I. 2.2. La perception
contradictoire de la chose.
Le point fort ici est que la conscience se rend compte qu'elle
peut s'illusionner dans la mesure ou notre auteur le reconnaît:
« le percevant à la conscience de la possibilité de
l'illusion ; car dans l'universalité qui est le principe,
l'être autre est lui-même immédiatement pour lui, mais comme
néant, comme le supprimé » (t.1, p.97). La
conscience pose de ce fait l'inégalité avec soi-même de
l'objet. C'est dans ce sens qu'on peut voir qu'elle tend à
appréhender toute chose comme égale à
soi-même. La contradiction ici est seulement lorsque la conscience
percevante s'élève à l'unité de ses contraires et
qu'elle devienne entendement. Et la chose deviendra la force. A présent
quelle expérience la conscience phénoménologique fait-elle
de la chose ? A ce sujet, Hegel parle de
« l'expérience que la conscience fait dans sa perception
effectivement réelle » (t.1, p.98).
Nous ne voulons pas nous attarder sur le
développement de l'objet et du comportement de la conscience
à son égard. Nous voulons surtout faire ressortir la
contradiction qui s'y présente d'où l'importance de
l'expérience.
La chose qui fait l'objet de mon appréhension
apparaît comme un pur Un. Il faut à cet effet
considérer l'essence objective comme une communauté en
général. Ceci à cause de l'universalité de la
propriété. Cette dernière est alors perçue comme
« déterminée, opposée à un
autre et en excluant un autre » (t.1, p.98). Hegel
nous met devant une antinomie de l'essence objective en
général. C'est la principale raison pour laquelle
« je dois plutôt, à cause de la
déterminabilité de la propriété, briser la
continuité et poser l'essence objective comme un
exclusif » (t.1, p.98). Il y a alors continuité et
discontinuité. Je ne percevais pas l'objet justement lorsque je
l'appréhendais comme quelque chose d'exclusif, mais comme il
était initialement : ainsi maintenant il est un milieu commun
universel dans lequel des multiples propriétés sont par soi, et
chacun en tant que déterminée excluant les autres (t.1, p.98).
La conscience, dira Hegel par la suite, détermine
comment son acte de percevoir est essentiellement constitué : il
n'est pas une pure et simple appréhension. Il est en même temps
réflexion de la conscience en soi-même en dehors du
vrai.
Maintenant comme dans le cas de la certitude sensible, il y a
dans la perception un côté par où la conscience est
refoulée en soi. La conscience percevante va prendre sur soi ce qui
provoquerait une contradiction dans la chose. Il ressort alors une distinction
entre sa réflexion et son appréhension. Les
propriétés diverses de la chose n'appartiennent donc qu'au moi et
à la sensibilité multiple. Le vrai milieu au sein duquel ces
propriétés se distinguent, c'est le moi. La chose qui est une se
manifeste comme multiple par sa dispersion dans ce milieu.
« L'entière diversité des
côtés de la chose ne vient pas de la chose, mais de nous ;
c'est ainsi à nous que ces côtés s'offrent l'un en dehors
de l'autre, à votre oeil tout à fait différent de notre
langue, etc. Nous sommes donc le milieu universel, dans lequel de tels moments
se séparent l'un de l'autre, et sont pour soi. En considérant
alors la déterminabilité de l'être un milieu universel
comme provenant de notre réflexion, nous conservons
l'égalité avec soi-même de la chose et la
vérité d'être un Un » (t.1, p.100).
Mais si nous considérons la chose en tant que telle,
elle ne présente aucune distinction d'avec une autre chose. C'est
pourquoi les déterminabilités doivent appartenir à la
chose même. Et pour rejoindre Hegel ces déterminabilités
doivent être multiples en la chose, car sans cette multiplicité
intrinsèque, la chose ne serait pas en soi et pour soi
déterminée. Donc les choses peuvent se déterminer en soi
et pour soi ; elles ont des propriétés par où elles
se distinguent des autres. Hegel fait une
distinction à ce niveau qui est très subtile. Il distingue ce qui
est dans la chose et ce qui est en elle. « En effet,
premièrement, la chose est vrai, elle est en soi-même, et ce qui
est en elle est en elle comme sa propre essence » (t.1,
p.100-101).
La conscience, avons-nous dit est le milieu où
s'appréhende les propriétés diverses. Hegel
l'a posée aussi comme l'acte qui unifie ces
propriétés. Car, il se trouve que l'unité exclut de soi la
différence. Ainsi cette unité est prise sur soi par la conscience
parce que la chose en elle-même constitue la substance de plusieurs
propriétés diverses et indépendantes. L'explication qui en
découle est la suivante :
« Elle est blanche, elle est aussi cubique et
aussi sapide, etc. ; mais en tant qu'elle est blanche, elle n'est pas
sapide. L'acte de poser dans un Un ces propriétés échoit
seulement à la conscience qui doit éviter alors de les laisser
coïncider dans la chose. Dans ce but la conscience introduit `'le en tant
que'' par lequel elle maintient la chose comme le aussi » (t.1,
p.101).
Cette chose qui dans un premier temps paraissait à la
conscience comme Un, est maintenant présenté comme
Aussi composé de matières indépendantes. Ainsi,
la chose présente une dualité. Il y a en elle
l'appréhension et de la réflexion de la chose en elle-même.
L'expression fait à ce niveau est celle de la chose qui se montre sous
une double façon : présentation sous un mode
déterminé de la conscience qui l'appréhende et la
réflexion en soi-même. Fort de ce constat, nous nous
interrogeons : y a t-il dans la chose deux vérités
opposées menant vers une solution unique ?
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