La préparation de la loi de finances au Sénégalpar Babacar CISS Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master 2 en Droit Public 2020 |
Section 2 : L'examen du projet de loi de financesL'examen du projet constitue l'étape parlementaire qui précède son vote. Après son dépôt au bureau de l'assemblée nationale par le gouvernement, le projet de loi de finances est examinésuccessivement en commissions techniques, en commission des finances ainsiqu'en séanceplénière en présence des Ministres sectoriels et du Ministre desFinances et du budget.Lors de ces séances plénières, les députés procèdent au vote duProjet.Il se tiennent donc durant cette période des discussions sur le fond du projet de loi de finances (Paragraphe 1) entre les autorités parlementaires et celles Gouvernementales ; discussions durant lesquelles les députés se voient reconnaitre la possibilité d'émettre des modifications sur le projet de loi de finances. Toutefois l'exercice de ce pouvoir d'amendement (Paragraphe 2) reste très limité. Paragraphe 1 : La discussion du projet de loi de financesL'évaluation du projet de loi de finances se déroule en deux temps ; tout d'abord en commissions et ensuite en séance plénière. A la réception du projet de loi de finances,l'Assemblée Nationale, l'examine en statuant sur sa recevabilité et le communique ensuite à la conférence des présidents qui élabore le calendrier de travail, c'est-à-dire le passage des ministres devant les commissions.103(*)Cette examen en commission des finances commence traditionnellement par l'audition du ou des ministres chargés des finances et du budget.Il est à souligner qu'au Sénégal, l'Assemblée Nationale compte désormais quatorze commissions permanentes104(*) au lieu de onze à la faveur de la proposition de loi modifiant et complétant la loi organique n°2002-20 du 15 mai 2002, modifiée, portant Règlement Intérieur de l'Assemblée Nationale.105(*) Cependant, en ce qui concerneleslois de finances, la commission de l'économie générale, des finances et de la coopération économique (appelée communément commission des finances) reste compétente quant au fond, mais les autres commissions permanentes, appelées « commissions techniques », sont saisies pour avis.106(*)Chacune des commissions techniques examine la partie du budget qui correspond à son domaine de compétence. Les séances se tiennent en la présence du représentant du Président de la République, à savoir le ministre intéressé par la partie du budget à examiner, accompagné de ses conseillers. La commission de l'économie générale, des finances et de la coopération économique est chargée d'élaborer un rapport général sur le projet de loi de finances, au regard des travaux des commissions techniques chargées de l'examen des projets de budget des différents départements ministériels.La commission des finances joue un rôle déterminant dansl'information budgétaire donnée aux parlementaires. En effet, celle-ci auditionne le ministre desfinances. Surtout, elles élaborent un rapport général très exhaustif qui précise pour chaque article letexte du projet, l'exposé des motifs du Gouvernement, les observations et la décision de lacommission par rapport aux amendements discutés en commission. Dans le même sens, desrapporteurs spéciaux établissent des annexes au rapport général concernant chaque programme ; celles-ci sont complétées par les avis des rapporteurs des autres commissions permanentes saisies pouravis sur les projets de budget relevant de leur compétence. Le rôle du rapporteur général descommissions des finances est primordial dans la mesure où c'est lui qui exprime, en séancepublique, la position de la commission sur les amendements proposés.Pour la suite de cet examen, l'implication de la commission s'exerce d'abord par l'intermédiaire du rapporteur général puis des rapporteurs spéciaux.Le rapporteur général est élu chaque année en même temps que le président de la commission et les membres de son bureau, mais il est traditionnellement reconduit pour l'ensemble de la législature. Le rapport général sur le projet de loi de finances de l'année lui est automatiquement confié ; de même que le rapport sur les projets de loi de finances rectificatives, de règlement ou de programmation des finances publiques.Le rapporteur général examine l'ensemble des dispositions de la première partie ainsi que les articles non rattachés de la seconde. Dans ce cadre, il propose à la commission des amendements les concernant et est chargé de défendre les positions de la commission en séance publique sur l'ensemble des amendements déposés.Pour la première lecture du projet de loi de finances, le rapport général établi par le rapporteur général est composé de trois tomes. Le premier est consacré à une analyse globale du budget replacé dans son contexte économique et financier. Le tome II comprend les commentaires des dispositions de la première partie du projet de loi de finances. Enfin, le troisième tome comprend les commentaires des articles non rattachés de la seconde partie.Quant aux rapporteurs spéciaux, ils assurent l'examen détaillé des crédits. Ils ont un pouvoir d'investigation sur pièces et sur place et un droit de communication des renseignements et documents d'ordre financier et administratif (sous réserve des sujets couverts par le secret en matière de défense nationale, de sécurité intérieure ou extérieure de l'État et par le secret de l'instruction judiciaire). Désignés par la commission des finances au cours du premier trimestre de l'année, les rapporteurs spéciaux, chargés de façon permanente du contrôle de l'exécution budgétaire dans leur domaine d'attribution, adressent des questionnaires aux ministres avant le 10 juillet de chaque année en vue de la préparation de leurs rapports sur le projet de loi de finances. Le Gouvernement a l'obligation d'y répondre par écrit au plus tard le 10 octobre (LOLF, article 49).Chaque rapporteur spécial est chargé de l'examen des crédits d'une mission, ou dans certains cas, d'un ou plusieurs programmes d'une même mission. Le cas échéant, son rapport spécial présente également le ou les articles du projet de loi de finances qui sont rattachés à la mission dont il est chargé.Les rapporteurs spéciaux appartiennent à l'ensemble des groupes représentés à l'Assemblée nationale.La commission des finances et du contrôle budgétaire a des compétences se rapportant au budget de l'Etat, à la monnaie et crédits, aux activités financières internes et externes, au contrôle financier des organismes publiques et au domaine de l'Etat. La commission n'adopte que des amendements et n'établit donc pas un texte qui servirait de base à la discussion en séance publique. Le débat en séance publique intervient dès la semaine qui suit l'examen en commission. Il est organisé par la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale. Cet examen en plénière s'ouvre avec la présentation du projet par le rapporteur général suivi du président de la commission des finances, du ministre des finances ou du ministre chargé du budget et du Premier Ministre. La parole est ensuite donnée aux différents groupes parlementaires.La discussion sefait en deux étapes distinctes qui correspondent aux deux parties des lois de finances. Sur ce point l'article 59 de la LOLF de 2020 exige que la seconde partie de la loi de financesde l'année ne puisse être mise en discussion devant l'Assemblée nationale avant l'adoption de la premièrepartie. Pour comprendre le sens decette règle, il faut se rappeler que la première partie de la loi de finances de l'année déterminel'équilibre général du budget, au travers de l'autorisation de percevoir les recettes et de leurévaluation, d'un plafond global de dépenses et de l'article d'équilibre qui définit le niveau du soldebudgétaire annuel, et que la seconde partie décrit de façon plus détaillée les grandes masses dedépenses par mission. Le but de l'article 59 précité est,alors, d'éviter que les questions relatives auxdépenses soient débattues avant que ne soient établies les grandes lignes de l'équilibre budgétaire.En d'autres termes, il s'agit de faire en sorte que les dépenses s'ajustent aux recettes et nonl'inverse. La spécificité du projet de loi de finances tient à l'existence d'un « article d'équilibre » et à la disposition de l'article 42 de la LOLF qui fait du vote de la première partie un préalable à la mise en discussion de la seconde partie du projet de loi : en effet, c'est cet article qui évalue l'ensemble des ressources du budget de l'État et qui fixe les plafonds des charges, arrêtant ainsi l'équilibre financier. La décision du Conseil constitutionnel, en date du 24 décembre 1979, a censuré la loi de finances pour 1980, pour non-respect de cette obligation.Le débat en séance publique occupe en général cinq à six jours de séance, soit une cinquantaine d'heures environ. A l'issue de la discussion des programmes, l'Assemblée nationale examine les articles non rattachés de la deuxième partie du projet de loi de finances, les articles dits de récapitulation (articles renvoyant à des états annexés et retraçant la répartition des crédits par missions) et procède au vote solennel sur l'ensemble du projet de loi.Au total l'Assemblée nationale consacre chaque année à la première lecture en séance publique de la seconde partie du projet de loi de finances environ 70 à 80 heures. * 103A. DIOUKHANE, les Finances Publiques dans l'UEMOA : Le Budget du Sénégal, Harmattan, 2015, P.133. * 104Commission des finances et du Contrôle budgétaire ; Commission des Affaires Economiques ; Commission de l'Aménagement du territoire, de l'habitat, des infrastructures et des transports ; Commission de la Culture et de la Communication ; Commission du développement rurale ; Commission des lois, de la Décentralisation, du travail et des droits humains ; Commission des Affaires étrangères, des sénégalais de l'extérieur et de l'intégration africaine ; Commission de la défense et de la sécurité ; Commission de l'éducation, de la jeunesse, des sports et des loisirs ; Commission de la santé, de la population, des affaires sociale et de la solidarité nationale ; Commission de comptabilité et de contrôle ; Commission des délégations ; Commission du développement durable et de la transition écologique ; Commission de l'Energie et des ressources minérales. * 105Journal « Le Quotidien » du 16 Octobre 2019. * 106Abdourahmane DIOUKHANE, ouvrage précité, P.133. |
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