Conclusion du deuxième chapitre :
Au niveau de ce deuxième chapitre, nous avons
abordé au début, l'une des notions clés de notre travail :
« la littéracie », tout en essayant de la situer et de la
concrétiser davantage, par le biais d'un bref historique, d'une
multitude de définitions, de caractéristiques, et de dimensions
etc...
Concernant l'emploi du terme littéracie, nous avons
accentué une forme au singulier (la littéracie, dont l'approche
est cognitive), et une autre au pluriel (les littéracies, dont
l'approche sociale). Nous avons également traité le débat
relatif à la traduction du mot et à son orthographe, d'où
l'émergence de plusieurs variantes qui n'impactent pas vraiment le sens
de la notion, mais qui soulignent la difficulté de la limiter en une
seule définition englobante.
Le traitement de cette notion riche et plurielle, et le
contexte de notre recherche nous ont conduits pour dédier une partie
à un type particulier de la littéracie, celui des «
littéracies universitaires », désormais connu comme le
terrain des problématiques et des débats autour de
l'écriture à l'université. Après l'étude
consacrée à la littéracie et particulièrement celle
universitaire, un ensemble d'interrogations évidentes se posent :
Pourquoi la littéracie vue comme un terme accrédité au
niveau des recherches didactiques, notamment celles francophones, n'a pas
encore trouvé sa place dans les documents officiels marocains, en
conjointure la vision stratégique de la réforme 2015-2030 ?
Il semble que cette notion doit gagner davantage du terrain,
dans le contexte académique marocain confronté à plusieurs
problèmes, elle a de même le mérite de remporter
l'attention de la communauté scientifique, surtout dans un monde
où le pouvoir de l'écrit s'étende de plus en plus avec
l'apport des technologies et avec l'avancée de la didactique en
général et de la
43
didactique de l'écrit en particulier. Dans ce sens, la
littéracie universitaire émergée entant que nouvelle
sensibilité dans le domaine des études francophones et
considérée comme un paramètre fondamentale de
l'enseignement supérieur, aura besoin d'un projet pilote et d'un
dispositif pédagogique pertinent visant sa diffusion auprès des
étudiants. Ce dispositif d'appui en matière de littéracie
universitaire pourra être bel et bien le tutorat. Un outil destiné
à venir en aide aux étudiants. Sa visée réside
alors assister les apprenants dans leur acquisition des pratiques sous-jacentes
à la littéracie universitaire, les accompagner pour surmonter
leurs difficultés et répondre à leurs attentes et
demandes, essentiellement en matière de l'écrit.
CHAPITRE 3 : LES PRATIQUES FAVORISANT L'ACCES DES
ETUDIANTS EN LITTERACIE UNIVERSITAIRE : LE TUTORAT
La première année d'enseignement
supérieur remplit plusieurs missions : « celle de formation bien
sûr, mais aussi celle d'orientation, voire de solution d'attente pour les
étudiants qui auraient préféré opter pour une
filière plus sélective » (Romainville et Michaut, 2012,
p.254), elle représente la transition entre l'enseignement secondaire et
l'enseignement supérieur, marquées par des changements
considérables. « Bref, c'est un moment de bouleversement de
l'ensemble des repères pour chacun des étudiants » (Alberti
et Laterrasse, 2002, p.87-88). Face à cette situation, et même si
« tous les étudiants ne font pas la même expérience de
l'enseignement supérieur et ne doivent pas résoudre les
mêmes problèmes » (Millet, 2012, p.76), mais
l'université réside un monde méconnu pour les futurs
étudiants, dans la mesure où, « lorsqu'ils arrivent à
l'université, les étudiants découvrent un univers qu'ils
connaissent par ouï-dire, leurs enseignants du lycée leur ont
parlé beaucoup, ou un parent ou un ami qui est déjà
passé par un premier cycle »( Felouzis, 2001, p.145). D'ailleurs,
c'est dans ce sens que Lahire, évoque en 1997 la « socialisation
silencieuse » de l'étudiant.
Dans cette perspective, les pouvoirs publics et les
universités s'interrogent sur la manière d'aider ces
étudiants. De ce fait, « l'accompagnement est devenu une figure
dominante du discours éducatif, qu'il survienne dans des lieux
d'enseignement, comme l'enseignement supérieur E...]» (Vitali et
Barbier, 2013, p.231). Avec la démocratisation des études
universitaires, ainsi que la dominance des théories
socioconstructivistes qui favorisent le travail en groupe, plusieurs pratiques
d'accompagnement par les pairs ont été
privilégiées, parmi les on trouve le tutorat, qui trouve sa place
dans la scène pédagogique, pour s'écarter de l'aspect
individuel, et se centrer plus sur le social.
44
1- Le tutorat :
1-1 L'histoire du tutorat :
Au début, l'université a été
réservée à un public élitiste issu des classes
sociales privilégiées, ce qui fait référence
à l'ancienne fonction du « précepteur » à
l'antiquité. De cette réalité, l'histoire du tutorat
découle du préceptorat. En effet, les origines de la formule
tutorale sont très lointaines, elles datent déjà de 7000
années avant J.C. Dans l'occident chrétien, les tuteurs,
étaient choisis soit parmi des prêtres, ou bien ils étaient
des tuteurs royaux qui s'occupaient de l'éducation morale des jeunes
enfants de la société aristocratique. Plus tard, Aristote aurait
utilisé « le tutorat » pour désigner l'accompagnement
au travail. Et dans la Grèce antique, la formation morale et
l'éducation à la vie sociale vont être basées sur le
même principe.
Par la suite, le tutorat va être visible à Rome
où le rôle de « tutela » s'amplifie de plus en plus pour
désigner la surveillance des enfants qui apprennent la
rhétorique, la philosophie, la peinture, la littérature, le grec,
et le latin. Donc ici, nous avons également affaire à des
pratiques proches du préceptorat, puisque les tuteurs étaient des
personnes bien choisis pour participer d'une manière
individualisée à l'éducation des enfants des familles
aisées.
Cependant, cette formule existe bien avant cette
période mentionnée. Déjà au Vème
siècle avant J.C, le philosophe chinois Confucius avait noté que
« l'on apprend mieux de ses pairs que de ses maitres », dans ses
réflexions sur l'éducation. Mais, c'est Comenius qui va poser en
occident, dans son oeuvre intitulé « la grande didactique »
(1627-1632), les repères de base d'un modèle éducatif
appuyé essentiellement sur le principe d'entraide entre les
élèves.
Au XIIème siècle, le tutorat a fait
son apparition en Angleterre dans des établissements prestigieuses comme
Oxford et Cambridge, au niveau desquelles le développement intellectuel,
moral et social était préconisé, et le tuteur est
appelé à préparer un programme adapté aux
apprenants. Ensuite, au XVIIIème siècle plusieurs
pédagogues comme, Lancaster en Angleterre ou encore Pestalozzi en Suisse
ont pris les idées de Comenius comme référence, pour
créer des écoles réservées aux enfants issus des
milieux sociaux défavorisés.
A son tour, Le maitre romain Quintilien soulignait
l'importance du contact des jeunes élèves avec les plus grands.
Et dans le même ordre d'idée, une école de
rhétorique à Rome (Instituo Oratoria), soutenait le fait que
« celui qui vient d'apprendre était le meilleur des enseignants et
qu'il était l'un des mieux placés pour rendre l'enseignement plus
humain, plus moral, plus
45
pratique, et plus profond » (Wagner, 1990, p.22).
Cependant, l'expansion réelle du tutorat ne sera qu'à partir de
l'époque médiévale, dans laquelle le rôle de
l'église était centré sur l'éducation des enfants
et des adolescents.
Grace au développement des pratiques d'enseignement et
de formation, le tutorat va devenir une principale forme d'accompagnent,
inscrite dans le courant des « pédagogies nouvelles » et de la
tradition anglo-saxonne, où on « n'enseigne plus à l'enfant
mais avec et par l'enfant » (Reboul, 1981, p.67). Grâce à
cette conception, le centre de gravité de la situation éducative
ne va plus être le maitre, possesseur du pouvoir et du savoir, mais
plutôt l'apprenant, son rythme d'appropriation, ses besoins, son
insertion sociale...
1-2 Le tutorat : un dispositif :
Avant de définir le « tutorat », il est
important à titre d'éclairage et de précision de traiter
le concept du « dispositif ». Le tutorat est avant tout un dispositif
ou « un réseau » permettant de tracer différents
éléments pour répondre à un problème urgent.
En effet, Linard souligne que le dispositif est un moyen qui « organise un
champ de relations fonctionnelles entre humains et outils, but et moyens,
intention et actions » (2002, p.144). Le dispositif est donc une
construction logique qui a pour finalité l'atteinte d'un objectif. Au
niveau du fonctionnement du dispositif, c'est l'usager joue un rôle
très important. Et concernant sa réussite, il est
nécessaire que ce dispositif soit flexible, individualisé,
centré sur l'apprenant et sur la Co construction entre celui-ci et
l'enseignant, et surtout basé sur le volontariat.
Donc pour répondre à
l'hétérogénéité de l'enseignement
supérieur, la plupart des universités recourent à mettre
en place des dispositifs d'accompagnement et de soutien, destinés aux
étudiants en général et aux plus fragiles en
particularité. Parmi ces dispositifs on trouve le tutorat, qui
représente la pratique la plus ancienne et la plus appliquée. Et
donc, Qu'est-ce que le tutorat ?
1-3 Le tutorat : essai de définitions
:
Dans le but de faciliter l'adaptation et l'intégration
des étudiants dans le contexte universitaire, et suite aux incitations
gouvernementales, plusieurs dispositifs ont vu le jour dans différents
systèmes éducatifs. Le tutorat avec ses formes multiples
était l'un des dispositifs préconisés pour accompagner les
étudiants et garantir leur affiliation et leur maitrise des normes et
des contenus disciplinaires.
46
Concernant l'étymologie latine du terme « tutorat
», elle renvoie à des significations comme : « protéger
», « s'occuper de » ou « prendre soin de ».
Par rapport aux définitions proposées à
ce concept, elles sont nombreuses, tout comme les travaux qui le traite. Tout
d'abord, et pour montrer les origines du tutorat comme une pratique d'aide,
Danner, Kempf et Rousval, avancent que « le tutorat, terme
générique, propose tout à la fois une forme moderne de
l'enseignement mutuel qui faisait la part belle à l'enseignement par les
pairs et d'une guidance pédagogique consolidant le processus
d'apprentissage de la relation d'enseignement-apprentissage » (1999,
p.247). Dans la lignée de l'approche développée par
Vygotsky et Bruner, le tutorat est vu comme étant un processus
d'assistance de sujets plus expérimentés à l'égard
des sujets moins expérimentés, chatouilleux d'enrichir les
acquisitions de ces derniers. Cette idée représente la base du
tutorat, qui va être reprise par différents auteurs et
spécialistes. Commençant par Endrizzi, qui voit dans le tutorat
une « une déclinaison particulière de l'accompagnement qui
associe une personne débutante et une personne moins novice dans un
domaine de compétence donné, sur une période
déterminée » (2010, p.16). Brixhe, à son tour
souligne que le tutorat est « une aide sur laquelle s'appuie celui qui
n'est pas encore assez solide pour être autonome » (1998, p.8).
Et puisque les deux protagonistes de la formule tutorale sont
le « tuteur » et le « tutoré ». La définition
du tutorat va devenir : un « moyen d'apprentissage planifié dans
lequel un apprenant plus compétent (le tuteur) veut soutenir un de ses
pairs apprenant (le tutoré) dans l'acquisition ou le
développement de connaissances et de compétences » (Annot,
2001, p.383203 ; Papaioannou, 2015, p. 46-55 ; Topping et Ehly, 2001,
p.113-132). Le tutorat est donc une relation régulière de
compagnonnage, basée sur la coopération entre tuteur et
tutoré, caractérisée par l'alternance entre le travail
individuel et le collectif dans le but de compléter l'apport de
l'enseignant, et de combler l'insuffisance de l'enseignement classique.
Un autre point à prendre en considération est
celui du statut non professionnel du tuteur, dans la mesure où, le
tutorat est
Une situation pédagogique d'accompagnement
individualisé au sein de laquelle chacun apprend, notamment sur la base
d'un mécanisme d'identification, alors qu'aucun des acteurs n'est a
priori un professionnel de l'enseignement. (Romainville et Lepage, 2009,
p.13).
En somme, on peut avancer que les « ingrédients
» de la formule tutorale sont essentiellement: l'intervention humaine au
niveau d'un petit groupe, comme l'avait souligné l'article 3 de
l'arrêté du 18 Mars 1998, modifié par l'arrêté
du 30 Novembre 2009 en
47
France que « [...] chaque étudiant-tuteur a la
responsabilité d'encadrer par une aide personnalisée un groupe
d'étudiants de taille restreinte (au maximum dix étudiants)
» , la situation de travail sur une période courte, la
socialisation (la relation entre tuteur/tutoré) et la formation (savoirs
académiques).
Il est essentiel de marquer, que lors de notre consultation
des différentes définitions du tutorat, on s'est trouvé
confronter à deux expressions différentes, à savoir :
« le tutorat entre pairs » et « le tutorat par les pairs »,
dont la première renvoie au milieu d'enseignement scolaire, et la
deuxième se rapporte au domaine de l'enseignement supérieur. On
va donc opter pour la deuxième, vu que notre cadre de recherche est
consacré à l'université. En définitive, le tutorat
a fait donc l'objet de maintes définitions, à travers lesquelles
les notions d'aide et d'accompagnement sont préconisées.
1-4 Les différentes formes du tutorat
:
Les différentes formes du tutorat reposent sur une
étude récente de Romainville et Lepage (2009) qui était
réalisée à la base des pratiques tutorales de la
communauté française en Belgique. Ces auteurs avancent que les
formes du tutorat varient selon les perspectives, les fonctions, les
compétences visées, la méthodologie suivie etc...
D'ailleurs, Michaut (2003, p.102) montre que les pratiques
tutorales sont très hétérogènes, en termes d'offres
et d'objectifs, elles doivent combler des manques qui ont été
classés par Gerbier et Sauvaitre (2003, p.18), en quatre grandes
catégories :
1- Le manque d'outil et de méthodes de travail.
2- Le manque de connaissances et de compétences
disciplinaire.
3- Le manque d'adaptation à la vie universitaire.
4- Le manque de projet personnel et professionnel.
De ce fait, le tutorat peut avoir diverses fonctions : «
affiliation », « information » et « formation avec un
savoir méthodologique ou disciplinaire», qui renvoient à
trois grandes formes, qui ont été suggérées par
Laterrasse, Alberti et De Léornardis en 2002:
Le tutorat d'accueil : Il se déroule pendant les
premières semaines, généralement, les deux ou les trois
semaines après la rentrée. Il apporte un soutien d'ordre
administratif et organisationnel. Il s'assure de l'accueil des primo-entrant et
de leur adaptation. Son rôle consiste également à
48
donner aux nouveaux bacheliers qui viennent d'intégrer
l'université les repères nécessaires à la
construction de leur projet de formation.
Le tutorat d'accompagnement : selon la classification
d'Alberte et Laterrasse (2002, p. 113), le tutoral d'accompagnent est «
régulier », « soutenu », adressé à «
un petit groupe d'étudiants ».
Il s'appuie sur les relations humaines pour préparer
les étudiants aux sessions d'examens, ainsi que pour les aider à
mieux travailler durant l'année universitaire. Il se base sur les
contenus des enseignements, et il concerne la reprise des cours, le
développement de la compétence écrite, le travail sur la
langue (syntaxe, orthographe etc...), l'entrainement à l'oral, l'aide au
travail personnel (organisation et gestion de l'emploi du temps, prise et
exploitation des notes).
Les formes du tutorat d'accompagnement sont certes multiples,
mais orientées vers le même but : outiller les
étudiants.
Le tutorat méthodologique : souvent
associé au « tutorat d'adaptation, qui est un soutien
méthodologique ayant pour but de faire acquérir aux
étudiants les méthodes de travail universitaire ou de
répondre à des difficultés d'apprentissage ponctuelles
» (Danner, Kempf et Rousval, 1999, p.248).
Il est le complément du tutorat d'accueil et
d'accompagnement, qui consiste à résoudre les problèmes
des primo-entrants concernant les méthodes du travail à
l'université, comme le travail documentaire, l'analyse des textes
scientifiques ou littéraires, la rédaction des discours
universitaires etc...
1-5 La différence entre le tutorat et le mentorat
:
Au niveau des écrits, les notions du « tutorat
» et de « mentorat » sont souvent confondues. Cette confusion
découle avant tout de la traduction de l'académie de la langue
française pour le mot anglais « mentoring » en « tutorat
». Cette même traduction était adoptée par des auteurs
comme Boru (1996) et Wittorski (1996), alors que d'autres, tels que, Agulhon et
Lechaux (1996) emploient des termes comme « guidance » et «
supervision » pour faire référence à la même
idée.
Nous avons déjà eu l'occasion de faire le tour
des définitions du tutorat. Et par rapport au « monitorat »,
il est un système de guidage, élaboré pas Lancaster et
suggéré par la société pour l'enseignement
élémentaire. Il engage des élèves appelés
moniteurs, qui se réfèrent uniquement au maitre, et qui exercent
leur fonction dans un local spacieux. D'ailleurs, les deux collègues
49
Finkelstein et Ducros, qui étaient en 1989, à
l'origine des enquêtes du « tutorat » et « mentorat »
dans des écoles belges, ont montré que les deux conceptions
éducatives recourent au travail avec les élèves et
préconisent l'accompagnement pour surmonter les difficultés, mais
avec un nombre de différences considérable.
La différence entre les deux notions réside tout
d'abord au niveau des modes d'organisation :
Alors que le monitorat se caractérise par une certaine
rigidité, le tutorat semble être une formule
particulièrement souple, adaptable à de nombreuses situations, ce
qui en fait une réalité assez difficile à saisir dans ses
modalités comme dans ses effets. (Alberti et Laterrasse, 2002,
p.110).
L'écart entre les deux concepts se voit même au
niveau du choix des accompagnateurs, dans la mesure où, les moniteurs
sont souvent pris des élèves les plus compétents, qui
montrent un certain degré d'expertise et de maturité, alors que
les tuteurs sont embauchés à base du volontariat. Certes, ils
« peuvent avoir des caractéristiques scolaires opposées
» (Duquesne, 1983, p .60), mais, ils connaissent bien le programme
d'étude.
Le rôle pédagogique, ainsi que le nombre de
personne qu'un tuteur ou un moniteur accompagne, sont également des
facteurs qui créent la distinction. D'une part, le rôle des
moniteurs consiste à répéter avec autorité, et pour
une dizaine d'apprenants, le cours du maitre sans aucun ajout. Ils sont donc
des subalternes de l'enseignant ou bien des sous-maitres. D'une autre part, les
tuteurs « ont au contraire un rôle d'assistant ou d'auxiliaire, ce
qui les rend apte à seconder les instituteurs » (Charconnet, 1975,
p.12). Ils agissent pour compléter le travail de l'enseignent
auprès d'un groupe restreint voire d'une seule personne. On peut donc
avancer que si les premiers sont soumis au contrôle du maitre, les
seconds peuvent exécuter leur tâche librement, et que «
l'autorité et la discipline exercées par les uns contrastent avec
le rôle pédagogique des autres » (Lesage, 1975, p.67), dans
la mesure ou lorsque « les premiers corrigent ou rectifient les erreurs de
leurs tutorés, les seconds se chargent de leurs fournir des
explications, de les conseiller » (Lesage, 1975, p.66).
Goodlad en 1998, a identifié encore deux
critères de différenciation entre « tutorat » et «
mentorat », qui sont : la spatialisation et la durée. Dans la
mesure où, le premier se déroule en classe, pendant quelques
semaines, alors que le second, peut se pratique « E...] souvent dans un
lieu hors classe, E...] sur une durée de plusieurs moins ou
années » (Peyrat-Malaterre, 2011, p.46),
En définitive, on peut déduire que, le tutorat,
est une organisation fonctionnelle d'aide éducative non
pédagogique, alors que, le mentorat, représente une instruction
d'aide massive.
50
Chacun avec des traits distinctifs qu'une fois pris en
considération, la confusion semble impossible.
1-6 Les conditions à mobiliser pour garantir la
réussite du tutorat :
Pour que le tutorat atteinte ses objectifs, rien ne doit
s'improviser, et tout doit être bien orchestré. Certes, il
n'existe pas une formule magique pour garantir le succès du tutorat,
mais un certain nombre d'éléments doit y figurer.
D'emblée, Stassen a suggéré deux
conditions nécessaires pour générer le tutorat. Ces
conditions sont « mieux identifier les étudiants à risque
d'échec, et mieux mettre en lumière les processus qui sont
à l'oeuvre derrière ces déterminations » (2012,
p.135). Ensuite, Pourcelot va affirmer que le tutorat ne pourrait être un
facteur de réussite, qu'à travers un mode d'emploi plus au moins
optimal. Ce dispositif ne peut être pertinent qu'avec la présence
d'une bonne conception, d'une mise en oeuvre réussie, et d'un retour sur
l'expérience approprié. Le choix d'une période
d'implantation convenable, s'avère crucial également pour mettre
en place un tutorat de qualité : « le moment où le tutorat
est proposé doit être bien pensé ; ni trop tôt pour
que les étudiants y voient un intérêt au regard de leurs
premières expériences universitaires, ni trop tard pour qu'il
reste utile » (Borras, 2011, p.2).
La suggestion d'un environnement cordial au tutorat est de
même une condition importante, dans la mesure où cet environnement
ne doit pas limiter la liberté du tutoré, ni privé son
autonomie. Il doit être le garant d'un climat de coopération entre
les participants et d'un autre de compétition nécessaire pour
l'accomplissement de la tâche. Il doit de même favorisé la
productivité personnelle, la prise de parole, l'échange, et
l'interaction. L'environnement propice à l'action tutorale est donc
celui qui répond à trois types de besoin : « besoin de
relations positives avec les autres, besoin d'autonomie et besoin de
compétence » (Brzezinska, Appelt, 2013, p.21).
Parmi les aspects permettant le succès du tutorat, on
trouve ceux relatifs au tuteur. Ce tuteur doit avant tout être vigilant
dans ses choix pour éviter la contreproductivité des
tutorés, dans la mesure où, Il ne doit pas les contrôler
d'une manière exagérée, il doit déclarer à
tout moment son soutien pour ses apprenants, les encourager et les pousser
à progresser sans faire à leur place. De ce fait, on fait
référence aux deux composantes clés de la formule
tutorale, qui sont : la composante participation liée à
l'activité du tutoré, et la composante, guidage qui
représente celle du tuteur. Les deux doivent évoluées
inversement pour donner des rendements positifs.
51
Autrement dit, lorsque le tutoré arrive à
s'impliquer dans la tâche et prend de plus en plus l'initiative, le
tuteur doit automatiquement agir de moins en moins, pour que l'équilibre
et la souplesse du tutorat soient garantis.
Toujours, dans le cadre du choix des tuteurs, l'âge se
présente comme un critère considérable.
Généralement, les jeunes tuteurs ou encore les
tuteurs-étudiants sont les favoris. Ce paramètre de
différence d'âge entre les partenaires du tutorat est un
thème qui a été abordé par Lippitt en 1976. Cette
dernière a évoqué la notion « d'influence
constructive » pour souligner le travail d'un tuteur qui consiste à
faciliter l'appropriation de son tutoré, et qui nécessite une
différence d'âge optimale. Elle avance aussi qu'« un camarade
de 2 à 4 ans plus âgé peut avoir une relation de travail
moins distante et morcelée à l'égard de plus jeunes que
celle d'un adulte » (Lippitt, 1976, p.158). Elle a ensuite
interprété ces observations en avançant que : « les
jeunes enfants peuvent bénéficier d'un enseignement
individualisé et d'encouragement personnel apportés par des pairs
suffisamment âgés pour être des modèles
crédibles, mais assez jeune pour être « en connexion »
(Lippitt, 1976, p.158). Elle veille à ce que la différence
d'âge ne soit ni trop faible, pour que les acteurs du tutorat se
comprennent, ni trop importante, pour que l'un puisse tirer l'autre vers le
haut. D'ailleurs, cette auteure est arrivée à ces
résultats après l'étude qu'elle a faite durant sa
supervision de l'expérience tutorale : « Michigan Design Detroit
Pilot Program ».
D'autres auteurs, tels que Devin-Sheehan et Allen (1976) ont
fait la même remarque que Lippitt, sauf qu'ils ont avancé un motif
différent. Certes, ils ont insisté sur l'importance d'une
différence d'âge d'au moins de deux ou trois ans entre les tuteurs
et les tutorés, mais cette fois ci la raison est la suivante : «
une différence d'âge importante amoindrit la possibilité
pour le tuteur, de bénéficier de manière académique
du tutorat » (1976, p.257). Leur remarque convient à ne pas
négliger l'effet-tuteur. Linton (1973) a également insisté
sur ce principe, quand il a mis au travail des élèves de
huitième année (faibles en mathématiques) avec des tuteurs
de huitième, dixième ou douzième années. La
déduction de cette expérience était que les tutorés
se développent plus quand la différence d'âge avec leur
tuteur est de quatre ans. Ce sujet a été largement traité.
En somme, tous ces auteurs étaient d'accord avec le fait que beaucoup
sont plus âgés, les tuteurs resteront, plus compétents au
niveau de la matière ou de la discipline enseignée que leurs
tutorés.
Finalement, on peut dire que lors de la mise en place du
tutorat, il est important de se rappeler qu'il n'existe pas de méthode
pédagogique unanimiste, et que les situations ne sont pas toujours
similaires, chaque classe à ses particularités et chaque public
à ses propres
52
caractéristiques. D'où le fait de penser
à une modalité générale valable pour n'importe
quelle formule tutorale, réduit la pertinence de cette dernière.
Le plus important c'est donc d'avoir un regard critique et un recul pour
pouvoir garder des idées et extraire d'autres, selon le contexte et la
situation.
1-7 Les avantages du tutorat :
Les bienfaits du tutorat sont multiples, ils
s'échelonnent d'une manière positive sur la vie professionnelle
et personnelle des participants. On va les traités plus du
côté du tutoré, car ceux du tuteur font
référence à un autre phénomène pour lequel
on va dédier toute une partie.
Faire appel au tutorat comme étayage de l'enseignement
magistral permet :
l La remise en question des pratiques des étudiants et
l'offre d'un nouveau regard sur l'enseignement.
l La découverte des tutorés pour leurs
motivations, leurs forces et leurs faiblesses.
l L'outillage des apprenants pour qu'ils puissent se
positionner face aux transformations culturelles, économiques et
sociales.
l L'instauration des techniques de construction de savoir qui
rendent l'apprenant capable d'explorer son environnement.
l L'amélioration des compétences, des
connaissances et des habiletés des apprenants contribuant à leur
réussite.
l La rectification instantanée des réponses
erronées et le renforcement de celles correctes.
l La développement de l'empathie et des
capacités permettant de comprendre les difficultés et de les
surmonter par la suite.
l La favorisation de la démarche individuelle du
tutoré grâce à la proximité du tuteur, à
l'immédiateté de ses interventions, ainsi que « sa figure
amicale ».
l Le progrès positif sur les plans cognitif, affectif
et social des tutorés.
l La création de l'esprit groupale à travers le
contact entre les anciens étudiants et les primo-entrants.
l La valorisation de la confiance des étudiants et les
rendre capables de prendre la parole et de poser des questions.
l
53
Le passage des méthodes scolaires à celles
universitaires.
l La complémentarité des parties inaccessibles
dans le cours magistral.
l La découverte de l'aspect caché de la
formation.
l L'installation d'un avant-gout opportun du métier
d'enseignant qui éveille l'envie de pratiquer cette profession.
l L'émergence dans le milieu professionnel et le fait
« de sentir l'odeur des classes dans les narines ».
Avec tous les avantages qu'on a cités, Barrette
souligne encore des atouts : « il (le tutoré) obtient une
rétroaction immédiate et personnalisée » (2017).
Cordary ajoute à son tour qu'« il peut acquérir et
consolider des connaissances disciplinaires ou des stratégies
d'apprentissage » (2016). Ensuite, une enquête
réalisée par Ben-Abid-Zarrouk et Weisser en 2013 a montré
que le tutorat est devenu un facteur de réussite déterminant pour
les étudiants qui l'utilisent de manière optimale. Egalement,
Weisser (2008) a affirmé que les étudiants tutorés
multiplient en moyenne de 1,65 leur chance de réussir la première
année universitaire par rapport aux non tutorés. De même
grâce au tutorat « le tutoré augmente le temps
consacré à des activités d'apprentissage » (Annoot,
2001). Damon aussi voit dans le tutorat entre pairs « une technique
efficace lorsqu'il s'agit de rappeler des règles de fonctionnement,
d'échanger des informations ou des savoir-faire » (1984, p.339).
Pourtant, les bienfaits demeurent nombreux et constructifs.
D'une manière récapitulative, Brzozowski (2017)
a mentionné au niveau d'un riche passage un éventail de
bénéfices du tutorat, dans la mesure où :
Le tutorat contribue à acquérir l'autonomie,
à construire la responsabilité pour sa propre éducation,
pour la systématisation et la planification. Il apprend à choisir
ses objectifs, sa voie de vie, son chemin de développement, à
réaliser ses projets et à combattre ses difficultés. Il
mène à être autonome dans la recherche des sources des
informations et dans leur sélection, à une auto-acceptation et
une estime de soi, forme les attitudes d'ouverture et de bienveillance envers
les autres. De plus, il permet une augmentation de niveau de confiance,
renforce le courage pour présenter publiquement ses opinions, apprendre
une pensée créative et autonome, l'acceptation pour
l'altérité et des comportements à caractère
subversif. Il apprend le respect, la coopération en groupe et forme une
sensibilité au destin des autres avec la responsabilité qu'en
découle.
1-8 Les failles et les limites de l'introduction
officialisée du tutorat à l'université :
54
La majorité des obstacles posant problème quant
à l'officialisation du tutorat sont souvent liés à la
rigidité de l'administration universitaire, à l'absence d'une
formation obligatoire et d'une récompense financière, et à
l'attitude fermée des décideurs universitaires qui rejettent
chaque nouvelle proposition pédagogique. Concernant les failles du
tutorat, Laterrasse, Alberti et De léornardis (2002, p.161-162) ont
rappelé que ces dernières constituent des pistes de
réflexion pour apporter des améliorations au dispositif. Ces
failles ont été énoncées en 1999, par l'institut de
Recherche sur l'Economie de l'Education (IREDU) à l'issue de sa
deuxième enquête locale intitulée : « le tutorat en
DEUG : effets et limites d'une bonne idée »
Ces pistes s'articulent principalement autour :
l Du volontariat et du taux de participation diminue.
l Des raisons qui poussent les bons étudiants à
s'intéresser à de tels dispositifs, ainsi que celles qui sont
à l'origine du rejet de la part des plus fragiles.
l Des causes de la fragilité du programme.
l Des circonstances qui rendent le tutorat efficace dans un
contexte et inopérant dans un autre.
2- le tutorat dans différents contextes
académiques : 2-1 le tutorat dans le contexte académique
anglo-saxon :
Le tutorat a fait son émergence dans le contexte
anglo-saxon à partir des années soixante, suite au constat fait
par Peggy et Ronald Lippitt. Ce constat était relatif aux multiples
difficultés que les professeurs rencontrent avec certains publics
socialement défavorisés, ou encore avec les enfants des
immigrants. De cela, leur idée était de chercher des solutions or
que l'enseignement essentiel. Le choix était alors la mise en place des
pairs un peu plus âgés pour les aider. De ce fait, « le
tutorat apparait à cette époque dans les programmes
d'éducation compensatoire » (Topping, 1988, p.16-17). Par la suite,
« l'idée s'est largement propagée dans les pays anglo-saxons
et ailleurs, au-delà du cadre strictement scolaire, où les
domaines professionnels et universitaires sont désormais
concernés » (Baudrit, 2000, p. 8-9), puisqu'ils accueillent un
public qui nécessite une attention particulière.
Cependant, le statut scientifique du tutorat ne va se
manifester vraiment qu'à partir des années soixante-dix,
où nombreux vont être les chercheurs qui vont exprimer leur
intérêt pour ce dernier. Ensuite, et selon les propos de
Bédouret en 2003, le tutorat dans les pays anglo-saxons a connu de
réelles transformations, notamment, concernant le statut des tuteurs.
55
Aux Etats-Unis, ce concept va être proposé pour
faire face à l'arrivée massive des enfants immigrés. Cette
formule était choisie parmi d'autres pour apporter de l'aide à
ces enfants et les faire entrer dans le système éducatif
américain, par le biais de l'apprentissage de la langue du pays
d'accueil ainsi que le travail des cours et des devoirs. En somme, La
méthode tutorale présente un grand intérêt dans ce
contexte malgré sa suspicion qui règne à son égard
Outre-Atlantique.
2-2 le tutorat dans le contexte académique
français :
La mise en place du tutorat en France était
liée dès 1996 « à l'arrivée de nouvelles
catégories d'étudiants à l'université et au constat
récurrent dans les années quatre-vingt de la faible
rentabilité des premiers cycles universitaires » (Alberti et
Laterrasse, 2009, p.99). Ce dispositif a été donc
suggéré soit sous l'étiquette « d'un dispositif
d'aide à la réussite », soit sous celle d'un «
dispositif dans un contexte de lutte contre l'échec en premier cycle
». Cette question d'échec universitaire va susciter les
inquiétudes des décideurs politiques et des membres du
système éducatif français. De ce fait, l'entrée du
tutorat à l'université française a été
officialisée par l'Arrêté du 18 Mars 1998, pour garantir la
réussite des néo-bacheliers. Le tutorat, va être
considéré comme une réponse au phénomène de
massification à l'enseignement supérieur, ainsi qu'une solution
aux difficultés aperçues chez les étudiants du
Diplôme d'Etudes Universitaire Générales (DEUG). Il
était donc « établi à partir d'un cadre national aux
marges de l'institution », et il « était censé
contribuer à résoudre les difficultés pédagogiques
de la gestion d'un problème central, la massification et la
démocratisation de l'enseignement supérieur » (Sirota, 2003,
p.15). De plus, deux autres raisons ont poussé la France à
recourir au tutorat dans les universités : « la première est
liée au défi [...] de :
Faire mieux avec moins ». La seconde a trait à la
difficulté qu'à l'université à atteindre ses
objectifs les plus nobles, à savoir amener les étudiants à
penser par eux-mêmes. Le développement de pareilles
compétences exige des confrontations actives, en petits groupe durant
lesquelles l'étudiant est acteur de son apprentissage. (Noël et
Romainville 1998, p.133).
Face à cette demande, le tutorat sera
officialisé dans l'arrêté du 18 Mars 1998, dans la mesure
où il est « bénéficie à tous les
étudiants de première année de premier cycle qui le
souhaitent » et « l'action de tutorat est assurée par les
étudiants-tuteurs-eux-mêmes [...] en lieu avec l'équipe
pédagogique et sous la responsabilité d'un enseignant ou d'un
enseignant-chercheur ».
En effet, le cadrage institutionnel et les circonstances
d'officialisation du tutorat en France ont été
détaillés au niveau de plusieurs textes, sous-titre d'exemple on
cite : L'arrêté du
56
26 Mai 1992, la circulaire du 24 Octobre 1996, la circulaire
du 16 Mars 1997, l'arrêté du 9 Avril 1997 et l'arrêté
du 18 Mars 1998. Vers la fin des années 2000, le cadre institutionnel du
tutorat sera renforcé davantage, à travers des dispositifs
légaux comme : le Plan Réussite Licence (PRL) de 2007 et la
consolidation en Décembre 2009.
En France, le tutorat est donc non seulement la
conséquence des réflexions des enseignants qui s'ingénient
à chercher des solutions pédagogiques pertinentes pour
prévenir l'échec des étudiants, mais il est
également le produit d'une politique éducative qui encourage sa
pérennisation et son maintien.
2-3 le tutorat dans le contexte académique
marocain :
L'enseignement supérieur au Maroc est
considéré comme un paramètre fondamental du
développement humain et social. C'est pour cette raison que les
politiques éducatives ont concédé un intérêt
exclusif pour ce contexte. Ce système universitaire est confronté
à plusieurs défis et enjeux liés principalement aux
problèmes de gestion de l'effectif étudiants en permanente
augmentation. D'ailleurs, et comme les autres contextes universitaires qu'on a
cité, au Maroc, l'obstacle qui contribue les primo-entrants à
quitter les bancs des universités est éventuellement la
difficulté d'adaptation au sein d'un nouvel environnement,
complètement différent du secondaire. Le conseil supérieur
de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique a
déjà mis la lumière sur ce point, dont « plus de 25%
des étudiants abandonnent leurs études après une
année d'inscription » (CSEFRS, 2009, p.21). Face à cette
situation, et dans la finalité d'améliorer le rendement de
l'université marocaine, le ministère de tutelle a pris
l'initiative pour déclencher plusieurs réformes de
développement des dispositifs d'aide et d'accompagnement. Sous-titre
d'exemple « le tutorat » qui a vu le jour dans différentes
universités marocaine, suite au programme d'urgence 2009-2012. Parmi les
universités qui ont préconisées le programme du tutorat au
Maroc on cite, l'université Mohammed Premier d'Oujda et
l'Université Ibn Zohr d'Agadir
- L'université Mohammed Premier d'Oujda :
Dans le cadre de la mise en oeuvre de son projet
universitaire, l'université Mohammed Premier d'Oujda a envisagé
l'application d'un tutorat d'accompagnement destiné aux étudiants
de la première année cycle licence, après plusieurs
réunions d'entente avec les tuteurs, ainsi que nombreuses séances
de formation organisées par la cellule d'accompagnement
pédagogique (CAP-FLO). Le tutorat proposé constitue un dispositif
d'aide mis à la disposition des étudiants
57
souhaitant bénéficier d'un soutien et d'un suivi
pour améliorer leur niveau et multiplier leurs chances de
réussite. Au niveau de cette action tutorale, les tuteurs sont des
étudiants du master ou de doctorat, sélectionnés suite
à un appel de candidature. Le choix de ces tuteurs repose sur le fait de
ne pas les considérer comme étant des enseignants, mais de les
voir plutôt comme des animateurs qui connaissent la discipline et le
fonctionnement de l'université, et qui peuvent écouter,
conseiller, et aider les novices. Donc à nombre de 24, ces tuteurs
commencent à travailler au sein de la faculté des lettres et des
sciences humaines d'Oujda, avec 60 étudiants inscrits en deuxième
semestre de la session printemps 2010. Les tutorés concernés
étaient de différentes filières comme : les études
arabes, françaises, anglaises, et amazighes, la géographie,
l'histoire et civilisation, les études islamiques etc...
Les objectifs de cette action tutorale peuvent alors être
résumés comme suit :
l Informer les futurs étudiants sur les formations
existantes à l'université.
l Soutenir les tutorés dans les matières qui leur
posent problèmes.
l Aider les étudiants à retrouver confiance en
eux.
l Promouvoir la réussite des étudiants.
l Optimiser l'accompagnement pédagogique des
différents acteurs engagés (enseignants, tuteurs et
étudiants).
- L'université Ibn Zohr d'Agadir :
La faculté des lettres et des sciences humaines de
l'université Ibn Zohr d'Agadir, a conçu un dispositif du tutorat
pour les étudiants qui souhaitent avoir un accompagnement
spécifique. L'université a décortiqué le terme
« tutorat » d'une manière captivante pour marquer les
éléments qui le forme ainsi que c'est atouts : LE TUTORAT
:
Tuteur : accueillir, informer, faciliter
l'intégration, aider Université : MTU, TIC,
bibliothèque
Ténacité : efficience,
efficacité, management personnel Orientation : guider,
faciliter l'acquisition des savoir-faire Réussite :
savoir entreprendre ses études
Accompagnement : savoir écouter /
être à l'écoute
58
Tutoré : motivation, attitude positive,
organisation, autonomie
Le dispositif du tutorat suggéré permet aux
étudiants de différentes filières, de
bénéficier d'un accompagnement, d'une préparation aux
cours, et d'un encadrement permettant l'intégration au sein de
l'université. Cette faculté a donc organisé le mercredi 6
Septembre 2017 une semaine d'accueil et du tutorat avec la proposition d'un
menu riche en séminaires, composé d'un assortiment de formations,
de cours de langue, d'ateliers de communication et de prise de parole devant un
public, de gestion de temps, de citoyenneté, d'engagement et de travail
associatif. Au niveau du tutorat mis en place, le travail s'organise dans des
petits groupes, où un tuteur, qui est à la base un
étudiant du master ou de doctorat, multiplie ses services pour offrir
aux étudiants une aide personnalisée concernant la langue
française, arabe et anglaise, la communication d'information, le travail
documentaire, la préparation aux examens etc...
Au sein de la même faculté, un deuxième
type de tutorat a été offert, c'est le tutorat de
bibliothèque qui initie les nouveaux étudiants aux techniques et
aux outils de recherche documentaire à travers quatre étapes
majeurs :
- L'identification
- La connaissance
- L'utilisation des différentes bibliothèques - La
pratique autonome de la documentation
Le contenu proposé lors de ce dispositif, se rapporte
au travail documentaire, à la maitrise des instruments bibliographiques
et à l'usage de la bibliothèque. Durant le déroulement du
tutorat, le responsable organisait régulièrement des
réunions d'encadrement pour discuter le cours des séances, pour
pointer les difficultés et faire le bilan permettant d'améliorer
le dispositif. Cette faculté a eu recours à un troisième
type de tutorat : le tutorat de remise à niveau en français. Il
était adressé à priorité aux étudiants du
département français et son principe était de renforcer et
d'enrichir leurs compétences en langue française, à orale
comme à l'écrit.
Certes, le tutorat au Maroc est préconisé dans
quelques universités, mais ce dispositif doit être
généralisé dans tous les autres établissements,
comme l'avait souligné l'ancienne ministre par intérim de
l'enseignement supérieur, Jamila El Moussali, lors de sa visite au
nouvel espace d'accueil et d'accompagnement des nouveaux étudiants
à la faculté des lettres et des sciences humaines de
l'université Ibn Zohr d'Agadir. Elle a mentionné que « le
projet
59
d'accompagnement universitaire est l'un des plus importants
projets pour l'université marocaine compte tenu de son impact sur
l'intégration des nouveaux étudiants et sur l'ensemble de leur
parcours universitaire ». El Moussali a insisté également
sur les propos qu'elle a avancés, quand elle a visité les
nouveaux locaux de l'école nationale des sciences appliquées
(ENSA) relevant de l'université Ibn Zohr d'Agadir. Elle s'est
informée sur les mécanismes de fonctionnement du tutorat, la
nature des formations proposées et le profil des tuteurs qui encadrent
les primo-arrivants.
2-4 le tutorat dans le contexte académique
polonais :
Le tutorat possède un statut très positif dans
le contexte éducatif polonais, dans la mesure où, le ministre de
l'éducation en 2016 a encouragé les organisations
non-gouvernementales à participer à un concours appelé
« Méthode de tutorat en tant que moyen innovant du travail
d'éducation, de prévention et de resocialisation ». Dans le
contexte polonais, on trouve souvent un tutorat de type scientifique qui domine
le terrain. Ce tutorat est en général associé aux
filières universitaires qui proposent des formations
interdisciplinaires, comme celles de l'université de Varsovie ou encore
de Cracovie.
La place primordiale qu'occupe le tutorat en Pologne est
manifestée par le fait que ce dispositif est placé au centre d'un
vaste projet dirigé par Beata Karpinska-Musical dans les années
2014-2016, à l'université de Gdansk, où 29 tuteurs ont
travaillé avec 222 étudiants. Au bout de ce projet, les feed-back
des tuteurs et des tutorés ont été collectées pour
mettre en exergue les avantages et les bienfaits de ce dispositif, et pour
accentuer de même son futur potentiel dans le cadre de l'enseignement
supérieur polonais.
Dans plusieurs universités anglaises dès le
XIIIème, au Québec suite au Rapport Parent de 1964,
dans les « Gesamtschulen » allemandes crées en 1968, en
France, en Pologne et au Maroc, le tutorat a pu trouver sa place dans le monde
éducatif.
3- les protagonistes de l'action tutorale : le tuteur
et le tutoré : 3-1 le tuteur :
Etymologiquement, le terme « tuteur » vient du
latin « tutor » qui désigne « défenseur »,
« protecteur » et « gardien ». Danner, Kempf et Rousval
avancent que :
Si en jardinage, le tuteur est une tige, une armature de bois
ou de métal fixé dans le sol pour soutenir ou redresser les
plantes, en pédagogie, le tuteur est un médiateur entre
l'apprenant et l'institution à laquelle ce dernier se doit de s'adapter.
(1999, p .247).
60
Ceci montre que le tutorat ne se limite pas uniquement
à une maitrise des connaissances liées aux processus
d'apprentissage, mais également, il nécessite un accompagnement
approprié. D'ailleurs, Plusieurs divergences ont concerné la
définition du tuteur et ses fonctions. Certains préfèrent
les modalités liées à la discipline et voient en tuteur,
un bon étudiant ayant une aisance disciplinaire, et une bonne maitrise
du contenu, qui peut jouer le rôle d'un compagnon, un associé ou
un vulgarisateur qui accompagne l'activité d'enseignement. D'autres
préfèrent les dimensions relatives au contact humain et à
la maitrise du relationnel. Encore plus, on trouve ceux qui estiment que le
tuteur, est un répétiteur patient qui insiste sur les
apprentissages. Il est donc un facilitateur. Ces mêmes remarques ont
été mentionnées dans des interviews qu'a faites Du
Marchais avec des tuteurs en 1990. Ces dernières montrent que
principalement un tuteur est censé : amener les étudiants vers
une compréhension poussée des matières enseignées ;
guider ces derniers dans les domaines d'études ; faciliter
l'échange entre les étudiants. Annoot a remarqué à
son tour plusieurs modes d'investigation propres aux tuteurs, elle site
sous-titre d'exemple : « conseiller, guide, confident, modèle de
réussite... » (2001, p.287), d'où la référence
au rôle disparate de ces derniers : « ils sont moins prisonniers des
attentes institutionnelles et donc moins rigides, plus créatifs. Ils ont
donc une perception moins formelle des apprentissages, ce qui les rend plus
aptes à appréhender les difficultés des tutorés
» Alberti et Laterrasse, 2002, p.111).
De toutes ces divergences, un aspect commun se forge, c'est
le fait que les tuteurs ne sont pas des professionnels, car ils « [...] ne
peuvent pas se prévaloir (ou pas encore) d'être des professionnels
de l'enseignement ou de l'accompagnement » (Devilliers et Romainville,
2013, p.25). Alors, le tuteur ne peut pas remplacer les enseignants qui «
[...] ont une approche plus au moins formelle des contenus enseignés
» (Baudrit, 2000, p.126). Egalement, ce tuteur se distingue du coach vu
que la fonction de ce dernier est fondée essentiellement, sur la
relation individuelle qui vise l'atteinte des objectifs sur une période
déterminée. Alors que le tuteur s'intéresse plus à
« un développement harmonisé et durable, où l'erreur
ou l'échec vécus dans un cadre de sécurité sont
considérés comme une étape à franchir sur ce chemin
» (Brzozowski, 2017, p.298). Le tuteur n'est donc ni un enseignant, ni un
formateur, ni un coach, mais un accompagnateur sans formation
pédagogique spécifique. Il peut être étudiant,
parent d'élève ou membre d'association, ou
généralement un adulte non professionnel d'enseignement. Le
tuteur est donc un pair capable d'assister le développement personnel et
professionnel de son tutoré, de lui porter toute son attention, de
veiller sur lui, et de s'assurer qu'il bénéficie de tout dont il
a besoin.
61
3-2 le rôle et les fonctions du tuteur
:
La relation des tuteurs avec leurs tutorés leurs
confèrent plusieurs tâches :
Tout d'abord, leur rôle ne consiste pas à ce
qu'ils se calquent sur enseignants pour former leur double, leur rôle est
tout à fait différent. Premièrement, « ils ont pour
rôle de guider et d'assister leurs « tutorés », en leur
délivrant les clés pour combler leurs « manques » et
réussir à l'université » (Gerbier et Sauvaitre, 2003,
p.18). De ce fait, les tuteurs doivent retrouver une manière d'agir
originale et adéquate avec les besoins de leur public, et ils doivent de
même penser à la façon d'aider le tutoré à
appréhender les principes de base lui permettant de construire petit
à petit ses repères. On peut alors déduire que la
responsabilité du tuteur réside dans la réalisation d'un
travail pédagogique différent de celui du maitre, qui valorise
davantage le relationnel, et qui s'appuie sur deux dimensions : la dimension
productive importante pour la réalisation des tâches
demandées, et la dimension constructive qui aide à organiser et
à ajuster la manière d'agir ». Ensuite, ces tuteurs peuvent
également offrir à leurs tutorés un soutien pour
l'intégration, au niveau duquel, ils partagent leurs connaissances par
rapport aux services de l'université, aux programmes d'études,
aux orientations de carrière etc...
Comme nous avons souligné au niveau des
définitions que les notions d'aide et d'accompagnement dominent le champ
du tutorat, on va encore une fois accentuer cet aspect dans les fonctions du
tuteur. Selon Boultin et Camaraire (2001) les fonctions du tuteur sont à
nombre de trois:
La fonction psychologique : le tuteur contribue
à la confiance en soi de son tutoré par le biais d'un dialogue
constructif.
La fonction pédagogique : le tuteur soutient
l'étudiant dans ses apprentissages en lui donnant les moyens
nécessaires pour appréhender la vie dans le milieu, et en lui
montrant l'importance d'intégrer ses besoins individuels dans le groupe
de travail.
La fonction technique : le tuteur porte un regard sur
une partie importante des prestations des tutorés.
Pour que la fonction du tuteur soit accomplie, ce dernier
doit être informé par rapport à sa mission, il doit
être conscient de l'importance de son rôle, il doit étudier
l'ensemble des
62
stratégies sociales, cognitives et informationnelles
utiles pour l'apprentissage. Le tuteur est appelé aussi à
repérer ses réussites et ses échecs. Il doit
également être capable de s'informer des faiblesses de son
tutoré, de les prendre en compte, et de les pallier vers la fin. Cette
mission ne peut s'aboutir qu'avec la volonté du tuteur. Le langage
présente également un point non négligeable, à
prendre en pleine considération pour garantir la réussite des
différentes fonctions du tuteur. Le langage dans l'activité du
tuteur est utilisé pour guider l'apprenant dans sa démarche et
aussi dans la finalité de changer « la logique de résolution
du tutoré » (Barnier, 1994, p.71). Alors, chaque tuteur ayant envie
d'accomplir cette mission, est appeler à effectuer un travail sur son
langage de manière à ce qu'il soit commode avec le niveau des
tutorés et coïncident avec leurs besoins.
En définitive, les tuteurs sont amenés à
jouer sur un double registre : relationnel, avec la proximité sociale
qu'ils ont avec les étudiants. Et cognitif, grâce à leur
niveau d'expertise. Dans leur activité, l'aide est centrale, sous
témoignage d'exemple : aider à apprendre et à travailler,
aider à se familiariser avec la langue du pays d'accueil, aider à
l'adaptation dans un nouveau milieu, et la liste reste longue si nous voulions
cerner tout ce qui est demandé aujourd'hui des tuteurs dans le domaine
de l'éducation.
3-3 les critères du choix du tuteur :
Le tutorat comme tout procédé
pédagogique, répond à un certain nombre de règles
de fonctionnement, parmi les, le choix des tuteurs. En général,
des critères comme l'âge, l'expérience, et le niveau de
compétences sont cherchés lors du choix des tuteurs. D'ailleurs,
Baudrit rappelle que Moust (1993) a identifié six critères pour
le choix des étudiants tuteurs : « l'utilisation de savoirs
académiques, l'usage de l'autorité, la recherche de la
réussite, l'incitation à la coopération, la congruence
sociale et la congruence cognitive » (2000, p.145).
Tout d'abord, la congruence cognitive :
Est perçue comme la capacité toujours pour les
tuteurs, de s'exprimer dans le langage des tutorés, en des termes
compréhensibles par eux ou de faire usage de notions et de concepts qui
leur sont familiers », et quant à la congruence sociale, elle
« témoigne d'une volonté, de la part des tuteurs,
d'être des étudiants parmi d'autres, à la recherche de
relations spontanées, bienveillants à l'égard de leur
pairs. (Baudrit, 2000, p.145).
Dans cette perspective, Papi insiste à son tour
surtout sur cette congruence cognitive, dans la mesure où il affirme que
: « dans l'enseignement supérieur, l'accompagnement par des
étudiants-tuteurs est souvent pensé comme favorable à une
meilleure « congruence cognitive »
63
(Moust, 1993) que celui assuré par des
enseignants-tuteurs dans la mesure où, ils ont un langage plus proche
des tutorés ainsi qu'une plus grande sensibilité aux
difficultés rencontrées par ceux-ci » (Papi, 2013, p.16). Un
bon tuteur est donc celui qui possède « l'association de
compétences académiques (l'expertise) et de qualités
personnelles (la congruence sociale). Ce savant mélange dote la personne
de qualité très appréciée. « La congruence
cognitive » (Baudrit, 2000, p.51), considérée comme un
équilibre entre ces deux composantes difficiles à coordonner.
Ensuite, le paramètre d'âge demeure à son
tour important dans la sélection des tuteurs. Concernant ce point,
Feldman, Devin-Sheehan et Allen, ont insisté en (1976) sur l'importance
de la différence d'âges entre les tuteurs et les tutorés,
dans la mesure où, les tuteurs plus âgés, qui ont
bénéficié d'une expérience universitaire
importante, possèdent des compétences académiques
avérées, et arrivent à apporter l'aide, le conseil, le
suivi, la motivation, et l'accompagnement nécessaire pour leurs
tutorés. D'un autre angle de vue, les tuteurs adultes sont plus
crédibles et plus prix au sérieux par les tutorés, ils
montrent aussi une certaine efficacité dans l'acte de soutenir les
étudiants. Certes, la différence d'âge est importante pour
le choix des tuteurs et pour la qualité de la formule tutorale
proposée, pourtant, elle ne doit pas être exagérée.
Cette conception a été traitée dans la théorie des
rôles développée pas Allen qui met en exergue la
favorisation des « tuteurs-étudiants » (1976, p.5). Allen a
mentionné qu'une proximité d'âge et de compétences
est essentielle pour faciliter l'acquisition des tutorés, dans la mesure
où, un tuteur de la même génération du tutoré
peut facilement se mettre à sa place. C'est pour cette raison que la
différence d'âge (Cross age tutoring) est demandée plus
qu'une équivalence d'âge (Same age tutoring). Cette posture du
tuteur-étudiant est la préférée même du
côté des tutorés, qui voient en ces derniers des apprenants
leurs portant un soutien scolaire et motivationnel.
Les universités qui préconisent le tutorat sont
conscientes du rôle primordial que joue les tuteurs-étudiants dans
l'accompagnement des apprenants, elles voient que ces derniers sont «
favorisés par la proximité d'âge, la proximité
sociale et culturelle, la proximité du parcours scolaire ou encore la
proximité de difficultés dans le tutorat de pairs »
(Devilliers et Romainville, 2013, p.25) et du coup l'action tutorale dans ces
universités se réalise par la participation des pairs qui
interviennent naturellement avec les tutorés, et qui sont souvent des
étudiants dont la différence d'âge ne dépasse pas
quelques années.
A part le paramètre d'âge, d'autres aspects
doivent figurés chez le bon tuteur, sous-titre d'exemple on cite, le
fait que le tuteur ne doit pas dominer l'échange, ni intervenir
directement dans la tâche, il doit être patient pour diriger le
travail. Il doit de même expliquer, conseiller,
64
poser des questions et donner au tutoré le temps de
répondre, sans rien faire à place. Il faut également
mentionner que lorsqu'on veut engager des tuteurs au sein des classes ou des
institutions, le choix des meilleurs éléments n'est pas toujours
judicieux, ce qui compte plus c'est de trouver des personnes courageuses, qui
ne baissent pas les bras devant les problèmes des tutorés,
sérieuses au point de considérer ces problèmes comme
étant les leurs.
Un autre critère s'avère cruciale dans le choix
des tuteurs est bel et bien le langage. Un tuteur doué est
communément celui qui s'exprime d'un langage proche de celui de son
tutoré, dans la mesure où, il fait attention à son
vocabulaire et il choisit un lexique qui leur soit accessible.
Un tuteur qualifié comme capable d'assumer sa fonction
est également celui qui maitrise bien les contenus disciplinaires, de
même :
l'assimilation des codes et habitus universitaires, met ainsi
en jeu des mécanismes identificatoires à un autre qui parait
beaucoup plus proche que l'enseignant car le tuteur présente des traits
physiques, psychologiques et comportementaux qui l'apparient à
l'étudiant à aider. (Alberti et Laterrasse, 2002, p.111-112).
Les propos de ces deux auteurs soulignent l'importance de
connaitre les enjeux de l'environnement universitaire, de les transmettre au
tutoré qui va les mettre en pratique pour garantir son
intégration.
Or l'âge, la maitrise du contenu, le recours à
un langage adéquat et le fait de donner au tutoré la
liberté dont il a besoin, les tuteurs doivent être avant tout des
personnes prêtes à s'intéresser à d'autres. Leur
action doit encourager l'autre et l'amener à progresser.
Finalement, et dans le cadre du choix des tuteurs, on
évoque une méthode qui décrit plus au moins le processus
tutoral et qui insiste surtout sur ce que le tuteur doit faire pour
réussir sa fonction. Cette méthode est nommée (Pause,
Prompt and Praise) expérimentée tout d'abord en 1981 à
Nouvelle Zélande, puis objectée dans d'autres pays tel que
l'Australie et le Royaume-Uni en 1985. Pour détailler davantage cette
méthode, on va commencer d'emblée par « Pause » :
Lorsque l'élève fait une erreur ou
hésite, le tuteur doit attendre avant d'intervenir. Ce délai est
d'au moins cinq secondes [...]. Cette façon de faire lui offre la
possibilité de rectifier ses erreurs et, une fois ce temps
écoulé, de bénéficier d'une explication
donnée par le tuteur. En général, les enseignants, comme
les tuteurs, ont du mal à respecter ce délai. Ils ont hâte
d'aider ou d'apporter des informations. Même s'ils s'en défendent,
les enseignants sont souvent enclins à fournir les réponses
correctes à leurs élèves juste après qu'ils aient
buté sur un terme, effectué une prononciation impropre.
(Wheldall, Wenban-Smith, Morgan et Quance, 1989).
65
Ensuite, « Prompt » : c'est la deuxième
phase, qui commence après les cinq secondes. Au niveau de laquelle, le
tuteur peut intervenir si son tutoré n'arrive pas à
répondre. Cette intervention est conditionnée par la nature du
blocage rencontré. Enfin, « Praise », cette phase concerne le
renforcement de l'activité du tutoré ainsi que son comportement,
au niveau de laquelle, les tuteurs peuvent complimenter les apprenants, et les
félicités car ils ont pu trouver eux-mêmes les
éléments de réponse à la base des conseils
délivrés lors de la phase précédente (Prompt). En
gros, la méthode (PPP) peut être résumée en trois
grands temps attendre et patienter, intervenir, puis encourager et motiver.
3-4 l'effet-tuteur :
Au niveau du tutorat, le tutoré et le tuteur
échangent et profitent réciproquement. Barnier montre son accord
avec cette idée avancée, lorsqu'il a mentionné que le
tutorat :
Permet une plus grande participation des élèves
à leurs propres apprentissages [...] Il sollicite conjointement les
processus de transmission, d'appropriation et de réinvestissement des
connaissances. [...] ses effets bénéfiques peuvent aussi bien
concerner les tutorés (ceux qui sont aidés) que les tuteurs.
(2001).
Le tutorat est généralement perçu comme
une formule d'aide mise à la disposition du tutoré et visant son
progrès. Cependant, au sein de ce dispositif, même le tuteur se
répand d'une manière remarquable. La formule tutorale est un
outil d'apprentissage qui a une influence directe sur les études et la
vie du tuteur. Cette partie va être alors consacrée aux
apprentissages personnels et professionnels qu'un tuteur peut tirer de son
activité dans le cadre tutorat. Ce phénomène est
nommé : « l'effet-tuteur ». Il y a longtemps que
l'effet-tuteur a était signalé dans la littérature
relative au domaine de l'éducation, pour désigner les
bénéfices qu'un tuteur peut retirer de son rôle
d'accompagnement auprès d'un pair moins expert que lui. Il
représente alors l'ensemble des caractéristiques capacitantes
ayant comme origines les différentes tentatives d'aide. Cependant, les
travaux scientifiques concernant ce phénomène demeurent
récents, comme ceux de (Topping, 1996) ; (Galbraith et Winterbottom,
2011) ; (De Backer, Van Kerr et Valcke, 2012).
Au début, c'était Comenius (1592-1670) qui a
parlé de son existence, lorsqu'il a évoqué « Docemur
docendo », un concept qui fait référence à
l'idée que celui qui enseigne peut apprendre et bénéficier
de son enseignement. Ensuite, et vers la fin du XVIIIème
siècle, un pionnier britannique de l'enseignement mutuel appelé
le Docteur Bell, a repris ce phénomène pour dire que : « les
élèves qui remplissent les fonctions des maitres apprennent
eux-mêmes » (Propos rapportés par Charconnet, 1975, p.12).
66
Les américains vont à leur tour traiter ce
concept, et lui accorde l'appellation de « Learning Through Teaching
» (Garthner et kolher Riessman, 1973, p.20). Ils ont affirmé qu'au
sein du (LTT), « le jeune est obligé d'étudier la
matière à fond avant de l'enseigner à un camarade ; il
faut qu'il organise son cours, qu'il observe l'autre élève et
parvienne à établir un contact avec lui » (1973, p.27). Ces
auteurs interprètent ceci par le fait que le tuteur « devient un
élève actif, si bien qu'il comble rapidement des lacunes dans
celles-ci se trouvent en outre renforcées par une compréhension
nouvelle. En somme, il bénéficie de tous les avantages du
réapprentissage » (Garthner et kolher Riessman, 1973, p.139).
Alors, on peut déduire que la condition nécessaire pour qu'un
tuteur profite de son activité est le fait, qu'il travaille d'une
manière approfondie les contenus qu'il va diffuser, qu'il revoit les
éléments du programme en question et qu'il maitrise bien
évidemment les interventions qu'il va présenter. Burner (1983) va
dans le même ordre d'idée et montre que le tuteur ne doit pas
être vu pour un simple pourvoyeur des savoirs et du savoir-faire. Au
contraire, il doit réinvestir ce qu'il livre pour son tutoré.
L'effet-tuteur s'explique alors par le biais de cet acte de
réinvestissement :
C'est ce travail d'élaboration et de mise en oeuvre
d'un guidage de l'action de l'autre qui peut être profitable au tuteur
à travers le type d'activité qu'il requiert, surtout s'il ne se
contente pas de guider directement l'action du tutoré, mais recherche
à lui expliquer comment s'y prendre. (Filippaki, Barnier et
PapaMichaël, 2001, p.29).
Ceci va accentuer davantage ce que les anglo-saxons ont
l'habitude de dire « qu'enseigner c'est apprendre pour une seconde fois
», c'est plus au moins le principe de base de l'effet-tuteur. Le tuteur
peut progresser à travers l'enseignement qu'il offre pour ses apprenants
et aussi par la situation de communication réelle et l'échange
qu'il réalise avec eux.
D'un point de vue expérimental, c'est Cloward (1967)
qui a montré la présence de l'effet-tuteur. Déjà,
il fut le coordinateur majeur d'un grand programme d'aide aux devoirs à
domicile dans la ville de New York, nommé « Mobilization for youth
». L'objectif de la mise en place de ce programme est de combler les
lacunes principalement en lecture, des enfants portoricains habitant à
Manhattan. Et pour cette mission, des adolescents ont été
recrutés pour les aider à raison de quatre heures d'une
façon hebdomadaire, pendant vingt-cinq semaines. Durant cette
expérience les tutorés ont tiré des bienfaits
appréciables, mais ils n'étaient pas les seuls à profiter.
Cloward a d'ailleurs vérifié au début comme à la
fin du programme, le niveau en lecture des 240 tuteurs engagés dans
cette action. L'étude menée par cet auteur a montré, qu'en
comparaison avec un groupe-témoin composé d'adolescents non
participants, le progrès des premiers est notable deux fois plus par
rapport à celui des seconds. Gatti et Blary (2017),
67
Morand (2015) ont insisté également sur le fait
que grâce au tutorat, le tuteur arrive à acquérir des
compétences d'aide, à consolider des connaissances
académiques ainsi qu'à développer diverses méthodes
et stratégies. Ces bénéfices ne peuvent être
garantis qu'avec deux conditions nécessaires: La maitrise suffisante du
tuteur de la matière enseignée, et la structuration de sa
démarche. Ces conditions relatives à l'origine de l'effet-tuteur
ont été d'ailleurs relevées par Scruggs, Mastropieri et
Richter (1985).
En effet, les avantages qui émanent de l'effet-tuteur
peuvent être perçus au niveau des interactions et des conduites
sociales comme le prouve Cohen (1986). Elles peuvent être aussi sous
forme des améliorations qui se rapportent à la confiance en soi
et au niveau d'aspiration comme le note Haggarty (1971). Ou encore, des
progrès sur le plan affectif et socio-émotionnel comme l'estiment
Lippitt et Lohman (1965). Ils peuvent être également remarquables
au niveau du parcours du tuteur, sa prise de parole, ses notes, ses examens
etc...Alors, l'effet-tuteur peut avoir un impact direct sur les performances
universitaires des tuteurs et sur leur niveau cognitif, comme il peut
être constructif au niveau de la connaissance de leur entourage ainsi
qu'au sein de leurs relations sociales.
Pour parler maintenant de la production de cet effet-tuteur,
les spécialistes avancent deux conceptions : certains insistent sur le
fait que les tuteurs bénéficient de cet effet jusqu'à la
fin de l'action tutorale. D'autres, tels que Strodtbeck, Ronchi et Hansell
(1976) qui supportent l'idée d'un effet-tuteur rapide. Plus tard, cet
effet-tuteur va faire l'objet de nombreuses investigations, au niveau
desquelles, les chercheurs vont déduire à la base des
tests/retests que cet effet se produit généralement d'une
manière tardive, souvent après l'interruption du programme
tutoral. Donc, il faut du temps pour que les tuteurs engagés voient
leurs activités récompensées. Les différentes
formes de production d'effet-tuteur que nous avons cité peuvent
être expliquées d'emblée par le fait que, « les
tuteurs interviennent de plus en plus dans des secteurs différents,
auprès des publics variés, pour des missions diverses »
(Baudrit, 2000, p.164), c'est pour ça que les retombés sont vus
de manières distinctes.
Malgré les différentes opinions des auteurs,
mais ils se sont mettes d'accord pour confirmer la présence de l'effet
tuteur malgré son caractère non immédiat dans la plupart
des expériences. Ils insistent donc sur l'idée qu'à chaque
fois un tuteur vient en mesure d'aider un tutoré et d'être
attentif aux difficultés qu'il éprouve, il tirera certainement
profit de ses interventions. Finkelstein et Ducros (1989), avancent que les
tuteurs qui peuvent bénéficier de leurs actions, sont
majoritairement ceux qui se situent proches de ce Vygotsky « la zone
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proximale du développement » (1934), qui
présente l'écart entre ce que l'apprenant peut réaliser
seul, et ce qu'il n'arrive pas à accomplir même avec l'aide d'un
adulte.
Plusieurs facteurs peuvent être derrière
l'émergence de l'effet-tuteur. Tout d'abord, le degré
d'organisation du tutorat. Plus ce dernier n'est élevé, plus
l'effet-tuteur à de grandes chances d'apparaitre. Ensuite, les
tutorés sont des éléments déterminants dans
l'avènement de l'effet-tuteur, vu qu'ils sont ceux qui poussent le
tuteur à préparer ce qu'il va dire ou faire, à parfaire
ses connaissances disciplinaires, ainsi que ses démarches de travail.
Enfin, le choix des tuteurs est un paramètre d'une grande importance,
quant à l'éclosion de l'effet-tueur. Il demeure donc
évident de choisir des tuteurs capables de comprendre les
problèmes des tutorés et de les remédier. Ces tuteurs
doivent aussi être conscients de l'apport positif qui peut tirer de leur
participation au sein du tutorat.
Cette prise de conscience peut être facile à
provoquer surtout si on ne choisis pas les très bons étudiants
pour occuper la fonction du tuteur, puisque ces étudiants brillants
possèdent à l'avance une estime de soi, et une flexibilité
dans la prise de parole, de même, ils sont déjà conscients
de leurs compétences académiques. D'où, il est fort
probable que ces étudiants n'aperçoivent même pas cet
effet. Alors, qu'il peut être facile à repérer chez ceux
ayant des résultats et des capacités scolaires qualifiées
comme « moyennes », vu qu'ils vont se situer à un niveau
proche de celui des tutorés, il leur serait donc facile d'identifier les
difficultés auxquelles ces apprenants sont confrontés, puisque
généralement, ils ont vécu les mêmes, d'où la
recherche des solutions adéquates va être complaisante et elle va
demander que ces étudiants réinvestissent d'une manière
audible pour les rendre accessibles aux apprenants. La totalité de ce
processus amène le tuteur à progresser positivement :
l'effet-tuteur. En somme et malgré son importance, cet effet-tuteur
réside un phénomène complexe et peu documenté pour
plusieurs raisons, tel que l'insuffisance statistique, le manque des
données et la difficulté à cerner les profils et les
différentes caractéristiques des tuteurs etc...
3-5 Le tutoré :
Selon le philosophe et le pédagogue Antoine de la
Granderie, le dialogue pédagogique se centre sur l'emploi des
élèves des différents moyens visant la réalisation
dans les tâches d'apprentissage. Ce dialogue pédagogique insiste
donc sur l'importance de l'activité de l'apprenant au niveau des
dispositifs éducatifs. A la base de ce concept et dans le cadre du
tutorat universitaire, une place primordiale est accordée au
tutoré, dont la mesure où « l'idée de placer
l'étudiant au coeur du processus d'apprentissage est venue contredire un
modèle
69
académique tourné vers la primauté des
savoirs universitaires » (Annoot, 2012, p.25). Donc, au sein de ce
dispositif, le tutoré, est l'élément autour duquel gravite
toute la programmation du tutorat. Il doit faire preuve de motivation pour
qu'il arrive à construire son projet de formation, « il doit
également tendre vers l'autonomie, être susceptible et capable de
se réorienter, d'opérer des choix. Plus tard, il pourra
être tuteur manifestant ainsi son engagement dans la vie universitaire
» (Alberti et Laterrasse, 2002, p.104-105). On peut donc avancer que
l'intérêt porté au tutoré lui concerne en tant
qu'étudiant soucieux de réussir son parcours académique et
aussi en tant que futur tuteur capable d'aider d'autres personnes à la
base de son expérience.
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