II. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE SOCIO-RELIGIEUX
Nous entendons par vestiges coloniaux à usage
socioreligieux, l'ensemble des infrastructures témoignant de la
matérialisation de la prétendue "mission civilisatrice"
européenne en Afrique. Cette matérialisation sociale et
religieuse allait surtout dans le cadre de la colonisation psychologique. Nous
traiterons ici des structures comme l'hôpital de Dschang, des
écoles des filles, des garçons et des fils du Chef
etc.
1. L'hôpital de Dschang
Propriétaire : Etat du Cameroun
Exécutant : - première période : non
connue
-Deuxième période : entreprise « Mon
voisin »
1 Jean MarieTchinda, «
Grandeur, Décadence et renaissance d'une...p.48
2 Michel Simeu Kamdem, «
La ville de Dschang, Etude. P.25
3 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto.
4 Journal des débats
à l'ATCAM, séance du 1er Juin 1955, p.28.
5 Michel Simeu Kamdem, «
La ville de Dschang... p.28.
95
Année d'exécution : - première
période : 1927-1936
-Deuxième période : 1956
Deux bâtiments sur l'ensemble nous
intéressent principalement ici :
a) L'actuel "Accueil" qui représente la
première période (rez-de-chaussée)
b) L'actuel complexe à étage qui
représente la deuxième période Matériaux :
période : pierre, angles en béton, ciment, bois, tôle, fer,
vitre, carrelage.
1ere période : L'accueil actuel
Ce bâtiment de facture architecturale
essentiellement coloniale se caractérise par sa véranda et ses
arcades couvertes. Un imposant escalier d'entrée, la hauteur de la
fondation qui supporte le bâtiment proprement dit, les ouvertures larges
et hautes permettent une ventilation naturelle maximum, des plafonds hauts. Les
murs sont épais, les fenêtres vitrées. Tout ceci assure une
température interne, une luminosité naturelle maximum qui
tempère la profonde véranda couverte d'énormes poteaux
reliés entre eux par une balustrade en béton, soutenant à
équidistance une charpente en bois. Le toit en tôle est
réalisé en quatre pentes (style propre de l'époque
coloniale). L'intérieur des salles est spacieux. Ce bâtiment,
à l'observation, a connu de très infimes
réaménagements qui ne peuvent altérer son
authenticité.
Photo 30: Accueil de l'hôpital de Dschang : la
structure a été réhabilitée vers les
années 1930 (a g.) et maintenant (a d.)
Source:Archives privées R. Poundé, Dschang
Source:Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang
Cet accueil est d'une construction architecturale
imposante. Il présente les caractéristiques des types de
construction allemande avec des briques, des pentes de toit bruts, de portes et
fenêtres larges pour permettre une bonne ventilation, d'imposants
escaliers et des murs une grande épaisseur. Ce bâtiment est beau
parce qu'entretenu régulièrement.
96
2e période : corps du bâtiment : rez
+1
Le bâtiment tout en longueur, de forme
rectangulaire est, au niveau du rez-de-chaussée, divisé par une
avancée d'environ 10 m de longueur. Ceci fait qu'au niveau du rez de
chaussé, la face principale se présente sous la forme d'un (T).
Cette avancée servait de hall d'entrée, du côté du
secrétariat, du Cabinet de consultation du médecin-Chef et de
l'autre côté, le cabinet dentaire et autres services
administratifs1.
A l'étage comme au rez-de-chaussée, une
large véranda couverte entoure le bâtiment. Cette véranda
est protégée par une balustrade en béton qui relie les
poteaux cubiques qui partent du sol, soutiennent la dalle puis la
charpente.
Photo 31: Bâtiment de l'hôpital de Dschang
inauguré par Ahmadou Ahidjo en
1957
Source : Archives privées R. Poundé,
Dschang Source :Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang
Ce bâtiment, situé derrière
l'accueil de l'hôpital a été inauguré par le
Vice-Premier ministre Ahmadou Ahidjo en 1957. Une des toutes premières
infrastructures inaugurée par le nouveau gouvernement
camerounais.
1 Entretien avec René
Poundé, le 12 février 2014 à son domicile
(Dschang)
97
Photo 32: Physionomie actuelle du bâtiment
inauguré par Ahmadou
Ahidjo
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Il est aujourd'hui bien entretenu et abrite le
secrétariat de l'hôpital, le service chirurgie et le pavillon
malade femme
Un large escalier relie le rez-de-chaussée
à l'étage. Cet étage est lui-même à son
arrière relié en terre au reste de l'hôpital par un
ponceau. Les plafonds sont hauts et les chambres et salles de consultation ou
de soins assez spacieuses. Les fenêtres sont hautes et larges, assurant
ainsi une excellente ventilation, une température quasi constante
quelque soit la saison et une excellente luminosité. La toiture est
à deux pentes, ce qui marque une nette évolution par rapport au
bâtiment d'accueil plus ancien.
Ici on constate que l'architecte et l'entreprise "Mon
voisin" n'ont pas, pour des raisons de rationalité et de formalisme,
négligé le rapport de l'oeuvre à son environnement
socioculturel. Faut-il voir en cela les répercussions des débats
qui secouèrent dès 1920 les milieux architecturaux en France et
qui vont s'accentuer, s'amplifier même pendant la période des "30
glorieuses" après la Deuxième Guerre Mondiale1 ou
l'expression des motifs d'urgente nécessité de logements,
d'équipements sociaux (sanitaire et éducatif) ? Le
fonctionnalisme triompha sur le formalisme.
1 Notons que pendant
l'entre-deux guerres, les problèmes de logements commençaient
à se poser et s'accentuèrent après la seconde guerre
mondiale parce qu'il y eut beaucoup de destructions liées à cette
guerre. Les services publics français ont opté pour des
bâtiments qui n'ont qu'un caractère fonctionnel et donc le
côté esthétique n'est pas mis en exergue.
98
En plus du bâtiment d'accueil, il y a d'autres
bâtiments allemands à l'intérieur de l'hôpital
à l'instar du pavillon hommes, du laboratoire et du sanatorium ou la
salle d'isolement et la morgue1.
Poste médical installé par les
Allemands, rasé par les forces coalisées anglo-françaises
lors de la conquête de Dschang à l'exception de son
soubassement2, il sera reconstruit par les Français entre
1921 et 1936.
Ces dates (entre 1921 et 1936) coïncident avec la
période des grandes reconstructions de toutes les infrastructures qui
devaient être utiles à l'administration française. Deux
rapports datant de 1926 décrivent l'état d'avancement des travaux
du dispensaire de Dschang. Le premier, datant du premier trimestre 1926, fait
le constat suivant : « ont été achevés la
maçonnerie du dispensaire, du bâtiment des accouchés et du
pavillon indigène, ayant exigé la mise en oeuvre de
120m3 de maçonnerie de moellens et de 400000 briques
3». D' après le second rapport du 4e
trimestre de 1926, le dispensaire de l'hôpital de Dschang est
complètement achevé et sera mis en service dès le
début de l'année 19274.
La mission d'inspection du 17 janvier 1951 fait
remarquer que l'hôpital de Dschang est « une formation
appelée à devenir l'hôpital régional composée
de bâtiments très anciens et inaméliorables à
l'exception de deux petits pavillons formant le logement et du pavillon Jamot
(hospitalisés européens)5 »
En 1952, ce groupe de bâtiments sera
complété par un bloc sanitaire, un bloc
cuisine-réfectoire. C'est déjà un hôpital avec des
logements pour les principaux cadres (médecin, comptable
matières...). Il dispose alors d'une capacité de 135 lits et
compte 35 membres du personnel. Koutio Mathias se souvient encore avoir vu
en
1 Entretien avec Etienne
Gouné, le 02 Juin 2014 à son domicile à Foto
2 Idem
3 ARO Rapport à la
circonscription de Dschang, tableau n°7, voie de communication et
bâtiment, 1er trimestre 1926
4 ARO 1AC 74/0 rapport
trimestriel, 4e trimestre, tableau 7, 1926.
5 ARO Rapport de la mission
d'inspection du 17 janvier 1951
99
1953 le bâtiment à étage de
l'hôpital de Dschang en chantier en particulier la toiture qui
était en train d'être posée1.
En septembre 1955, le bâtiment de l'hôpital
est un ensemble qui comprend :
c. Au rez de chaussé, les services centraux,
le service médecine femmes et enfants et le service médecine
hommes.
d. A l'étage, le bloc
chirurgie-gynécologie
Les installations sanitaires, les peintures et la
vitrerie sont montés à 37 millions de francs par l'entreprise
Monod-Maroc à livrer en janvier 19562.
En 1956, le Fonds (français) d'Investissement
pour le Développement Economique et Social (FIDES) dote cet
hôpital d'un crédit de 52 millions de FCFA. L'entreprise
française "Monvoisin" sera chargée de réaliser le
bâtiment de rez+1 marquant la deuxième période. Sa
capacité est de 116 lits3. En 1957, l'on procède
à une restructuration et au réaménagement des anciens
bâtiments. La capacité totale de ce désormais hôpital
moderne est portée à 310 lits. Le Chef-lieu de la Région
est désormais doté d'un hôpital digne de ce nom qui, avant
d'être inauguré solennellement par Ahmadou Ahidjo, sera
placé sous l'autorité du Commandant militaire Rouergue. Il
rayonne sur la région bamiléké et même
au-delà. En effet, il était doté d'un bloc
opératoire, d'une maternité, d'un cabinet dentaire et d'une
équipe médicale de haut niveau.
Ce groupe de bâtiments, après quelques 10
à 15 ans d'abandon, a connu il y a quelques années, un
véritable regain de splendeur après son entretien, son
embellissement et celui de son environnement par les dirigeants de cette
infrastructure.
1 Entretien avec Mathias
Koutio le 17 Juin 2014 à son domicile à Paind ground
2 Direction des travaux
publics et des transports... p.182.
3 Document de la
Délégation Départementale du Ministère de
l'Urbanisme et de l'Habitat (MINUH) de la Menoua, Dschang, p.56
100
|