II. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE ECONOMIQUE
Les vestiges coloniaux à usage
économique sont ceux qui ont joué un rôle on ne peut plus
important dans la vie économique de la ville de Dschang pendant la
colonisation et même après les indépendances. L'objectif
étant d'assurer l'exploitation des populations indigènes à
travers le pillage de leurs ressources. Nous allons traiter ici tour à
tour de la régie de production d'électricité, de la
station quinquina, de l'Usine de café, etc.
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1. La régie de production
d'électricité
Selon le Grand Usuel Larousse, la régie est un
mode de gestion d'un service public, on en distingue deux types à savoir
la régie directe (assurée exclusivement par des agents
nommés par l'autorité) et la régie
intéressée (assurée par une personne physique ou morale
n'en supportant pas les risques mais intéressée au
résultat de l'exploitation)1. Traiter de la régie de
production d'électricité de Dschang revient à
décrire une chaine composée de trois éléments
essentiels à savoir le lac municipal donc le Musée des
civilisations du Cameroun a été construit sur ses berges, le
barrage de retenue d'eau situé derrière la prison de Dschang et
alimenté par le lac municipal et enfin la régie elle-même
située en contrebas en allant vers le marché "tsengfem". Cette
régie est l'installation à partir d'où l'énergie
électrique est distribuée dans la ville.
Photo 19: Barrage de retenue d'eau situé
derrière la prison de Dschang
![](Inventaire-de-quelques-vestiges-coloniaux-matriels-dans-la-ville-de-Dschang1907-195721.png)
Source : Archives privées R. Poundé,
Dschang Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014, Dschang
Ce barrage, tel que vu sur la photo n°2 ne sert
plus à rien et a donc été envahie par les herbes.
Certainement parce que les objets solides ont bouché les tuyaux qui
faisaient passer de l'eau sous le barrage et aussi parce que la turbine a
été enlevée.
Le lac municipal de Dschang est encadré par
deux axes routiers : la route principale Dschang-Bafoussam entièrement
bitumée et celle reliant Dschang à Fokoué encore en terre.
Il s'agit d'un lac artificiel dont l'utilisation et la gestion sont
1 Grand Usuel Larousse,
Dictionnaire encyclopédique, Paris, Larousse, Vol 5, p.6240.
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passées par plusieurs
étapes1. Ce lac se caractérise ainsi qu'il suit : Sa
superficie est estimée à 13.5 hectares, sa profondeur d'environ 5
m et son débit est évalué à environ 154 litres par
seconde2.
Il existait à Dschang un petit barrage remis en
état en 1940 et alimentant une turbine de 35 kW. Selon le rapport de
présentation (voir ce rapport en annexe n°8) relatif au
marché avec la société Meunier et Cie pour
l'exécution des travaux d'électrification de la ville de Dschang
signé par le Directeur des travaux publics et des transports le 14
décembre 1949, le projet d'électrification (construction d'une
centrale électrique et d'un réseau de distribution publique
d'électricité à Dschang) devait couter 33 322 974 franc
CFA imputable au budget spécial du plan3. Le barrage a connu
effectivement des aménagements en 1950 comme l'atteste cette
correspondance du Directeur des travaux publics datant du 19 juillet 1950 au
Préfet :
je vous remercie d'être intervenu près de
l'entreprise chargée de l'installation du réseau de distribution
électrique de Dschang. Les différents réseaux du
territoire étant du 110-220 v permettraient aux usagers de conserver
leurs installations ménagères...le plan général du
réseau date de deux ans. Il est nécessaire d'y ajouter le circuit
de basse tension qui desservira les nouveaux logements et le centre
d'éducation physique en construction4
Par arrêté n°124 du 28 janvier 1954,
l'exploitation de l'électricité de Dschang a été
confiée en régie directe au service des travaux publics ; alors
que le prix de revient du kilowatt se situait entre 9 et 10
francs5.
Selon le document de direction des travaux publics et
des transports6 de septembre 1955, les installations
réalisées cette année comprenaient une centrale
hydroélectrique sous 68 m de chute, équipée de deux
turbines de 165 KVA chacune, dont 260 kw de puissance totale installée
et un réseau de distribution constitué par :
1 Julien Etoundi Elomo,
« le bassin-versant du lac municipal de Dschang : atouts et contraintes
d'aménagement touristique », Mémoire DIPES II en
Géographie, ENS Yaoundé, 2001, p 56.
2 Ibid. p.56.
3Archives de la
préfecture de Dschang
4 AC 266/0, préfecture
de Dschang, correspondance du 19 juillet 1950
5 Direction des travaux
publics et des transports, tour d'horizon travaux publics, septembre 1955,
p.102.
6 Ibid. p.102.
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- Réseau haute tension....3.5 km - Réseau
basse tension....8.5 km - Trois postes de transformation
p
Photo 20: Régie de production
d'électricité
![](Inventaire-de-quelques-vestiges-coloniaux-matriels-dans-la-ville-de-Dschang1907-195722.png)
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
Les installations et des poteaux électriques qui
sont tout autour de ce bâtiment témoignent de son rôle
actuel dans la distribution de l'énergie électrique à
Dschang.
Cette centrale ne fonctionnait pas sans
difficultés, un certain nombre de problèmes techniques se
posaient notamment au niveau de la distribution et à celui de la
production.
Au niveau de la distribution, la puissance de
distribution avait atteint 100 kw et risquait de croître rapidement avec
l'extension du réseau, d'une part sur la route de N'kongsamba ; et
d'autre part vers la mission catholique.
Quant à la production, le même
document1 affirme que par suite d'une sécheresse
prolongée en février-mars dernier, la "Dschang water" alimentant
la centrale, en a fait un débit d'étiage (110 litres par seconde)
inférieur à celui ayant servi de base aux études (120
litres par seconde).
Le lac municipal de Dschang aurait été
crée en 1953 par la "compagnie française
d'électricité" pour pallier à ce problème. Il
était alors destiné à la production de l'énergie
hydroélectrique pouvant alimenter la ville. Au départ, seul un
petit
1 Direction des travaux
publics et des transports... p.102.
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barrage situé plus en bas faisait tourner deux
turbines produisant ainsi l'énergie électrique pour la mini
centrale de Dschang.
L'exercice 1954 qui ne portait que sur les onze
derniers mois avait permis d'enregistrer les résultats suivants
:
Energie produite : 139 941 kwh
Energie vendue : 103 102 kwh
Rendement du réseau : 73.5%
Puissance maximale de pointe : 82 kwh
Le compte d'exploitation était
arrêté à 4 853 452 francs en recettes et 4
921924
francs en dépenses1 ; soit un
déficit de 68 472 francs.
On constate que la quantité d'énergie
vendue est inférieure à celle produite parce que certaines
structures publiques ne payaient pas ou payaient moins cher leur consommation
à l'instar du Centre Climatique, du Centre d'Education
Physique...2
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