WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La dialectique de la reconnaissance chez Hegel

( Télécharger le fichier original )
par Dominique Mvogo Mvogo
Université Catholique d'Afrique Centrale - Maîtrise en Philosophie 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE II : La reconnaissance dans la vie éthique

II.1. Ethique

Hegel a voulu reconstituer en termes philosophiques le processus d'édification d'une communauté éthique, conçu comme le développement graduel d'une lutte pour la reconnaissance. Et il apparaît au cours de l'histoire de la pensée post-hégélienne un certain nombre de prémisses théoriques, dont il faut tenir compte si l'on veut donner à la pensée de Hegel une portée actuelle. On s'appuie sur le modèle d'une théorie sociale à teneur normative. Pour ce cas précis, on se trouve confronté à trois tâches précises. Elles découlent du changement de situation de la réflexion théorique.

Le modèle de Hegel selon lequel la formation de la subjectivité est pratique présuppose la reconnaissance réciproque des sujets. Lorsque chacun des deux se trouve confirmé dans son activité propre par rapport à son vis-à-vis, c'est alors qu'il parvient à se comprendre comme Je. C'est un individu agissant de façon autonome. Cette thèse constitue le point culminant de la lutte pour la reconnaissance. Or, le mot reconnaissance a plusieurs sens qu'il convient de distinguer pour une meilleure compréhension en éthique (Didier Julia, 1985 : 251).

- Reconnaissance veut dire : identifier, distinguer, reconnaître quelque chose ou quelqu'un, un signifié ou explorer un terrain, examiner, vérifier. Fonction cognitive qui est le corrélât de la représentation, du connu qu'il faut retrouver, et comporte le risque de l'erreur, de la méprise, du malentendu, de la méconnaissance.

- Reconnaissance veut aussi dire assumer ses actes, sa responsabilité, reconnaître ses fautes et ses dettes, ses devoirs, ses enfants, ses appartenances ; notion morale d'aveu et de bonne foi qui concerne l'énonciation. C'est le corrélât de la séparation entre émetteur et récepteur, comportant le risque de la tromperie, de la mauvaise foi, du parjure mais aussi du refoulement ou de l'oubli. Le mot reconnaissance peut avoir effectivement le sens de reconnaître ce qu'on avait d'abord renié, reconnaître qu'on avait menti.

- Reconnaissance veut enfin dire remercier, redevoir, gratitude et réciprocité, reconnaissance mutuelle (désir de désir). Cela concerne l'interlocuteur cette fois et les signes de reconnaissance ou les signes d'amour (rétroaction positive). Ce qui est le corrélât de la relation, de la communication et dont le risque n'est plus la méprise mais le mépris, l'inégalité des positions entre celui qui donne et celui qui reçoit. La vérité est donc ici un rapport à l'autre invoquant un tiers arbitre, elle est d'abord sociale. La reconnaissance que chacun peut attendre est la reconnaissance d'une dette réciproque envers l'autre. Cependant, la lutte entre groupes introduit dans la notion de reconnaissance des formes de reconnaissance qui ne sont pas rationnelles. Nous pouvons citer entre autres le nationalisme. Il est beaucoup plus une manifestation du désir de la reconnaissance.

« Le désir d'être reconnu qui est fondé sur la nationalité ou la race n'est cependant pas un désir rationnel. La distinction entre humain et non-humain est totalement rationnelle : seuls les êtres humains sont libres, c'est-à-dire capables de lutter pour leur reconnaissance dans une bataille de pur prestige. Cette distinction est fondée sur la nature, ou plutôt sur la séparation radicale entre le domaine de la nature et celui de la liberté » (F. Fukuyama, 1992 : 235).

La lutte à ce niveau, même à l'échelle internationale, présente la même impasse que celle entre maître et esclave au niveau individuel. Une nation devient pour ainsi dire esclave de l'autre qui devient maître. Or, les prétentions essentielles de la vie sont naturellement présentent dans toutes personne. On peut retrouver dans chaque personne le désir de justice, de la dignité humaine, de l'intégrité morale. L'élément moteur à ces désirs dont nous parle Fukuyama est appelé thymos22(*). Il est le facteur central de la vie politique.

« Ce thymos paraît lié à un ordre politique satisfaisant d'une certaine manière, puisqu'il est la source du courage de l'ardeur envers le bien public et d'une certaine répugnance à se compromettre moralement. Le bon ordre politique a besoin d'être quelque chose de plus qu'un pacte mutuel de non-agression (...) Il doit satisfaire le légitime désir de l'homme pour la reconnaissance de sa dignité et de sa valeur » (1992 : 202).

La reconnaissance dit la vérité de la reconnaissance d et de l'apprentissage. Elle consiste aussi à surmonter la séparation de l'information et le risque d'erreur lorsqu'elle se porte avec confiance au devant d'une réalité extérieure.

La liberté humaine se glisse dans cet écart entre vérité et reconnaissance. On le voit dans les ratés de l'analogie qui est à la base de tout apprentissage ou dans les capacités de dissimulation nécessaires à toute communication sociale. Mais le mécanisme de la reconnaissance semble bien s'identifier avec la subjectivité elle-même. On présente souvent la question de la subjectivité du vivant comme un mystère alors que la question nous semble relativement simple. Ce qui constitue la subjectivité, c'est le récepteur de l'information, son effet, son intégration à nos représentations (sens) et son caractère décisif pour l'action (pertinence). Lorsque le récepteur est câblé, la réponse est automatique. Il y a par contre subjectivité lorsqu'il y a apprentissage, accumulation d'expériences singulières qui modifient en permanence la perception extérieure, notre reconnaissance de ce qui arrive. L'apprentissage introduit la finalité dans la chaîne des causes en visant la répétition d'un plaisir ou l'évitement d'une douleur. L'intentionnalité se constitue en visant un objectif déjà connu. Elle résulte de la remémoration, de l'apprentissage d'un plaisir éprouvé et de la capacité de répétition, c'est-à-dire de reconnaissance de ce qui en a été la cause. Dans une interaction avec une autre subjectivité, il y a apprentissage réciproque, c'est en quoi on l'éprouve comme subjectivité vivante. Sur ce terrain, même avec un animal, l'approche se fait sur un pied d'égalité, pas à pas, ou ne se fait pas.

Le véritable mépris est alors le mépris de la réalité de l'autre, de sa considération, sa dignité, son estime, l'attention qu'il mérite comme interlocuteur. La véritable reconnaissance mutuelle, la mutualité n'est pas la simple réciprocité de l'échange. Le contre-don n'est pas le paiement d'une dette ou d'une restitution. Voilà pourquoi il est insultant de rendre immédiatement, contrairement à l'échange marchand. On ne rend pas un bienfait, on donne en retour, ce qui garantit l'égalité des dons. Ne pas attendre de réciprocité est le fondement d'une réciprocité crédible, libre, non hypocrite. Celle-ci est création d'un lien social qui est reconnaissance de l'autre, de son prix, qui a besoin tout autant de la générosité d'accepter un don offert.

En se reposant ainsi sur une supposée objectivité des capacités d'un individu et sur l'égalité des dons, on évacue les impasses du désir de reconnaissance comme désir de désir, comme domination affective. La reconnaissance est presque toujours inégale et la réciprocité de l'amour exceptionnelle. On sait que pour Hegel, conformément à la morale aristocratique, c'est le mépris de la mort, le risque de la vie qui fait l'humanité du maître, la preuve de sa liberté, du poids de sa parole et de sa valeur spirituelle. Ce dernier renvoie ainsi l'esclave à la dépendance des besoins animaux, aux contraintes de la nécessité. Mais le maître a-t-il acquis ainsi une reconnaissance dont il puisse se satisfaire à vie ? L'accord des désirs est beaucoup plus rare. Il reste malgré tout une certaine réciprocité entre interlocuteurs inégaux. Mais la reconnaissance n'est jamais gagnée d'avance, toujours insuffisante et fautive car, par définition, elle est restrictive, limitée, ponctuelle. Elle est confrontation au réel toujours à refaire et qui ne va pas sans méconnaissance de tout ce qu'elle ne reconnaît pas. Cela ne doit pas empêcher une d'autant plus nécessaire politique de reconnaissance.

« Pour Hegel, la société libérale est un accord égal et réciproque entre citoyens pour se reconnaître mutuellement. Si le libéralisme selon Hobbes ou Locke peut être interprété comme la poursuite de l'intérêt personnel bien compris, le libéralisme hégélien peut être vu comme la poursuite de la reconnaissance rationnelle, c'est-à-dire la reconnaissance sur une base universelle selon laquelle la dignité de chaque personne comme être humain libre et autonome est reconnu par tous » (Fukuyama, 1992 : 234).

L'erreur ici serait de réduire la vérité à la question de la reconnaissance. Et au nom de notre égalité de sujet on risque de mettre au même niveau tout savoir et toute vérité. Pourtant la nécessité d'une vérité efficiente demeure entière même si toute vérité reste incertaine. Et lorsque nous émettons des paroles trompeuses ceci nous oblige à donner des gages et mettre notre vie en jeu pour justifier notre intervention. La valeur de vérité se mesure dès lors à notre investissement dans le jeu avec l'autre, à ce qu'on est prêt à y sacrifier. On ne peut éviter la douleur du négatif. La dialectique historique continue. Il faut payer le prix de chaque vérité, prendre le risque de se tromper et de perdre l'estime des autres.

C'est à partir de là que Francis Fukuyama nous aide à identifier des questions sans y répondre : que seront la vie et les moeurs d'une société mondialisée, qui vivra globalement et en temps réel les événements, les idées et les passions ? Comment échapperons-nous à la menace de la barbarie qui resurgit toujours lorsqu'à l'incertitude totale nous ne pouvons tenter l'issue d'une renaissance ? Une issue se présente à nous, c'est celle de morale.

* 22 Thymos : terme que Fukuyama emprunte à La République de Platon . il est considéré comme sens de la justice inné en l'homme. il constitue le siège psychologique de toutes les vertus nobles comme l'oubli de soi, l'idéalisme, la moralité, l'esprit de sacrifice, le courage et le sentiment de l'honneur (1992 : 203).

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand