la classe politique est unanime sur l'urgence d'une réhabilitation et d'une reforme du champ partisan. La première tentative était un projet de loi, en 2000, qui va être enterré, au profit de la préparation des élections 2002. Et tout le monde vécut heureux jusqu'au 16 mai 2003, où le Maroc se réveilla à la nécessité d'assainir, pour de bon, le champ politique10(*). Entre temps, c'est le Roi qui va prendre le relaie, on exprimant dans son discours, à l'ouverture de la troisième année législative de l'actuelle législature, d'élabore un texte de loi sur les partis politiques. Il estime que l'adoption de ce projet de loi pourrait réhabiliter et donner plus de crédibilité à l'action politique, démocratiser et assurer la transparence dans la gestion des partis politiques en vue de leur permettre de contribuer activement à la réussite du processus démocratique et de mettre fin à certaines pratiques qui nuisent à l'action politique et la vident de sa noble finalité. La classe politique dans sa majorité approuve la volonté royale, et dit prête à jouer le jeu de crédibilité et de transparence. Et comme a été prévu, un avant projet de loi relatif aux partis politiques a été soumis aux formations politiques. Cet avant-projet est constitué de 6 sections et 53 articles, concernant la constitution, la gestion et le financement des partis politiques. Dès le premier article, le projet de loi a tranché au sujet de l'idéologie partisane. Ainsi l'interdiction est claire de toute création de parti politique qui se ferait sur la base d'une idéologie religieuse, linguistique, ethnique ou régionale. Tombe également sous la coupe de la loi toute partie dont la création vise l'atteinte à la religion musulmane, à l'institution monarchique de l'Etat et à l'intégrité territoriale du Royaume.
En terme d'organisation et de gestion interne des partis politiques, le projet de loi impose le principe d'élection pour la désignation de toutes les instances (locales, régionales ou nationales) des partis politiques. En terme de statuts purs, le projet de loi exige de tout parti, pour être reconnu en tant que tel, de disposer d'un minimum de 1000 membres fondateurs au lieu de 3000 initialement suggérés. Les partis politiques doivent par ailleurs être représenté au minimum au niveau de la moitié des régions que compte le territoire (16 au total) et de disposer dans chaque région où il est représenté de 5 % sur le total des membres fondateurs.
Le projet de loi sur les partis politiques, dans sa mouture finale, souligne la nécessité pour les partis politiques de fixer un quota de participation pour les femmes et les jeunes. Le principe du quota est ainsi acquis même si aucun pourcentage n'est fixé et qu'aucune mesure répressive n'est prévue en cas de violation par les partis politiques de cette disposition. Cela ouvre, néanmoins la porte à d'autres initiatives, notamment dans le cadre de la prochaine loi électorale. Le projet de loi impose ainsi aux formations politiques la tenue annuelle de leur comptabilité. Le texte précise que les fonds des formations politiques proviennent des droits d'adhésion des militants, les dons et subventions ainsi que les revenus liés à l'organisation d'activités culturelles et sociales en plus de l'aide de l'Etat.
La subvention étatique est, cependant,
reliée à la tenue des assises nationales des partis politiques.
Ainsi, en vertu de la loi, toute formation qui n'aura pas tenu son
congrès dans un délai de 4 ans se verra privée de l'aide
annuelle de l'Etat. Les partis politiques sont également interdits de recevoir des subventions ou aides de quelque forme que ce soit provenant d'un pays étranger, d'une personne morale soumise à une loi étrangère ou d'une personne ne portant pas la nationalité marocaine. Les partis, pour l'instant, commencent à peine à constituer les commissions chargées d'examiner le texte. Mais on relève déjà quelques réticences générales, et communes. Celle qui revient le plus souvent est la suivante : Les conditions qu'on pose à la création des partis politiques juge très difficile, voire impossibles à respecter sans tricher. S'il est vrai que la scène politique marocaine est pléthorique (26 partis agréés), est-ce une solution de la figer en l'état, en bloquant l'arrivée de nouvelles formations ? Ce serait considérer que les formations existantes sont suffisamment organisées, et crédibles, pour représenter efficacement les Marocains. Autre reproche général à cet avant-projet de loi : la création d'un parti y devient soumise à autorisation du ministère de l'Intérieur. À la moindre pièce manquante au dossier de constitution (vu le nombre de documents demandés, il est quasiment impossible qu'un dossier soit parfait), le ministère rejette la demande. Il s'agit, en somme, de reconduire le ministère de l'Intérieur en tant que force régalienne de contrôle.
Si tout ce qui se rapporte, dans ce texte, au ministère de l'Intérieur suscite déjà l'opposition, la section concernant l'organisation financière des partis ne suscite, elle, que des applaudissements. Non sans une certaine critique. Appliquer la transparence financière la plus stricte (c'est ce que prévoient, en gros, les articles 29 à 41) n'ira pas sans de gros déchirements internes dans quasiment toutes les formations. Prochainement, tous les partis devront avoir rendu leur copie au ministère de l'Intérieur. Un des enjeux de ce premier round de consultations est, pour Moustafa Sahel et ses équipes, de recevoir des remarques et contre-propositions précises, plutôt que des avis généraux. Mais si aujourd'hui, la monarchie et les partis politique sont tous d'accorde sur la nécessite du la reforme, sont-t-ils tous d'accorde sur la conation du reforme ? En d'autre terme, les intérêts de la monarchie à travers cette loi, correspondent elles à celles des partis politiques ? Quelle forme va prendre-t-il ce reforme ? Quel rapport de force va traduit il ? Va -t-il exprime le compromis des intérêts ou leurs conflits ? Et avant tous cela, pourquoi ce débat est lance maintenant ? Dans quel contexte elle surgit ? Et pourquoi cet acharnement contre les partis politiques comme seules responsables de la crise politique ? Ce reforme va-il entraîne un reforme constitutionnel ? Suffit il d'une disposition juridique pour que la vie politique au Maroc trouve sa vitalité ? C'est à toutes ces questions qu'on va tenter d'apporter une réponse à travers cette mémoire. Notre hypothèse du départ, sera le pourquoi et le comment de ce nouveau texte de loi, c'est-à-dire, nous va tenter de répondre à trois questions : dans quel processus historique, politique et social s'inscrite ce projet de loi ? Quel sont les intérêts et les luttes en contradiction qui le traversent ? Et enfin, quelle traduction va prendre ? Nous pensons que un travail analytique concernant le texte de loi, en premier temps, peut nous fournirons des éléments de réponse, ainsi que une exploration des documents officiels (discours du Roi, travaux du concile du gouvernement, travaux des parlementaires). Cela dit, il convient maintenant d'exposer notre plan. Celui-ci comportera deux parties. La première s'intitulera « Le projet de loi sur les partis politiques: la genèse et le contenu ». Dans un chapitre premier, nous présenterons les conditions d'émergence de nouveau projet de loi. Dans un chapitre second, nous analyserons le contenu de texte à travers trois points : la constitution des partis politiques, leur organisation, et le rôle de ministère de l'Intérieur, avant de s'arrêter sur la relation enter ce texte et la réforme de la constitution. Notre deuxième partie s'intitulera « Le financement des partis politiques ». Nous consacrerons un premier chapitre aux grandes questions qui traversent le financement des partis politiques. Le second chapitre traitera le cas de Maroc et certains pays démocratiques face à ces questions, à travers leurs législations. Reste à savoir quels intérêts peuvent avoir ce travail ? , Je pense, qu'au-delà d'un intérêt personnel, ce travail pose la question de changement politique par le haut, ainsi que le rôle des partis politique dans la réussite ou l'échec du processus démocratique dans les pays sous -développes.
Dans son discours d'ouverture de la session parlementaire, le Roi a appelé à l'étude de la nouvelle loi sur les partis politiques. Une loi qui est appelée à réguler un champ politique en pleine effervescence, en pleine période de remises en cause. Dés lors, Tout le monde planche depuis plusieurs semaines sur le texte de l'avant-projet de loi sur les partis politiques. Que raconte ce texte tant attendu ? Comment est-il perçu et réceptionné ? Quelle substance va-t-il injecter dans la scène politique nationale ? Mais avant tous cela, comment ce texte est né et dans quel contexte ? * 1 - Bertrand Badie, l'Etat Importé, l'occidentalisation de l'ordre politique, Fayard, 1992. * 2 - Idem * 3- Ignace Dalle, Le règne de Hassan II 1961-1999, Une espérance brisée, Maisonneuve et Larose, 2001. * 4 - John Waterbury, Le Commandeur des croyants, Imprimerie des Presses universitaires de France, 1975 * 5- Ignace Dalle, Le règne de Hassan II 1961-1999, Une espérance brisé.,op.cite. * 6 - John Waterbury, Le Commandeur des croyants, op. cit. * 7 -Telquel, version électronique, n° non communique. * 8 - Pierre Vermeren, Le Maroc en transition, La Découverte, 2002. * 9 - le Reporter, version électronique du 29 novembre au 5 décembre 2001. * 10- Telquel, n° 141, 16 juin 2005. |
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