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Le tutorat et littéracie universitaire au Maroc: apports, limites et perspectives: le cas de l'ecole normale supérieure de Meknès


par Fatima Ezahrae Bihlal
ENS Meknès  - Master spécialisé en didactique du français et métiers d’éducation et de la formation  2023
  

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Conclusion du deuxième chapitre :

Au niveau de ce deuxième chapitre, nous avons abordé au début, l'une des notions clés de notre travail : « la littéracie », tout en essayant de la situer et de la concrétiser davantage, par le biais d'un bref historique, d'une multitude de définitions, de caractéristiques, et de dimensions etc...

Concernant l'emploi du terme littéracie, nous avons accentué une forme au singulier (la littéracie, dont l'approche est cognitive), et une autre au pluriel (les littéracies, dont l'approche sociale). Nous avons également traité le débat relatif à la traduction du mot et à son orthographe, d'où l'émergence de plusieurs variantes qui n'impactent pas vraiment le sens de la notion, mais qui soulignent la difficulté de la limiter en une seule définition englobante.

Le traitement de cette notion riche et plurielle, et le contexte de notre recherche nous ont conduits pour dédier une partie à un type particulier de la littéracie, celui des « littéracies universitaires », désormais connu comme le terrain des problématiques et des débats autour de l'écriture à l'université. Après l'étude consacrée à la littéracie et particulièrement celle universitaire, un ensemble d'interrogations évidentes se posent : Pourquoi la littéracie vue comme un terme accrédité au niveau des recherches didactiques, notamment celles francophones, n'a pas encore trouvé sa place dans les documents officiels marocains, en conjointure la vision stratégique de la réforme 2015-2030 ?

Il semble que cette notion doit gagner davantage du terrain, dans le contexte académique marocain confronté à plusieurs problèmes, elle a de même le mérite de remporter l'attention de la communauté scientifique, surtout dans un monde où le pouvoir de l'écrit s'étende de plus en plus avec l'apport des technologies et avec l'avancée de la didactique en général et de la

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didactique de l'écrit en particulier. Dans ce sens, la littéracie universitaire émergée entant que nouvelle sensibilité dans le domaine des études francophones et considérée comme un paramètre fondamentale de l'enseignement supérieur, aura besoin d'un projet pilote et d'un dispositif pédagogique pertinent visant sa diffusion auprès des étudiants. Ce dispositif d'appui en matière de littéracie universitaire pourra être bel et bien le tutorat. Un outil destiné à venir en aide aux étudiants. Sa visée réside alors assister les apprenants dans leur acquisition des pratiques sous-jacentes à la littéracie universitaire, les accompagner pour surmonter leurs difficultés et répondre à leurs attentes et demandes, essentiellement en matière de l'écrit.

CHAPITRE 3 : LES PRATIQUES FAVORISANT L'ACCES DES ETUDIANTS EN LITTERACIE UNIVERSITAIRE : LE TUTORAT

La première année d'enseignement supérieur remplit plusieurs missions : « celle de formation bien sûr, mais aussi celle d'orientation, voire de solution d'attente pour les étudiants qui auraient préféré opter pour une filière plus sélective » (Romainville et Michaut, 2012, p.254), elle représente la transition entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, marquées par des changements considérables. « Bref, c'est un moment de bouleversement de l'ensemble des repères pour chacun des étudiants » (Alberti et Laterrasse, 2002, p.87-88). Face à cette situation, et même si « tous les étudiants ne font pas la même expérience de l'enseignement supérieur et ne doivent pas résoudre les mêmes problèmes » (Millet, 2012, p.76), mais l'université réside un monde méconnu pour les futurs étudiants, dans la mesure où, « lorsqu'ils arrivent à l'université, les étudiants découvrent un univers qu'ils connaissent par ouï-dire, leurs enseignants du lycée leur ont parlé beaucoup, ou un parent ou un ami qui est déjà passé par un premier cycle »( Felouzis, 2001, p.145). D'ailleurs, c'est dans ce sens que Lahire, évoque en 1997 la « socialisation silencieuse » de l'étudiant.

Dans cette perspective, les pouvoirs publics et les universités s'interrogent sur la manière d'aider ces étudiants. De ce fait, « l'accompagnement est devenu une figure dominante du discours éducatif, qu'il survienne dans des lieux d'enseignement, comme l'enseignement supérieur E...]» (Vitali et Barbier, 2013, p.231). Avec la démocratisation des études universitaires, ainsi que la dominance des théories socioconstructivistes qui favorisent le travail en groupe, plusieurs pratiques d'accompagnement par les pairs ont été privilégiées, parmi les on trouve le tutorat, qui trouve sa place dans la scène pédagogique, pour s'écarter de l'aspect individuel, et se centrer plus sur le social.

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1- Le tutorat :

1-1 L'histoire du tutorat :

Au début, l'université a été réservée à un public élitiste issu des classes sociales privilégiées, ce qui fait référence à l'ancienne fonction du « précepteur » à l'antiquité. De cette réalité, l'histoire du tutorat découle du préceptorat. En effet, les origines de la formule tutorale sont très lointaines, elles datent déjà de 7000 années avant J.C. Dans l'occident chrétien, les tuteurs, étaient choisis soit parmi des prêtres, ou bien ils étaient des tuteurs royaux qui s'occupaient de l'éducation morale des jeunes enfants de la société aristocratique. Plus tard, Aristote aurait utilisé « le tutorat » pour désigner l'accompagnement au travail. Et dans la Grèce antique, la formation morale et l'éducation à la vie sociale vont être basées sur le même principe.

Par la suite, le tutorat va être visible à Rome où le rôle de « tutela » s'amplifie de plus en plus pour désigner la surveillance des enfants qui apprennent la rhétorique, la philosophie, la peinture, la littérature, le grec, et le latin. Donc ici, nous avons également affaire à des pratiques proches du préceptorat, puisque les tuteurs étaient des personnes bien choisis pour participer d'une manière individualisée à l'éducation des enfants des familles aisées.

Cependant, cette formule existe bien avant cette période mentionnée. Déjà au Vème siècle avant J.C, le philosophe chinois Confucius avait noté que « l'on apprend mieux de ses pairs que de ses maitres », dans ses réflexions sur l'éducation. Mais, c'est Comenius qui va poser en occident, dans son oeuvre intitulé « la grande didactique » (1627-1632), les repères de base d'un modèle éducatif appuyé essentiellement sur le principe d'entraide entre les élèves.

Au XIIème siècle, le tutorat a fait son apparition en Angleterre dans des établissements prestigieuses comme Oxford et Cambridge, au niveau desquelles le développement intellectuel, moral et social était préconisé, et le tuteur est appelé à préparer un programme adapté aux apprenants. Ensuite, au XVIIIème siècle plusieurs pédagogues comme, Lancaster en Angleterre ou encore Pestalozzi en Suisse ont pris les idées de Comenius comme référence, pour créer des écoles réservées aux enfants issus des milieux sociaux défavorisés.

A son tour, Le maitre romain Quintilien soulignait l'importance du contact des jeunes élèves avec les plus grands. Et dans le même ordre d'idée, une école de rhétorique à Rome (Instituo Oratoria), soutenait le fait que « celui qui vient d'apprendre était le meilleur des enseignants et qu'il était l'un des mieux placés pour rendre l'enseignement plus humain, plus moral, plus

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pratique, et plus profond » (Wagner, 1990, p.22). Cependant, l'expansion réelle du tutorat ne sera qu'à partir de l'époque médiévale, dans laquelle le rôle de l'église était centré sur l'éducation des enfants et des adolescents.

Grace au développement des pratiques d'enseignement et de formation, le tutorat va devenir une principale forme d'accompagnent, inscrite dans le courant des « pédagogies nouvelles » et de la tradition anglo-saxonne, où on « n'enseigne plus à l'enfant mais avec et par l'enfant » (Reboul, 1981, p.67). Grâce à cette conception, le centre de gravité de la situation éducative ne va plus être le maitre, possesseur du pouvoir et du savoir, mais plutôt l'apprenant, son rythme d'appropriation, ses besoins, son insertion sociale...

1-2 Le tutorat : un dispositif :

Avant de définir le « tutorat », il est important à titre d'éclairage et de précision de traiter le concept du « dispositif ». Le tutorat est avant tout un dispositif ou « un réseau » permettant de tracer différents éléments pour répondre à un problème urgent. En effet, Linard souligne que le dispositif est un moyen qui « organise un champ de relations fonctionnelles entre humains et outils, but et moyens, intention et actions » (2002, p.144). Le dispositif est donc une construction logique qui a pour finalité l'atteinte d'un objectif. Au niveau du fonctionnement du dispositif, c'est l'usager joue un rôle très important. Et concernant sa réussite, il est nécessaire que ce dispositif soit flexible, individualisé, centré sur l'apprenant et sur la Co construction entre celui-ci et l'enseignant, et surtout basé sur le volontariat.

Donc pour répondre à l'hétérogénéité de l'enseignement supérieur, la plupart des universités recourent à mettre en place des dispositifs d'accompagnement et de soutien, destinés aux étudiants en général et aux plus fragiles en particularité. Parmi ces dispositifs on trouve le tutorat, qui représente la pratique la plus ancienne et la plus appliquée. Et donc, Qu'est-ce que le tutorat ?

1-3 Le tutorat : essai de définitions :

Dans le but de faciliter l'adaptation et l'intégration des étudiants dans le contexte universitaire, et suite aux incitations gouvernementales, plusieurs dispositifs ont vu le jour dans différents systèmes éducatifs. Le tutorat avec ses formes multiples était l'un des dispositifs préconisés pour accompagner les étudiants et garantir leur affiliation et leur maitrise des normes et des contenus disciplinaires.

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Concernant l'étymologie latine du terme « tutorat », elle renvoie à des significations comme : « protéger », « s'occuper de » ou « prendre soin de ».

Par rapport aux définitions proposées à ce concept, elles sont nombreuses, tout comme les travaux qui le traite. Tout d'abord, et pour montrer les origines du tutorat comme une pratique d'aide, Danner, Kempf et Rousval, avancent que « le tutorat, terme générique, propose tout à la fois une forme moderne de l'enseignement mutuel qui faisait la part belle à l'enseignement par les pairs et d'une guidance pédagogique consolidant le processus d'apprentissage de la relation d'enseignement-apprentissage » (1999, p.247). Dans la lignée de l'approche développée par Vygotsky et Bruner, le tutorat est vu comme étant un processus d'assistance de sujets plus expérimentés à l'égard des sujets moins expérimentés, chatouilleux d'enrichir les acquisitions de ces derniers. Cette idée représente la base du tutorat, qui va être reprise par différents auteurs et spécialistes. Commençant par Endrizzi, qui voit dans le tutorat une « une déclinaison particulière de l'accompagnement qui associe une personne débutante et une personne moins novice dans un domaine de compétence donné, sur une période déterminée » (2010, p.16). Brixhe, à son tour souligne que le tutorat est « une aide sur laquelle s'appuie celui qui n'est pas encore assez solide pour être autonome » (1998, p.8).

Et puisque les deux protagonistes de la formule tutorale sont le « tuteur » et le « tutoré ». La définition du tutorat va devenir : un « moyen d'apprentissage planifié dans lequel un apprenant plus compétent (le tuteur) veut soutenir un de ses pairs apprenant (le tutoré) dans l'acquisition ou le développement de connaissances et de compétences » (Annot, 2001, p.383203 ; Papaioannou, 2015, p. 46-55 ; Topping et Ehly, 2001, p.113-132). Le tutorat est donc une relation régulière de compagnonnage, basée sur la coopération entre tuteur et tutoré, caractérisée par l'alternance entre le travail individuel et le collectif dans le but de compléter l'apport de l'enseignant, et de combler l'insuffisance de l'enseignement classique.

Un autre point à prendre en considération est celui du statut non professionnel du tuteur, dans la mesure où, le tutorat est

Une situation pédagogique d'accompagnement individualisé au sein de laquelle chacun apprend, notamment sur la base d'un mécanisme d'identification, alors qu'aucun des acteurs n'est a priori un professionnel de l'enseignement. (Romainville et Lepage, 2009, p.13).

En somme, on peut avancer que les « ingrédients » de la formule tutorale sont essentiellement: l'intervention humaine au niveau d'un petit groupe, comme l'avait souligné l'article 3 de l'arrêté du 18 Mars 1998, modifié par l'arrêté du 30 Novembre 2009 en

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France que « [...] chaque étudiant-tuteur a la responsabilité d'encadrer par une aide personnalisée un groupe d'étudiants de taille restreinte (au maximum dix étudiants) » , la situation de travail sur une période courte, la socialisation (la relation entre tuteur/tutoré) et la formation (savoirs académiques).

Il est essentiel de marquer, que lors de notre consultation des différentes définitions du tutorat, on s'est trouvé confronter à deux expressions différentes, à savoir : « le tutorat entre pairs » et « le tutorat par les pairs », dont la première renvoie au milieu d'enseignement scolaire, et la deuxième se rapporte au domaine de l'enseignement supérieur. On va donc opter pour la deuxième, vu que notre cadre de recherche est consacré à l'université. En définitive, le tutorat a fait donc l'objet de maintes définitions, à travers lesquelles les notions d'aide et d'accompagnement sont préconisées.

1-4 Les différentes formes du tutorat :

Les différentes formes du tutorat reposent sur une étude récente de Romainville et Lepage (2009) qui était réalisée à la base des pratiques tutorales de la communauté française en Belgique. Ces auteurs avancent que les formes du tutorat varient selon les perspectives, les fonctions, les compétences visées, la méthodologie suivie etc...

D'ailleurs, Michaut (2003, p.102) montre que les pratiques tutorales sont très hétérogènes, en termes d'offres et d'objectifs, elles doivent combler des manques qui ont été classés par Gerbier et Sauvaitre (2003, p.18), en quatre grandes catégories :

1- Le manque d'outil et de méthodes de travail.

2- Le manque de connaissances et de compétences disciplinaire.

3- Le manque d'adaptation à la vie universitaire.

4- Le manque de projet personnel et professionnel.

De ce fait, le tutorat peut avoir diverses fonctions : « affiliation », « information » et « formation avec un savoir méthodologique ou disciplinaire», qui renvoient à trois grandes formes, qui ont été suggérées par Laterrasse, Alberti et De Léornardis en 2002:

Le tutorat d'accueil : Il se déroule pendant les premières semaines, généralement, les deux ou les trois semaines après la rentrée. Il apporte un soutien d'ordre administratif et organisationnel. Il s'assure de l'accueil des primo-entrant et de leur adaptation. Son rôle consiste également à

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donner aux nouveaux bacheliers qui viennent d'intégrer l'université les repères nécessaires à la construction de leur projet de formation.

Le tutorat d'accompagnement : selon la classification d'Alberte et Laterrasse (2002, p. 113), le tutoral d'accompagnent est « régulier », « soutenu », adressé à « un petit groupe d'étudiants ».

Il s'appuie sur les relations humaines pour préparer les étudiants aux sessions d'examens, ainsi que pour les aider à mieux travailler durant l'année universitaire. Il se base sur les contenus des enseignements, et il concerne la reprise des cours, le développement de la compétence écrite, le travail sur la langue (syntaxe, orthographe etc...), l'entrainement à l'oral, l'aide au travail personnel (organisation et gestion de l'emploi du temps, prise et exploitation des notes).

Les formes du tutorat d'accompagnement sont certes multiples, mais orientées vers le même but : outiller les étudiants.

Le tutorat méthodologique : souvent associé au « tutorat d'adaptation, qui est un soutien méthodologique ayant pour but de faire acquérir aux étudiants les méthodes de travail universitaire ou de répondre à des difficultés d'apprentissage ponctuelles » (Danner, Kempf et Rousval, 1999, p.248).

Il est le complément du tutorat d'accueil et d'accompagnement, qui consiste à résoudre les problèmes des primo-entrants concernant les méthodes du travail à l'université, comme le travail documentaire, l'analyse des textes scientifiques ou littéraires, la rédaction des discours universitaires etc...

1-5 La différence entre le tutorat et le mentorat :

Au niveau des écrits, les notions du « tutorat » et de « mentorat » sont souvent confondues. Cette confusion découle avant tout de la traduction de l'académie de la langue française pour le mot anglais « mentoring » en « tutorat ». Cette même traduction était adoptée par des auteurs comme Boru (1996) et Wittorski (1996), alors que d'autres, tels que, Agulhon et Lechaux (1996) emploient des termes comme « guidance » et « supervision » pour faire référence à la même idée.

Nous avons déjà eu l'occasion de faire le tour des définitions du tutorat. Et par rapport au « monitorat », il est un système de guidage, élaboré pas Lancaster et suggéré par la société pour l'enseignement élémentaire. Il engage des élèves appelés moniteurs, qui se réfèrent uniquement au maitre, et qui exercent leur fonction dans un local spacieux. D'ailleurs, les deux collègues

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Finkelstein et Ducros, qui étaient en 1989, à l'origine des enquêtes du « tutorat » et « mentorat » dans des écoles belges, ont montré que les deux conceptions éducatives recourent au travail avec les élèves et préconisent l'accompagnement pour surmonter les difficultés, mais avec un nombre de différences considérable.

La différence entre les deux notions réside tout d'abord au niveau des modes d'organisation :

Alors que le monitorat se caractérise par une certaine rigidité, le tutorat semble être une formule particulièrement souple, adaptable à de nombreuses situations, ce qui en fait une réalité assez difficile à saisir dans ses modalités comme dans ses effets. (Alberti et Laterrasse, 2002, p.110).

L'écart entre les deux concepts se voit même au niveau du choix des accompagnateurs, dans la mesure où, les moniteurs sont souvent pris des élèves les plus compétents, qui montrent un certain degré d'expertise et de maturité, alors que les tuteurs sont embauchés à base du volontariat. Certes, ils « peuvent avoir des caractéristiques scolaires opposées » (Duquesne, 1983, p .60), mais, ils connaissent bien le programme d'étude.

Le rôle pédagogique, ainsi que le nombre de personne qu'un tuteur ou un moniteur accompagne, sont également des facteurs qui créent la distinction. D'une part, le rôle des moniteurs consiste à répéter avec autorité, et pour une dizaine d'apprenants, le cours du maitre sans aucun ajout. Ils sont donc des subalternes de l'enseignant ou bien des sous-maitres. D'une autre part, les tuteurs « ont au contraire un rôle d'assistant ou d'auxiliaire, ce qui les rend apte à seconder les instituteurs » (Charconnet, 1975, p.12). Ils agissent pour compléter le travail de l'enseignent auprès d'un groupe restreint voire d'une seule personne. On peut donc avancer que si les premiers sont soumis au contrôle du maitre, les seconds peuvent exécuter leur tâche librement, et que « l'autorité et la discipline exercées par les uns contrastent avec le rôle pédagogique des autres » (Lesage, 1975, p.67), dans la mesure ou lorsque « les premiers corrigent ou rectifient les erreurs de leurs tutorés, les seconds se chargent de leurs fournir des explications, de les conseiller » (Lesage, 1975, p.66).

Goodlad en 1998, a identifié encore deux critères de différenciation entre « tutorat » et « mentorat », qui sont : la spatialisation et la durée. Dans la mesure où, le premier se déroule en classe, pendant quelques semaines, alors que le second, peut se pratique « E...] souvent dans un lieu hors classe, E...] sur une durée de plusieurs moins ou années » (Peyrat-Malaterre, 2011, p.46),

En définitive, on peut déduire que, le tutorat, est une organisation fonctionnelle d'aide éducative non pédagogique, alors que, le mentorat, représente une instruction d'aide massive.

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Chacun avec des traits distinctifs qu'une fois pris en considération, la confusion semble impossible.

1-6 Les conditions à mobiliser pour garantir la réussite du tutorat :

Pour que le tutorat atteinte ses objectifs, rien ne doit s'improviser, et tout doit être bien orchestré. Certes, il n'existe pas une formule magique pour garantir le succès du tutorat, mais un certain nombre d'éléments doit y figurer.

D'emblée, Stassen a suggéré deux conditions nécessaires pour générer le tutorat. Ces conditions sont « mieux identifier les étudiants à risque d'échec, et mieux mettre en lumière les processus qui sont à l'oeuvre derrière ces déterminations » (2012, p.135). Ensuite, Pourcelot va affirmer que le tutorat ne pourrait être un facteur de réussite, qu'à travers un mode d'emploi plus au moins optimal. Ce dispositif ne peut être pertinent qu'avec la présence d'une bonne conception, d'une mise en oeuvre réussie, et d'un retour sur l'expérience approprié. Le choix d'une période d'implantation convenable, s'avère crucial également pour mettre en place un tutorat de qualité : « le moment où le tutorat est proposé doit être bien pensé ; ni trop tôt pour que les étudiants y voient un intérêt au regard de leurs premières expériences universitaires, ni trop tard pour qu'il reste utile » (Borras, 2011, p.2).

La suggestion d'un environnement cordial au tutorat est de même une condition importante, dans la mesure où cet environnement ne doit pas limiter la liberté du tutoré, ni privé son autonomie. Il doit être le garant d'un climat de coopération entre les participants et d'un autre de compétition nécessaire pour l'accomplissement de la tâche. Il doit de même favorisé la productivité personnelle, la prise de parole, l'échange, et l'interaction. L'environnement propice à l'action tutorale est donc celui qui répond à trois types de besoin : « besoin de relations positives avec les autres, besoin d'autonomie et besoin de compétence » (Brzezinska, Appelt, 2013, p.21).

Parmi les aspects permettant le succès du tutorat, on trouve ceux relatifs au tuteur. Ce tuteur doit avant tout être vigilant dans ses choix pour éviter la contreproductivité des tutorés, dans la mesure où, Il ne doit pas les contrôler d'une manière exagérée, il doit déclarer à tout moment son soutien pour ses apprenants, les encourager et les pousser à progresser sans faire à leur place. De ce fait, on fait référence aux deux composantes clés de la formule tutorale, qui sont : la composante participation liée à l'activité du tutoré, et la composante, guidage qui représente celle du tuteur. Les deux doivent évoluées inversement pour donner des rendements positifs.

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Autrement dit, lorsque le tutoré arrive à s'impliquer dans la tâche et prend de plus en plus l'initiative, le tuteur doit automatiquement agir de moins en moins, pour que l'équilibre et la souplesse du tutorat soient garantis.

Toujours, dans le cadre du choix des tuteurs, l'âge se présente comme un critère considérable. Généralement, les jeunes tuteurs ou encore les tuteurs-étudiants sont les favoris. Ce paramètre de différence d'âge entre les partenaires du tutorat est un thème qui a été abordé par Lippitt en 1976. Cette dernière a évoqué la notion « d'influence constructive » pour souligner le travail d'un tuteur qui consiste à faciliter l'appropriation de son tutoré, et qui nécessite une différence d'âge optimale. Elle avance aussi qu'« un camarade de 2 à 4 ans plus âgé peut avoir une relation de travail moins distante et morcelée à l'égard de plus jeunes que celle d'un adulte » (Lippitt, 1976, p.158). Elle a ensuite interprété ces observations en avançant que : « les jeunes enfants peuvent bénéficier d'un enseignement individualisé et d'encouragement personnel apportés par des pairs suffisamment âgés pour être des modèles crédibles, mais assez jeune pour être « en connexion » (Lippitt, 1976, p.158). Elle veille à ce que la différence d'âge ne soit ni trop faible, pour que les acteurs du tutorat se comprennent, ni trop importante, pour que l'un puisse tirer l'autre vers le haut. D'ailleurs, cette auteure est arrivée à ces résultats après l'étude qu'elle a faite durant sa supervision de l'expérience tutorale : « Michigan Design Detroit Pilot Program ».

D'autres auteurs, tels que Devin-Sheehan et Allen (1976) ont fait la même remarque que Lippitt, sauf qu'ils ont avancé un motif différent. Certes, ils ont insisté sur l'importance d'une différence d'âge d'au moins de deux ou trois ans entre les tuteurs et les tutorés, mais cette fois ci la raison est la suivante : « une différence d'âge importante amoindrit la possibilité pour le tuteur, de bénéficier de manière académique du tutorat » (1976, p.257). Leur remarque convient à ne pas négliger l'effet-tuteur. Linton (1973) a également insisté sur ce principe, quand il a mis au travail des élèves de huitième année (faibles en mathématiques) avec des tuteurs de huitième, dixième ou douzième années. La déduction de cette expérience était que les tutorés se développent plus quand la différence d'âge avec leur tuteur est de quatre ans. Ce sujet a été largement traité. En somme, tous ces auteurs étaient d'accord avec le fait que beaucoup sont plus âgés, les tuteurs resteront, plus compétents au niveau de la matière ou de la discipline enseignée que leurs tutorés.

Finalement, on peut dire que lors de la mise en place du tutorat, il est important de se rappeler qu'il n'existe pas de méthode pédagogique unanimiste, et que les situations ne sont pas toujours similaires, chaque classe à ses particularités et chaque public à ses propres

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caractéristiques. D'où le fait de penser à une modalité générale valable pour n'importe quelle formule tutorale, réduit la pertinence de cette dernière. Le plus important c'est donc d'avoir un regard critique et un recul pour pouvoir garder des idées et extraire d'autres, selon le contexte et la situation.

1-7 Les avantages du tutorat :

Les bienfaits du tutorat sont multiples, ils s'échelonnent d'une manière positive sur la vie professionnelle et personnelle des participants. On va les traités plus du côté du tutoré, car ceux du tuteur font référence à un autre phénomène pour lequel on va dédier toute une partie.

Faire appel au tutorat comme étayage de l'enseignement magistral permet :

l La remise en question des pratiques des étudiants et l'offre d'un nouveau regard sur l'enseignement.

l La découverte des tutorés pour leurs motivations, leurs forces et leurs faiblesses.

l L'outillage des apprenants pour qu'ils puissent se positionner face aux transformations culturelles, économiques et sociales.

l L'instauration des techniques de construction de savoir qui rendent l'apprenant capable d'explorer son environnement.

l L'amélioration des compétences, des connaissances et des habiletés des apprenants contribuant à leur réussite.

l La rectification instantanée des réponses erronées et le renforcement de celles correctes.

l La développement de l'empathie et des capacités permettant de comprendre les difficultés et de les surmonter par la suite.

l La favorisation de la démarche individuelle du tutoré grâce à la proximité du tuteur, à l'immédiateté de ses interventions, ainsi que « sa figure amicale ».

l Le progrès positif sur les plans cognitif, affectif et social des tutorés.

l La création de l'esprit groupale à travers le contact entre les anciens étudiants et les primo-entrants.

l La valorisation de la confiance des étudiants et les rendre capables de prendre la parole et de poser des questions.

l

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Le passage des méthodes scolaires à celles universitaires.

l La complémentarité des parties inaccessibles dans le cours magistral.

l La découverte de l'aspect caché de la formation.

l L'installation d'un avant-gout opportun du métier d'enseignant qui éveille l'envie de pratiquer cette profession.

l L'émergence dans le milieu professionnel et le fait « de sentir l'odeur des classes dans les narines ».

Avec tous les avantages qu'on a cités, Barrette souligne encore des atouts : « il (le tutoré) obtient une rétroaction immédiate et personnalisée » (2017). Cordary ajoute à son tour qu'« il peut acquérir et consolider des connaissances disciplinaires ou des stratégies d'apprentissage » (2016). Ensuite, une enquête réalisée par Ben-Abid-Zarrouk et Weisser en 2013 a montré que le tutorat est devenu un facteur de réussite déterminant pour les étudiants qui l'utilisent de manière optimale. Egalement, Weisser (2008) a affirmé que les étudiants tutorés multiplient en moyenne de 1,65 leur chance de réussir la première année universitaire par rapport aux non tutorés. De même grâce au tutorat « le tutoré augmente le temps consacré à des activités d'apprentissage » (Annoot, 2001). Damon aussi voit dans le tutorat entre pairs « une technique efficace lorsqu'il s'agit de rappeler des règles de fonctionnement, d'échanger des informations ou des savoir-faire » (1984, p.339). Pourtant, les bienfaits demeurent nombreux et constructifs.

D'une manière récapitulative, Brzozowski (2017) a mentionné au niveau d'un riche passage un éventail de bénéfices du tutorat, dans la mesure où :

Le tutorat contribue à acquérir l'autonomie, à construire la responsabilité pour sa propre éducation, pour la systématisation et la planification. Il apprend à choisir ses objectifs, sa voie de vie, son chemin de développement, à réaliser ses projets et à combattre ses difficultés. Il mène à être autonome dans la recherche des sources des informations et dans leur sélection, à une auto-acceptation et une estime de soi, forme les attitudes d'ouverture et de bienveillance envers les autres. De plus, il permet une augmentation de niveau de confiance, renforce le courage pour présenter publiquement ses opinions, apprendre une pensée créative et autonome, l'acceptation pour l'altérité et des comportements à caractère subversif. Il apprend le respect, la coopération en groupe et forme une sensibilité au destin des autres avec la responsabilité qu'en découle.

1-8 Les failles et les limites de l'introduction officialisée du tutorat à l'université :

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La majorité des obstacles posant problème quant à l'officialisation du tutorat sont souvent liés à la rigidité de l'administration universitaire, à l'absence d'une formation obligatoire et d'une récompense financière, et à l'attitude fermée des décideurs universitaires qui rejettent chaque nouvelle proposition pédagogique. Concernant les failles du tutorat, Laterrasse, Alberti et De léornardis (2002, p.161-162) ont rappelé que ces dernières constituent des pistes de réflexion pour apporter des améliorations au dispositif. Ces failles ont été énoncées en 1999, par l'institut de Recherche sur l'Economie de l'Education (IREDU) à l'issue de sa deuxième enquête locale intitulée : « le tutorat en DEUG : effets et limites d'une bonne idée »

Ces pistes s'articulent principalement autour :

l Du volontariat et du taux de participation diminue.

l Des raisons qui poussent les bons étudiants à s'intéresser à de tels dispositifs, ainsi que celles qui sont à l'origine du rejet de la part des plus fragiles.

l Des causes de la fragilité du programme.

l Des circonstances qui rendent le tutorat efficace dans un contexte et inopérant dans un autre.

2- le tutorat dans différents contextes académiques : 2-1 le tutorat dans le contexte académique anglo-saxon :

Le tutorat a fait son émergence dans le contexte anglo-saxon à partir des années soixante, suite au constat fait par Peggy et Ronald Lippitt. Ce constat était relatif aux multiples difficultés que les professeurs rencontrent avec certains publics socialement défavorisés, ou encore avec les enfants des immigrants. De cela, leur idée était de chercher des solutions or que l'enseignement essentiel. Le choix était alors la mise en place des pairs un peu plus âgés pour les aider. De ce fait, « le tutorat apparait à cette époque dans les programmes d'éducation compensatoire » (Topping, 1988, p.16-17). Par la suite, « l'idée s'est largement propagée dans les pays anglo-saxons et ailleurs, au-delà du cadre strictement scolaire, où les domaines professionnels et universitaires sont désormais concernés » (Baudrit, 2000, p. 8-9), puisqu'ils accueillent un public qui nécessite une attention particulière.

Cependant, le statut scientifique du tutorat ne va se manifester vraiment qu'à partir des années soixante-dix, où nombreux vont être les chercheurs qui vont exprimer leur intérêt pour ce dernier. Ensuite, et selon les propos de Bédouret en 2003, le tutorat dans les pays anglo-saxons a connu de réelles transformations, notamment, concernant le statut des tuteurs.

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Aux Etats-Unis, ce concept va être proposé pour faire face à l'arrivée massive des enfants immigrés. Cette formule était choisie parmi d'autres pour apporter de l'aide à ces enfants et les faire entrer dans le système éducatif américain, par le biais de l'apprentissage de la langue du pays d'accueil ainsi que le travail des cours et des devoirs. En somme, La méthode tutorale présente un grand intérêt dans ce contexte malgré sa suspicion qui règne à son égard Outre-Atlantique.

2-2 le tutorat dans le contexte académique français :

La mise en place du tutorat en France était liée dès 1996 « à l'arrivée de nouvelles catégories d'étudiants à l'université et au constat récurrent dans les années quatre-vingt de la faible rentabilité des premiers cycles universitaires » (Alberti et Laterrasse, 2009, p.99). Ce dispositif a été donc suggéré soit sous l'étiquette « d'un dispositif d'aide à la réussite », soit sous celle d'un « dispositif dans un contexte de lutte contre l'échec en premier cycle ». Cette question d'échec universitaire va susciter les inquiétudes des décideurs politiques et des membres du système éducatif français. De ce fait, l'entrée du tutorat à l'université française a été officialisée par l'Arrêté du 18 Mars 1998, pour garantir la réussite des néo-bacheliers. Le tutorat, va être considéré comme une réponse au phénomène de massification à l'enseignement supérieur, ainsi qu'une solution aux difficultés aperçues chez les étudiants du Diplôme d'Etudes Universitaire Générales (DEUG). Il était donc « établi à partir d'un cadre national aux marges de l'institution », et il « était censé contribuer à résoudre les difficultés pédagogiques de la gestion d'un problème central, la massification et la démocratisation de l'enseignement supérieur » (Sirota, 2003, p.15). De plus, deux autres raisons ont poussé la France à recourir au tutorat dans les universités : « la première est liée au défi [...] de :

Faire mieux avec moins ». La seconde a trait à la difficulté qu'à l'université à atteindre ses objectifs les plus nobles, à savoir amener les étudiants à penser par eux-mêmes. Le développement de pareilles compétences exige des confrontations actives, en petits groupe durant lesquelles l'étudiant est acteur de son apprentissage. (Noël et Romainville 1998, p.133).

Face à cette demande, le tutorat sera officialisé dans l'arrêté du 18 Mars 1998, dans la mesure où il est « bénéficie à tous les étudiants de première année de premier cycle qui le souhaitent » et « l'action de tutorat est assurée par les étudiants-tuteurs-eux-mêmes [...] en lieu avec l'équipe pédagogique et sous la responsabilité d'un enseignant ou d'un enseignant-chercheur ».

En effet, le cadrage institutionnel et les circonstances d'officialisation du tutorat en France ont été détaillés au niveau de plusieurs textes, sous-titre d'exemple on cite : L'arrêté du

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26 Mai 1992, la circulaire du 24 Octobre 1996, la circulaire du 16 Mars 1997, l'arrêté du 9 Avril 1997 et l'arrêté du 18 Mars 1998. Vers la fin des années 2000, le cadre institutionnel du tutorat sera renforcé davantage, à travers des dispositifs légaux comme : le Plan Réussite Licence (PRL) de 2007 et la consolidation en Décembre 2009.

En France, le tutorat est donc non seulement la conséquence des réflexions des enseignants qui s'ingénient à chercher des solutions pédagogiques pertinentes pour prévenir l'échec des étudiants, mais il est également le produit d'une politique éducative qui encourage sa pérennisation et son maintien.

2-3 le tutorat dans le contexte académique marocain :

L'enseignement supérieur au Maroc est considéré comme un paramètre fondamental du développement humain et social. C'est pour cette raison que les politiques éducatives ont concédé un intérêt exclusif pour ce contexte. Ce système universitaire est confronté à plusieurs défis et enjeux liés principalement aux problèmes de gestion de l'effectif étudiants en permanente augmentation. D'ailleurs, et comme les autres contextes universitaires qu'on a cité, au Maroc, l'obstacle qui contribue les primo-entrants à quitter les bancs des universités est éventuellement la difficulté d'adaptation au sein d'un nouvel environnement, complètement différent du secondaire. Le conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique a déjà mis la lumière sur ce point, dont « plus de 25% des étudiants abandonnent leurs études après une année d'inscription » (CSEFRS, 2009, p.21). Face à cette situation, et dans la finalité d'améliorer le rendement de l'université marocaine, le ministère de tutelle a pris l'initiative pour déclencher plusieurs réformes de développement des dispositifs d'aide et d'accompagnement. Sous-titre d'exemple « le tutorat » qui a vu le jour dans différentes universités marocaine, suite au programme d'urgence 2009-2012. Parmi les universités qui ont préconisées le programme du tutorat au Maroc on cite, l'université Mohammed Premier d'Oujda et l'Université Ibn Zohr d'Agadir

- L'université Mohammed Premier d'Oujda :

Dans le cadre de la mise en oeuvre de son projet universitaire, l'université Mohammed Premier d'Oujda a envisagé l'application d'un tutorat d'accompagnement destiné aux étudiants de la première année cycle licence, après plusieurs réunions d'entente avec les tuteurs, ainsi que nombreuses séances de formation organisées par la cellule d'accompagnement pédagogique (CAP-FLO). Le tutorat proposé constitue un dispositif d'aide mis à la disposition des étudiants

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souhaitant bénéficier d'un soutien et d'un suivi pour améliorer leur niveau et multiplier leurs chances de réussite. Au niveau de cette action tutorale, les tuteurs sont des étudiants du master ou de doctorat, sélectionnés suite à un appel de candidature. Le choix de ces tuteurs repose sur le fait de ne pas les considérer comme étant des enseignants, mais de les voir plutôt comme des animateurs qui connaissent la discipline et le fonctionnement de l'université, et qui peuvent écouter, conseiller, et aider les novices. Donc à nombre de 24, ces tuteurs commencent à travailler au sein de la faculté des lettres et des sciences humaines d'Oujda, avec 60 étudiants inscrits en deuxième semestre de la session printemps 2010. Les tutorés concernés étaient de différentes filières comme : les études arabes, françaises, anglaises, et amazighes, la géographie, l'histoire et civilisation, les études islamiques etc...

Les objectifs de cette action tutorale peuvent alors être résumés comme suit :

l Informer les futurs étudiants sur les formations existantes à l'université.

l Soutenir les tutorés dans les matières qui leur posent problèmes.

l Aider les étudiants à retrouver confiance en eux.

l Promouvoir la réussite des étudiants.

l Optimiser l'accompagnement pédagogique des différents acteurs engagés (enseignants, tuteurs et étudiants).

- L'université Ibn Zohr d'Agadir :

La faculté des lettres et des sciences humaines de l'université Ibn Zohr d'Agadir, a conçu un dispositif du tutorat pour les étudiants qui souhaitent avoir un accompagnement spécifique. L'université a décortiqué le terme « tutorat » d'une manière captivante pour marquer les éléments qui le forme ainsi que c'est atouts : LE TUTORAT :

Tuteur : accueillir, informer, faciliter l'intégration, aider Université : MTU, TIC, bibliothèque

Ténacité : efficience, efficacité, management personnel Orientation : guider, faciliter l'acquisition des savoir-faire Réussite : savoir entreprendre ses études

Accompagnement : savoir écouter / être à l'écoute

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Tutoré : motivation, attitude positive, organisation, autonomie

Le dispositif du tutorat suggéré permet aux étudiants de différentes filières, de bénéficier d'un accompagnement, d'une préparation aux cours, et d'un encadrement permettant l'intégration au sein de l'université. Cette faculté a donc organisé le mercredi 6 Septembre 2017 une semaine d'accueil et du tutorat avec la proposition d'un menu riche en séminaires, composé d'un assortiment de formations, de cours de langue, d'ateliers de communication et de prise de parole devant un public, de gestion de temps, de citoyenneté, d'engagement et de travail associatif. Au niveau du tutorat mis en place, le travail s'organise dans des petits groupes, où un tuteur, qui est à la base un étudiant du master ou de doctorat, multiplie ses services pour offrir aux étudiants une aide personnalisée concernant la langue française, arabe et anglaise, la communication d'information, le travail documentaire, la préparation aux examens etc...

Au sein de la même faculté, un deuxième type de tutorat a été offert, c'est le tutorat de bibliothèque qui initie les nouveaux étudiants aux techniques et aux outils de recherche documentaire à travers quatre étapes majeurs :

- L'identification

- La connaissance

- L'utilisation des différentes bibliothèques - La pratique autonome de la documentation

Le contenu proposé lors de ce dispositif, se rapporte au travail documentaire, à la maitrise des instruments bibliographiques et à l'usage de la bibliothèque. Durant le déroulement du tutorat, le responsable organisait régulièrement des réunions d'encadrement pour discuter le cours des séances, pour pointer les difficultés et faire le bilan permettant d'améliorer le dispositif. Cette faculté a eu recours à un troisième type de tutorat : le tutorat de remise à niveau en français. Il était adressé à priorité aux étudiants du département français et son principe était de renforcer et d'enrichir leurs compétences en langue française, à orale comme à l'écrit.

Certes, le tutorat au Maroc est préconisé dans quelques universités, mais ce dispositif doit être généralisé dans tous les autres établissements, comme l'avait souligné l'ancienne ministre par intérim de l'enseignement supérieur, Jamila El Moussali, lors de sa visite au nouvel espace d'accueil et d'accompagnement des nouveaux étudiants à la faculté des lettres et des sciences humaines de l'université Ibn Zohr d'Agadir. Elle a mentionné que « le projet

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d'accompagnement universitaire est l'un des plus importants projets pour l'université marocaine compte tenu de son impact sur l'intégration des nouveaux étudiants et sur l'ensemble de leur parcours universitaire ». El Moussali a insisté également sur les propos qu'elle a avancés, quand elle a visité les nouveaux locaux de l'école nationale des sciences appliquées (ENSA) relevant de l'université Ibn Zohr d'Agadir. Elle s'est informée sur les mécanismes de fonctionnement du tutorat, la nature des formations proposées et le profil des tuteurs qui encadrent les primo-arrivants.

2-4 le tutorat dans le contexte académique polonais :

Le tutorat possède un statut très positif dans le contexte éducatif polonais, dans la mesure où, le ministre de l'éducation en 2016 a encouragé les organisations non-gouvernementales à participer à un concours appelé « Méthode de tutorat en tant que moyen innovant du travail d'éducation, de prévention et de resocialisation ». Dans le contexte polonais, on trouve souvent un tutorat de type scientifique qui domine le terrain. Ce tutorat est en général associé aux filières universitaires qui proposent des formations interdisciplinaires, comme celles de l'université de Varsovie ou encore de Cracovie.

La place primordiale qu'occupe le tutorat en Pologne est manifestée par le fait que ce dispositif est placé au centre d'un vaste projet dirigé par Beata Karpinska-Musical dans les années 2014-2016, à l'université de Gdansk, où 29 tuteurs ont travaillé avec 222 étudiants. Au bout de ce projet, les feed-back des tuteurs et des tutorés ont été collectées pour mettre en exergue les avantages et les bienfaits de ce dispositif, et pour accentuer de même son futur potentiel dans le cadre de l'enseignement supérieur polonais.

Dans plusieurs universités anglaises dès le XIIIème, au Québec suite au Rapport Parent de 1964, dans les « Gesamtschulen » allemandes crées en 1968, en France, en Pologne et au Maroc, le tutorat a pu trouver sa place dans le monde éducatif.

3- les protagonistes de l'action tutorale : le tuteur et le tutoré : 3-1 le tuteur :

Etymologiquement, le terme « tuteur » vient du latin « tutor » qui désigne « défenseur », « protecteur » et « gardien ». Danner, Kempf et Rousval avancent que :

Si en jardinage, le tuteur est une tige, une armature de bois ou de métal fixé dans le sol pour soutenir ou redresser les plantes, en pédagogie, le tuteur est un médiateur entre l'apprenant et l'institution à laquelle ce dernier se doit de s'adapter. (1999, p .247).

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Ceci montre que le tutorat ne se limite pas uniquement à une maitrise des connaissances liées aux processus d'apprentissage, mais également, il nécessite un accompagnement approprié. D'ailleurs, Plusieurs divergences ont concerné la définition du tuteur et ses fonctions. Certains préfèrent les modalités liées à la discipline et voient en tuteur, un bon étudiant ayant une aisance disciplinaire, et une bonne maitrise du contenu, qui peut jouer le rôle d'un compagnon, un associé ou un vulgarisateur qui accompagne l'activité d'enseignement. D'autres préfèrent les dimensions relatives au contact humain et à la maitrise du relationnel. Encore plus, on trouve ceux qui estiment que le tuteur, est un répétiteur patient qui insiste sur les apprentissages. Il est donc un facilitateur. Ces mêmes remarques ont été mentionnées dans des interviews qu'a faites Du Marchais avec des tuteurs en 1990. Ces dernières montrent que principalement un tuteur est censé : amener les étudiants vers une compréhension poussée des matières enseignées ; guider ces derniers dans les domaines d'études ; faciliter l'échange entre les étudiants. Annoot a remarqué à son tour plusieurs modes d'investigation propres aux tuteurs, elle site sous-titre d'exemple : « conseiller, guide, confident, modèle de réussite... » (2001, p.287), d'où la référence au rôle disparate de ces derniers : « ils sont moins prisonniers des attentes institutionnelles et donc moins rigides, plus créatifs. Ils ont donc une perception moins formelle des apprentissages, ce qui les rend plus aptes à appréhender les difficultés des tutorés » Alberti et Laterrasse, 2002, p.111).

De toutes ces divergences, un aspect commun se forge, c'est le fait que les tuteurs ne sont pas des professionnels, car ils « [...] ne peuvent pas se prévaloir (ou pas encore) d'être des professionnels de l'enseignement ou de l'accompagnement » (Devilliers et Romainville, 2013, p.25). Alors, le tuteur ne peut pas remplacer les enseignants qui « [...] ont une approche plus au moins formelle des contenus enseignés » (Baudrit, 2000, p.126). Egalement, ce tuteur se distingue du coach vu que la fonction de ce dernier est fondée essentiellement, sur la relation individuelle qui vise l'atteinte des objectifs sur une période déterminée. Alors que le tuteur s'intéresse plus à « un développement harmonisé et durable, où l'erreur ou l'échec vécus dans un cadre de sécurité sont considérés comme une étape à franchir sur ce chemin » (Brzozowski, 2017, p.298). Le tuteur n'est donc ni un enseignant, ni un formateur, ni un coach, mais un accompagnateur sans formation pédagogique spécifique. Il peut être étudiant, parent d'élève ou membre d'association, ou généralement un adulte non professionnel d'enseignement. Le tuteur est donc un pair capable d'assister le développement personnel et professionnel de son tutoré, de lui porter toute son attention, de veiller sur lui, et de s'assurer qu'il bénéficie de tout dont il a besoin.

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3-2 le rôle et les fonctions du tuteur :

La relation des tuteurs avec leurs tutorés leurs confèrent plusieurs tâches :

Tout d'abord, leur rôle ne consiste pas à ce qu'ils se calquent sur enseignants pour former leur double, leur rôle est tout à fait différent. Premièrement, « ils ont pour rôle de guider et d'assister leurs « tutorés », en leur délivrant les clés pour combler leurs « manques » et réussir à l'université » (Gerbier et Sauvaitre, 2003, p.18). De ce fait, les tuteurs doivent retrouver une manière d'agir originale et adéquate avec les besoins de leur public, et ils doivent de même penser à la façon d'aider le tutoré à appréhender les principes de base lui permettant de construire petit à petit ses repères. On peut alors déduire que la responsabilité du tuteur réside dans la réalisation d'un travail pédagogique différent de celui du maitre, qui valorise davantage le relationnel, et qui s'appuie sur deux dimensions : la dimension productive importante pour la réalisation des tâches demandées, et la dimension constructive qui aide à organiser et à ajuster la manière d'agir ». Ensuite, ces tuteurs peuvent également offrir à leurs tutorés un soutien pour l'intégration, au niveau duquel, ils partagent leurs connaissances par rapport aux services de l'université, aux programmes d'études, aux orientations de carrière etc...

Comme nous avons souligné au niveau des définitions que les notions d'aide et d'accompagnement dominent le champ du tutorat, on va encore une fois accentuer cet aspect dans les fonctions du tuteur. Selon Boultin et Camaraire (2001) les fonctions du tuteur sont à nombre de trois:

La fonction psychologique : le tuteur contribue à la confiance en soi de son tutoré par le biais d'un dialogue constructif.

La fonction pédagogique : le tuteur soutient l'étudiant dans ses apprentissages en lui donnant les moyens nécessaires pour appréhender la vie dans le milieu, et en lui montrant l'importance d'intégrer ses besoins individuels dans le groupe de travail.

La fonction technique : le tuteur porte un regard sur une partie importante des prestations des tutorés.

Pour que la fonction du tuteur soit accomplie, ce dernier doit être informé par rapport à sa mission, il doit être conscient de l'importance de son rôle, il doit étudier l'ensemble des

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stratégies sociales, cognitives et informationnelles utiles pour l'apprentissage. Le tuteur est appelé aussi à repérer ses réussites et ses échecs. Il doit également être capable de s'informer des faiblesses de son tutoré, de les prendre en compte, et de les pallier vers la fin. Cette mission ne peut s'aboutir qu'avec la volonté du tuteur. Le langage présente également un point non négligeable, à prendre en pleine considération pour garantir la réussite des différentes fonctions du tuteur. Le langage dans l'activité du tuteur est utilisé pour guider l'apprenant dans sa démarche et aussi dans la finalité de changer « la logique de résolution du tutoré » (Barnier, 1994, p.71). Alors, chaque tuteur ayant envie d'accomplir cette mission, est appeler à effectuer un travail sur son langage de manière à ce qu'il soit commode avec le niveau des tutorés et coïncident avec leurs besoins.

En définitive, les tuteurs sont amenés à jouer sur un double registre : relationnel, avec la proximité sociale qu'ils ont avec les étudiants. Et cognitif, grâce à leur niveau d'expertise. Dans leur activité, l'aide est centrale, sous témoignage d'exemple : aider à apprendre et à travailler, aider à se familiariser avec la langue du pays d'accueil, aider à l'adaptation dans un nouveau milieu, et la liste reste longue si nous voulions cerner tout ce qui est demandé aujourd'hui des tuteurs dans le domaine de l'éducation.

3-3 les critères du choix du tuteur :

Le tutorat comme tout procédé pédagogique, répond à un certain nombre de règles de fonctionnement, parmi les, le choix des tuteurs. En général, des critères comme l'âge, l'expérience, et le niveau de compétences sont cherchés lors du choix des tuteurs. D'ailleurs, Baudrit rappelle que Moust (1993) a identifié six critères pour le choix des étudiants tuteurs : « l'utilisation de savoirs académiques, l'usage de l'autorité, la recherche de la réussite, l'incitation à la coopération, la congruence sociale et la congruence cognitive » (2000, p.145).

Tout d'abord, la congruence cognitive :

Est perçue comme la capacité toujours pour les tuteurs, de s'exprimer dans le langage des tutorés, en des termes compréhensibles par eux ou de faire usage de notions et de concepts qui leur sont familiers », et quant à la congruence sociale, elle « témoigne d'une volonté, de la part des tuteurs, d'être des étudiants parmi d'autres, à la recherche de relations spontanées, bienveillants à l'égard de leur pairs. (Baudrit, 2000, p.145).

Dans cette perspective, Papi insiste à son tour surtout sur cette congruence cognitive, dans la mesure où il affirme que : « dans l'enseignement supérieur, l'accompagnement par des étudiants-tuteurs est souvent pensé comme favorable à une meilleure « congruence cognitive »

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(Moust, 1993) que celui assuré par des enseignants-tuteurs dans la mesure où, ils ont un langage plus proche des tutorés ainsi qu'une plus grande sensibilité aux difficultés rencontrées par ceux-ci » (Papi, 2013, p.16). Un bon tuteur est donc celui qui possède « l'association de compétences académiques (l'expertise) et de qualités personnelles (la congruence sociale). Ce savant mélange dote la personne de qualité très appréciée. « La congruence cognitive » (Baudrit, 2000, p.51), considérée comme un équilibre entre ces deux composantes difficiles à coordonner.

Ensuite, le paramètre d'âge demeure à son tour important dans la sélection des tuteurs. Concernant ce point, Feldman, Devin-Sheehan et Allen, ont insisté en (1976) sur l'importance de la différence d'âges entre les tuteurs et les tutorés, dans la mesure où, les tuteurs plus âgés, qui ont bénéficié d'une expérience universitaire importante, possèdent des compétences académiques avérées, et arrivent à apporter l'aide, le conseil, le suivi, la motivation, et l'accompagnement nécessaire pour leurs tutorés. D'un autre angle de vue, les tuteurs adultes sont plus crédibles et plus prix au sérieux par les tutorés, ils montrent aussi une certaine efficacité dans l'acte de soutenir les étudiants. Certes, la différence d'âge est importante pour le choix des tuteurs et pour la qualité de la formule tutorale proposée, pourtant, elle ne doit pas être exagérée. Cette conception a été traitée dans la théorie des rôles développée pas Allen qui met en exergue la favorisation des « tuteurs-étudiants » (1976, p.5). Allen a mentionné qu'une proximité d'âge et de compétences est essentielle pour faciliter l'acquisition des tutorés, dans la mesure où, un tuteur de la même génération du tutoré peut facilement se mettre à sa place. C'est pour cette raison que la différence d'âge (Cross age tutoring) est demandée plus qu'une équivalence d'âge (Same age tutoring). Cette posture du tuteur-étudiant est la préférée même du côté des tutorés, qui voient en ces derniers des apprenants leurs portant un soutien scolaire et motivationnel.

Les universités qui préconisent le tutorat sont conscientes du rôle primordial que joue les tuteurs-étudiants dans l'accompagnement des apprenants, elles voient que ces derniers sont « favorisés par la proximité d'âge, la proximité sociale et culturelle, la proximité du parcours scolaire ou encore la proximité de difficultés dans le tutorat de pairs » (Devilliers et Romainville, 2013, p.25) et du coup l'action tutorale dans ces universités se réalise par la participation des pairs qui interviennent naturellement avec les tutorés, et qui sont souvent des étudiants dont la différence d'âge ne dépasse pas quelques années.

A part le paramètre d'âge, d'autres aspects doivent figurés chez le bon tuteur, sous-titre d'exemple on cite, le fait que le tuteur ne doit pas dominer l'échange, ni intervenir directement dans la tâche, il doit être patient pour diriger le travail. Il doit de même expliquer, conseiller,

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poser des questions et donner au tutoré le temps de répondre, sans rien faire à place. Il faut également mentionner que lorsqu'on veut engager des tuteurs au sein des classes ou des institutions, le choix des meilleurs éléments n'est pas toujours judicieux, ce qui compte plus c'est de trouver des personnes courageuses, qui ne baissent pas les bras devant les problèmes des tutorés, sérieuses au point de considérer ces problèmes comme étant les leurs.

Un autre critère s'avère cruciale dans le choix des tuteurs est bel et bien le langage. Un tuteur doué est communément celui qui s'exprime d'un langage proche de celui de son tutoré, dans la mesure où, il fait attention à son vocabulaire et il choisit un lexique qui leur soit accessible.

Un tuteur qualifié comme capable d'assumer sa fonction est également celui qui maitrise bien les contenus disciplinaires, de même :

l'assimilation des codes et habitus universitaires, met ainsi en jeu des mécanismes identificatoires à un autre qui parait beaucoup plus proche que l'enseignant car le tuteur présente des traits physiques, psychologiques et comportementaux qui l'apparient à l'étudiant à aider. (Alberti et Laterrasse, 2002, p.111-112).

Les propos de ces deux auteurs soulignent l'importance de connaitre les enjeux de l'environnement universitaire, de les transmettre au tutoré qui va les mettre en pratique pour garantir son intégration.

Or l'âge, la maitrise du contenu, le recours à un langage adéquat et le fait de donner au tutoré la liberté dont il a besoin, les tuteurs doivent être avant tout des personnes prêtes à s'intéresser à d'autres. Leur action doit encourager l'autre et l'amener à progresser.

Finalement, et dans le cadre du choix des tuteurs, on évoque une méthode qui décrit plus au moins le processus tutoral et qui insiste surtout sur ce que le tuteur doit faire pour réussir sa fonction. Cette méthode est nommée (Pause, Prompt and Praise) expérimentée tout d'abord en 1981 à Nouvelle Zélande, puis objectée dans d'autres pays tel que l'Australie et le Royaume-Uni en 1985. Pour détailler davantage cette méthode, on va commencer d'emblée par « Pause » :

Lorsque l'élève fait une erreur ou hésite, le tuteur doit attendre avant d'intervenir. Ce délai est d'au moins cinq secondes [...]. Cette façon de faire lui offre la possibilité de rectifier ses erreurs et, une fois ce temps écoulé, de bénéficier d'une explication donnée par le tuteur. En général, les enseignants, comme les tuteurs, ont du mal à respecter ce délai. Ils ont hâte d'aider ou d'apporter des informations. Même s'ils s'en défendent, les enseignants sont souvent enclins à fournir les réponses correctes à leurs élèves juste après qu'ils aient buté sur un terme, effectué une prononciation impropre. (Wheldall, Wenban-Smith, Morgan et Quance, 1989).

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Ensuite, « Prompt » : c'est la deuxième phase, qui commence après les cinq secondes. Au niveau de laquelle, le tuteur peut intervenir si son tutoré n'arrive pas à répondre. Cette intervention est conditionnée par la nature du blocage rencontré. Enfin, « Praise », cette phase concerne le renforcement de l'activité du tutoré ainsi que son comportement, au niveau de laquelle, les tuteurs peuvent complimenter les apprenants, et les félicités car ils ont pu trouver eux-mêmes les éléments de réponse à la base des conseils délivrés lors de la phase précédente (Prompt). En gros, la méthode (PPP) peut être résumée en trois grands temps attendre et patienter, intervenir, puis encourager et motiver.

3-4 l'effet-tuteur :

Au niveau du tutorat, le tutoré et le tuteur échangent et profitent réciproquement. Barnier montre son accord avec cette idée avancée, lorsqu'il a mentionné que le tutorat :

Permet une plus grande participation des élèves à leurs propres apprentissages [...] Il sollicite conjointement les processus de transmission, d'appropriation et de réinvestissement des connaissances. [...] ses effets bénéfiques peuvent aussi bien concerner les tutorés (ceux qui sont aidés) que les tuteurs. (2001).

Le tutorat est généralement perçu comme une formule d'aide mise à la disposition du tutoré et visant son progrès. Cependant, au sein de ce dispositif, même le tuteur se répand d'une manière remarquable. La formule tutorale est un outil d'apprentissage qui a une influence directe sur les études et la vie du tuteur. Cette partie va être alors consacrée aux apprentissages personnels et professionnels qu'un tuteur peut tirer de son activité dans le cadre tutorat. Ce phénomène est nommé : « l'effet-tuteur ». Il y a longtemps que l'effet-tuteur a était signalé dans la littérature relative au domaine de l'éducation, pour désigner les bénéfices qu'un tuteur peut retirer de son rôle d'accompagnement auprès d'un pair moins expert que lui. Il représente alors l'ensemble des caractéristiques capacitantes ayant comme origines les différentes tentatives d'aide. Cependant, les travaux scientifiques concernant ce phénomène demeurent récents, comme ceux de (Topping, 1996) ; (Galbraith et Winterbottom, 2011) ; (De Backer, Van Kerr et Valcke, 2012).

Au début, c'était Comenius (1592-1670) qui a parlé de son existence, lorsqu'il a évoqué « Docemur docendo », un concept qui fait référence à l'idée que celui qui enseigne peut apprendre et bénéficier de son enseignement. Ensuite, et vers la fin du XVIIIème siècle, un pionnier britannique de l'enseignement mutuel appelé le Docteur Bell, a repris ce phénomène pour dire que : « les élèves qui remplissent les fonctions des maitres apprennent eux-mêmes » (Propos rapportés par Charconnet, 1975, p.12).

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Les américains vont à leur tour traiter ce concept, et lui accorde l'appellation de « Learning Through Teaching » (Garthner et kolher Riessman, 1973, p.20). Ils ont affirmé qu'au sein du (LTT), « le jeune est obligé d'étudier la matière à fond avant de l'enseigner à un camarade ; il faut qu'il organise son cours, qu'il observe l'autre élève et parvienne à établir un contact avec lui » (1973, p.27). Ces auteurs interprètent ceci par le fait que le tuteur « devient un élève actif, si bien qu'il comble rapidement des lacunes dans celles-ci se trouvent en outre renforcées par une compréhension nouvelle. En somme, il bénéficie de tous les avantages du réapprentissage » (Garthner et kolher Riessman, 1973, p.139). Alors, on peut déduire que la condition nécessaire pour qu'un tuteur profite de son activité est le fait, qu'il travaille d'une manière approfondie les contenus qu'il va diffuser, qu'il revoit les éléments du programme en question et qu'il maitrise bien évidemment les interventions qu'il va présenter. Burner (1983) va dans le même ordre d'idée et montre que le tuteur ne doit pas être vu pour un simple pourvoyeur des savoirs et du savoir-faire. Au contraire, il doit réinvestir ce qu'il livre pour son tutoré. L'effet-tuteur s'explique alors par le biais de cet acte de réinvestissement :

C'est ce travail d'élaboration et de mise en oeuvre d'un guidage de l'action de l'autre qui peut être profitable au tuteur à travers le type d'activité qu'il requiert, surtout s'il ne se contente pas de guider directement l'action du tutoré, mais recherche à lui expliquer comment s'y prendre. (Filippaki, Barnier et PapaMichaël, 2001, p.29).

Ceci va accentuer davantage ce que les anglo-saxons ont l'habitude de dire « qu'enseigner c'est apprendre pour une seconde fois », c'est plus au moins le principe de base de l'effet-tuteur. Le tuteur peut progresser à travers l'enseignement qu'il offre pour ses apprenants et aussi par la situation de communication réelle et l'échange qu'il réalise avec eux.

D'un point de vue expérimental, c'est Cloward (1967) qui a montré la présence de l'effet-tuteur. Déjà, il fut le coordinateur majeur d'un grand programme d'aide aux devoirs à domicile dans la ville de New York, nommé « Mobilization for youth ». L'objectif de la mise en place de ce programme est de combler les lacunes principalement en lecture, des enfants portoricains habitant à Manhattan. Et pour cette mission, des adolescents ont été recrutés pour les aider à raison de quatre heures d'une façon hebdomadaire, pendant vingt-cinq semaines. Durant cette expérience les tutorés ont tiré des bienfaits appréciables, mais ils n'étaient pas les seuls à profiter. Cloward a d'ailleurs vérifié au début comme à la fin du programme, le niveau en lecture des 240 tuteurs engagés dans cette action. L'étude menée par cet auteur a montré, qu'en comparaison avec un groupe-témoin composé d'adolescents non participants, le progrès des premiers est notable deux fois plus par rapport à celui des seconds. Gatti et Blary (2017),

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Morand (2015) ont insisté également sur le fait que grâce au tutorat, le tuteur arrive à acquérir des compétences d'aide, à consolider des connaissances académiques ainsi qu'à développer diverses méthodes et stratégies. Ces bénéfices ne peuvent être garantis qu'avec deux conditions nécessaires: La maitrise suffisante du tuteur de la matière enseignée, et la structuration de sa démarche. Ces conditions relatives à l'origine de l'effet-tuteur ont été d'ailleurs relevées par Scruggs, Mastropieri et Richter (1985).

En effet, les avantages qui émanent de l'effet-tuteur peuvent être perçus au niveau des interactions et des conduites sociales comme le prouve Cohen (1986). Elles peuvent être aussi sous forme des améliorations qui se rapportent à la confiance en soi et au niveau d'aspiration comme le note Haggarty (1971). Ou encore, des progrès sur le plan affectif et socio-émotionnel comme l'estiment Lippitt et Lohman (1965). Ils peuvent être également remarquables au niveau du parcours du tuteur, sa prise de parole, ses notes, ses examens etc...Alors, l'effet-tuteur peut avoir un impact direct sur les performances universitaires des tuteurs et sur leur niveau cognitif, comme il peut être constructif au niveau de la connaissance de leur entourage ainsi qu'au sein de leurs relations sociales.

Pour parler maintenant de la production de cet effet-tuteur, les spécialistes avancent deux conceptions : certains insistent sur le fait que les tuteurs bénéficient de cet effet jusqu'à la fin de l'action tutorale. D'autres, tels que Strodtbeck, Ronchi et Hansell (1976) qui supportent l'idée d'un effet-tuteur rapide. Plus tard, cet effet-tuteur va faire l'objet de nombreuses investigations, au niveau desquelles, les chercheurs vont déduire à la base des tests/retests que cet effet se produit généralement d'une manière tardive, souvent après l'interruption du programme tutoral. Donc, il faut du temps pour que les tuteurs engagés voient leurs activités récompensées. Les différentes formes de production d'effet-tuteur que nous avons cité peuvent être expliquées d'emblée par le fait que, « les tuteurs interviennent de plus en plus dans des secteurs différents, auprès des publics variés, pour des missions diverses » (Baudrit, 2000, p.164), c'est pour ça que les retombés sont vus de manières distinctes.

Malgré les différentes opinions des auteurs, mais ils se sont mettes d'accord pour confirmer la présence de l'effet tuteur malgré son caractère non immédiat dans la plupart des expériences. Ils insistent donc sur l'idée qu'à chaque fois un tuteur vient en mesure d'aider un tutoré et d'être attentif aux difficultés qu'il éprouve, il tirera certainement profit de ses interventions. Finkelstein et Ducros (1989), avancent que les tuteurs qui peuvent bénéficier de leurs actions, sont majoritairement ceux qui se situent proches de ce Vygotsky « la zone

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proximale du développement » (1934), qui présente l'écart entre ce que l'apprenant peut réaliser seul, et ce qu'il n'arrive pas à accomplir même avec l'aide d'un adulte.

Plusieurs facteurs peuvent être derrière l'émergence de l'effet-tuteur. Tout d'abord, le degré d'organisation du tutorat. Plus ce dernier n'est élevé, plus l'effet-tuteur à de grandes chances d'apparaitre. Ensuite, les tutorés sont des éléments déterminants dans l'avènement de l'effet-tuteur, vu qu'ils sont ceux qui poussent le tuteur à préparer ce qu'il va dire ou faire, à parfaire ses connaissances disciplinaires, ainsi que ses démarches de travail. Enfin, le choix des tuteurs est un paramètre d'une grande importance, quant à l'éclosion de l'effet-tueur. Il demeure donc évident de choisir des tuteurs capables de comprendre les problèmes des tutorés et de les remédier. Ces tuteurs doivent aussi être conscients de l'apport positif qui peut tirer de leur participation au sein du tutorat.

Cette prise de conscience peut être facile à provoquer surtout si on ne choisis pas les très bons étudiants pour occuper la fonction du tuteur, puisque ces étudiants brillants possèdent à l'avance une estime de soi, et une flexibilité dans la prise de parole, de même, ils sont déjà conscients de leurs compétences académiques. D'où, il est fort probable que ces étudiants n'aperçoivent même pas cet effet. Alors, qu'il peut être facile à repérer chez ceux ayant des résultats et des capacités scolaires qualifiées comme « moyennes », vu qu'ils vont se situer à un niveau proche de celui des tutorés, il leur serait donc facile d'identifier les difficultés auxquelles ces apprenants sont confrontés, puisque généralement, ils ont vécu les mêmes, d'où la recherche des solutions adéquates va être complaisante et elle va demander que ces étudiants réinvestissent d'une manière audible pour les rendre accessibles aux apprenants. La totalité de ce processus amène le tuteur à progresser positivement : l'effet-tuteur. En somme et malgré son importance, cet effet-tuteur réside un phénomène complexe et peu documenté pour plusieurs raisons, tel que l'insuffisance statistique, le manque des données et la difficulté à cerner les profils et les différentes caractéristiques des tuteurs etc...

3-5 Le tutoré :

Selon le philosophe et le pédagogue Antoine de la Granderie, le dialogue pédagogique se centre sur l'emploi des élèves des différents moyens visant la réalisation dans les tâches d'apprentissage. Ce dialogue pédagogique insiste donc sur l'importance de l'activité de l'apprenant au niveau des dispositifs éducatifs. A la base de ce concept et dans le cadre du tutorat universitaire, une place primordiale est accordée au tutoré, dont la mesure où « l'idée de placer l'étudiant au coeur du processus d'apprentissage est venue contredire un modèle

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académique tourné vers la primauté des savoirs universitaires » (Annoot, 2012, p.25). Donc, au sein de ce dispositif, le tutoré, est l'élément autour duquel gravite toute la programmation du tutorat. Il doit faire preuve de motivation pour qu'il arrive à construire son projet de formation, « il doit également tendre vers l'autonomie, être susceptible et capable de se réorienter, d'opérer des choix. Plus tard, il pourra être tuteur manifestant ainsi son engagement dans la vie universitaire » (Alberti et Laterrasse, 2002, p.104-105). On peut donc avancer que l'intérêt porté au tutoré lui concerne en tant qu'étudiant soucieux de réussir son parcours académique et aussi en tant que futur tuteur capable d'aider d'autres personnes à la base de son expérience.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault