3.2.2. La présence d'un bilinguisme
Pour une langue en voie d'être standardisée, il
ne devrait pas avoir dans la communauté linguistique cible une situation
de bilinguisme social transitoire. Wiesemann et al. (1983 : 139)
définissent cette situation comme « la situation d'une langue, par
exemple A, dont la majorité des locuteurs ont appris une langue
véhiculaire, par exemple B, et utilisent cette dernière à
tel point que leurs enfants apprennent B comme langue maternelle et sont
susceptibles d'abandonner définitivement l'usage de A ». Parmi les
personnes que nous avons interrogées durant notre enquête sur le
terrain, plus de 70% (environ 98 personnes sur les 140 interviewées) ont
affirmé avoir des aptitudes à comprendre, plus qu'à parler
l'une des langues voisines qu'est le m d mb . Il est bon de noter que cette
situation de bilinguisme n'est pas une situation de compréhension
inhérente ou héréditaire aux locuteurs kw ?, mais
plutôt une situation de compréhension acquise due au contact entre
les locuteurs kw ? et les locuteurs m d mb . Donc la langue kw ? conserve
toutes ses chances de viabilité sous la forme écrite. Comme
langues étrangères présentes, nous notons une forte
utilisation du Français et quelquefois du Pidgin-English. Afin
d'apporter une clarification plus objective à cette situation, nous
ferons une analyse statistique de quelques mots des langues kw ?, m d mb et
ndà?ndà? à la suite de notre analyse.
Ce bilinguisme ne peut conduire à la disparition de la
langue kw ?. Car la communauté kw ? manifeste le désir ardent de
voir sa langue se doter d'un système d'écriture, des ouvrages
ainsi que l'insertion de celle-ci dans le système éducatif comme
des langues avoisinantes à l'instar du du l , du ndà?ndà?,
du ?àsàa et du m d mb pour ne citer que celles-ci. Il faudrait
prendre en considération également le nombre de personnes
susceptibles de parler cette langue afin de voir si elle peut être fiable
ou pas sous sa forme écrite.
3.2.3. Le nombre de locuteurs
Il est avéré que lorsqu'une langue a beaucoup de
locuteurs, elle est susceptible d'être viable sous sa forme
écrite. Ce qui suppose que les locuteurs de cette langue sont
susceptibles d'utiliser celle-ci sous la forme écrite. Parlant de ces
locuteurs, il faudrait un nombre conséquent pour que la langue cible
soit viable sous sa forme écrite. Les travaux de Wiesemann et al. (2000
:134)
110
suggèrent que le seuil de viabilité d'une langue
sous sa forme écrite est de dix mille (10.000) personnes. Mais les
mêmes auteurs pensent qu'on pourrait faire des concessions pour aller
bien en deçà de ce seuil fixé pour certaines
communautés. Ils affirment : « on peut aller bien en
deçà de ce seuil, surtout quand il s'agit d'une communauté
minoritaire qui est isolée et qui a de la peine à
s'intégrer aux autres. » Nous avons constaté que la
communauté linguistique kw ? est une communauté minoritaire et
isolée dans le département du Nkam. Malgré le fait que les
estimations de la population kw ? donnent moins de 5.000 locuteurs, ce qui est
inférieur au seuil requis qui est de 10.000 locuteurs, nous pensons
qu'il serait utile de consentir des ressources et des énergies pour
développer et par-dessus tout protéger ce patrimoine
linguistico-culturel de la communauté kw ?. Ainsi, le critère du
nombre de locuteurs ne saurait seul être un frein à la mise par
écrit de cette langue qui constitue également un
élément du patrimoine linguistique mondial. En plus, l'UNESCO
préconise la protection des minorités et souhaite que chaque
communauté ait accès à l'éducation dans sa langue
afin de rendre plus possible et plus accessible le processus de l'enseignant
apprentissage. Ne dit-on pas souvent que chaque culture exprime une
manière de voir le monde ; l'on ne saurait laisser cette vision du monde
disparaitre au grand dam d'un critère aussi primordial qu'il soit. Il
faut également souligner que la communauté doit également
être impliquée dans la promotion ou la standardisation car elle a
également son mot à dire.
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