Chapitre II : La fiscalitÈ forestiËre
dÈcentralisÈe
Pour comprendre aisÈment la problÈmatique de
la fiscalitÈ dÈcentralisÈe, il faut se situer
dans le contexte gÈnÈral díallËgement
des charges de l'...tat en cours un peu partout sur la planËte. Avec
líadhÈsion au capitalisme triomphant, sous la pression des
institutions de Bretton Woods et les
partenaires financiers du Nord, les ...tats du Bassin du
Congo se sont engagÈs dans la voie de la dÈcentralisation.
Ceci impliquant de plus grandes marges de manúuvre pour les
communautÈs locales. Quoique participant de la mÍme
dÈmarche, la fiscalitÈ dÈcentralisÈe en
matiËre de gestion des ressources naturelles va plus loin. Elle va
au-del de líunitÈ administrative pour prendre en
compte la notion de communautÈ riveraine. Cíest un aspect propre
au secteur forestier.
En Afrique Centrale, l'exploitation industrielle du bois est une
activitÈ Èconomique majeure, qui contribue trËs
grande proportion au budget des ...tats de la sous-rÈgion. Elle est la
deuxiËme source de recette de ces pays aprËs les
hydrocarbures et les mÈtaux prÈcieux56. Tout
comme les droits díusage, la gestion communautaire de la faune et
de la flore, la fiscalitÈ environnementale vise
contribuer la lutte contre la pauvretÈ et au
dÈveloppement rural. Cet autre mÈcanisme díouverture
est tout aussi bien usitÈ au Cameroun quíen RDC.
MÍme si elle prÈsente quelques
disparitÈs ici et l, elle connaÓt les
mÍmes vicissitudes Áa et l.
A la vÈritÈ, la fiscalitÈ
forestiËre intËgre un nombre assez variÈ de taxes et
de redevances. Il est question dans le cadre du prÈsent travail
de ressortir les aspects de cette fiscalitÈ qui marquent
directement líassociation des populations riveraines des forÍts
au partage de la manne financiËre. Il síagit essentiellement de la
redevance forestiËre annuelle (RFA) (section I) et des rÈalisations
socio- Èconomiques (section II) que les exploitants forestiers sont
tenus díeffectuer pendant la durÈe de leur exploitation. Au
Cameroun comme en RDC, la question de la fiscalitÈ
dÈcentralisÈe soulËve le problËme de son fondement.
Aussi, un certain nombre de lacunes grËvent sa mise en úuvre.
56 KARSENTY Alain, le rôle controversé
de la fiscalité forestière dans la gestion des forêts
tropicales, l'état du débat et
les perspectives en Afrique centrale, Cahiers d'économie
et sociologie rurales, n° 64, 2002.
22
Section I : La redevance forestiËre annuelle (RFA)
Dans le cadre de la rÈforme de leurs lois
forestiËres respectives, le Cameroun et la RDC ont donnÈ une
nouvelle orientation leur fiscalitÈ forestiËre. Les
objectifs nationaux en matiËre de politique forestiËre repose
dÈsormais sur la gestion durable des ressources naturelles,
líaboutissement díune industrie de transformation efficace et
forte valeur ajoutÈe, et la crÈation díune
rÈpartition Èquitable des revenus
gÈnÈrÈs par líexploitation57. Quoique
marginale, si on considËre la fiscalitÈ globale de ses deux
pays, la part de RFA destinÈe aux communautÈs rurales est
une vÈritable bouffÈe díoxygËne pour
ces derniËres.
Au sens strict du terme, c'est--dire au sens du
droit fiscal, la redevance est une somme demandÈe des
usagers en vue de couvrir les charges d'un service public
dÈterminÈ ou les frais d'Ètablissement et d'entretien
d'un ouvrage public qui trouve sa contrepartie directe dans les
prestations fournies par le service ou dans l'utilisation de l'ouvrage. Il faut
qu'il y ait une corrÈlation entre le montant de la redevance et le
co°t rÈel du service rendu. Mais le montant de la redevance ne doit
pas Ítre l'exacte Èquivalent du service rendu. partir
de l on s'aperÁoit que la redevance forestiËre annuelle
n'est pas une vÈritable redevance. Ce terme est donc utilisÈ
improprement. La RFA s'analyse plutÙt comme une rente que les
exploitants forestiers versent cause des bÈnÈfices qu'ils
tirent de l'exploitation de la forÍt. Fondamentalement, les bases de la
rÈpartition de la RFA (I)
ne diffËrent pas beaucoup que líon soit au Cameroun
ocents en RDC. Plus encore cette redevance est au
centre díune controverse (II) qui mÍle les
considÈrations propres la politique fiscale et les
problËmes liÈs sa gestion.
I ñ La rÈpartition de la redevance
forestiËre annuelle
La redevance forestiËre annuelle est le principal outil
de la fiscalitÈ dÈcentralisÈe. Selon les mots du
Professeur FOMETE, son objectif gÈnÈral stipule que ' en
vue du dÈveloppement des communautÈs villageoises riveraines
de certaines forÍts du domaine national mises en exploitation, une
partie des revenus tirÈs de la vente des produits forestiers doit
Ítre reversÈe au profit des dites
communautÈs selon les modalitÈs fixÈs par
dÈcret 58. Cette mise au point permet de dÈfinir
díune part líassiette de la RFA (A), et díautre
part díapprÈcier les modalitÈs de rÈpartition
de cette
redevance, ou plus prÈcisÈment la part des
communautÈs riveraines dans la RFA (B).
A ñ Líassiette de la RFA
Asseoir líimpÙt, cíest dÈterminer
les bases de líimposition. On pourrait dire Ètablir la cause
immÈdiate de líimposition. Sa cause mÈdiate Ètant
l'ensemble des charges publiques. Líassiette de líimpÙt
apparaÓt comme le fait gÈnÈrateur de
líimpÙt. La redevance forestiËre concerne tous les
titres concÈdÈs suite un appel díoffre. On peut
citer les UnitÈs ForestiËres díAmÈnagement (UFA)
et les Ventes de Coupe (VC). Au Cameroun comme en RDC, la
dÈtermination de la RFA s'appuie principalement sur la superficie
des espaces exploitÈs. Cependant, mÍme si les
mÈcanismes
juridiques líúuvre dans les deux pays
visent atteindre le mÍme objectif, ils prÈsentent quelques
divergences. De ce point de vue il est nÈcessaire de les analyser
sÈparÈment. Il ressort que díune part, de jure
líassiette de la RFA est assez consistante au Cameroun,
seulement de fait elle est restreinte (1) ; une fois encore, le
lÈgislateur congolais síest arrÍtÈ au strict
minimum (2).
1- Une restriction de fait au Cameroun
La RFA laquelle les communautÈs ont
droit devrait provenir de diffÈrents postes budgÈtaires et
de diffÈrentes exploitations. En effet, il est prÈvu
quíune proportion de la taxe díabattage doit revenir
la communautÈ. Il en est de mÍme pour les revenus issus de
líexploitation
57 Voir La politique forestiËre du Cameroun;
document de politique gÈnÈrale, YaoundÈ 30 juin 1993.
58 TimothÈe FomÈtÈ, La
fiscalitÈ forestiËre et líimplication des communautÈs
locales la gestion des forÍts, document
du rÈseau 25b, juillet 2001.
23
de la faune. Seulement les dÈcrets
díapplication qui doivent en dÈterminer les
modalitÈs restent toujours attendus. Le lÈgislateur procËde
par renvoie et laisse la tche au pouvoir rÈglementaire de
dÈfinir, par dÈcrets, les modalitÈs pratiques de mise en
úuvre de la participation des communautÈs
ces autres instruments fiscaux. Seulement, depuis 1994, les
autoritÈs compÈtentes níont jamais pris
la peine de se pencher sur la question. De la sorte elles
privent les populations de la jouissance díun droit qui leur est
lÈgalement reconnu. On en arrive ainsi une situation
ocents la RFA provient seulement des concessions forestiËres et des
ventes de coupe.
Il convient de relever que les concessions forestiËres
sont díabord attribuÈes pour une durÈe provisoire de
trois ans. Pendant cette pÈriode, la redevance forestiËre
annuelle est calculÈe uniquement sur la base du prix plancher
fixÈ par la loi des finances59. Par la suite, si les
critËres díamÈnagement sont satisfaits, il est alors
accordÈ un titre dÈfinitif sur 15 ans, renouvelable une
fois. La RFA est alors calculÈe sur la base de la superficie, du prix
plancher et de líoffre financiËre faite par líadjudicataire.
Le prix plancher est un prix fixÈ par les autoritÈs en charge de
la gestion du secteur forestier60. Cíest un taux fixe qui,
appliquÈ la superficie de líespace exploiter donne
le
montant exacte de la redevance forestiËre annuelle.
Pour ce qui est de la vente de coupe, elle est
attribuÈe par le ministre en charge des forÍts aprËs avis
díune commission compÈtente, pour une pÈriode maximum
díun an. Elle doit couvrir une superficie maximale de 2500 ha.
2- En RDC
Selon la loi de la RDC, la fiscalitÈ
forestiËre dÈcentralisÈe concerne uniquement la
redevance de superficie concÈdÈe61. Ici, la redevance
forestiËre síassoie aussi sur la superficie et se multiplie par
líoffre plancher imposÈe par líadministration, ainsi que
par líoffre financiËre faite par líadjudicataire. On le voit
bien, le procÈdÈ est exactement le mÍme que celui
pratiquÈ au Cameroun, sauf que le lÈgislateur congolais
síest confondu dans une vision minimaliste de la redevance
forestiËre la quelle les populations locales peuvent aspirer. Il ne
síest pas encombrÈ díÈtendre la participation aux
diffÈrentes taxes qui constituent la fiscalitÈ
forestiËre au Cameroun. Cíest ainsi
que la taxe díabatage est exclusivement destinÈe
líEtat par exemple.
Cette attitude est dÈplorable. Ce
díautant plus que la RDC est un pays vaste.
Líadministration síavËre trËs
souvent ÈloignÈe des administrÈs, de ce point de
vue, la fiscalitÈ dÈcentralisÈe et notamment la
redevance forestiËre annuelle est un moyen efficace de lutte contre la
pauvretÈ et la rÈduction des faussÈes sociaux. A bien des
Ègards, le lÈgislateur congolais a procÈdÈ
mimÈtisme partiel. Ceci se ressent aussi dans la rÈpartition de
la redevance forestiËre annuelle.
B ñ Les modalitÈs de
rÈpartition
Dans une perspective de gestion participative, la
rÈpartition de la redevance forestiËre annuelle pose la
question de la dÈtermination de la part des communautÈs
locales. Il síagit, concrËtement díapprÈhender le
montant exacte auquel ces populations doivent síattendre. Si
les modalitÈs de calcul sont pratiquement les mÍmes au
Cameroun et en RDC, les personnes et les entitÈs
concernÈes par cette rÈpartition ne sont pas les mÍmes que
líon soit dans un pays ou dans líautre. Il importe de ce
fait de considÈrer díabord la situation au Cameroun (1)
avant de síappesantir sur celle de la RDC (2).
1- La part des communautÈs riveraines au
Cameroun
Tout comme dans la gestion communautaire de la faune et de la
flore, la fiscalitÈ forestiËre
au Cameroun considËre la communautÈ riveraine jusque
dans sa plus simple expression. Cíest dire
59 Au Cameroun la loi de finance depuis
l'annÈe budgÈtaire 1994-1995 fixe successivement le prix plancher
pour les ventes de coupe 2500 FCFA/ha/an et pour les concessions
1500 FCFA/ha/an.
60 Article 66, alinÈa 1 loi de 94, pour le
Cameroun.
61 Ceci ressort de la combinaison des articles 93 et
122, alinÈa 1 du code forestier RDC.
24
quíelle prend en compte son aspect sociologique et celui
politique. On peut penser de ce fait que le lÈgislateur camerounais a
vÈritablement intÈgrÈ líesprit des recommandations
de Rio 92.
La rÈpartition de la redevance forestiËre
síeffectue entre líEtat, en tant que propriÈtaire de
toutes les richesses du territoire nationale, la commune
en tant que pÙle du pouvoir dÈcentralisÈ
local et les communautÈs riveraines des
forÍts exploitÈes. Le code forestier dispose que la
redevance forestiËre doit Ítre attribuÈe
hauteur de 50% líEtat. La commune dans laquelle se situe
líexploitation forestiËre concernÈe doit
bÈnÈficier de 40% et 10% de cette rente revient la
communautÈ locale. L'affectation de la part de 40% de la RFA
destinÈe aux communes est dÈterminÈe par l'article
93 nouveau de la loi n°95/21 du 08 ao°t 1995 modifiant
certaines dispositions de la loi n° 74/23 du 5 dÈcembre 1974,
portant organisation communale, qui stipule que celle-ci soit de 40% est une
recette communale. De fait, cette part relËve du cadre
gÈnÈral de leurs attributions, de leur mode de fonctionnement et
de leur organisation. Seule l'affectation de la part de
la RFA62.
En dÈfinitive cinquante pour cent de la redevance
forestiËre annuelle concoure donner tout son sens la
fiscalitÈ forestiËre dÈcentralisÈe. MÍme si au
bout du compte il níy a que dix pour cent
de cette redevance qui est octroyÈe aux populations
riveraines, il faut considÈrer que ce sont des montants
significatifs qui sont mÍme de participer
effectivement au dÈsoeuvrement des communautÈs
forestiËres. Seulement, toutes les lÈgislations du Bassin du Congo
ne considËrent pas
au mÍme point líimportance des populations
villageoises.
2- La rÈpartition en RDC
La fiscalitÈ dÈcentralisÈe en RDC
suit les canons classiques de la dÈcentralisation. Elle consiste
beaucoup plus renforcer líautoritÈ de líEtat sur le
territoire national. Dans ce cens le code forestier prÈcise que cette
redevance de superficie concÈdÈe est destinÈe
proportion de 40% aux entitÈs administratives de provenance des bois ou
des produits forestiers et 60% au trÈsor public63.
Pour ce qui est de la part qui revient aux entitÈs
administratives, il est prÈcisÈ plus loin que
les quarante pour cent reviennent de droit, raison
de vingt cinq pour cent la province et de
quinze pour cent líentitÈ
dÈcentralisÈe concernÈe. Cíest dire que
finalement, les communautÈs locales ne reÁoivent que 15% de la
redevance.
Deux grandes diffÈrences par rapport ce qui se
passe au Cameroun. Díabord, sur les entitÈs qui doivent
participer au partage de la redevance de superficie. Alors quíici on
prend en compte la province comme unitÈ de base, et marginalise
les populations locales, l-bas une place non nÈgligeable
est faite aux communautÈs riveraines prise dans tous ses
aspects. En suite, la participation de líentitÈ
dÈcentralisÈe semble tout fait dÈrisoire en
RDC, quinze pour cent seulement, si on la compare celle des
communautÈs locales camerounaises. Tout compte fait, cette
rÈpartition de la redevance forestiËre annuelle augure du
rÙle controversÈ que joue cette derniËre.
II - Le rÙle controversÈ de la redevance
forestiËre annuelle
Tout ce qui touche la fiscalitÈ, au partage des
revenus issus de la rente forestiËre entre les opÈrateurs
Èconomiques, les populations riveraines, les collectivitÈs
locales, et líEtat demeure éminemment complexe et
sensible64. C'est tout l'enjeu de la controverse qui
grève la RFA. Les termes de la controverse sont centrés d'une
part, sur l'opacité des circuits de diffusion de la RFA
(A), et d'autre part sur les dysfonctionnements qu'on observe
ça et là dans l'usage effectif de cette redevance par les
communautés (B).
A- LíopacitÈ des circuits de gestion de la
RFA
62 Cf. Article 68 loi de 94 et
ArrÍtÈ conjoint n°000122/MINEF/MINAT du 29 avril 1998 fixant
les modalitÈs d'emploi des revenus provenant de l'exploitation
forestiËre et destinÈes aux communautÈs villageoises
riveraines.
63 Article 122 code forestier RDC, Op. Cit.
64 Voir dans ce sens : FiscalitÈ
forestiËre et gestion durable : quelques ÈlÈments de
rÈflexion, Article paru dans
CanopÈe n° 11 - Mars 1998.
25
Au Cameroun comme au Congo DÈmocratique, il y a
finalement commune mesure dans l'art que l'Etat à de donner sans
donner. En effet, certes les populations participent à la gestion de la
redevance forestière annuelle par des mécanismes juridiques bien
ficelés. Cependant, à regarder de plus près, on se rend
à l'évidence que ce n'est qu'une participation de façade.
Cet altruisme béa se confond et se limite par la sous information des
populations sur la RFA (1). Il en est de même de la tutelle encombrante
de líEtat dans la gestion de la RFA (2).
1 - La sous information des populations sur la
RFA
Líun des problËmes majeurs de la participation des
populations et des communautÈs rurales
la gestion des ressources naturelles forestiËres
renouvelables et plus gÈnÈralement la gestion de
líenvironnent reste líaccËs
líinformation utile. En effet, les populations locales,
bÈnÈficiaires cibles de la fiscalitÈ forestiËre
dÈcentralisÈe, selon Professeur
FomÈtÈ65, níont pas accËs direct
líinformation sur les sommes mobilisables pour leur
compte. De la mÍme faÁon, elles ne connaissent pas les
mÈcanismes et procÈdures díappropriations collectives que
la loi prÈvoit en leur
faveur. Les communes, collectivitÈs territoriales
dÈcentralisÈes qui ont pour mandat de gÈrer les
revenus destinÈs aux populations ne disposent pas des
donnÈes nÈcessaires líestimation des sommes
attendues et par ailleurs les sommes recouvrÈes au niveau de la commune
sont quasiment inconnues, y compris des personnes supposÈes participer
la gestion des communes.
Lí...tat lui-mÍme, ne possËde pas toute
líinformation nÈcessaire pour assurer une application
effective de la loi relative la fiscalitÈ
forestiËre, dans le sens díassurer une taxation optimale de la RFA.
A ceci, un certain nombre de raisons peuvent Ítres invoquÈes.
Líinsuffisance du personnel de líEtat sur le terrain.
Líenclavement des zones forestiËres dans le Bassin du Congo. Le
manque de moyen de financier pour effectuer des dÈcentes dans la
forÍt. La RÈpublique DÈmocratique du Congo
connaÓt une situation particuliËre, du fait de
líinstabilitÈ politique qui líÈbranle depuis
quelques dÈcennies.
Finalement, on assiste une certaine asymÈtrie dans
la diffusion de líinformation, díautant que les professionnels de
la foresterie connaissent trËs bien les bases de la taxation, parce
quíayant
les moyens de la rechercher, tandis que les populations sont
sous informÈes. Dans ce contexte, on comprend bien que les exploitants
ne fassent pas díeffort pour propager líinformation, quand ils ne
líoccultent pas tout simplement. La controverse autour de la redevance
forestiËre síanalyse aussi par líomniprÈsence de
lí...tat dans líacheminement de celle-ci.
2 ñ La tutelle encombrante de líEtat dans
la gestion de la RFA
Tout commence par le recouvrement de la redevance. Au Cameroun
comme en RDC cíest lí...tat qui est chargÈ du
recouvrement de la RFA. Dans la mouvance de la reforme de la loi
forestiËre, les autoritÈs camerounaises ont voulu adapter des
institutions fiables líacheminement
de la RFA. En 1999, un Programme de SÈcurisation des
Recettes ForestiËres (PSRF) a ÈtÈ crÈe pour
centraliser les dÈclarations et les paiements de la RFA et de la Taxe
díAbatage (TA). Ce programme
caractËre inter-institutionnel est coordonnÈ
par la Direction des ImpÙts. A travers cette institution
transparaÓt le souci de garantir la
traÁabilitÈ des fonds issus de la foresterie. Reste que
dans la pratique on a plutÙt obtenu líeffet contraire.
Dans le contexte de corruption
gÈnÈralisÈe66, qui caractÈrise les
pays de la rÈgion, ceci a permit le dÈveloppement des
circuits complexes de distraction des fonds destinÈs aux
communautÈs. Plus il y a díintermÈdiaires, plus le
risque est
grand que les sommes soient distraites.
DËs que la caisse de stabilisation des recettes
forestiËre perÁoit líargent, elle Èmet trois avis
de virement vers les comptes du trÈsor public de la marie
et de la communautÈ locale. Cependant, tous ses comptes sont
finalement indissociables puisque le droit public camerounais
consacre
líunitÈ des caisses de lí...tat. Ainsi,
ce sont encore les responsables locaux du MINEFI qui
65 FomÈtÈ TimothÈe, La
fiscalitÈ forestiËre (Ö) Op. Cit. p 5.
66 Voir Amnesty International, rapport sur
líÈtat de la corruption dans le monde 2001.
26
perÁoivent líargent destinÈ aux
communautÈs. On a l un autre intermÈdiaire,
reprÈsentant de lí...tat. Par la suite, le Maire de la
commune de localisation de líexploitation perÁoit la part
rÈservÈe líentitÈ
dÈcentralisÈe en mÍme temps que celle
rÈservÈes aux populations locales.
A ce niveau, il y a une incohÈrence juridique qui
fait en sorte que le maire soit aussi
líordonnateur des dÈpenses effectuÈes
par les communautÈs locales. Le principe de l'unicitÈ des
caisses de l'Etat fait que les fonds caractÈristiques de la
fiscalitÈ forestiËre dÈcentralisÈe, ne sont pas
dissociables des autres revenus de la commune. Pourtant les communautÈs
locales sont organisÈes
en comitÈs locaux de dÈveloppement, et
pourraient bien percevoir elles-mÍmes et gÈrer ces fonds. Tout
au moins la part des 10% qui leur est consentie par la loi. Bien
s°r avec un encadrement minimal de la commune. Aussi, assiste-t-on
trËs souvent des frictions entre le maire et les
populations villageoises. Celui-l rÈpugnant
libÈrer les sommes dues aux populations locales, quand celles-ci
ont des projets.
En RDC cíest le TrÈsor Public qui perÁoit en
amont les sommes dues au titre de la redevance
de superficie. Contrairement ce qui se passe au Cameroun,
il faut le soulever pour síen fÈliciter, il níy a pas
trop díintermÈdiaires. Une fois recouvrÈs, les fonds
sont versÈs dans les comptes
respectifs de líadministration de la province et de la
ville du territoire dans le ressort duquel síopËre
líexploitation. Ainsi il semble bien que la situation soit nettement
meilleure. Ceci síexplique aussi
par les simple fait que ce níest finalement que
líEtat et ses dÈmembrements qui sont concernÈs.
Aussi, la RDC souffre díune grande faiblesse des
mÈcanismes de transferts budgÈtaires et de la faiblesse de
gestion des collectivitÈs67. Ces diffÈrentes
lacunes induisent des dysfonctionnements dans la gestion de la RFA.
B - Les dysfonctionnements de la RFA
Les lois du Cameroun et de la RDC sont assez claires sur
líusage que líon doit faire de la redevance forestiËre
annuelle68. Elle doit servir la rÈalisation des
infrastructures de base et díintÈrÍt communautaire, en
vue du dÈveloppement des communautÈs bÈnÈficiaires.
Seulement, les observateurs síaccordent dire que les
rÈsultats obtenus en une dÈcade de gestion de la RFA sont
mitigÈs (1). En mÍme temps, la controverse plane autour de la RFA
amËne une certaine remise ne cause de líÈquitÈ
recherchÈe dans le fondement de celle-ci (2).
1 ñ Les rÈsultats
mitigÈs
En dix ans de gestion de la RFA, il n'y a pas eu
de vÈritable changement dans les communautÈs rurales.
Líouverture de la fiscalitÈ la participation
síest plus concentrÈe dans les discours que dans les faits.
De fait, de nombreux circuits de corruption et de distraction des fonds
revenants aux communautÈs se sont btis sur le dos de la misËre, de
líignorance et de líimpuissance
de ces communautÈs. Dans ce sens un rapport d'audit du
secteur forestier effectuÈ sur la demande
du MINEFI (Cameroun) montre bien que moins de 20% de
la RFA seraient utilisÈs pour le financement effectif des
rÈalisations sociales ou des services collectifs au
bÈnÈfice des communes et des populations rurales, ce depuis la
mise en oeuvre de ces dispositions par le MINEFI69.
A cause de cet Ètat de fait, il síest
dÈveloppÈ une importante exploitation illÈgale de bois,
avec la complicitÈ des populations locales. Celles-ci
prÈfÈrant laisser libre cours líexploitation
illÈgale et recevoir des exploitants une sorte de taxe informelle.
Ainsi, une menace forte pËse sur la conservation des ressources qui se
retrouvent ainsi sacrifiÈes sur líautel de la cupiditÈ des
uns et des intÈrÍts ÈgoÔstes des autres.
Par ailleurs la RFA, quand elle est parvenue dans les mains de
ses destinataires, a souvent suscitÈ de graves crises dans les
communautÈs. L'enjeu du dÈveloppement a alors laissÈ la
place
67 MinistËre de líEnvironnement,
Conservation de la Nature, Eaux et ForÍts, Rapport national Forum des
Nations Unis
sur les forÍts, RÈpublique DÈmocratique du
Congo, 13 janvier 2004.
68 Article 122, alinÈa 4, paragraphe
1 code forestier RDC ; ArrÍtÈ conjoint
n°000122/MINEF/MINAT du 29 avril
1998 (Ö) Op. Cit. Article 3.
69 KARSENTY Alain et E et Pousse et al, Audit
Èconomique et financier du secteur forestier au Cameroun, rapport final,
fÈvrier 2000, p 73.
27
des conflits fratricides pour le contrÙle de cette
ressource financiËre. Ceci tÈmoigne du manque
díencadrement des communautÈs rurales la base par les
services compÈtents de lí...tat. Les agents
de líEtats prÈfÈrant concentrer leurs
efforts sur les circuits de distribution de la RFA que díorganiser
les communautÈs dans la gestion de ces revenus. En effet,
mÍme si les lois des deux pays prÈvoient
líencadrement des populations locales par
líadministration dans la gestion des ressources tirÈes de
líexploitation forestiËre, cette assistance est quasiment nulle
dans la pratique et est subordonnÈe des magouilles diverses.
Finalement, il níy a pas une Èvolution des infrastructures
communautaires dans les villages riverains des zones díexploitation
intensive des forÍts. DËs lors on commence
síinterroger sur líÈquitÈ la base de la
RFA.
2 ñ La remise en cause de
líÈquitÈ que sous-tend la RFA
On se souvient que líune des ambitions de la RFA
Ètait de restaurer une certaine ÈquitÈ entre
líexploitation de líhabitat des communautÈs et la
pauvretÈ criante dans laquelle celles-ci vivent. En dÈpit de
cette noble intention, on a comme líimpression quíil subsiste une
politique de deux poids deux mesures. Ce sentiment se justifie en partie par la
situation des peuples indigËnes et tribaux qui habitent la forÍt
aux cotÈs des bantous. Líexemple du Cameroun est symptomatique
de ce qui se passe dans la sous-rÈgion Afrique Centrale et
prÈcisÈment dans le Bassin du Congo.
En effet, quand on fait une dÈcente sur le
terrain dans les zones forestiËres, celles qui
perÁoivent des redevances forestiËres, un constat
s'impose. Le long des routes forestiËres ocents sont installÈes
les populations bantoues, il y a des rÈalisations caractËre
communautaires construites70
sur financement des redevances forestiËres. Cependant
aucune rÈalisation níest faite dans les
villages des ëpygmÈesí, qui sont
implantÈs un peu plus líintÈrieur des
forÍts. De ce point de vue,
de fait díÈquitÈ, il níen est
rien. Seule une portion de la communautÈ jouit des
retombÈes de
líexploitation forestiËre, pourtant líautre
composante, qui est de loin celle qui est la plus fragilisÈe
par cet exploitation ne tire pratiquement pas de profit de cette
activitÈ.
Par ailleurs, la rÈflexion est en train de
m°rir sur la ' gÈographicitÈ de la redevance
forestiËre. Certains estiment en effet que cíest une
injustice sociale que díaffecter la redevance
forestiËre au dÈveloppement de la seule
rÈgion ocents provient le bois. Ils supputent quíelle
devrait servir au dÈveloppement Èquitable de tout le pays, un peu
líimage des autres ressources naturelles telles que le
pÈtrole ocents les mÈtaux prÈcieux, qui ne font
pas líobjet díune dotation financiËre particuliËre
aux communautÈs locales de leur provenance. On va ainsi vers un droit de
pÈrÈquation. Dans ce sens, la loi de finance 2000/2001
prÈvoit la crÈation d'un fond de pÈrÈquation
pour
' rationaliser la rÈpartition du produit de la RFA
revenant aux communes et communautÈs villageoises 71.
En tout Ètat de cause, la redevance forestiËre
annuelle est sans doute líinstrument de fiscalitÈ
dÈcentralisÈ le plus important mais, Áa
níen pas moins líunique. Il y a aussi la contribution
la rÈalisation des úuvres socio-Èconomiques.
|