Du principe de non-refoulement face au défi de l’immigration clandestine dans le bassin méditerranéenpar Du Congo Bakunzi Université libre des pays des grands lacs - Licence en Droit 2022 |
Section II. L'APPLICATION DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENT AU REGARD DE L'IMMIGRATION CLANDESTINEDans cette section il sera question de présenter le contenu du principe de non refoulement (1) et analyser son application au regard de la situation de l'immigration clandestine (2). Paragraphe 1. LE CONTENU DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENTPour étudier le principe de non refoulement, il convient de rappeler sa base juridique et sa définition (A). Son caractère coutumier sera également étudié (B). A. DE LA BASE JURIDIQUE ET DE LA DEFINITION DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENTLa principale base juridique du principe de non-refoulement est l'article 33 de la convention sur les réfugiés de 1951 qui dispose qu'aucun des États Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.48(*) Une autre base du principe est l'article 3.1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui dispose qu'aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.49(*) Le refoulement est selon le glossaire de la commission européenne en 2012 le « renvoi d'un individu de quelque manière que ce soit par un État vers le territoire d'un autre État où il pourrait être persécuté en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ; ou bien où il pourrait être victime de torture ».50(*)A contrario, le non-refoulement est, selon le même glossaire, le « principe fondamental du droit des réfugiés interdisant aux États d'éloigner ou de refouler, de quelque manière que ce soit, un réfugié vers des pays ou territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée ».51(*) Le champ d'application du principe de non-refoulement est donc intrinsèquement lié à la définition du réfugié. Ainsi, le principe ne s'applique pas aux personnes qui restent dans leur pays de résidence. Les obligations tirées du principe de non-refoulement sont principalement négatives. La condition la plus importante est l'effet du refoulement, c'est-à-dire mettre en danger les personnes concernées et les exposer à des risques de mort ou de torture.52(*) La Cour européenne des droits de l'homme en fait une application jurisprudentielle avec l'arrêt Hirsi Jamaa du 2 février 2012.53(*) Les faits de l'affaire sont les suivants : un groupe de 200 personnes quittent la Lybie à bord de 3 embarcations dans le but de rejoindre les côtes italiennes. Le 6 mai 2009, les embarcations furent approchées par 3 navires italiens à 35 milles marins au sud de Lampedusa. Les occupants furent transférés sur les navires italiens et reconduits à Tripoli contre leur gré. Parmi les 200 migrants, 11 ressortissants somaliens et 13 ressortissants érythréens ont saisi la CEDH d'une requête le 26 mai 2009 en vertu de l'article 34 de la convention EDH. Ils allèguent que leur transfert vers la Lybie par les autorités italiennes avait violé les articles 3 de la CEDH et 4 du Protocole n°4 et ils dénonçaient l'absence d'un recours conforme à l'article 13 de la convention.La Cour a estimé que l'Italie avait sous son contrôle continu en droit et en fait les requérants. Ensuite, en se référant à la situation en Lybie depuis 2010, les juges ont estimé que le risque de torture et de mauvais traitements systématiques engageait la responsabilité des autorités italiennes. D'ailleurs en 1989, l'article 3 de la convention EDH avait déjà trouvé une application jurisprudentielle dans l'affaire Soering.54(*) Monsieur Soering, ressortissant allemand, était détenu en Angleterre en attendant son extradition vers l'État de Virginie aux États-Unis d'Amérique où il y était accusé de meurtre. Il risquait d'être condamné à la peine capitale et donc de subir le « syndrome du couloir de la mort ». Selon la Cour, ce syndrome représente un traitement dégradant. Cet arrêt instaure le principe selon lequel en présence de motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le livre à un État, y courra un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, la responsabilité de l'État qui l'expulse sera engagée à raison d'un acte exposant autrui à des traitements prohibés par l'article 3.55(*) La Cour a donné raison aux requérants parce qu'il y a effectivement violation de l'article 3 de la CEDH du fait de leur expulsion et du risque de subir de mauvais traitements et d'être rapatriés. Elle a ainsi condamné l'Italie pour avoir reconduit en Libye des migrants somaliens et érythréens interceptés en mer.56(*) Les exceptions au principe de non-refoulement sont rares et très réglementées. L'État n'a aucun devoir, aucune obligation de concéder l'asile à personne. En réalité, il s'agit d'un droit de l'État à accorder l'asile à l'individu et non pas d'un droit de l'individu à l'asile. Cependant, l'individu ne peut être renvoyé et refoulé que selon des conditions bien précises dans la convention de Genève sur les réfugiés. Le principe de non-refoulement n'est pas une obligation d'accepter le débarquement. Mais en pratique il force les États à accorder un accès, même temporaire, à leurs territoires pour les procédures d'identification.57(*) Mais à quels États toutes ces règles concernant le principe de non-refoulement s'appliquent-elles ? Autrement dit le principe de non-refoulement est-il de nature coutumière et donc d'application universelle ? * 48 Article 33 de la Convention de Genève sur les réfugiés 1951. * 49 Article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1987. * 50COMMISSION EUROPÉENNE, Glossaire 2.0 sur l'asile et les migrations, Un outil pour une meilleure comparabilité, p. 165. * 51COMMISSION EUROPÉENNE, op. cit., p. 165. * 52S. RODEN, « Turning their Back on the Law ? The Legality of the Coalition's Maritime Interdiction and Return Policy », In, the Australian National University Paper, 2013, p.a6. * 53K. O'BRIEN, « Refugees on the High Seas: International Refugee Law Solutions to a Law of the Sea Problem », In the Australian National University Paper, 2015, p. 16. * 54CourEDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 2012. * 55CourEDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 2012. * 56Idem. * 57K. O'BRIEN, op. Cit, p.731. |
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