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La gestion participative des ressources naturelles dans le Bassin du Congo : l'exemple du Cameroun et de la République Démocratique du Congo

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par Aristide Taleng Faha
Université de Limoges - Master 2 Droit international et comparé de l'environnement 2006
  

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II - Les limites des droits díusage

Les droits d'usage sont l'une des manifestations les plus importante de la participation des populations locales ‡ la gestion des ressources naturelles dans le Bassin du Congo. Les limites de

ces prÈrogatives sont de deux ordres. On peut distinguer les limites liÈes ‡ l'affectation des espaces

forestiers (A), et les celles liÈes ‡ l'Ètendue de ces droits l‡ (B).

A ñ Les limites liÈes ‡ líespace forestier considÈrÈ

PrÈcisons quíen RDC comme au Cameroun, les espaces forestiers sont la propriÈtÈ de l'Etat25. Une exÈgËse de la politique forestiËre du Cameroun permet de dÈgager deux espaces forestiers distincts: le domaine forestier permanent et le domaine forestier non permanent. Tandis que le code forestier congolais partage le domaine forestier national en forÍts classÈes, forÍts protÈgÈes et forÍts de protection permanentes. Cette division de l'espace forestier d'un cotÈ comme

de l'autre restreint considÈrablement les droits d'usage des populations en gÈnÈrales (1) et procËde mÍme d'une certaine nÈgation des droits des populations marginales que constituent les ëpygmÈesí,

comme il est convenu de les appeler (2).

1 ñ Les restrictions des droits d'usage collectifs

Les forÍts permanentes s'analysent essentiellement comme des espaces forestiers destinÈs ‡ demeurer des forÍts au cours des siËcles. C'est dire que ce sont des espaces ocents la forÍt ne devrait jamais disparaÓtre. Dans ce registre, la loi congolaise parle de forÍts classÈes et prÈvoit des limitations aux droits d'usage selon que l'on considËre l'une ou l'autre appellation. Il peut s'agir des rÈserves intÈgrales, ocents toute activitÈ humaine est prohibÈe, des parcs nationaux ou alors des forÍts vouÈes ‡ une protection fonctionnelle. Dans les forÍts classÈes, les droits d'usage sont rÈduits ' au ramassage du bois mort et de la paille ; ‡ la cueillette des fruits, des plantes alimentaires ou mÈdicinales ; la rÈcolte des gommes, des rÈsines ou du miel ; au ramassage des chenilles, des escargots ou grenouilles ; au prÈlËvement du bois destinÈes ‡ la construction des habitations et pour

usage artisanal 26.

Dans les forÍts protÈgÈes, la perspective est ouverte au libre exercice de l'agriculture. Mais

cette derniËre dÈpend du bon vouloir du gouverneur de la province concernÈe. Dans le mÍme ordre d'idÈe, il est dit que le ministre de l'agriculture peut rÈglementer les produits forestiers dont il juge utile de contrÙler l'exploitation.

Au Cameroun, on assiste ‡ une sorte de braderie des droits d'usage coutumiers des populations locales. Dans le domaine forestier permanent, ces droits sont considÈrablement limitÈs

du fait de l'affectation de ces espaces. En effet, il est constituÈ des forÍts permanentes, domaniales

et communales. Les restrictions dans les forÍts domaniales sont dues ‡ la nÈcessitÈ de protection qui caractÈrise certaines espËces tant animales que floristiques. Cependant, les limites liÈes aux forÍts communales dÈcoulent de la visÈe Èconomique de ces espaces. Ils doivent faire l'objet d'un plan díamÈnagement. Dans cette perspective, les droits coutumiers sont alors restreints ‡ la proportion congrue que leur laisse ces plans d'amÈnagements. MÍme si la loi prÈvoit des consultations prÈalables des populations lors de l'Èlaboration de ces plans de gestion, celles ci n'ont jamais lieu et quand elles ont lieu, il s'agit juste des coquilles vides, des caricatures de consultation. Ces laxismes

juridiques et factuels sont encore plus effarants quand il s'agit des populations tribales27.

25 Article 7 Code forestier Congolais ; Loi de politique gÈnÈrale de gestion de l'environnement au Cameroun.

26 Article 39 code forestier congolais.

27 Au sens du Projet de dÈclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, 26 ao°t 1994.

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2 ñ La nÈgation des droits coutumiers des populations ëPygmÈesí

Dans le Basin du Congo, on doit ‡ l'histoire de rappeler que les ëpygmÈesí sont les premiers habitants de la forÍt. C'est dire que les droits d'usage coutumiers doivent leurs Ítre reconnus en prioritÈ. Cependant, dans la pratique on assiste ‡ une quasi-nÈgation des droits de ces populations fragiles. Une analyse du plan de zonage du Cameroun permet de se rendre ‡ líÈvidence que le

domaine forestier permanent, ocents les droits d'usage sont strictement limitÈs, couvre en totalitÈ la haute forÍt qui est le gÓte par excellence des ëpygmÈesí. Ceci les pousse ‡ revenir vers les axes routiers, endroits occupÈs par les bantous souvent hostiles, et ocents les forÍts ont dÈj‡ ÈtÈ sauvagement exploitÈes. De ce point de vue, les pratiques de l'administration causent ‡ ces ëpygmÈesí de sÈrieux problËmes de survie et les exclues presque de la gestion des produits forestiers. Ainsi, ‡ la base de líimplication dans la gestion des ressources naturelles se trouve une autre question tout aussi digne díintÈrÍt et qui concerne líappropriation de la terre.

Ressource fondamentale, la propriÈtÈ fonciËre fait líobjet díun cadre juridique particulier.

Au Cameroun, cíest la loi de 1972 qui encadre la question. Cette loi lie la propriÈtÈ de la terre ‡ líinvestissement que líon a rÈalisÈ sur cette derniËre. Au sens de cette loi líinvestissement est caractÈrisÈ par des constructions ou des plantations. Elle consacre ainsi la vision bantoue de líoccupation de líespace. Ceci dÈcoule de leur tradition de sÈdentaire et díagriculteur. Pourtant les ëpygmÈesí, peuples de chasseurs ont une autre conception du marquage de líespace qui se traduit

par des marques sur les arbres de la forÍt, par exemple. Au bout du compte, les ëpygmÈesí se retrouvent sans terre et donc sans vÈritables droits coutumiers.

En RDC le problËme se pose dans des termes presque semblables. Il convient de dire que le

sol et le sous-sol sont la propriÈtÈ de líEtat congolais, et comme líaccessoire suit le principal, les ressources du sous-sol et du sol appartiennent toutes ‡ líEtat. Ceci est un principe constitutionnel. Mais les craintes sont centrÈes sur líaffectation des terres. Ici de plan de zonage n'est pas encore dÈfinitif, cependant, les ëpygmÈesí n'en sont pas mieux lotis28. C'est sur leurs terres que l'Etat passe

le plus de contrat de concession avec les exploitants forestiers. Toute chose qui rÈduit leur accËs ‡

ces espaces l‡. C'est aussi sur leurs territoires que sont situÈes les forÍts classÈes, c'est-‡-dire des

parcs nationaux, des rÈserves de toute sorte, dont on sait que les besoins de protection limitent drÙlement les droits d'usage.

B ñ Les limites liÈes ‡ líÈtendue des droits díusage

L'Ètendue dont il est question concerne l'Ètendue matÈrielle des droits coutumiers. Il est question de rechercher les implications de l'affectation prÈcise que les lois forestiËres des deux pays envisagent pour les droits coutumiers. Il est dÈplorable que les droits d'usage forestiers soient limitÈs ‡ l'autoconsommation au Cameroun (1) tandis qu'en RDC une lÈgËre brËche est ouverte ‡ la commercialisation du produit des droits coutumiers (2).

1 ñ LimitÈs ‡ líauto consommation au Cameroun

Le moins que l'on puisse dire c'est que les droits d'usage coutumiers sont des prÈrogatives extrÍmement prÈcaires. La loi29 prÈvoit que les ministres chargÈes des forÍts, de la faune et de la pÍche peuvent, pour cause d'utilitÈ (...) suspendre temporairement ou ‡ titre dÈfinitif l'exercice du droit d'usage lorsque la nÈcessitÈ s'impose. MÍme s'il est fait mention de ce que cette suspension obÈÓt au rÈgime gÈnÈrale de l'expropriation pour cause d'utilitÈ publique, reste quíen droit camerounais la notion d'ordre publique est extrÍmement vague et laisse libre court ‡ toute sorte de dÈrives.

Aussi, la restriction qui limite le plus l'aspect lutte contre la pauvretÈ de la participation des populations riveraines ‡ la gestion des ressources forestiËres c'est la limitation des droits coutumiers

28 Organisation Autochtones PygmÈes et accompagnant les autochtones PygmÈes en RÈpublique DÈmocratique du

Congo, RequÍte adressÈe au panel d'inspection de la Banque Mondiale, 30 octobre 2005, Kinshassa-RDC p 26.

29 Article 8 alinÈa 2 loi n°94/ 01du 20 janvier 1994 portant rÈgime des forÍts, de la faune et de la pÍche.

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‡ l'autoconsommation. Le lÈgislateur se comporte comme si les besoins des populations riveraines des forÍts se limitent ‡ la nutrition. Pourtant líÈpanouissement de líÍtre humain, quíil vive en ville

ou en campagne intËgre la satisfaction des autres besoins vitaux. On peu citer entre autre

líÈducation, líaccËs aux services sociaux de base, le revÍtement, la santÈ et mÍme les divertissements. Díailleurs le DSRP30 est assez claire ‡ ce propos. En effet, les populations riveraines des forÍts ne vivent pas que du donnÈ immÈdiat que constitue la consommation personnelle. Elles ont besoin de rÈpondre aux autres besoins vitaux de la vie, bref elles ont besoin

de s'Èpanouir et ceci passe par les Èchanges : le commerce. A ce propos, il serait intÈressant de leur permettre de profiter des ressources de la forÍt pour combler ces autres besoins. En outre, l'Èconomie mondiale repose sur les Èchanges, rester en marge du mainstream est lapidaire.

2 ñ RDC : la commercialisation conditionnÈe

Ici aussi, l'on a consacrÈ la prÈcaritÈ des droits d'usage forestiers. partir du moment ocents l'on estime que l'exercice du droit d'usage est toujours subordonnÈ ‡ l'Ètat et ‡ la possibilitÈ des forÍts31,

on sous-entend que ces droits sont susceptibles de vaciller d'un instant ‡ l'autre.

Le principe de base instituÈ par le lÈgislateur congolais est celui de la prohibition de la commercialisation des produits recueillis au titre des droits d'usage forestiers32. Ceci procËde de la mÍme logique que celle adoptÈe au Cameroun et dont nous venons de relever les lacunes. Seulement, le lÈgislateur congolais semble un peu plus ouvert que son homologue camerounais. En effet, l'article 37 in finÈ du code forestier congolais envisage la commercialisation de certains fruits

et produits dont il laisse la dÈfinition ‡ la libre apprÈciation du gouverneur de province.

MalgrÈ le caractËre Èvolutionniste de ce texte, il n'en est pas moins lacunaire. Il n'Ètablit pas

les bases sur lesquels le gouverneur de province doit constituer sa liste. Ainsi la dÈtermination du contenu de la liste est laissÈe ‡ sa discrÈtion absolue. La RDC Ètant plongÈe dans une pÈriode

d'instabilitÈ politique et sociale depuis quelques dÈcennies, tous les dÈtenteurs des parcelles de pouvoir ont tendance ‡ en abuser. De ce point de vue, les gouverneurs de province seraient de vÈritables potentats investis du pouvoir de restreindre la participation des populations locales ‡ la gestion des ressources naturelles selon leur bon vouloir.

Au bout du compte, il apparaÓt bien que les droits d'usage coutumiers comme ont les appelle

au Cameroun et les droits d'usage forestiers selon l'appellation consacrÈe en RDC constituent bien

le premier rempart de la participation des populations locales ‡ la gestion des ressources naturelles.

Ils connaissent de fortunes lÈgËrement diffÈrentes dans les deux pays, mais le substrat de base est le

mÍme. La participation est entravÈe par les lacunes factuelles et juridiques importantes. Le second rempart est la gestion communautaire de la faune et de la flore.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld