L'assurance qualité des soins de santé: un défi à relever en république islamique de mauritanie( Télécharger le fichier original )par Moussa Diouldé MBOW Institut international de l'Education IRERIE de Paris - Doctorat 2006 |
ii. Dans les moughaatas :a)Les aspects généraux Au terme de la décentralisation au niveau opérationnel, les moughaatas devraient être capable de définir et de mettre en oeuvre les priorités de santé des communautés relevant de leur circonscription. Cela suppose comme nous l'avons vu tout au début une réelle volonté de transfert des décisions et des ressources du niveau central vers le niveau déconcentré. Les autorités sanitaires mauritaniennes avaient fixé l'échéance effective de la décentralisation au niveau moughaata à la fin des années 1990, grâce l'initiative de Bamako. En 2005, où en est la décentralisation des services de santé de Nouakchott ? Les trois premières années de mise en place du système de recouvrement ont été marquées un affaissement généralisé de l'offre des prestations de qualité notamment pour les activités préventives (le cas des activités du PEV, de la planification familiale, des consultations pré et post natale) et des consultations externes, car la plupart des médecins s'étaient plutôt focalisés, sur la gestion financière .Les comités de gestions qui devaient remettre les trains sur les rails n'étaient pas tout à fait fonctionnels, la gestion allait de pire en pire. De manière officieuse certains avancent même que « des ruptures volontaires de médicaments furent provoquées par les responsables de formations sanitaires pour pouvoir écouler leurs propres médicaments ».Dans cet ordre d'idées, on trouve dans les archives de quatre grandes formations sanitaires de la capitale entre 1998 et 2002 des factures faites lors de l'approvisionnement dans un circuit parallèle au système officiel (hors DPR et hors DPM) (180(*)). Il arrive souvent que des produits acquis gratuitement soient injectés dans le système, une fois vendus, leur argent y est retiré. Le cas de l'aide Saoudienne d'une valeur d'environ dix millions d'ouguiyas en médicaments et matériel médical,qui était destinée aux victimes des inondations de 1995 relogées au quartier Saada de Toujounine et dont une grande partie de ces produits fut injectée dans les pharmacies de certaines formations sanitaires sur ordre de quelques responsables, illustre un exemple de dérive du système. Quelques agents impliqués dans le système dénoncent souvent les dérives de certains responsables. Il faudra attendre fin 1995 pour que le dépôt régional de pharmacie puisse redémarrer normalement, après la remise en route progressive des outils de gestion dans les formations sanitaires. A cette époque bien que la DRASS et la DPS soient certaines des dysfonctionnements, elles n'envisagent aucune action corrective visant à améliorer les prestations. Lors des périodes de rupture de médicaments, Caritas avait pourtant, proposait son concours pour le dépannage, mais seul le centre mère et enfant de Terre des Hommes à El Mina avait saisi l'opportunité. Les responsables des formations sanitaires se plaignaient du désintéressement des autres membres des comités de gestion. Lors de l'éclatement de l'épidémie de choléra, en février 1996, le Ministre de la santé convoque tous les responsables administratifs et politiques pour organiser une campagne de lutte. Plusieurs questions furent posées en ce qui concerne la provenance des fonds qui devront être utilisés de cette campagne et quel sera le rôle des élus ? Le wali et le maire central de Nouakchott proposèrent que les comités de gestions prennent en charge la sensibilisation au niveau de leur circonscription et que le ministre leur donne l'autorisation d'utiliser le fonds de sécurité de l'ensemble des formations sanitaires de Nouakchott à ces fins. Une commission fut désignée pour étudier la faisabilité de ces propositions. Mais cette commission s'était vite aperçue que la plupart des centres de santé, en tout cas les grands étaient en dépassement de fonctionnement, car la contrepartie du budget état n'avait pas été rendue disponible. Constatant ces dérapages, le Ministre ordonna à la DPS de revoir la situation générale de l'initiative de Bamako à Nouakchott .Les résultats de cette situation, témoignent un laisser aller qui a duré très longtemps et mérite une remise sur les rails. Il convoqua une réunion à la DRASS et il teint les terme que voici « je veux pallier « le manque de rigueur dans l'application de la politique, en matière d'IB, qui a conduit à cette situation que nous vivons présentement, car il est inadmissible que nos concitoyens continuent à souffrir alors que la politique de santé se propose de résoudre leur problème de santé » (181(*)). La commission nationale des soins de santé sur convocation du ministre s'est trouvée un alibi pour inciter les élus à prendre leurs responsabilités face aux problèmes de santé de leur circonscription. La plupart des membres des comités de gestions pensaient qu'ils n'étaient désignés que pour contre signer les factures et les états financiers présentés par les responsables des formations sanitaires. Il y avait quelques exceptions où des membres de certains comités faisaient en sorte que leurs formations sanitaires fonctionnent de manière optimale. Le PASS semble avoir été l'élément catalyseur, pourvoyeur d'argent notamment avec la redéfinition de la politique nationale du médicament grâce aux prêts de la banque mondiale permettant le redémarrage normal de l'IB dans la wilaya (182(*)). Durant l'année 1998, la plupart des activités prévues par la DRASS de Nouakchott dans son POAS étaient présentées comme liées au renforcement de la mise en oeuvre de l'IB. Elle a consisté, pouvons nous supputer d'après l'étude du bilan fait dans le plan d'action 1999 (Bilan POAS 1999), en l'implication des différents comités de gestion à plusieurs activités organisées par la DRASS ou les formations sanitaires. Les comportements des membres des comités de gestion perdurent car jusqu'en 2004, les superviseurs n'arrivaient pas à trouver les procès verbaux de réunion. Une étude de base réalisée en mai 2002 auprès des conseillers municipaux de six des neuf moughaatas de Nouakchott, en vue de la mise en place des mutuelles de santé, révèle que 72 % des élus soumis à cette étude ne connaissent ni le décret 92027 de 1992 et ni l'arrêté n° R051 concernant le statut des comités de gestion des formations sanitaires(183(*)) .En 1995 pendant la période que nous pouvons appeler période de latence du système de recouvrement des coûts « la gestion de l'IB était sous le joug de certains responsables qui faisaient en sorte que leurs pharmacies puissent vendre, même si c'est informel ». En octobre 1997, le Ministre de la santé et des affaires sociales envoie une circulaire aux DRASS pour que les formations sanitaires respectent les textes officiels fixant les modalités de fonctionnement du système et d'afficher la liste des tarifs de médicaments et des actes codifiés par les comités de gestion (184(*)).Des problèmes de gestion du système de recouvrement des coûts ont ressurgi, certains pour occulter leurs problèmes de gestion n'ont pas hésité à incendier leur formation sanitaire ou à simuler des vols de fonds. (cas des centres de santé du Ksar en 1994, d'El mina en 2001, du poste de santé de Chiva).L'amélioration des services de santé à Nouakchott, passe inéluctablement par la participation des populations à la prise des décisions relatives à leur santé .Les comités de gestion avaient implicitement la mission d'amener les populations à prendre une part active à tout ce qui a attrait à leur santé. Hors il se trouve dans la plupart des cas que les membres de ces comités n'entretiennent que peu de rapports avec les communautés. Le projet Mobilisation sociale de World Vision Mauritanie, s'est lui appui sur les coopératives féminines, les associations de jeunes et certains professionnels pour inciter les populations à s'impliquer dans les activités de santé maternelle et infantile. Depuis la fin des années 1990, quelques associations professionnelles proposèrent aux moughaata, une assistance les rendant techniquement moins dépendant du niveau central et des DRPSS. C'est le cas de l'ONG Naître et Grandir qui soutient quelques structures de Nouakchott à développer leurs activités promotionnelles notamment dans les activités de santé de la reproduction et de la mise en place des mutuelles de santé. En juin 2000, les membres des comités de gestion de Sebkha, d'El mina et d'Arafatt ont été invités à suivre une formation spécifiquement consacrée à l'IB et au développement communautaire. Cette formation aurait été financée par l'intermédiaire de fonds d'une ONG intervenant dans ces zones sur la demande de La DRASS, selon les élus rencontrés. Toujours est-il que les conseillers municipaux membres des comités de gestion provenant des trois moughaatas, suivront en 2000 ce que l'on pourrait qualifier comme étant la première formation digne de ce nom à propos de l'IB dans la wilaya de Nouakchott (185(*)). En 1998, l'association Equilibre Développement soutenue par une ONG européenne avait entrepris des activités pour la promotion de la qualité des services de santé. Le projet de cette association visait particulièrement la santé maternelle à travers le concept de « maternité à moindre risque ». Ces activités s'appuient en partie sur les centres et postes de santé des moughaatas d'intervention. Il était indispensable pour elle de s'implanter en conformité avec les préceptes du système de recouvrement des coûts. Ce partenariat a permis aux comités de gestion concernés d'influer positivement sur l'amélioration des prestations. L'étude du rapport d'évaluation à mi-parcours du projet nous a permis de constater qu'un pas été franchi en matière de gestion et de prise des décisions au niveau communautaire Pour certains responsables de formations sanitaires, l'intervention de cette association était la première dans l'appui à la mise en oeuvre de l'IB. Ce qui ressort de l'analyse de nos entretiens à propos de ce projet est que l'Equilibre Développement s'en remettait essentiellement aux comités de gestion et aux responsables des formations sanitaires, leur laissant largement la responsabilité des actions et des décisions. En parallèle à ces activités que l'on pourrait qualifier d'institutionnelles, l'association Equilibre Développement avait parrainé les comités de gestions pour organiser des activités communautaires visant à diffuser des messages de prévention au profit des populations. Ces messages sont axés sur la vaccination, l'utilisation des moustiquaires imprégnées, le danger de l'automédication etc... (186(*)). Les comités avec lesquels nous nous sommes entretenus, indiquent «l'importance de cette approche dont il faudrait encourager ». Nous verrons que dans certaines moughaatas, ces exemples se multiplient mais la situation ne s'est pas pour autant améliorée sur le processus et sur l'impact. La DRPSS nous a fourni des informations relatives aux moughaatas entre 1998 et 2004. b) Le développement des infrastructures : Le ministère de la santé avait élaboré en 1997, un plan de développement des infrastructures dont les principaux domaines sont les réhabilitations, les contructions et l'acquisition des équipements et la mise en place d'un service opérationnel d'entretien et de maintenance.L'exécution de ce plan devait passer un appel d'offre (national pour les activités des batiments et international pour l'acquisition des équipements). En ce qui concerne les structures, plusieurs constructions et réhabilitations ont été prévues telles que mentionnées dans le tableau suivant : Tableau 14 : bilan des infrastructures
Source : DRPSS Nouakchott Parmi les constructions et les réhabilitations prévues entre 1998 et 2002 dans les moughaata de Nouakchott dans le cadre du PASS, seules 6,5 % ont été réalisées. Par ailleurs on note la construction de deux postes de santé (Sebkha et Elmina), et pendant la même période le centre de santé pilote de la Capitale a été fermé. Il était également prévu de transformer les postes de santé du Pk8 de Riyad et de Dar El Barka de Teyarett, en centre de santé de type par le financement fait à partir du cumul de leur fonds de sécurité et la partie du fonctionnement provenant des bénéfices de l'IB.Dans ce cadre, il est à noter qu'il est prévu de faire l'extension des centres de santé de Tensouelim (Dar Naim) et d'El Mina en y construisant des salles d'accouchements et d'observation à partir de 2006(187(*)) . En 2002, le ministre de la santé a inauguré la mise en service du bloc opératoire de la maternité du centre de santé de Sebkha qui sera la structure de référence de la wilaya de Nouakchott. Depuis 1997, les autorités centrales et régionales avaient voulu confier aux communautés, la responsabilité à réaliser la construction et la réhabilitation des postes de santé, de même que leur entretien. Certaines associations se proposent d'apporter leurs concours aux communautés, c'est le cas de l'ONG Espoir à Arafat et de l'association Naître et Grandir à Sebkha. c) Les équipements : Dans le cadre du développement des infrastructures et des équipements du projet santé population, il était prévu que tous les centres de santé de Nouakchott, soient équipés lors de la mise en oeuvre du plan directeur à moyen terme (1991-1994). Mais la modification des procédures d'appels d'offres internationales en marché à gré le gré a biaisé les dates et la nature des acquisitions. Ainsi seules, les formations sanitaires soutenues par les ONG, ont acquis des équipements au cours de cette période de latence de la mise en oeuvre de ce plan directeur. C'est finalement avec le programme d'appui du secteur de la santé et des affaires sociales que quelques formations sanitaires recevront des équipements dans le cadre de l'intervention de la banque africaine de développement. Pour ce qui concerne l'acquisition des équipement, il convient de souligner dans le cadre du projet de la maternité santé risque à Nouakchott et au titre de la coopération bi et multilatérale, que les formations sanitaires ont reçu beaucoup d'équipements, mais il a été constaté plusieurs problèmes d'entretiens et quelques détournements. La coopération française à équiper tous les centres de santé de type en appareils d'échographie obstétricale. La coopération japonaise a pour sa part a fait un don de plusieurs matériels hospitalier, de communication et d'aide au diagnostic à l'ensemble des centres de santé. Ainsi l'OMS et le FNUAP ont équipé les centres de santé de Teyarett et de Sebkha en matériel biomédical. En 2001, la DRPSS, avait suggéré que l'acquisition des équipements par les principaux centres de santé pourrait désengorger les structures de références nationales confrontées à une affluence massive des habitants de certaines moughaata (188(*)). Le tableau suivant résume les besoins en équipements en question Tableau 15 : Besoins en équipement de trois centres de santé
Source : DRPSS * Voir le document des normes nationales en équipements niveau centre de santé Les centre de santé de Teyarett, de Toujounine et de Sebkha bénéficient des véhicules dans le cadre de la maternité sans risque en vue rendre performant le système orientation recours déjà en place. Cependant les formations sanitaires ne disposent de véhicules pour mener des activités de vaccinations ou d'éducation pour la santé ou de distribution à base communautaire de contraceptifs, de même les centres de santé mères et enfants d'El Mina , d'Arafat OIIS et du Pk10 de Riyad n'ont pas de véhicule (189(*)). Les formations sanitaires qui ont des véhicules se plaignent souvent des difficultés pour entretenir leur véhicule en raison du manque de chapitre budgétaire qui y soit affecté. Seuls les centres de santé de Sebkha et Centre Mère et Enfants d'El Mina sont équipés de matériel IEC (Information Education et Communication) ; pourtant il était prévu des dotations pour l'ensemble des formations sanitaires disposant d'un pool d'activités de maternité sans risque. L'OMS prévoit d'équiper tous les centres de santé de type A d'un laboratoire durant le premier semestre de 2006, et la coopération Française en tant renforcer les laboratoires de la polyclinique, de Toujuonine et de Sebkha. Concernant l'imagerie médicale, la Coopération française a doté toutes les maternités des grands centres de santé d'échographie depuis 2001(190(*)). Toutes les normes en équipements devraient appliquées depuis 1999 dans le cadre du PASS (dates prévues de la première acquisition), mais plus de 60% des formations sanitaires de Nouakchott n'en ont pas encore bénéficié (191(*)).Sur l'ensemble de ces formation sanitaire, seules quatre disposent d'une ligne téléphonique et cinq d'un système de radio-télécommunication (192(*)). Après avoir passé en revues les conditions devant aider à la mise en oeuvre de l'IB, nous allons nous pencher à présent sur les aspects de gestions de cette politique. d) La planification de la moughaata sanitaire : Traditionnellement la conception, l'élaboration et la planification des activités de santé ont été faites par le niveau central jusqu'en 1988, car la responsabilité de mise en oeuvre d'une politique de santé a été donnée aux responsables des programmes verticaux de santé. Ce n'est qu'à partir de la deuxième revue des soins de santé primaire de 1992 que ces activités ont été placées sous la responsabilité des DRASS. A partir de 1998 tous les équipes de moughaata ont l'obligation de réaliser des plans d'actions annuels. La mise en place du plan triennal à horizon glissant (PTHG) et son corollaire de déblocage de fonds (processus empruntant beaucoup à l'idéologie des contrats de performance) pour intervenir est certainement l'un des facteurs explicatifs de cette nécessité de rédiger de tels plans même si on n'est pas sûr de leur mise en oeuvre. En effet, les auteurs d'un rapport d'évaluation du PTHG 1998 -2000 écrivent : « En 1998, l'urgence de démarrer le processus de gestion décentralisée se posait, alors que toutes les structures du niveau opérationnel (DRASS et CSM) ne disposaient pas encore du premier PTHG définitif ». Les niveaux atteints dans l'élaboration de cet outil de gestion étant différents d'une structure à l'autre, il a été décidé d'élaborer au plus vite au moins les POAS de 1998 et 1999 pour permettre à l'IDA et à la Banque africaine de développement de débloquer les fonds. (193(*)). Aucune des moughaatas ne disposait ni de données fiables ni de ressources humaines capables de faire un tel travail. Nous avons retrouvé dans les archives de la DRASS où un consultant affirmait que l'offre des services de qualité est de loin le souci majeur des décideurs du niveau régional car pour ceux la nécessité résidait d'abord sur la distribution des formations sanitaires et son étude montre que la place de l'accès aux soins de qualité se pose et risque d'occulter tous les efforts consentis au cours des dernières années (194(*)). Un regroupement des acteurs de toutes les moughaatas fut organisé par la DRASS. Le processus d'élaboration devait être participatif et accessible à tous, un atelier rassemblait toutes les personnes provenant de la même moughaata et des facilitateurs de la DRASS, Ministère de la santé et de ceux du Ministère des affaires économiques et du développement. La méthode utilisée est la ZOPP ou Planification par objectif qui est d'origine allemande. Au sein de chaque atelier des groupes furent formés selon les fonctions des participants (membres des comités de gestions, médecins, infirmiers, leaders associatifs, particuliers, etc.) et, dans les 86 attentes qu'ils relèvent ensemble, aucune ne fait référence à la problématique de l'assurance des soins de qualité. Le personnel de santé réclame de meilleures conditions de travail, les populations demandent à ce qu'il y ait des fenêtres de gratuité. Les responsables coutumiers et religieux se préoccupent des mutations affectant la société notamment la dépravation des moeurs, le SIDA et le manque d'accès aux soins. Dans les lignes suivantes, nous tentons de synthétiser la « petite histoire » de la formulation du plan d'action 2005 pour la moughaata de Sebkha. Nous avons eu l'opportunité d'assister à la quasi-totalité du processus de formulation de ce document important. Ainsi, nous pensons qu'évoquer cet exemple en détail aidera à mieux comprendre pourquoi l'offre des services de qualité en matière de soins n'est que si peu considérée et appréhender quelques dysfonctionnements du système de santé Mauritanien affectant la dimension qualitative des soins. Comme nous l'avons évoqué plus haut cette planification vise à satisfaire les exigences exclusives faites par la banque mondiale (IDA) et la banque Africaine de développement (BAD). Le 12 septembre 2004 à dix huit heures avait eu lieu la première réunion regroupant les membres de la commission santé de la moughaata de Sebkha. Les discussions, qui ont duré jusqu'à vingt une heures. Cette réunion s'était tenue dans les locaux du complexe socio-éducatif de sebkha. Tous les membres du comité de travail de la moughaata étaient présents, de même que d'autres personnes travaillant au Sebkha, qui sont ou non membres de la commission. La DRPSS a délégué le chef de service de supervision des SSP pour accompagner et motiver le comité de travail de la moughaata dans l'élaboration des plans. Le Maire de la commune de Sebkha qui préside la réunion, et précise que le but de la réunion est d'amorcer à présent le processus d'élaboration du plan 2005. Il invita le médecin- chef à expliquer comment, ce travail sera mené. Ce dernier prie la parole en ces termes : « Cette année, il nous été exigé un plan d'action et on n'a de choix, que de suivre le plan national de développement sanitaire (PNDS), car cette fois-ci, le plan d'action est déjà orienté au PNDS, lui-même tributaire du cadre stratégique de la lutte contre la pauvreté qui est le cadre d'orientation. Puis, il expliqua qu'un plan d'action dont les activités sont en dehors du PNDS, se doit lui-même de trouver d'autres bailleurs de fonds et qu'une note explicative du financement accordé à chaque moughaata avait déjà été envoyée à chaque médecin -chef ». Il nous appartient donc d'élaborer un plan d'action raisonnable, en maximisant les activités sur les financements .Le message est clair, il faut planifier les activités en fonction des financements prévus. Le médecin chef explique qu'il y a déjà les orientations, il suffit de les adapter au contexte de la moughaata, puis il relata à la conversation qu'il a fait avec le DRPSS qui demandait « de ne pas se compliquer car il faut juste suivre le canevas de l'année précédente (195(*)). L e maire et le médecin-chef proposèrent que les membres du comité de travail de la moughaata soient répartis en groupes selon les axes du PNDS .Ce qui pourrait rendre plus efficace et plus rapide le travail de manière .Une longue palabre s'en suit pour décider du nombre de groupes et de leur composition. Finalement, les huit axes du PNDS seront développés au niveau local par quatre groupes de deux ou trois personnes. Un délai fut fixé en vue de la restitution des travaux de groupes ainsi que la date des réunions fut déterminée. Ces réunions auront lieu dans les locaux du complexe socio-éducatif de Sebkha. Chaque groupe avait reçu une copie des directives spécifiques pour la moughaata, élaborées par la Direction de la Planification, la Coopération et des statistiques (DPCS) du MSAS (196(*)). À la lecture de ce document (canevas) devant être fidèlement suivi par toutes les moughaatas du on constate que les critères de l'offre des services de qualité n'y apparaissent pas. Dans le document présenté, seule la question de l'efficience des services de santé est proposé aux CSM comme élément de planification. Est-ce un oubli ou une volonté de passé sous silence l'offre de la qualité des services qui soit accessible à tous ? Evidemment nous osons pensez qu'il s'agit d'un oubli. Un tel oubli est une faute qui engage la responsabilité de toute institutionnelle centrale. Il est toutefois très probable, que beaucoup de DRPSS et de moughaatas ne s'en aperçoivent par voie de conséquence ne planifient aucune activité capable d'influer positivement l'offre des services de qualité puisque tous les membres du comité de travail de moughaata ne disposent quasiment pas des documents de politiques nationales, il est bien envisageable qu'elles ne découvrent l'oubli de ces importants paramètres. C'est pourquoi, lors de la restitution des travaux de groupe nous avons souligné l'absence cet important paramètre dans les documents du PNDS. D'un commun accord, le comité de travail a décidé de planifier des activités allant le sens l'assurance des services de qualité, malgré les contraintes en liens avec les orientations du PNDS dont nous avions évoqués plus haut. Quatre séances de travail ont été nécessaires pour arriver à la réalisation d'un tableau où figurent des objectifs spécifiques et des activités à mettre en oeuvre. Durant ces séances de travail, nous comprenons que la problématique de l'offre des soins de qualité grâce était totalement ignorée par la plupart des participants. Non pas forcément que cela ne les intéresse pas ou qu'ils ne sont pas préoccupés par ces questions, mais ils n'y ont jamais vraiment pensé .De surcroît, en si peu de temps, il était difficile de faire accepter ce que les décideurs ont oublié et de définir des objectifs supplémentaires car disait-on cela ne relevait pas de notre mandat. Nous avons cependant formulé quelques conseils et participé largement à l'élaboration des solutions. C'était le meilleur moyen, avons-nous cru et nous verrons que cela n'a pas été très efficace, à la fois d'observer des situations concrètes et, aussi, sans pour autant fausser complètement notre démarche de recherche, influer sur les interventions pour qu'elles soient un peu plus orientées l'efficacité des services donc de leurs qualités. Les quelques informations sanitaires qui devaient servir à la planification ont été apparemment, finalisés par le statisticien du CSM de même que les parties du plan d'action liées au contexte et à la présentation des activités passées. Il est noter au cours des années passées, qu'il n'y a jamais eu, de l'analyse des problèmes relatifs à la mise en oeuvre, ni de discussion sur les besoins actuels de la population de la moughaata. Le médecin chef, quant à lui, avait compilé l'ensemble des documents faits lors de la restitution des travaux de groupes. Nous l'avons notamment vu, seul dans son bureau un jeudi matin, à la tâche devant son ordinateur pour tenter de mettre tout cela en forme. Il nous confie qu'il a organisé les activités, en a enlevé quelques-unes et en a rajouté d'autres. Cela lui a pris « plusieurs nuits » nous dit-il.La réunion des membres du comité de travail de moughaata avait eu lieu en fin de soirée. Le médecin chef démarra la lecture de quelques dizaines de pages qu'il avait consignées dans le plan d'action. La réunion dure environ trois heures et la parole fut monopolisée par le médecin chef .Ce qui .témoignait que les autres membres du comité de travail de la moughaata n'étaient là, que comme des figurants et qui n'avaient aucune véritable utilité ou emprise sur la planification et pour sa mise en oeuvre. Encore une fois, quatre éléments majeurs ressortaient de l'analyse de cette réunion. Primo, aucune réflexion critique n'était organisée pour tirer des enseignements sur la mise en oeuvre du plan d'action de l'année précédente. Non seulement, aucune discussion ne fut réellement ouverte mais encore pire aucune évaluation ne fut organisée à ce titre. Secundo, la qualité des objectifs et des activités ne répondait absolument pas aux définitions opératoires retenues et qu'aucun des acteurs impliqués ne semblait s'en inquiéter. Les objectifs sont souvent liés à la réalisation de produits et services et non pas des changements prévus au profit d'une cible particulière. Les autres membres du comité de travail de la moughaata avaient- ils conscience des carences organisationnelles, dont les influences s'étaient répercutées sur une planification qu'on pourrait qualifiée de laconique (197(*)).Tertio, tel qu'on l'espérait le processus d'élaboration ne fut pas absolument pas participatif, puisque le médecin chef s'est lui-même attribué la plupart des tâches et avait pris des décisions que les autres ne pouvaient pas remettre en question. Les professionnels de santé de la périphérie et les membres des comités de gestion et encore moins la population n'étaient conviés un tel exercice. Quarto, la planification ne répondait pas à des besoins étudiés mais à des possibilités de financement, tel que nous l'avions déjà évoqué plus haut. Cela se justifiait, d'une part, car il ne fallait pas prévoir trop d'activités qui ne soient pas susceptibles d'être financées dans le cadre du PNDS et du POAS de la DRPSS de Nouakchott. En effet, il ne fallait pas prévoir des activités dont on était sûr de pouvoir exécuter et moins compter sur des ressources dont la disponibilité est subordonnée à l'existence de potentiels bailleurs de fonds .Voilà pourquoi le DRPSS avait recommandé aux médecins chefs des moughaatas de la wilaya les années précédentes « d'être vigilant puisqu'une fois le plan d'action adopté, toutes les activités qui n'auront pas reçu de financements, devront être ajournées ou annulées » (198(*)). L'explication de la rigidité de ce processus de planification est fortement justifiée par le souci de compter sur les ressources déjà existantes ; mais on ne prévoit de rechercher des financements additionnels auprès de d'autres partenaires qui soient différents de ceux du niveau central .C'est pourquoi on souvent l'habitude d'entendre les médecins chefs et autres personnels responsables dire ceux- ci « le niveau central nous a demandé.... et ce sera financé » ou encore à propos des activités de certains programmes nationaux « telles activités seront financées à 100% par telles bailleurs de fonds donc c'est pour cela qu'il faudra prévoir plus d'activités » (199(*)). C'est pourquoi il est facile de s'apercevoir toutes les moughaatas ont souvent les mêmes plans d'action et que ceux-ci correspondent à des programmes prioritaires verticaux devant être mis en oeuvre par les moughaatas,mais supervisés et suivis par des entités du niveau central. Nous nous sommes permis lors d'une réunion, de demander pourquoi procéder à la demande d'acquisition des équipements et de matériel sans même avoir réaliser au préalable des inventaires permettant de mieux connaître les besoins réels dont il faudra insérer dans la planification annuelle de la moughaata, « on a pas le choix, on vient vous déverser des choses », nous répond-on. (200(*)) Deux exemples illustrent cette tendance à l'absence de prise en compte des besoins réels. Le premier est issu d'une longue discussion qui avait lieu entre les membres d'un comité de travail, d'une moughaata sur la pertinence d'exposer dans leur plan d'action la distribution des véhicules pour les postes de santé alors qu'ils ne savaient pas quel était l'état du parc de la circonscription sanitaire. En effet, il semble que certaines expériences passées ont montré toutes les limites de ces équipements et la faible acceptation des responsables de santé vis-à-vis de cet équipement en raison des dépenses qu'ils engendrent. Or, on sait que certaines propositions sont faites au niveau central par des institutions partenaires et qu'il est donc vraiment délicat, voire impossible, de refuser celles-ci. Mais « si on a le financement comment on va faire [...] parce que le DRPSS a exigé qu'une activité soit planifiée dans ce cadre » (201(*)). Le second exemple, est illustré par un dysfonctionnement gravissime du système de santé au niveau de la DRPSS d'une wilaya de l'intérieur du pays qui avait bénéficié des financements de l'aide internationale, pour l'acquisition d'équipements. En effet lors de la visite dans la wilaya en question un représentant résident d'une institution internationale, accompagné d'un responsable central du MSAS en 2003, avaient remarqué dans la cours de la DRPSS de plusieurs de tables d'accouchement et de consultations gynécologiques neuves mais affectées par la rouille et ils constataient qu'il en manquait de ce type d'équipement dans trois structures de santé maternelles et infantiles situées à une quinze de minutes de la DRPSS. Interrogés sur ce problème, affirme qu'il atteint à ce que la Banque Mondiale et le Ministère de la santé en donnent l'autorisation du déploiement de ce matériel. Ces équipements sont fabriqués localement dans le cadre du PTTE. Il s'agit en fait de sommes provenant du programme de la réduction de la dette dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté (202(*)). Enfin de compte comme non plus il ne s'agit de planifier pour que les activités soient plus exécutées et non plus l'acquisition des ressources requises ne signifient pas de manière tacite la mise en oeuvre des plans d'actions ce qui semble aux yeux certains que « la conception des politiques de santé et l'élaboration plans de mise en oeuvre des soins de santé primaires relèvent sous des effets de mode imposés ». Il se pose le problème de l'appropriation des solutions capables d'impulser la santé par les services déconcentrés loin de toute influence endogène. Puis, plus rien ne se passe jusqu'à la première présentation officielle du plan d'action 2005, deux semaines plus tard. En effet, il est de rigueur, dans ce système pyramidal, que le plan soit validé par la DRPSS puis envoyé par cette dernière au niveau central avant la fin octobre 2004 , car rappelons le niveau central doit faire validé le PNDS par le gouvernement avant fin décembre de chaque année. C'est ainsi le 10 octobre 2004 que nous avons pu constater, que les plans d'actions des neufs moughaata étaient déjà déposés sur le bureau de l'adjoint au DRPSS chargé de la planification qui a son tour devra vérifier la conformité entre le contenu de ces plans d'action et ceux du POAS et du PNDS. Mais avant cela, la DRPSS organisa une réunion regroupant les Hakems, des responsables de formations et certains élus pour présenter et expliquer des neufs plans d'action de moughaata et du POAS régional. Durant cette réunion, présidée par le DRPSS qui invitent chaque médecin chef de moughaata de présenter en dix minutes leur plan d'action. Tous s'étonnent de ce court laps de temps, mais le médecin chef de Sebkha lui tient à exposer plus longtemps qu'exigera son plan d'action et qui dura finalement près de 30 minutes. Il commence par effectuer une présentation des activités effectuées en 2004. Pour cela, il utilise des indicateurs tels que « taux d'exécution physique et financier » ou encore « taux de mobilisation global » .On ne questionne donc ni la pertinence des activités ni leur déroulement, ce qu'il faut montrer, c'est qu'elles ont été effectuées (taux d'exécution physique) et que l'argent a été dépensé (taux d'exécution financier, ou d'absorption). De plus, le caractère hermétique du dernier taux, dont nous n'avons toujours pas compris la signification, n'était relevé par aucun participant (203(*)). Ainsi sur la base des maigres informations sanitaires fournies par les formations sanitaires de sa circonscription chaque médecin-chef de moughaata établit une liste de problèmes prioritaires de sa moughaata .Il faut noter à ce titre que leurs priorités sont essentiellement axées sur l'évolution épidémique des maladies transmissibles. Hors on sait la résolution de ce type de problème repose sur des approches multifactorielles qui font appellent à la pluridisciplinarité. Comme pour justifier leurs objectifs, ils ajoutaient que les axes d'intervention qu'ils présentaient « ce sont les grands axes qui ont été donnés par le niveau national » (204(*)). C'était en effet quelque chose qui préoccupait largement le DRPSS car on le voit très souvent, au cours des débats il n'avait cessé de rappeler les directives fournies par la DPC pour vérifier si les planificateurs des moughaatas avaient suivi à la lettre les consignes nationales/centrales. Et pourtant, un responsable du projet de santé de Dar Naim s'étonna de l'absence de concordance entre les problèmes relevés par les moughaata, d'une part, et les objectifs et activités présentées dans leurs plans d'actions, d'autre part. Nous sommes évidemment très attentif à l'exposé des activités concernant l'objectif se rapportant à l'amélioration de l'accessibilité de l'offre des services de santé de qualité. Nous n'étions pas étonné, et de ce fait nous n'avions pas de question à poser Est-ce parce que l'amélioration des services de santé de qualité n'intéresse pas ces acteurs, ou c'est parce que cela ne figure pas dans les directives de la DPCS ou encore parce que les phrases à ce propos étaient en bas du tableau et qu'un exercice informatique de « couper-coller » avait fait disparaître cette juste préoccupation ? Nous ne le saurons jamais car personne ne posera la question. En revanche, les interventions concernant les mutuelles, le forfait obstétrical, la contractualisation avec les ONG sujets à la mode aussi bien en Mauritanie que dans toute l'Afrique subsaharienne figurent bien dans les présentations .Voici quelques propositions faites par le comité de travail de la moughaata de Sebkha pour le plan d'action 2005(205(*)). Tableau 16: Quelques propositions sur les services de qualité pour le plan d'action 2005 de Sebkha
Source : auteur Puisque l'ensemble de ces documents de planification au niveau des moughaatas doit subir une double analyse officiellement pour être validé par le niveau central. Nous pensons que le peu de temps accordé à cette offre des services de santé visant l'accès de tous aux soins de santé de qualité, fera l'objet constat de manquement par le niveau central et que rectifications seront notifiées aux moughaatas. Cependant, selon un des responsables de la DPCS que nous avions interrogé sur la question, appuyé déclare que l'optimisme est un peu fort : « Tous les POAS des wilayas et les plans d'actions des moughaatas sont censés être adoptés par des équipes du niveau central appuyées par des équipes régionales. Ça veut dire que les gens les relisent, mais...je n'ai pas vu les rapports d'adoption mais je suis persuadé que on a très peu ou peut-être jamais relevé des insuffisances sur les plans d'actions, mais cette année, le niveau central affiche une volonté d'améliorer les choses ». * 180 DRPSS Nouakchott : Rapport du DPR 2003 * 181 MSAS/DPS : Procès verbal de réunion crise choléra du 13février 1996 * 182 MSAS /DPM :in PASS « Politique nationale du médicament » P-P.35-51 * 183 ONG EDS : Rapport d'analyse de situation pour la mise en place des mutuelles de dans les quartiers périphériques de Nouakchott. * 184 MSAS/DPS : Circulaire n° 245 du 4/10/1997 * 185 DRPSS Nouakchott : Rapport POAS 2000 * 186 Asoc.ED : Document projet santé Nouakchott 1998-2004 * 187 DRPSS Nouakchott : monographie wilaya de Nouakchott 2003 * 188 DRPSS Nouakchott : Rapport 2001 * 189 Idem * 190 Idem 189 * 191 MSAS/DAAF : Document PASS 1998-2002 p-p.78-83 * 192 DRPSS Nouakchott : monographie wilaya de Nouakchott 2003 * 193 MSAS/DPCS : Rapport d'évaluation à mi parcours 1999 P.18 * 194 DRASS de Noukachott :in rapport final pour la réforme du système national d'information sanitaire en 1997. * 195 CSM de sebkha : Procès verbal de réunion en date du 12septembre 2004 * 196 MSAS/DPCS : Canevas de planification des activités selon l'approche du cadre logique du CSLP 2004 * 197 CSM de Sebkha : Plan d'action 2005 * 198 DRASS Nouakchott : Circulaire du 22 octobre 2001, adressée aux responsbles des CSM * 199 MSAS : DPCS : « Guide de microplanification » 1999, p. 13 * 200 Propos recueillis auprès de beaucoup de personnes impliquées dans l'élaboration des plans d'action. * 201 Idem 200 * 202 MSAS/DPS : Rapport de mission PNSR 2003 * 203 DRPSS Nouakchott : Procès verbal de réunion de validation du POAS 2005. * 204 MSAS/DPCS : Extrait des directives de la DPCS 2004 * 205 Ces activités proposées relèvent de l'objectif 4 décrit dans le POAS de Nouakchott, qui vise à améliorer la qualité des services donc leur rendement. |
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