La dialectique de la reconnaissance chez Hegel( Télécharger le fichier original )par Dominique Mvogo Mvogo Université Catholique d'Afrique Centrale - Maîtrise en Philosophie 2005 |
I.1.2.La lutte pour la vie et pour la mortLe «combat pour la vie et la mort » (t.1, p.158) est très significatif. Il souligne avec force ce que nous appelons la transcendance essentielle, dans la qualité de la liberté par rapport à la nature. Il est de ce fait évident que la conscience de soi s'affirme d'abord en mettant en jeu sa propre vie. Puis elle menace la vie de quiconque se réclame d'une universalité semblable. Pourquoi ? Parce qu'elle est conscience de soi en étant d'abord pour-soi simple. C'est ce qui explique qu'elle s'appréhende comme «égale à soi-même par l'acte d'exclure tout autre hors de soi » (t.1, p.159). Désirer la vie n'est pas seulement la conserver, mais l'inventer. Désirer vivre c'est vouloir ce que j'ai déjà et ce que je n'ai pas encore. Dans ce vide jamais comblé, la conscience se vise elle-même et se vise à jamais. L'homme ne peut jamais être ou se considérer achevé, puisqu'il doit s'arracher à lui-même pour être lui-même. Et donc, lorsque deux consciences de soi se rencontrent, elles s'affrontent. Chacune est objet du désir de l'autre et ne traduit cette réciprocité que dans la perception du danger accru. Chacune agresse l'autre et c'est la lutte à mort. Dans cette lutte, le but est unique et le même pour les deux : la satisfaction de son propre désir. A travers cette lutte, il se dégage un sentiment de peur. Et être ainsi saisi de panique, c'est déjà avoir un vague sentiment de mort. On ressent alors une différence, entre soi-même et sa vie. Il se présente à nous la vie de cette conscience de soi et son contraire absolu et inconnu : la mort. Elle est visible dans les yeux de son adversaire. Il se crée ensuite une distance entre sa vie et ce qu'il est. Mais aux dires de Hegel, la lutte est nécessaire parce qu' : «elles12(*) doivent nécessairement engager cette lutte, car elles doivent élever leur certitude d'être pour soi à la vérité, en l'autre, et en elles-mêmes. C'est seulement par le risque de sa vie qu'on conserve la liberté » (t.1, p.159). Les deux consciences qui s'affrontent savent bien ce qu'est la peur. Pour toutes les deux, c'est la violence de l'émotion qui est la mesure même du danger. Le résultat de cette expérience est que : « le comportement des deux consciences de soi est donc déterminé de telle sorte qu'elles se prouvent elles-mêmes l'une à l'autre au moyen de la lutte pour la vie et pour la mort » (Ibidem). Nous pouvons alors remarquer que quelque chose commence à se nouer. Il ne s'agit plus d'un effort unilatéral de supprimer l'autre, mais d'un combat où s'engage une réciprocité. Mais, supposons que l'une des deux, prise de panique au souvenir des combats passés rompt le combat, elle s'avoue vaincue avant même de s'être battue. Tout de suite, son attitude laisse transparaître un sentiment de peur. Mais son geste peut aussi faire découvrir un autre sentiment : le plaisir de donner la vie. Le vainqueur peut lire dans les yeux du vaincu la reconnaissance effective de son pouvoir de donner la vie et la mort. En d'autres termes, c'est la reconnaissance de la valeur humaine et de sa liberté. Mais il n'a pas atteint la vérité de la reconnaissance comme reconnaissance d'une conscience de soi indépendante. « Pareillement, chaque individu doit tendre à la mort de l'autre quand il risque sa propre vie ; car l'autre ne vaut plus pour lui que lui-même » (t.1, p.159). Du coup, on aperçoit l'humanité dans un rapport politique : on est un homme que parce qu'on est reconnu comme tel. Et le texte de Hegel est ici très significatif à ce niveau. Il parle d'une simple liberté d'indifférence, une liberté des choses, qui ne peut engendrer justement qu'une négation de la chose. Voilà pourquoi il écrit : « Leur opération est la chose abstraite, non la négation de la conscience qui supprime de telle façon qu'elle conserve et retient ce qui est supprimé ; par-là même elle survit au fait de devenir-supprimée » (t.1, p. 160). D'un point de vue dialectique et phénoménologique, l'esclave entend sauvegarder sa propre vie à la différence du maître. Ce dernier incarne l'esprit chevaleresque qui aime l'aventure et met en péril son existence, en défiant la mort. Deux attitudes sont incarnées par les deux consciences de soi : la peur et la liberté. Le rapport à ce niveau consiste dans la reconnaissance réciproque de l'attitude que chacune incarne. * 12 `'Elles'' mis pour consciences. |
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