I.1.1. Libération
économique.
Disons de manière générale que, le
travail rend l'homme maître de la nature. Cet homme qui travaille dans le
cas de notre étude se nomme l'esclave. Tandis que le maître
apprend à le maîtriser, ce dernier apprend la maîtrise de
soi à travers la nature.
« Et c'est ainsi que parce que servile,
le travail est formation et culture. Le travail est à la fois
transformation du monde et création de l'homme. Exercé sur la
nature qu'il humanise, le travail est aussi transformation de l'esclave en
l'homme » (Abel Jeannière, 1989 : 112).
Or nous savons que si l'homme est devenu esclave, c'est
d'abord par crainte de la mort. C'est aussi par attachement à la vie
biologique. Ensuite c'est parce qu'il n'a pas surmonté sa nature. Bref,
sa faiblesse est due au fait de sa soumission à la nature.
Mais la maîtrise de la nature, à travers le
travail, conduit à la maîtrise de sa nature. Et par ce fait, le
travail le libère de sa subordination au maître. Nous pouvons
alors dire sans grand risque de se tromper que si l'homme n'est plus esclave
de la naturalité en lui, il cesse d'être esclave de son
maître et puisque :
« l'esclave connaît de mieux en
mieux son apport à la nature, il devient intelligent, mais un tel
rapport suppose : service, règle extérieure,
désir refréné ; il ne peut exister que pour
l'esclave » (Abel Jeannière, 1989 : 117).
I.1.2. Libération
politique
A ce niveau le travail est source d'autonomie. Tout d'abord,
le travail libère l'homme du maître. Cette libération
nous paraît inéluctable. Car la maîtrise de la nature lui
confère un avantage sur le maître qui se transforme en
maîtrise. De manière évidente, le maître devient
dépendant à l'égard de l'esclave, et donc un
assisté. Mais l'angoisse qu'il fait peser sur les esclaves pour lui
obtenir son obéissance va lui apprendre deux choses. D'abord que
l'existence naturelle à la quelle il tenait tant est en
réalité sans valeur pour lui. Ensuite il apprend que la
liberté seule vaut la peine d'être vécue.
Dans la servitude, l'esclave acquiert, la notion d'une
véritable indépendance à l'égard de la nature.
Ainsi, grâce à l'obéissance, il arrive à une
maîtrise de soi. Celle-ci est le reflet de celle que le maître
exerce sur lui. « La crainte du maître est le commencement
de la sagesse », dit ici Hegel en citant la Bible.
Ceci nous fait soupçonner à quelle source Hegel
a puisé toute sa dialectique, et en même temps, cela
caractérise le second degré franchi par l'esclave. Car le
maître ignore une telle sagesse. Faute d'être passé par la
dure école de la servitude, il reste semblable à ce que
l'esclave était au départ : un être exclusivement
mû par ses désirs. C'est à ce niveau
précisément que nous retombons au début du processus
dialectique. Nous nous rendons bien compte que :
« ... le manque de liberté de l'esclave,
son humanité incomplète est la source du dilemme du
maître : celui désire en effet être reconnu par un
autre être humain, il veut la reconnaissance de sa valeur et
dignité propres. Au lieu de cela, il est reconnu par l'esclave dont
l'humanité est restée inachevée parce qu'il y a
renoncé par peur de la mort. La valeur du maître est donc
reconnue par quelqu'un qui n'est pas complètement humain. D'où
l'insatisfaction » (Francis Fukuyama, 1992 :
226).
Or, il n'y a de reconnaissance que mutuelle. Toutefois
l'analyse hégélienne nous rappelle une évidence :
l'homme est perfectible. Ceci nous montre que la nature humaine n'est pas
fixée. Elle est toujours en devenir. Et c'est cette nature
«indéterminée » de l'homme qui confère au
travail une fonction centrale.
« C'est par le travail et noble loisir qu'on
accède à une plus haute
humanité. La dimension fondamentale de l'homme
n'en apparaît pas moins politique au sens aristotélicien du terme.
Etre homme c'est être connu et reconnu » (Abel
Jeannière, 1989 :113).
Hegel est théoricien d'une nouvelle nature qui n'est
assimilable à l'homme que dans un mouvement social de transformation de
la nature. Ceci constitue d'ailleurs le monde du travail. La dialectique dans
sa complexité vient alors définir non seulement la
société, mais aussi l'esprit lui-même.
« Après la création de la nature,
l'homme apparaît et s'oppose au monde naturel : il est l'être
qui s'élève dans un univers second. Notre conscience
générale comporte la notion de deux genres : celui de la
nature et celui de l'esprit. Le royaume de l'esprit comprend tout ce qui est
produit par l'homme » (1968 : 88).
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