Section 2. LA POLITIQUE DU LIBRE-ECHANGE ET SES
FONDEMENTS THEORIQUES
1) Définition du libre-échange
Le libre-échange est une politique économique
qui consiste en la libre circulation des produits et des services au sein d'une
même zone géographique par la suppression progressive des
barrières douanières (droits et taxes) et plus
généralement de tout ce qui peut entraver le commerce. Etant
adoptée par un nombre grandissant de gouvernements, cette politique se
manifeste par différents types d'accords internationaux : accords
bilatéraux de réciprocité commerciale entre deux pays,
création de zone de libre-échange (Union européenne,
ALENA, MERCOSUR, ZLECAf...), et même accords multilatéraux
négociés au niveau de l'Organisation mondiale du commerce
(OMC)77.
De la présente définition nous pouvons ressortir
l'aspect géographique qui nous permet ainsi d'affirmer que le
libre-échange continental est celui qui concerne un espace continental
donné à l'instar du continent africain.
2) Historique de la notion
En 1769, les physiocrates Quesnay et Turgot préconisent
le libre-échange. Mais son premier théoricien est Adam Smith
(1723-1790) qui publie en 1776 un ouvrage sur « La
recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations
». Il est l'inventeur de la parabole de « La main
invisible », selon laquelle chaque individu, en ne suivant que ses
fins propres, est conduit par une main invisible à remplir une fin qui
n'est nullement dans ses
75 V., Ph. KAHN, « Droit international
économique, droit du développement, lex mercatoria, concept
unique ou pluralisme des ordres juridiques ? », in Mélanges B.
Goldman, Litec, 1982, page 97.
76 Jean-Michel JACQUET, Philippe DELBECQUE et Sabine
CORNELOUP, op. cit, page 57.
77 Raphael WINTREBERT, Libre-échange,
protectionnisme : comment sortir d'un faux dilemme ?, Fondation pour
l'innovation politique (FP), Paris, septembre 2007, page 4.
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78 Christian SCHNEIDER, L'Histoire du
Libre-échange et du protectionnisme, Midi Insoumis, Populaire et
Citoyen, septembre 2019,
www.gauchemip.org,
consulté le 24 mars 2020 à 17h57.
intentions (l'intérêt général
en l'occurrence). La première application de ses théories
fut la signature du traité de commerce anglo-français de 1786. Ce
traité favorisait l'exportation des vins du bordelais mais ce fut une
catastrophe pour l'industrie française, moins développée
que sa concurrente anglaise. Le 18ème siècle se
termina donc par un retour au protectionnisme à cause des espoirs
déçus du traité de 1786 ainsi que de la guerre.
Après l'ébauche d'Adam Smith vient celui de David Ricardo
(1772-1823) considéré comme véritable
théoricien du libre-échange avec la théorie des «
Avantages comparatifs ». Il affirme que le commerce enrichit les
deux partenaires, car rapidement chacun fait ce pourquoi il est le plus
doué. En bref, l'histoire économique du monde (incluant celle du
libre-échange par ricochet) développé de 1815 à
1914 peut être découpée en cinq phases selon
l'économiste belge Paul Bairoch (1930-1999)78 :
? 1ère phase : 1815-1846 : adoption
graduelle du libre-échange au Royaume-Uni, mais maintien du
protectionnisme dans le reste de l'Occident ;
? 2ème phase : 1846-1860 : efforts du
Royaume-Uni afin d'étendre la politique libérale à
l'Europe continentale ;
? 3ème phase : 1860-1879 : phase
libre-échangiste dans la plupart des pays européens ; mais
accentuation du protectionnisme dans les pays développés
d'outre-mer ;
? 4ème phase : 1879-1892 : retour de
l'Europe au protectionnisme ;
? 5ème phase : 1892-1914 : accentuation de
la pression protectionniste au Royaume-Uni et renforcement du protectionnisme
en Europe continentale et dans les pays de peuplement européen.
§3. Fondements théoriques de la politique du
libre-échange
1. Théorie de l'avantage absolu
Considéré comme le père de la science
économique moderne par son oeuvre la « Richesse des nations »
en 1776, Adam Smith (5/06/1723-17/07/1790), dans ses recherches nous
révèle que la maxime de tout chef de famille avisé est de
ne pas essayer de faire chez soi la chose qui lui couterait moins cher à
acheter qu'à faire. Il ne faut donc pas hésiter pour un pays
d'acheter à l'extérieur les biens qu'il produit lui-même
à un prix plus élevé et à se spécialiser
dans les biens pour lesquels il a un coût moindre (ou pour lesquels il
dispose
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d'avantages). Ces avantages peuvent être agricoles,
miniers, technologiques, etc. On affirme ainsi que chaque pays doit se
spécialiser dans les biens et les services qu'il parvient à
produire à un coût de production inférieur à celui
du reste du monde. Cette théorie sous-tend la politique du
libre-échange dans la mesure où l'échange entre deux
Nations permet à chacune d'elles d'écouler les excédents
de production de ses activités compétitives et donne ainsi une
valeur à ce qui serait sans cela inutile. En élargissant le
marché au-delà des frontières nationales, il permet
d'augmenter la production, donc le
revenu79. Cette oeuvre fut un
évènementiel important pour ce qui est de l'analyse du commerce
et interdépendance
internationaux80.
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