DEUXIEME CHAPITRE:
INVENTAIRE DE QUELQUES VESTIGES COLONIAUX A USAGE
POLITICO -ADMINISTRATIF ET ECONOMIQUE DANS LA VILLE DE DSCHANG
Introduction
Les infrastructures coloniales ont été
l'oeuvre commune des administrateurs coloniaux et des populations locales,
chaque partie ayant joué un rôle particulier dans leur
réalisation. L'utilisation de ces constructions était pourtant
prioritairement réservée aux Européens. Surtout quand on
les regarde sous l'angle des services que devaient offrir celles-ci. C'est
progressivement que les indigènes (surtout au lendemain des
années 1960) vont aussi bénéficier des bienfaits de ces
constructions qui sont aussi nombreuses que diverses. Les vestiges coloniaux
à caractère économique et politico-administratif
pourraient être les plus importants si l'on se réfère aux
motivations même qui soutendaient l'entreprise coloniale.
La question à laquelle nous allons
répondre dans ce chapitre est la suivante : Quels sont les vestiges
coloniaux à usage politique, administratif et économique encore
visibles de nos jours dans la ville de Dschang ?
Pour y parvenir, nous allons les regrouper en deux
rubriques à savoir les vestiges coloniaux à usage
politico-administratif et les vestiges coloniaux à caractère
économique. L'objectif ici étant de faire une description et un
aperçu historique de chaque infrastructure.
2 ARO 1A83/0 Dschang
(préfecture), plan de construction de la préfecture de
Dschang
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I. LES VESTIGES COLONIAUX A USAGE
POLITICO-ADMINISTRATIF
Nous entendons par vestiges coloniaux à usage
politico-administratif, l'ensemble des constructions faites sous l'instigation
des administrateurs coloniaux et qui devaient permettre à ceux-ci de
mieux gouverner et de maintenir la paix dans leur territoire de commandement.
Les africains étant doublement des victimes1 parce que
constituant un réservoir important de main d'oeuvre et étant les
seuls responsables en ce qui concerne l'entretien et le suivi. Il s'agit des
résidences, des bureaux des services publics, de la prison, de
l'Aviation, de la station météo etc.
1. La résidence et le lieu de service du Chef de
région
Propriétaire : Etat du Cameroun
(MINUIT)
Type de bâtiment : Administration et Commandement
Année d'exécution : 1907 et réaménagé
à partir de 1927 Matériaux : Bois, ciment, briquettes,
tôles, fer, vitres Nombre de niveaux : Rez-de-chaussée
Nombre de bâtiments : 02
Le lieu de service du Chef de région
(l'actuelle sous-préfecture) est un corps de bâtiment
rectangulaire comportant en son centre une véranda dont l'auvent est
soutenu par des pylônes en béton. Les deux
extrémités du bâtiment sont en demi-cercle. Le projet
d'aménagement d'après indépendance (voir annexe n°5)
qui augmentait la superficie du joyau à 80.60m2, était
conçu le 17 février 1966 pour être réalisé
à la valeur approximative de 1 600 000 francs2. une
allée ouverte longe le bâtiment, elle est ouverte comme une
galerie ou bien comme un passage piétonnier. La véranda est
circulaire et comporte de larges et hautes ouvertures verticales. Les bureaux
sont grands (Signe de confort et de désir de ventilation). Les murs sont
hauts.
1 Entretien avec Jacques
Tiofack le 24 mars 2014 à Dschang
Quant à la résidence du Chef de
région, aujourd'hui résidence du préfet de la Menoua, elle
aussi est de forme rectangulaire, sans pylônes en béton, les
fenêtres sont
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Photo 4: Fort allemand de Dschang construit en 1907 (a
g.) et la résidence du Chef de région (à
d.)
Source : Archives privées R. Poundé,
Dschang
La 1ere photo est Le fort allemand, cette
construction est solide, vu le matériau utilisé (briquettes). La
seconde photo a été progressivement le lieu de service du Chef de
district allemand, ensuite du Chef de la circonscription, puis du Chef de
région et enfin du préfet.
Photo 5: La sous-préfecture actuelle (a g.), et
la résidence du préfet (à d.)
Source : Cliché Y.G. Diffouo, Mars 2014,
Dschang
On remarque qu'il y a un ajout bien visible sur la photo
n° 1, celui de l'auvent désormais aligné sur le
1er auvent fait en arc de cercle à l'origine. La
dernière photo est la résidence de ceux qui, à chaque
fois, occupaient le bâtiment représenté sur la photo
n°1. Ces trois bâtiments sont
l'oeuvre des Allemands et ont été remis en
forme par les Français et l'administration postcoloniale.
Les tôles en aluminium ont une couverture en formes
complexes (arrondies à plusieurs pentes et à deux pentes
rectangulaires).
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assez larges pour une bonne ventilation, les
tôles en aluminium forment une toiture assez brute.
Le bâtiment comme la dépendance
principale est de forme rectangulaire. Les deux sont liés par une
muraille bétonnée. Le bâtiment principal est une
construction allemande et les matériaux de construction utilisés
sont des briques de terre cuite. Une profonde véranda, couverte par les
tôles en aluminium, longe le long de la façade principale. La
toiture se présente en plusieurs formes géométriques sur
trois flancs donc à l'avant, une excroissance de forme conique (souci
d'allier à l'architecture européenne l'architecture
traditionnelle). Une fenêtre qui semble aérer le plafond, une
excroissance à quatre faces. L'ensemble des toitures a été
exécuté en quatre faces raides. Les portes sont hautes et larges,
les fenêtres à l'horizontale grandes avec un battant en bois et un
double battant vitré. De toute évidence, les tôles datent
de l'époque coloniale à l'exception de celles qui recouvrent la
véranda. Celle-ci est protégée par un demi-mur
surmonté de barres de fer. Elle est accessible par un large escalier de
plusieurs marches. L'ensemble de l'immeuble repose sur une fondation en pierre
surélevée de prés de 30 à 50 cm du sol
ferme.
Lieu de commandement depuis la première
conquête allemande. L'actuel lieu de service du Sous-préfet a
été tour à tour, lieu de service du Chef du Bezirk
(19071914), du Chef de la circonscription, du Chef de région et du
préfet du département. La véranda servait de tribune
officielle lors des cérémonies et manifestations publiques
marquant les fêtes de la métropole qui se
célébraient aussi dans les colonies (fête du 14 juillet par
exemple). Aussi, cette infrastructure aura fortement marquée les esprits
pour avoir abriter les réunions ayant eu des conséquences sur le
plan international. A titre illustratif, c'est dans ce lieu1 que le
23 aout 1920, les Délégués de la France, M. Fournier, et
de la Grande Bretagne, M. Dondass se rencontrent pour déterminer la
nouvelle frontière entre le Cameroun français et le Cameroun
britannique.
1 Entretien avec René
Poundé le 12 février 2014 à son domicile
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De sources concordantes, Ce bâtiment fait partie
du fort construit par les Allemands lors de leur installation à Dschang
en 19121. Il a été épargné de la
destruction par les forces alliées française et britannique et a
subi visiblement des ajouts successifs, comme la véranda en 1963 (voir
le projet d'aménagement de ce bâtiment en annexe n°6).
Maurice Delauney, le plus redoutable des Chefs de région
Bamiléké, a occupé ces locaux de juin 1956 à
décembre 1958 dans le but de casser la rébellion en région
Bamiléké2.
La résidence actuelle du préfet a de
tout temps été le lieu d'habitation de la plus haute
autorité vivant dans la ville. Elle appartenait au Chef de district
(Bezirk) allemand de 1907 à 1914, au "District Officer"
anglais3 de 1915 à 1921. Sous administration
française, elle était réservée au Chef de
Circonscription de Dschang de 1921 à 1934 et au Chef de la région
bamiléké de 1934 à 1960. Enfin au Préfet depuis les
indépendances.
Rappelons que la majorité des bâtiments
allemands se trouvait dans le fort. Comme le souligne avec justesse Lemegne :
« on y remarque un ensemble de cases aux toits couverts de nattes, le tout
logé dans une barrière en béton. Ce qui marque un souci de
sécurité dans cette période où les populations
manifestent de temps en temps leur hostilité à l'égard des
hommes qu'ils considèrent comme des
assaillants.4».
Ces bâtiments sont régulièrement
entretenus parce qu'ils continuent à faire office d'édifice
publics fonctionnels. Les tôles sont visiblement attaquées par la
rouillle.
1 Entretien avec Jeannette
Manelie le 04 avril 2014 à son domicile à Keleng.
2 Thomas Deltombe et al.
Kamerun ! Une guerre cachée aux origines...p234.
3 Jean Marie Tchinda, «
Grandeur, décadence et renaissance...p.34
4 Lemegne, « La Mission
Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 », Mémoire de
DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé I, 2002-2003,
p.10.
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