Conclusion du chapitre 1
Au niveau de ce premier chapitre, on a centré
l'attention sur le contexte universitaire, tout en traitant divers concepts qui
se rapporte à ce dernier, à savoir, le contexte universitaire au
Maroc, le Français Sur Objectifs universitaires, la didactique du
français, la compétence scripturale etc...
La référence à ces éléments
relatifs au domaine de l'écrit au niveau de ce chapitre, est pour
accentuer davantage son importance au niveau de l'enseignement
supérieur. Alors, on peut déduire qu'aujourd'hui, et à
première vue, l'écrit semble occuper une place très
limitée dans les nouvelles approches du monde actuel appuyées sur
le développement des technologies et des moyens de communication, et
dominées par l'oral (téléphone, télévision,
radio...). Cependant, cette révolution technologique a favorisé
l'écrit également (chat, sms, internet...). Donc malgré
tout, la communication écrite reste sans doute la plus efficace. Et
enseigner l'écriture aujourd'hui demeure un besoin indispensable
centré au coeur des recherches sur la littéracie.
20
CHAPITRE 2 : LA PROBLEMATIQUE DE LA LITTERACIE ET LA
LITTERACIE UNIVERSITAIRE.
L'entrée ultérieure dans l'enseignement
supérieur exige une préparation spécifique surtout en
matière de l'écrit. Cet écrit académique fait appel
à plusieurs constituantes langagières (disciplinaires,
discursives, méthodologiques, linguistiques) résumées sous
l'appellation de « littéracie ».
En fait, chaque année, un certain nombre de bacheliers
marocains quittent le lycée pour aller à l'université.
Pourtant, nombreux sont les élèves qui décrochent, car ils
se sentent incapables de s'adapter à ce nouveau monde. Ce
problème d'acculturation dans l'enseignement supérieur est
principalement dû à l'absence de la littéracie
universitaire et particulièrement à la non-maitrise de la langue
écrite, qui nécessitent un accompagnement et un suivi
approprié.
Entre les diverses nominations françaises qui
désignent la capacité à traiter l'information
écrite, tels que (lettrure, littérisme, alphabétisme,
culture écrite ou de l'écrit, maitrise de l'écrit, rapport
à l'écrit), c'est « la littéracie »,
employée à l'échelle internationale, qui domine d'une
façon triomphante les contextes francophones, dans la proportion
où, elle est connue de nos jours, comme un atout essentiel dans le
fonctionnement de la vie.
Depuis bientôt une décennie, la notion de la
littéracie a possédé l'éloge et le mérite
d'être traitée dans l'enseignement supérieur, à
travers les différents éléments de base de la langue
française, (la lecture, l'écriture et la communication orale).
Elle est donc considérée comme un concept large et
multidimensionnel, qui ne cesse d'être l'objet de nombreuses discussions
fertiles au niveau des recherches scientifiques. Son importance dans le
quotidien des hommes est expliquée davantage par la multiplicité
d'activités qui reposent sur la capacité d'écrire et de
lire.
Les compétences littéraciques sont
présentes dans toutes les sphères de l'activité humaine.
De l'enfance à l'âge adulte, tout individu devrait progresser,
développer et maintenir un niveau de littéracie afin de vivre et
communiquer en société. Et dans l'intention d'acquérir ces
compétences, il s'avère nécessaire de déterminer
«les besoins que produit une société donnée dans les
domaines de la lecture et de l'écriture, et leur maitrise »
(Rispail, 2011, p. 02).
Ce présent chapitre exposera donc les concepts phares
de notre travail de recherche, la littéracie et la littéracie
universitaire, à travers un ensemble de définitions originales
permettant d'apporter plus de précision à ces notions.
21
1- La littéracie.
1-1 L'histoire de la littéracie :
Les situations de production et de réception de
l'écrit ont été interrogées par divers champ de
recherche, vu qu'elles sont considérées comme un
élément central de l'univers supérieur qui n'a pas
été affaibli par les conditions de temporalité.
D'ailleurs, les recherches autour de cette problématique sont connues
sous l'appellation des « littéracies », orientées
essentiellement vers l'usage de l'écrit.
La notion de littéracie est née d'un
débat concernant les capacités de lire et d'écrire, et
comme la plupart des notions scientifiques, elle n'a pas été
affranchie des contradictions entre les différents groupes de
chercheurs.
Stevenson en 2010, a signalé que « la
littéracie » est un terme qui découle
étymologiquement du latin « litteratus », un adjectif qui
désigne une personne éclairée et cultivée, ou qui
fait référence au clerc, le distinguant du laïc. D'ailleurs,
ce sont les racines latines du mot qui ont accentué que l'opposition
litteratus/illeteratus, n'est pas synonyme d'une personne savante et d'une
autre populaire, mais elle renvoyait plutôt aux classes sociales
prédominantes de cette époque. Alors, il est visible que ce sont
les bases étymologiques du terme « littéracie », qui
ont donné place à l'émergence d'autres mots tels que :
(litterate : instruit, cultivé, qui sait lire et écrire), puis
illiterate, literacy et illeteracy, présentés d'une
manière attestée dans les dictionnaires anglais du
19èmesiècle.
« Le mot « littéracie » est apparu pour
la première fois en Angleterre, en 1883, au niveau du « Chambers
Dictionnary » dans un contexte de lutte contre l'analphabétisme
» (Fraenkel et Mbodj, 2010, p.9). Son apparition dans le contexte
anglophone, était au début pour faire référence, au
statut social et aux connaissances mises en oeuvre dans divers situations,
avant de devenir par la suite limitée aux pratiques du lire et
d'écrire dans un cadre éducatif. Le terme sera employé
ensuite dans la même année, au sein du « New England Journal
of Education » (Jaffré, 2004, p.24).
En 1957, l'anthropologue Richard Hoggart a effectué une
étude qui a traité le mode de vie des ouvriers britanniques dans
le Nord-Est industriel, pour montrer à tel point les capacités de
lecture de cette classe ouvrière étaient incompatibles avec les
attentes savantes de la tradition littéraire. Par la suite, en 1958,
c'est le médiéviste Herbert Grudmann qui a retracé la
construction du mot « literacy » pour souligner ses
étymologies et ses ambiguïtés.
Ensuite, dans le cadre des efforts institutionnels qui vise
l'introduction des programmes de développement et d'éducation,
L'UNESCO a diffusé le terme de littéracie dans les
années
22
1950-60. Elle a privilégié l'emploie de
l'expression « functionnal literacy » pour accentuer
l'efficacité des campagnes d'alphabétisation dans
l'intégration des adultes au sein de la société. On peut
donc déduire, que la littéracie a fait son avènement au
niveau des recherches en Angleterre et aux Etats unis durant les années
90.
Au Québec, le terme littéracie a fait sa
première apparition en 1985, au niveau de « la revue internationale
de psychologie appliquée » (Pierre, 2003, p.123). Son entrée
est une réponse aux demandes des organisations internationales comme
l'UNESCO et l'ONU qui considèrent cette compétence comme un droit
universel, et qui insistent sur son intégration dans une large
perspective socio-économique. Par la suite, elle a gagné du
terrain au niveau de grandes enquêtes, comme celle de (littératie,
économie et société, 1995), de statistique Canada et de
l'organisation de coopération et de développement
économique (l'OCDE), ou encore celle de PISA (2000-2015) (Hébert
et Lépine, 2013, p.29), chose qui a poussé les programmes
québécois à croire en l'importance « d'instruire, de
socialiser et de qualifier les élèves » (Hébert et
Lépine, 2013, p.29).
Au niveau francophone, le concept de « littéracie
» a gagné sa place au niveau des écrits scientifiques
à partir des années 90, ceci est dû au souci permanent de
toute société et qui reste bien évidemment la maitrise de
la langue écrite et sa mobilisation au sein de différents
contextes. La France n'a pas donc fait exception, et les débats autour
de « la littéracie » commencent à se multiplier.
Suite aux besoins des pays en termes de littéracie
exprimés dans divers réflexions, le courant des « literacy
studies » a trouvé largement sa place. Dans cette perspective,
plusieurs études principalement anglo-saxonnes en ethnographie et en
anthropologie ont été élaborées, surtout concernant
l'histoire de l'écriture, sa diffusion et son expansion, ses pratiques,
ses usages, ses modes de fonctionnement également, comme titre d'exemple
on site les travaux de Goody et Watt (1963), et surtout ont fait
référence à ceux de Goody (1979) qualifiés comme
étant les plus célèbres, ou encore ceux de Baso (1974), de
Swed (1981), de Heath (1983). Suivis en outre par d'autres recherches, cette
fois-ci en psychologie, comme les travaux des chercheurs Scribner et Cole
(1981), et ceux d'Olson en (1996).
Concernant, ces recherches psychologiques, on fait allusion au
« practice of literacy », une conception selon laquelle la
connaissance de la technologie de l'écrit, et les savoir-faire
liés à cette dernière, ne sont pas assimilables à
l'avance, elles sont plutôt en relation avec des contextes d'usage et
d'apprentissage bien déterminés.
La pluralité de ces recherches et leurs recommandations
empiriques multiples ont poussé l'anthropologue Brian Street (1984)
à adopter une forme plurielle de littéracie, dans la
23
mesure où il trouve que, cette littéracie
acquise au sein d'un contexte ou d'une situation, peut être
réutilisée dans une autre, et chaque structure d'usage de
l'écrit est caractérisée comme étant une
littéracie, dont le plurielle, des littéracies.
Les études en cours de la tendance des « New
Literacy Studies » de 1980, vont se baser sur de nouveaux fondements
théoriques et méthodologiques, en cohérence avec les
travaux de Street (1993,1995). L'apport de cet auteur réside avant tout
dans son travail d'orientation méthodologique, fondé sur une
approche ethnographique (contextualisation des pratiques de l'écrit,
fondement culturel de l'autorité de l'écriture, organisation des
connaissances entre l'oral et l'écrit, description
détaillée des opérations d'écriture...). On arrive
donc à comprendre les propos de Fraenkel et Mbodj : « l'effort de
Street a consisté à proposer une synthèse de ces
différents apports, dans un cadre méthodologique où
l'enquête repose sur l'observation de « literacy events », au
sein desquels le repérage de régularité permet de
dégager des « literacy practices », pratiques de
l'écrit récurrentes ». (Fraenkel et Mbodj, 2010, p.14). Par
la suite, ce courant des NLS va connaitre un éveil fertile et une
activité enrichissante avec l'apparition de plusieurs types de la
littéracie, tel que les « academic literacies » (Ac Lit) ou
les littéracies universitaires.
En gros, l'évolution du concept de littéracie,
est fondamentalement liée à quatre courants majeurs basés
sur les écrits du 20éme siècle. Le premier
courant, est celui qui définit la notion de littéracie, par un
ensemble de compétences de lecture, d'écriture et de
compréhension orale, traitées indépendamment du contexte.
Le deuxième courant, était celui des années 1960 et 1970,
qui emploie pour la première fois premier l'expression «
littéracie fonctionnelle », pour parler d'une littéracie
appliquée, pratique et située, qui vise le développement
socio-économique.
Le troisième courant, est celui qui connait la
littéracie comme un processus d'apprentissage actif. Ce courant
reproduit l'influence des théories d'apprentissage
socioconstructivistes, et interroge l'apport des pratiques de groupe. Un
dernier courant est intégré au sein des théories sociales,
où la notion de littéracie est vue en tant que texte discours.
Cette optique interpelle les discours sociopolitiques diffusés dans les
écoles, les curricula et les programmes scolaires.
La notion de « la littéracie » possède
donc une histoire prolifique, marquée par la multiplicité des
débats et des théories et des domaines qui ont marqué son
parcours, d'où le fait qu'elle soit une source de confusions
réside normal.
1-2 La littéracie : essai de définitions
:
Entant que terme calqué sur le mot anglais «
literacy » et dont son orthographe équivoque fait encore
débat dans les recherches francophones qu'on va traiter par la suite,
allant
24
de litéracie (Jaffré, 2004) à
littératie (Raynal et Rieunier, 2010), jusqu'à littéracie
(Rispail, 2011), la notion désigne d'une manière
générale, l'insertion d'un champ d'investigation qui comprend des
termes comme lecture et écriture.
Dans un sens plus large et traditionnel, la littéracie
intègre le savoir-écrire et l'usage du langage écrit dans
la société. Cependant, cette définition plutôt
simpliste ne tient pas compte des compétences en communication orale, en
écriture, et en lecture indispensables pour le développement de
chaque apprenant dans la société du XXIème
siècle. La littéracie a donc une acception plus
déterminée, qui va au-delà des capacités de lire et
d'écrire. Elle comprend le développement de la pensée,
l'ouverture sur le monde et l'utilisation des technologies de l'information et
de la communication.
Dans cette perspective, le ministère de
l'éducation et du développement de la petite enfance
Canadien a proposé en 2014, une définition plus
prétentieuse pour la littératie :
La littératie se définit comme étant la
capacité de comprendre, d'interpréter, d'évaluer et
d'utiliser à bon escient l'information retrouvée dans diverses
situations et diverses messages, à l'écrit ou à l'oral,
pour communiquer et interagir efficacement en société ».
Cette définition semble stupéfiante car, elle s'écarte des
autres explications par sa négligence des termes « lire » et
« écrire », et son privilège pour les
compétences nécessaires à l'insertion sociale. En gros, on
peut retenir que la littéracie permet à l'apprenant de «
lire » le monde et « d'écrire » sa vie.
La littéracie, « désigne à la fois
un domaine d'étude recouvrant les différentes dimensions de
l'écrit et ses rapports avec l'oral, et un état aussi bien social
qu'individuel. (Régime Pierre, 1994, p.278).
La définition de Jaffré pour la
littéracie se centre essentiellement sur l'aspect socio-pragmatique de
l'action dans le contexte social. Il mentionne que la littéracie :
[...] désigne l'ensemble des activités humaines
qui impliquent l'usage de l'écriture, en réception et en
production. Elle met un ensemble de compétences de base, linguistique et
graphique, au service de pratiques, qu'elles soient techniques, cognitives,
sociales ou culturelles. (Jaffré, 2004, p.31).
A travers cette définition, on peut constater que la
notion de littéracie est très souvent définie en fonction
de l'écrit, pour faire référence à l'ensemble de
connaissances et d'habiletés permettant son acquisition.
Sous le vocable de littéracie, Vanhulle et Schilings
estiment que cette notion est « [...] une maitrise la plus large possible
de la langue écrite, en termes de réception et/ou production de
textes complexes, [...] de genres sociaux [...] ou de genres académiques
». (Vanhulle et Schilings, 2000, p.47), qui peut être enrichie par
une diversité de supports et une multiplicité de discours.
25
De sa part, Collès souligne que :
[...] les usages de l'écrit varient d'une
société à l'autre et les niveaux de littératie
attendus varient d'autant. Selon les chercheurs, comme les usages de
l'écrit et leurs fonctionnements varient sur l'axe spatiotemporel, il y
aurait autant de types de littéracie que de cultures et de
sous-cultures. (Collès, 2001, p.68).
Ces propos accentuent de la même manière
l'idée de Jezak, Painchaud, D'anglejan et Témisjian (1995), qui
consiste au fait que la compétence langagière est dynamique dont
la mesure où, elle varie dans le temps et dans l'espace, en fonction des
individus et des contextes socioculturels.
Pour parler des réflexions contemporaines
consacrées à l'écrit, et à la littéracie, il
est important de mentionner les théories de l'anthropologue britannique
Jack Goody (1915-2015), développées dans son ouvrage « la
raison graphique » en (1979). En fait, les répercussions de Goody
ont traité la notion de littéracie comme « la relation
lecture-écriture ; - l'incarnation au travers de pratiques et
d'institutions ; - la fonctionnalité pour l'individu et la
société ; - le continuum de son apprentissage et de sa maitrise
» (Reuter, 2006, p.132). On peut retenir que, les travaux de Goody ont
défini la littéracie non seulement comme un simple
équivalent de l'écrit, mais plutôt comme un système
symbolique, institutionnel et matériel.
Dans les systèmes éducatifs et sociaux
contemporains, la littéracie et l'alphabétisation sont souvent
confondus, cependant leurs définitions montrent un certain écart,
dans la mesure où la première est définie comme
étant une « habileté ou [une] compétence dans
l'utilisation du code écrit », ou « comme étant
l'« enseignement ou [l'] apprentissage de base du code écrit
(lecture, écriture, calcul » (Legendre, 2005, p.41). Cette
définition montre clairement l'aspect restreint de
l'alphabétisation et celui large de la littéracie qui ne se
limite pas seulement à la connaissance de l'écrit, mais qui la
dépasse à tout ce qui est culturel et social.
Ensuite et selon la conception de Rispail « la
littéracie est contrairement à l'illetrisme, désigne la
possession et non-pas l'absence de compétences de lecture,
d'écriture, de calcul, et ce, sur un continuum permettant de s'adapter
à toute situation de vie » (2011). Dans la même veine, le
conseil canadien sur l'apprentissage (CCA), montre que :
La littératie va au-delà de la capacité
de lire et d'écrire. Pour réussir sur les plans économique
et social, un adulte doit avoir la capacité d'analyse l'information, de
comprendre des concepts abstraits et d'acquérir de nombreuses autres
compétences complexes. (2011, p .1).
On peut donc avancer que le point qui attire l'attention de
plusieurs chercheurs pour s'intéresser à la littéracie est
celui relatif au développement intégral de la personne, les
spécialistes voient que la littéracie pointe cet aspect
contrairement au savoir lire-écrire basique.
26
Dans le cas de la didactique des langues,
La littéracie peut avoir une réelle valeur
heuristique permettant l'établissement de relations plus étroites
entre les dimensions culturelles et cognitives dans les actes de lire et
d'écrire, en distinguant davantage la scripturalité et la
textualité, en faisant ressortir les dichotomies entre la culture de
l'écrit et la culture de l'oral, et finalement, en tissant des liens
entre les pratiques scolaires et extrascolaires familiales et sociales.
(Barré-De-Miniac, 2003 ; Cuq, 2003, p. 158),
Cette définition, met donc en exergue les origines
étymologiques du terme qui insistent sur la nécessité de
maitriser l'écrit sous ses multiples perspectives sociales. Alors, la
littéracie faisant allusion aux attitudes, aux relations sociales, aux
sentiments et aux valeurs, n'est pas liée uniquement aux individus, elle
concerne également les communautés et leur aspect
socioculturel.
La littéracie est une notion souvent connue par son
aspect changeant, fortement souligné dans la définition de
Russbach : la littéracie est «un processus en perpétuelle
transformation et en constante redéfinition que comme un ensemble de
compétences » (Russbach, 2016, p. 97). Donc, comme étant une
notion contextualisée, la littéracie permet la lecture,
l'écriture, la discussion et la pensée critique. Elle offre
l'opportunité de partager des informations, d'interagir avec autrui.
Elle dépasse donc le simple« savoir lire et écrire »,
et elle fait appel à plusieurs événements, comme la
lecture des cartes et des indications et d'autres situations qui n'ont pas
toujours une visée éducative, d'où la
référence à la « literacy events ». L'attention
accordée par la littéracie à ce genre de situations est
lié au fait que, l'individu est toujours en apprentissage et pas
uniquement dans un cadre strictement scolaire : la littéracie est «
[...] comme un ensemble évolutif de compétences, de connaissances
et de stratégies qu'une personne met en oeuvre tout au long de sa vie
dans divers contextes ...» ( Kirsch, 2005, p.11). La littéracie une
notion continuiste qui s'intéresse au développement
intégral de l'être humain, prend un chemin plurivoque qui admet en
général deux grandes définitions : une approximative, et
l'autre minimaliste.
1-3 Les caractéristiques de la littéracie
:
Le traitement des différentes définitions
proposées pour la notion de littéracie nous a permis de
dégager les principales caractéristiques qui créent la
particularité de ce concept. La littéracie est donc :
l
27
Historiquement située
l Contextualisée dans le temps et dans l'espace : elle
ne s'agit pas d'un concept théorique pur, mais d'un ensemble de contenus
intimement liés au contexte social. Par exemple, les besoins
littéraciques varient si on est jeune ou âgé, citadin ou
bien rural, américain ou africain, selon le métier exercée
et le domaine de spécialité etc...
l Complexe : d'où la nécessité de
mobiliser un éventail de compétences et de ressources, qui se
rapportent à l'individu et à son environnement.
l Liée à l'écrit : au niveau de la
littéracie, l'écrit est la forme privilégiée vu la
présence de plusieurs graphies structurées par les institutions
sociales.
l Variable, dynamique et renouvelée : dans la mesure
où, elle est une démarche d'apprentissage à vie qui
évolue en fonction d'âge, et qui se renouvèle pour
être adaptable aux besoins individuels et sociétaux.
l Interactive : une interactivité entre plusieurs
éléments, à savoir : l'individu et la
société, l'individu et son environnement, l'écrit et
l'orale... Cette interactivité rappelle éventuellement la
complexité de la notion ainsi que sa variabilité contextuelle.
l Multidimensionnelle : elle montre la fusion entre le
cognitif, l'affectif, le linguistique, le social et le culturel.
l Pluri-objectifs et interdisciplinaire : qui renvoie aux
différents contextes (personnels, professionnels, socioculturels)
liés à l'appropriation de l'écrit.
l Emancipatrice, progressiste et humaniste : qui vise le
développement exhaustif de l'individu.
l Réelle et authentique : vu qu'elle propose des
tâches extrascolaires et scolaires originales et inédites.
1-4 Les dimensions de la littéracie :
Trois dimensions de la littéracie ont
été exposées avec clarté dans l'enseignement et
l'apprentissage :
D'emblée, les dimensions culturelles : qui
font référence à un ensemble de représentations, de
capacités, et d'institutions sociales relatives à la culture de
l'écrit au sein d'une société littéracique.
28
Ensuite, les dimensions de l'agir de l'activité de
lire et d'écrire : au niveau desquelles le savoir lire et
écrire n'est pas le résultat d'une étatisation impulsive,
il dépend pourtant de plusieurs activités d'appropriation et de
diverses situations de résolutions des problèmes. Cette dimension
consiste à rendre le scripteur capable d'écrire, de
contrôler et d'aménager le processus de son l'écriture.
Enfin, les dimensions de structuration de la langue
écrite : considérablement développées par
Helmut Feilke, elles englobent la capacité de transcrire en
caractères un message, l'habileté de construire phonologiquement,
morphologiquement, syntaxiquement une représentation de la langue
écrite, et enfin la compétence de connaitre les contraintes
stylistiques, grammaticales et fonctionnels d'un texte.
1-5 Les types de littéracies :
Avant de se pencher sur la littéracie universitaire,
le sujet central de notre travail de recherche, il est appréciable de
faire le tour des horizons concernant les différents types de
littéracie pour accentuer davantage son pluralisme.
La littéracie numérique :
Se voit comme la capacité d'un individu à
participer d'une manière crédule au niveau d'une
société, qui recourt aux différentes évolutions
technologiques et numériques de communication.
La littéracie financière :
Correspond au fait de posséder les habiletés
nécessaires permettant la prise des décisions
éclairées concernant les ressources financières. Elle
englobe l'éducation économique, budgétaire et
financière, et elle touche des actions de gagner, dépenser,
gérer, économiser, investir et fructifier.
La littéracie médiatique :
Est une notion qui renvoie à la juxtaposition de deux
grands concepts : « littéracie et médias ». Selon la
commission européennes, la littéracie médiatique est la
capacité à accéder aux médias, à comprendre
ces différents aspects.
La littéracie médiatique multimodale :
(LMM)
Elle comporte les compétences liées au
décryptement, à l'analyse et à l'évaluation de
divers médias, imprimées et électroniques.
29
La littéracie en santé :
L'organisation mondiale de la santé définie ce
type de littéracie, comme étant l'ensemble des « aptitudes
cognitives et sociales qui déterminent la motivation et la
capacité des individus à obtenir, comprendre et utiliser des
informations d'une façon qui favorise et maintienne une bonne
santé » (Glossaire de la promotion de la santé,
Genève, 1998).
La littéracie disciplinaire :
Les étudiants devraient développer
graduellement leur habileté à lire, et à écrire
pour qu'elles soient commodes avec leur discipline. Ils doivent donc comprendre
la façon d'adapter le lire-écrire selon le domaine ou la
spécialité.
La littéracie précoce :
Les premières compétences en littéracie
précoce se font donc avant l'école élémentaire et
correspondent au traitement de l'écriture.
2- Les principaux débats autour de la
littéracie : l'orthographe et la classification du terme
L'orthographe francisée non-stabilisée de la
notion de littéracie apporte quelques nuances. En général,
l'orthographe poursuit une habitude anglo-saxonne, puisque Barton en 1994, et
même Jaffré en 2004, ont pu relever les premières
occurrences du terme dans un dictionnaire d'éducation anglais paru en
1924. De multiples hésitations concernant l'orthographe du mot ont
été repérées surtout, au niveau de la fin du terme,
ou bien au niveau de son utilisation au singulier ou au pluriel. L'orthographe
du terme, a pris particulièrement trois formes majeures : «
littéracie », une forme qui rappelle le lien avec « la
littérature », en démontrant l'emploi du « tt »,
comme dérivant de « lettre ». Le recours à cette
orthographe se trouve surtout dans les écrits de quelques chercheurs
contemporains tels que Barré-De-Miniac (2003) et Rispail (2011).
Ensuite, « Litéracie » une forme qui
préserve l'orthographe anglaise en remplaçant dans la variante
française le « cy », par le « cie ». Et puis, «
littératie » une forme triomphante, généralement
employée dans les écrits du Canada francophone. C'est une
orthographe qui remplace le « c » final par un « t », tout
en gardant le double « tt » pour rappeler toujours le lien avec
« lettre ».
A travers les dérivations orthographiques
mentionnées on peut comprendre l'antagonisme qui entoure la traduction
du mot anglais « literacy ». Marquillo Larruy a fait
référence
30
également à ce point, dans la mesure où
il a avancé que « l'instabilité orthographique en
français de « literacy », n'est peut-être que signe
avant-coureur- néanmoins symptomatique des embarras de la migration en
francophonie de ce concept britannique » (2012, p.50-51).
Dr Latifa Kadi de l'université d'Annaba en
Algérie, a effectué une recherche sur le moteur Google concernant
l'utilisation de terme littéracie. Cette étude a donné
à lire pas moins de 124370 occurrences pour l'entrée «
littéracie » dans ses différentes variantes orthographiques
(littéracie, littératie, litéracie ou encore
litératie), 37700 pour « alphabétisme » et 11600 pour
« littérisme », et seulement 2190 pour « lettrure »
souvent utilisé dans les textes et les publications des
17ème et 18ème siècles. La recherche
était faite aussi sur le moteur de recherche Yahoo, au niveau duquel,
plus de 329400 résultats pour « littéracie ». En effet,
cette mésentente relative à l'orthographe du terme découle
de deux ordres : d'une part, étymologique, car il est question de savoir
lequel des emplois entre (-t) et (-tt-) est correct en français, et
d'autre part, dérivationnel, puisque le radical (lettr-) permettrait la
construction de plusieurs autres mots.
Autour de cette question d'orthographe, Jaffré a
écrit ironiquement :
Le choix d'une forme graphique qui obéisse aux
contraintes du français a fait l'objet de discussions diverses qui nous
semblent aller de la simple anecdote et refléter des attitudes plus
générales à l'égard de l'orthographe du
français. Certains auteurs choisissent en effet d'écrire
litéracie, ou littéracie. Que l'on se rassure, personne n'a
encore osé proposer lythérhesci ! (Jaffré, 2004, p.26).
Alors, le terme « littéracie »
représente la traduction, l'adaptation, ou encore l'équivalent
modifié du type calque du terme anglo-saxon « literacy » ou
« literacy », dont le premier s'oppose à l'oralité et
le deuxième renvoi de façon dérivationnelle à la
littérature.
Quoi qu'il en soit les orthographes proposées, nous
avons décidé d'adopter dans notre travail deux propositions,
à savoir « littéracie » et « littératie
», dans le but de garder la cohérence étymologique, et de
conserver le lien avec la forme anglaise d'origine. Admettons également
que les variantes graphiques ne changent pas grandes choses au niveau du
traitement du concept.
Il faut souligner également, que le débat
autour de « la littéracie » ne s'est limité pas
seulement aux formes graphiques du mot, il a touché aussi la
classification du terme, soit en tant que concept avec des dimensions
précises et bien déterminés, ou bien comme notion
multidimensionnelle, contextualisée et qui évolue dans le temps.
Comme il a concerné également, la dérivation du mot, dans
la mesure où, Hebert et Lépine (2013), soulignent que les
écrits interpellent le mot « littéracique » comme
adjectif qualifiant des pratiques, des
31
apprentissages et des compétences. Et d'autres comme
Goody optent pour un terme rarement utilisé : «
littéractienne » (1968, 2006, p.60), un terme rarement
utilisé afin de distinguer entre la société
littératienne et celle non-littératienne. D'ailleurs, ce sont ces
orthographes confondues qui rendent la littéracie une notion de plus en
plus délicate.
3- L'importance de la littéracie. 3-1 l'objectif
de la littéracie :
Les productions écrites forment « un espace
communicatif institutionnel (universitaire) en répandant à des
écrits injonctifs (les consignes d'examens) explicites (pas toujours
explicitées) » (Mangiante et Parpette, 2011, p.129). Devant
l'ampleur des exercices demandés au supérieur, la
littéracie cherche à doter les étudiants d'un arsenal de
compétences permettant l'accomplissement de l'ensemble des tâches
proposées.
Les pratiques littéraciques fixent comme objectif
central, la formation d'un citoyen responsable, autonome et indépendant,
habile de se développer et d'utiliser ce qui a appris dans sa vie
professionnelle et personnelle. L'espace conceptuel de la littéracie
vise également « le développement de compétences
transférables à des genres différents » (Frier, 2015,
p.38). Il insiste aussi sur la nécessité d'étudier des
champs de recherches peu documentés, comme les pratiques hors
école, les liens entre l'éducation formelle et informelle, entre
les apprentissages guidés et non-guidés etc...La notion de
littéracie, tente alors de comprendre la complexité des pratiques
d'écrit et d'appréhender la manière comment les
différents usages de l'écrit s'articulent.
3-2 les atouts majeurs de la
littéracie:
En effet, miser sur la littéracie permet :
l L'acquisition des compétences essentielles à
l'apprentissage durant la vie, par le biais d'un engagement de tous les
partenaires.
l La construction d'un registre de connaissances
littéraciques à la base d'une variété de techniques
et de ressources.
l La capacité de penser, de s'exprimer et de
réfléchir.
l Le potentiel d'être amateur d'une pensée
créative et critique, capable d'agir, de réagir, de remettre en
question, et de prendre des décisions.
l
32
La découverte novatrice permettant la participation aux
diverses activités sociales.
l Le développement des compétences orales, et
leur mobilisation de manière adéquate à travers les
différents constituants langagiers.
l Le perfectionnement de l'habileté de création
et de partage des textes.
l L'instauration d'une métacognition qui vise
l'implication des étudiants dans la gestion du progrès de leur
expression de pensée.
l La proposition des occasions d'apprentissage et des
discussions constructives qui captivent les étudiants.
3-3 la place accordée à la
littéracie:
Après beaucoup d'efforts et de tentatives, et
même avec son arrivée tardive, la littéracie a pu fortement
gagner une place notable au sein des sciences de l'homme et des
sociétés, allant de l'anthropologie, à la philosophie,
jusqu'à la psychologie. La littéracie occupe donc une place
primordiale dans la recherche en éducation et dans l'enseignement, son
statut important se montre de plus en plus à travers le nombre
avantageux des recherches qui la traitent. Certes, sa position est actuellement
remarquable, mais, elle reste tout de même un défi de taille, qui
nécessite l'intégration de tous les intervenants et la
concertation sérieuse de leurs efforts.
4- Les éléments favorisant la mise en
place des compétences littéraciques. 4-1 Concevoir un
environnement adopté à l'apprentissage de la littéracie
:
Avec le grand changement qu'a connu le monde au cours des
trois dernières décennies et avec la rapidité dont il va
continuer à se transformer davantage dans les années à
venir, le milieu d'apprentissage de la littéracie doit répondre
à plusieurs revendications liées au XXIème.
Le milieu du travail propice pour l'apprentissage de la
littéracie, se forme à la base d'un effort collaboratif entre les
enseignants, les Co créateurs majeurs et leurs étudiants. Au
niveau de ce milieu, les échanges et les interventions sont
valorisés, et les deux partenaires ont le droit de s'interroger, de
réfléchir, de chercher, de raisonner, et de partager des
idées et des points de vue par rapport à la discipline en
question. Ils construisent donc ensemble un environnement axé sur la
prise en compte des besoins, des intérêts, des
préférences et des forces.
33
D'ailleurs, cet environnement d'apprentissage doit être
comme le souligne (Cooper, 1997), un espace qui fait appel aux situations
réelles et concrètes pour doter les élèves d'une
solide maitrise des compétences littéraciques valable à
long terme.
On peut alors constater que, l'apprentissage de la
littéracie peut s'épanouir dans un milieu qui : - Exploite des
attitudes assurées, et qui met à profit des croyances
positives.
- Etablit des techniques convenables pour l'apprentissage
collaboratif, et qui conserve également l'opportunité
individuelle nécessaire pour que chaque voix soit entendue.
- Implique la Co construction d'un climat positif, favorable
pour l'expression des opinions, la prise de parole, l'innovation et la
créativité.
- Veille à ce que les valeurs et les cultures de
chaque étudiant soient représentées et prises en
compte.
- Donne accès à une gamme riche de ressources et
de moyens pédagogiques.
- Propose diverses façons de communication, de
réflexion et de documentation.
Tous ces éléments avancés dans le cadre
du milieu accommodant et bénéfique à l'apprentissage de la
littéracie, ne peuvent montrer leurs bienfaits qu'à travers un
programme adapté aux défis et aux attentes du public. Un
programme capable de fournir des expériences originales pour susciter
l'esprit critique des apprenants, et pour encourager leur participation.
4-2 L'enseignement efficace de la littéracie
:
La programmation efficace et puissante en matière de
littéracie commence avant tout, par le fait de connaitre l'importance de
cette notion dans le monde actuel. Ensuite, elle s'étale sur la
nécessité de connaitre les curriculums pédagogiques, les
méthodes et les pratiques permettant la mise en place d'un programme
complet et pertinent.
L'enseignement efficace de la littéracie nécessite
alors:
l L'établissement des liens clairs entre les
composantes essentielles de la littéracie (écriture, lecture et
oral).
l La mise en place d'une démarche formelle pour
développer la compétence écrite.
l La mobilisation des ressources nécessaires et du
matériel essentiel.
l
34
Le partage des expériences d'apprentissage
littéraciques, pour garantir l'engagement actif des étudiants.
l La sensibilisation à l'intérêt
d'être doté d'un savoir littéracique dans ce monde actuel
exigeant.
l La prise en considération des besoins, des
difficultés, et des diverses styles d'apprentissage des
étudiants.
l La création souple et flexible des groupes de
travail, permettant l'engagement réel des étudiants.
l L'étayage qui garantit la confiance et l'autonomie
des étudiants vis-à-vis des notions apprises.
l Le respect des différentes façons de penser,
d'agir et de saisir le sens, ainsi que leur incorporation au niveau de la
compréhension des concepts.
l Le développement d'une communauté
d'apprentissage centrée sur l'interaction et la communication.
l L'élargissement des partenariats communautaires
francophones qui soutiennent la réussite en matière de
littéracie.
l La prise au sérieux de l'identité de
l'apprenant et le non focalisation uniquement sur les connaissances du
maitre.
l L'évaluation juste, transparente et équitable
qui comprend une rétroaction axée sur des résultats
d'apprentissage, et sur la Co-construction.
l La participation des étudiants dans la mise en place
de l'évaluation. L'enseignement efficace en matière de
littéracie permet donc :
l La découverte des corrélations entre
l'écriture, la lecture et la communication orale.
l La participation active des étudiants et leurs
interventions concernant le développement de leur apprentissage.
l L'accès aux échanges et aux collaborations
avec autrui.
l La communication des idées et des pensées
d'une manière souveraine.
l
35
L'amplification d'un sentiment d'efficacité et de
production personnelle envers l'apprentissage.
4-3 L'évaluation de la littéracie
:
L'évaluation au service des apprentissages sert
à orienter l'enseignant et à améliorer l'assimilation des
apprenants.
De ce fait, l'évaluation des compétences
littéraciques comprend essentiellement :
- La planification d'une évaluation transparente qui
prend en considération les forces, les intérêts et les
besoins des apprenants.
- L'identification et le partage des résultats
d'apprentissage avec les étudiants. - Le recours à
l'évaluation pour guider les prochaines phases d'apprentissage.
- L'emploie des résultats de cette évaluation
nécessairement pour mesurer le progrès des étudiants et
pour modifier la démarche suivie.
- L'orientation des étudiants vers les compétences
relatives à l'auto-évaluation.
- L'incitation des apprenants pour qu'ils appliquent leurs
compétences en matière de
littéracie.
- La mise en exergue du rendement des apprenants en
matière de littéracie dans différents contextes.
- L'utilisation des épreuves probantes
collectées pour fournir un jugement professionnel sur la qualité
de l'apprentissage.
Dans cette perspective, on peut dire sous-titre d'exemple que
les éléments littéraciques instaurés durant le
cursus académique ont été réussis et aboutis, si on
vérifie dans le projet de fin d'étude d'un étudiant de la
troisième année licence département du français ,
orienté vers un sujet quelconque, des aspects tels que : une
organisation appropriée de son discours ; une présentation claire
des concepts clés de son travail sans ambiguïté;
l'argumentation et l'illustration de ses propos ; le recours à une
communication intelligible etc...
36
4-4 la complexité de la littéracie
:
Les différentes caractéristiques et dimensions
déjà citées, démontrent éventuellement la
complexité de la notion de littéracie, et insistent sur la
nécessité de cerner ce concept et de l'opérationnaliser
davantage. Il est donc important de prendre en considération sa
multi-dimensionnalité, et d'éviter le simple traitement des
objectifs quantitatifs qui le rend une notion superficielle et futile.
Le terme littéracie reste donc ambigu, entre la
désignation des compétences ou des pratiques de lecture et
d'écriture, et entre l'expression littéracies universitaires qui
fait référence aux genres de discours particulièrement
liés et produits à l'université, comme on va
détailler davantage par la suite. En somme, le fait de se placer dans le
cadre des littéracies est synonyme d'accepter l'idée que les
pratiques d'écriture et de lecture sont enracinées dans des
contextes d'interaction sociale, et sont dépendantes de
l'activité du sujet (scripteur ou lecteur). L'importance de la dimension
sociale, fait référence directe au socioconstructivisme, qui
représente le cadre théorique sous-jacent de l'enseignement et
d'apprentissage de l'écrit dans le cadre des littéracies
universitaires. D'ailleurs, la complexité de la notion de
littéracie, ainsi que la difficulté de l'appréhender, sont
dues principalement au vaste ensemble de définitions données
à cette notion, ainsi qu'à son élasticité. La
complexité peut être également renvoyée aux nombreux
domaines qui affichent des préoccupations par rapport à la
littéracie, comme l'économie, la santé, la justice et le
numérique. De plus, la présence de différents contextes
(culturel, social, institutionnel), supports et outils peut aussi être
à l'origine de cette complexité.
Cette notion de littéracie complexe mais riche, est
donc une responsabilité partagée, qui réunit tous les
partenaires du monde d'enseignement et d'apprentissage : les étudiants,
les enseignants, les parents, les directeurs d'école, les
présidents des universités, ainsi que les conseillers
pédagogiques, les dirigeants du système éducatif et les
membres de la communauté. En définitive, on arrive à
comprendre que la migration du champ de la littéracie en didactique du
français, ainsi que sa portée heuristique traduisent
l'impossibilité de réduire le sens de cette notion pour garder
une seule acception, elle ne doit pas être restreinte à une
compétence, ni réduite à la sphère écrite.
Elle doit comporter l'ensemble des pratiques langagières perçues
dans un continuum et appuyées sur des outils et des supports en
évolution permanente. Au niveau de l'enseignement supérieur,
l'université devrait donc administrer des opportunités permettant
l'acquisition et le développement des compétences
littéraciques, vu que leur appropriation forme la condition capitale du
maintien des études universitaires.
37
5- La littéracie universitaire :
L'angle d'étude des littéracies universitaires,
présente de nos jours une large zone de discussion, qui traite les
problèmes des étudiants avec l'écriture à
l'université et surtout le souci de leur adaptation vis-à-vis de
cette compétence. La littéracie universitaire réside une
habileté à parfaire tout au long de la scolarisation obligatoire
et à l'université bien évidemment. Elle est un concept
récent, complexe et pluridisciplinaire qui vient de gagner du terrain
dans les publications scientifiques. Alors qu'est-ce que la littéracie
universitaire ? Et en quoi elle se distingue de la littéracie ?
5-1 la littéracie universitaire : tour d'horizons
:
Le traitement des pratiques scripturales à
l'université est un phénomène anxieux, situé au
coeur des recherches linguistiques et didactiques. Tout d'abord, « La
littératie universitaire constitue un champ de recherche suscitant de
plus en plus d'intérêt. Cela n'est pas sans raison, on constate
que les compétences qu'elle requiert sont parmi les plus
recherchées sur le marché du travail » (Beaudet, 2015,
p.99). Ensuite, « Les littéracies universitaires sont
considérées comme une discipline à part entière
autorisant la description des genres discursifs universitaires aussi bien
académiques, que de recherche des problèmes que ceux-ci peuvent
engendrer chez les étudiants suivant un parcours universitaire
».(Delcambre et Lahanier-Reuter, 2010, Delcambre, 2012, p.153-154), cette
définition accentue clairement la différence entre la
littéracie universitaire, les sciences du langage et la didactique des
langues. Certes, elles représentent ses ancrages théoriques, mais
avec des finalités différentes, dans la mesure où, la
littéracie universitaire vise le développement des connaissances
et des compétences relatives à la réussite universitaire
et liées surtout à l'appropriation de l'écrit.
A l'origine, le concept de littéracie universitaire,
est issu de « New literacy studies » développé au
Royaume-Uni, son apparition était basée sur une
méthodologie dite ethnologique, dans le but de mieux comprendre le
terrain universitaire, comme l'indique son nom « Academic literacy »
ou « littératie universitaire ». Ce mouvement de recherches va
se développer par la suite dans le contexte francophone, à partir
des années 2000: « c'est un champ de recherche relativement
exclusif en France, qui commence à se développer grâce
à des manifestations et publications scientifiques » (le colloque
à Villeneuve d'Ascq en 2010), et même à l'appui des travaux
de Pollet (2001, 2004) ; Delcambre et Lahanier-Reuter (2010,2012) ; Thyrion
(2011) ; Delcambre, Pollet (2014) ; et Messier (2016), au niveau desquelles,
l'écriture est vue comme
38
un outil d'apprentissage qui correspond à chaque
discipline, et qui nécessite une aide appropriée et un soutien
adéquat.
D'ailleurs, les raisons qui ont favorisé
l'émersion des littéracies universitaires à cette
époque sont surtout, les changements du paysage académique, le
nombre grandissant de la population étudiante, la diversité du
public étudiant, et l'arrivée des étudiants
immigrés ou issus des milieux sociaux défavorisés.
En effet, selon Delcambre et Lahanier-Reuter en 2010, la
littéracie universitaire peut être appréhendée selon
trois axes majeurs :
l Sociologique : puisqu'elle forme les étudiants à
utiliser les écrits utiles à leur profession.
l Cognitif : puisqu'elle actualise les déficits
langagiers.
l Didactique : puisqu'elle décrit les écrits
disciplinaires à l'université, et elle suggère des
dispositifs et des voies de remédiation.
En fait, la littéracie universitaire n'est pas une
compétence neutre que les étudiants doivent apprendre au
préalable avance, elle englobe aussi un ensemble complexe de pratiques
sociales auxquelles tous les membres de la communauté universitaire
devraient accorder une attention sérieuse. Donc les littéracies
universitaires « exigent une longue élaboration personnelle [...]
et sont le résultat d'une construction individuelle d'une confrontation
à une discipline à travers des objets, des méthodologies,
des corps de savoirs spécifiques » (Delcambre et Lahanier-Reuter,
2010, p. 12).
Alors, la littéracie universitaire traitée au
niveau des recherches didactiques, sociologiques et psychopédagogiques
principalement francophones réside un thème riche en questions
qui se rapportent aux pratiques d'écrit à l'université. La
richesse de ce concept se montre d'une part à travers, les
différents champs de recherche qui l'ont pris pour objet d'étude,
citant des travaux en Europe, en France, en Belgique, en Allemagne, en
Amérique et en Australie. Et d'autre part, grâce aux discours qui
l'ont traité, tels que « le second numéro de la revue
Pratique » (Delcambre et Lahanier-Reuter, 2012), réservé
spécialement aux pratiques langagières dans un lieu
institutionnel particulier : l'université, et, le numéro 58 de la
revue «communications » intitulé : l'écriture des
sciences de l'homme en 1994. Sans négliger également, le
dévoilement des publications fondatrices, comme celles qui
décrivent les écrits de recherche à partir d'un point de
vue linguistique et didactique (Dabène et Reuter, 1998), ou encore les
articles (Dion et Maldonado, 2013 ; Graves et Slomp, 2013) qui mentionnent
39
l'importance de développer des compétences comme
: l'efficacité dans la transmission du message, la qualité de la
présentation des idées, et la structuration du texte etc...
propres au milieu universitaire.
Donc, à l'université, les étudiants
doivent acquérir de nouvelles compétences littéraciques,
ils doivent également comprendre que le recours aux connaissances
acquises au secondaire est insuffisant, et que l'appropriation des normes
disciplinaires du supérieur et de la discipline choisie demeure
nécessaire. Ceci constitue donc un premier pas vers une réussite
académique et professionnelle, puisque la majorité des
diplômés universitaires se sont orientés vers des fonctions
qui nécessitent des rédactions fonctionnelles.
En définitive, dans un contexte précis tel que
l'université,
La littéracie couvre aujourd'hui un sens assez
spécifique, puisqu'on reconnait l'importance du rôle des pratiques
littéraciques dans une formation universitaire articulée autour
de dimensions socioculturelles, cognitives et affectives,
particulièrement déterminantes dans les processus d'acculturation
aux écrits universitaires. (Deshepper, 2010, p. 93).
5-2 Les besoins des étudiants et les aspects
propres à l'écriture en université :
Vers les années 90, des chercheurs et des linguistes
français et belges ont travaillé sur les différentes
lacunes et les multiples besoins des étudiants universitaires, surtout
du côté de l'écriture. Certains d'entre eux ont
traités dans leurs travaux les besoins linguistiques, tels que ceux de
Cavalla (2010), qui ont étudié les structures langagières
(présent atemporel ; effacement du sujet ; tournures nominales et
impersonnelles ; collocation). Ou bien ceux de Boch et Buson (2012),
axés sur les besoins orthographiques, grammaticaux, et de ponctuation.
Ou encore d'autres, qui ont été élaborés du
côté des besoins énonciatifs, sous-titre d'exemple ceux de
Rinck et Sitri (2012), qui évoquent principalement les problèmes
de cohésion textuelle, de positionnement énonciatif, et de
reformulation. Et finalement, on cite les études de Goes et Mangiante
(2010), autour des besoins cognitifs, et ceux de Dezutter (2015), concernant
les aspects métacognitifs comme la planification et la réflexion
etc...
Certes, les étudiants qui viennent d'intégrer
l'université ne sont pas illettrés, mais l'adaptation aux
écrits universitaires reste un défi linguistique, cognitif et
socioculturel majeur, relatif à l'incomplétude de la
compétence écrite. En général, les premiers
problèmes que rencontrent les étudiants universitaires entamant
leur parcours dans l'enseignement supérieur, sont principalement
liés à la production écrite. Ils concernent surtout les
questions linguistiques et morphosyntaxiques, les compétences cognitives
et méthodologiques, et la maitrise de langue
40
d'apprentissage. Plus des difficultés qui se rapportent
aux constructions textuelles, tel que la cohérence et la cohésion
du texte à produire, par exemple, du texte littéraire si on prend
le français comme discipline universitaire.
D'ailleurs, au début du cursus universitaire, un
étudiant novice face à une nouvelle situation d'écrit, va
faire appel automatiquement à des structures paralysées et
à des modèles figés qui découlent de sa
scolarité et qui sont implantés déjà dans sa
mémoire. Cet aspect flagrant était remarqué au niveau des
copies du test diagnostique qu'on a proposé pour les étudiants de
la première année département du français, afin de
cerner leurs difficultés avant la programmation de l'action tutorale. Le
résultat était alors une variété d'erreurs
récurrentes, essentiellement syntaxiques, grammaticales, phoniques,
morphologiques et morphosyntaxiques (Annexe 2), auxquelles s'ajoutent la
non-compréhension des consignes et des mots-clés du support. Ces
besoins répétés continuellement dans la plupart des copies
analysées, peuvent être référés à la
non-maitrise des fondements de base de l'écrit, à l'absence des
habiletés discursives, sémantiques et rhétoriques, et
à l'imagination limitée et non suffisante de
l'étudiant.
Dans le même ordre d'idée, la
compréhension du texte littéraire, rejoint la liste des
défis qui bloquent l'apprenant, vu que ce dernier n'a pas
été étudié convenablement au cycle secondaire. Ceci
rappelle en fait, l'observation du critique français Jean Peytar :
«si l'on pose que le texte littéraire est un produit relatif, ni
sacré, ni absolu, on est conduit à montrer le fonctionnement dans
l'évolution et la contradiction de la société ; si l'en
fait un objet de langage, singulier, certes, on est amené à
souligner ce qui dans le langage fonctionne littéralement » (1982,
p. 102). En effet, c'est jusqu'à l'université que commence une
réelle initiation au texte littéraire et poétique, qui
nécessitent un niveau psycholinguistique enrichie, un progrès
cognitif profond, des signifiés puissants et des changements scriptaux
et lecturaux positifs. Toutes ces compétences demandées sont
regroupées sous le vocable des littéracies universitaires.
Quant aux origines des besoins mentionnés, elles
peuvent être liées, au niveau socio-économique, au genre,
au dossier scolaire de l'étudiant, au choix de la filière,
à l'engagement dans les études, à la convention
institutionnelle, à l'équilibre entre le temps d'étude et
des loisirs, ainsi qu'à la méthodologie utilisée et sa
cohérence avec le programme académique de l'apprenant. Dans la
même veine ces difficultés exprimées sont liées
principalement à de nouvelles pratiques d'écriture, au niveau
desquelles existe un grand écart entre les conduites des apprenants et
les attentes des enseignants. Ces nouvelles pratiques d'écriture sont
souvent relatives à la découverte des genres discursifs nouveaux,
alors que, les conduites des
41
apprenants, et les attentes des enseignants, désignent
la rupture entre le secondaire et le supérieur marquée par
l'écart considéré entre les représentations des
étudiants, et celles des enseignants. A tous ces aspects peut s'ajouter
aussi, l'absence de préparation précoce des étudiants
vis-à-vis des règles d'écriture à
l'université, dans la mesure où
La connaissance et l'assimilation de ces règles de
production constituent une compétence à la fois culturelle et
méthodologique nécessaire aux étudiants tout au long de
leur parcours académique. Le non-respect de certaines règles ou
principes méthodologiques, qui peuvent doubler une fragilité
linguistique, est souvent source d'échecs. (Mangiante et Parpette, 2011,
p.123).
L'étudiant est donc appeler à maitriser les
dimensions qui entrent en jeu dans l'acte scriptural académique. Tout
d'abord, il faut qu'il perçoive l'enjeu de la communication
écrite (compétence linguistique, réception de
l'écrit), qui le mobilise dans la compréhension de l'écrit
(compétence méthodologique), pour acquérir un
positionnement discursive (compétence discursive), qui oriente vers
l'organisation des énoncés textuels (compétence
linguistique). Donc, il s'agit de tout un processus à respecter pour
acquérir la compétence écrite à
l'université.
5-3 Les différentes formes d'aide existantes pour
contribuer au développement des compétences littéraciques
:
La mise en place d'une démarche d'aide et de soutien,
de remédiation et d'outillage pour combler les lacunes des
étudiants universitaires réside importante. On peut trouver une
multiplicité de mesures de remédiation qui varient en fonction
des universités qui les proposes, sous-titre d'exemple, on peut trouver
: des cours de mise à niveau, des modules des techniques d'expression et
de communication, une autoformation en ligne ou bien à travers la
consultation des guides de rédaction, une aide ponctuelle dans un centre
d'aide en français écrit, un accompagnement individualisé
par les formateurs. Parmi les mouvements qui visent l'aide à
l'écrit au service de la réussite universitaire on cite :
Ceux du contexte anglo-saxon, tels que : Writing to learn
(Britton, 1970) ; Writing Across The Curriculum (WAC) ; Writing In the
Discipline (WID) (Bazerman, Little, Bethel, Chavkin, Fouquette et Garufis, 2005
; Russel, 2002) Etc... D'une façon plus détaillée,
l'ambition du mouvement (WAC) sous-titre d'exemple est d' « aider les
apprenants à mettre l'écrit au service de leurs apprentissages
» (Donahue, 2010), tandis que le (WID) vise l'acquisition des
écrits en fonction des disciplines, alors que les modules des techniques
d'expression et de communication offrent un enseignement constructif en
matière d'écriture.
42
Au niveau du monde francophone et au Québec où
l'écrit à l'université ne fait pas objet d'une formation
spécifique, quelques figures de remédiation s'accroitent dans des
universités, tel que, l'université du Québec en Outaouais,
dont se trouve, les programmes du premier cycle en formation à
l'enseignement (FRA 1353-littératie universitaire pour la formation
à l'enseignement), ou encore, le dispositif de formation en sciences de
l'éducation, à l'université de Laval (DID 7000-analyse et
écriture de texte de genre universitaire). Auxquelles s'ajoute le
programme du doctorat professionnel (DED 903-lire et écrire pour
mobiliser la recherche au profit de l'intervention) de l'université de
Sherbrooke, et le plan « réussir en licence »
développé depuis 2008 dans les universités
françaises.
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