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Inventaire de quelques vestiges coloniaux matériels dans la ville de Dschang(1907-1957)


par Yannick Guerin Diffouo
Universite de Dschang - Master 2014
  

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III. MATERIAUX ET RESSOURCES HUMAINES NECESSAIRES A LA CONSTRUCTI ON ARCHITECTURALE

Il est question dans cette partie de s'intéresser à trois éléments importants à savoir, la technique et le matériau utilisés pour la construction notamment la transition de la technique et du matériau locaux vers ceux importés, le financement des infrastructures accordé par la métropole et enfin les conditions de recrutement et de travail de la main d'oeuvre.

1 Célestine Fouellefak Kana, « Le christianisme occidental... p.11.

2 Ruyard Kipling, Poèmes choisis, Paris, 1949, p.340.

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1. Un mélange de technique et de matériaux allogène et autochtone

Une civilisation est le fruit du contact de l'homme avec la nature. Avant l`arrivée des Européens, les Africains avaient une façon de construire en fonction des instruments que la nature mettait à leur disposition. Jacques Maquet en caractérisant les civilisations en Afrique, constate que « plus rudimentaires sont les techniques [de production matérielle], plus grande est l'importance du milieu naturel. Ce qui explique que les limites spatiales de certaines civilisations coïncident avec des régions naturelles où domine telle végétation ou tel climat 1». Les populations des grassfields n'échappent pas à cette catégorisation de Maquet. A partir des éléments puisés dans leur milieu naturel constitué par exemple des raphiales dans les vallons, des arbres de la forêt, ils produisent des objets nécessaires à leur vie. J.P. Warnier et P. Nkwi le réconnaissent en ces termes : «Nowadays, the grassfields, as the name indicates, belong to the grass savanna area of West and Central Africa...Rituals always incorporate elements of the environment, and they tend to be conservative...in many rituals performed by grassfields peoples, the basic ingredients are taken from forest crops and plants2». Ce rattachement de l'Africain à son milieu naturel et à sa culture a amené les Européens à dire que le continent africain n'était constitué que des « barbares » et des « sauvages ».

Cependant, les premiers africanistes, en parlant d'une multiplicité de « religions » en Afrique noire, avouaient par là leur ignorance de la spiritualité africaine. Dominique Zahan fait partie de ceux qui sont entrés en profondeur pour davantage cerner cette relation entre l'Africain et l'univers. Ainsi, il reconnaît que « l'homme est la clé de voûte de l'édifice religieux africain...La religion est donc essentiellement fonction de l'élément humain et de son univers, la terre3 ». Ce qui nous intéresse dans cette affirmation est le duo homme-Univers (terre). C'est la terre, l'espace, le milieu naturel qui donnent un sens à la vie de l'homme. Les productions

1 Jacques Maquet, Les civilisations noires, Paris, Marabout Université, p18.

2 Paul Nkwi et jean Pierre Warnier, Elements for a history of the western grassfields, Yaoundé, Department of Sociology, 1982, p.23.

3 Dominique Zahan, Religion, Spiritualité et pensée africaines, Paris, Payot, 1970, pp13-16.

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matérielles, étant l'un des éléments fondamentaux faisant partie du concept de civilisation, témoigne de l'activité du génie créateur de l'homme en relation avec le milieu naturel.

C'est d'ailleurs pour cette raison que certaines civilisations en Afrique ont inspiré les colons dans l`architecture parce qu'elles maitrisaient mieux leur environnement que ces étrangers. Ces derniers furent obligés de commencer à construire avec les matériaux et les techniques locaux avant de les changer progressivement. Cet exemple de Thierry Joffroy et Fane Yamoussa concernant les maçons de Djenné est évocateur :

les constructions architecturales de Djenné ont inspiré pendant longtemps les architectes chargés de la réalisation des bâtiments de l`administration coloniale dans toute l`Afrique de l'ouest. Ses bâtisseurs sont encore des véritables virtuoses, capable de réaliser de grands chantiers de construction avec pour toute matières premières ce qu'ils trouvent dans l`environnement proche de la ville. Principalement la terre déposée par le fleuve et le bois de rônier (palmier dont les branches sont en forme d'éventail)1.

De façon générale, Manfred Von Mende, distingue trois grandes phases dans l`évolution des techniques de constructions coloniales allemandes. Tout d` abord, les Allemands ont commencé à faire leurs édifices avec des matériaux et des méthodes de constructions locales particulièrement avec un soubassement en terre, des rondins en bois, des nattes, des toits à double pente, généralement ayant une durée de vie moins longues2. Dans le même ordre d`idée Edith Ngomedje remarque que « les Allemands perpétuèrent l'utilisation des matériaux locaux, ils décidèrent d`enrayer les insuffisances de ceux-ci dans les constructions de type traditionnel. Ils allièrent dès lors aux techniques trouvées sur place leur expérience propre 3».

1 Thierry Joffroy et Fane Yamoussa, « Les maçons de Djenné, virtuoses de l'art de bâtir en terre », in Les villes africaines et leurs patrimoines, Paris, Riveneuve éditions, 2012, PP.171-172.

2 Manfred Von Mende, « Techniques de construction des édifices allemands au Cameroun de 1884 à 1916 », in Wolfgang Lauber (ed), L'architecture allemande au Cameroun, Stuttgart, édition Karl Krämer, 1988, p 42.

3 Edith Njokou Ngomedje, « L'histoire à travers les monuments cachés de Yaoundé 1887-1963 », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé 1, septembre 2002, p 13.

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Photo 3: Mission centrale de Dschang construite par les Pères Pallotins en 1906

Source : Archives privées R. Poundé, Dschang

Construite par les Pères Pallotins, elle est l'illustration parfaite de la construction faite à base du matériau trouvé dans la nature. On voit le toit en chaume soutenu par des poteaux en bois et à côté une représentation de la forêt dans laquelle est sorti le bois utilisé.

La photo ci-dessus est l'illustration parfaite de l'utilisation des matériaux locaux par les Allemands dans les colonies notamment à Dschang. Le toit est en nattes, les poteaux de la devanture en bois.

La seconde phase est la méthode de construction par assemblage. Ici on commence par un soubassement massif réalisé en béton qui protège les murs des eaux de ruissèlement et permet d`éviter la pente, ensuite les murs, plafonds et toitures sont construits sur un ou deux étages et pourvus d`un revêtement de matériaux divers. Pour l`ossature, on utilisait soit de l`acier, soit des bois conifères venant d`Allemagne. C`est à partir de 1888 que les briques cuites sont fabriquées dans les moules en métal. La toiture était constituée, soit de plusieurs couches de carton bitume posées sur une couverture en bois, soit de tôles ondulées avec aménagement d`un système de ventilation pour aérer et oxygéner l`intérieur. Le nom du quartier Briqueterie à Yaoundé vient du fait que cet espace a abrité les machines allemandes servant à la fabrication des briques cuites. C'est grâce aux briques fabriquées par ces machines que l'ancien palais présidentiel et beaucoup d'autres bâtiments se trouvant à côté ont été bâtis1.

1 Entretien avec Jean Claude Tchouankap, le 14 mai 2014 à son domicile.

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La dernière phase est la méthode de construction en dur. Dans le but de démontrer les progrès technologiques, on commence très tôt à construire les mûrs et les plafonds en matériaux durs (briques de terre, bétons et béton armé). Ces constructions étaient plus onéreuses car elles nécessitaient plus de temps et il fallait importer tous les liants (chaux, ciment, plâtre).

Il devient donc aisé de reconnaitre que, les constructions coloniales sont constituées d`un matériel local, facile à trouver, d'un autre importé, préfabriqué et démontable. Cet agencement témoigne de l`évolution même de la technique de construction des infrastructures coloniales dans le temps. Malheureusement, la dépendance de l`Afrique vis-à-vis de l`Europe concernant ce matériel s`amplifie comme le confirme Edith Ngomedje : « avec les Français, les bâtiments en brique prirent [...] du recul pour céder la place aux constructions en parpaings ce qui rendit plus dépendants de l`Europe en matière de batissement de maisons et des bureaux administratifs ou privés1 ».

En ce qui concerne la conception des plans de ces édifices, Fritz Wilhelm2 parlant de la période allemande, nous fait savoir qu'il est à remarquer que, tout au moins, les plans de ce que l'on appelle les édifices à caractère officiel, tels que les bâtiments administratifs, écoles, hôpitaux et habitations de fonctionnaires, furent réalisés par la "Berliner Bauant3", tout d`abord selon le modèle prussien...reprenant à des fins décoratives tous les ornements puisés dans le sac à malices du passé.

A partir de cette affirmation, nous comprenons que presque tous les bâtiments datant de la période coloniale peuvent être détectés à partir des analyses faites sur un bâtiment colonial puisqu'ils étaient conçus par un même service technique. En outre,

1 Edith Njokou Ngomedje, « L'histoire à travers ...p 16.

2 Fritz Wilhelm, « L'architecture coloniale allemande dans le cadre du développement de l'architecture à la fin du XIXe siècle jusqu'au début du néolibéralisme », in Wolfgang Lauber (ed), L'architecture allemande au Cameroun, Stuttgart, édition Karl Krämer, 1988, pp37-38.

3 Mot de la langue allemande qui signifie la direction de la construction à Berlin

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l'architecture coloniale a même influencé les constructions en métropole comme les pavillons coloniaux du jardin d'agronomie tropicale de Nogent-sur-marneen France1.

Pendant la période française, les constructions se faisaient par ceux qu'on appelait les conducteurs de travaux. C'est bien plus tard qu'apparut un ordre des architectes au Cameroun (voir annexe n°4) chargé de la conception des édifices publics et la construction des habitations des fonctionnaires était confiée à la S.A.P (Société Africaine de Prévoyance) .

Pour ce qui est des infrastructures religieuses, notons qu'elles étaient construites au début, surtout sur des plans faits par des missionnaires eux-mêmes. Mais au fur et à mesure que les constructions devenaient plus importantes, il a fallut faire appel aux architectes2.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein