CHAPITRE II : CONTEXTE SOCIO-POLITIQUE DE
L'ADOPTION DE LA LOI SUR LA NATIONALITE
Dans ce chapitre, il va être question d'analyser le
contexte socio-politique du vote de la loi consacrant le principe de
l'unicité et de l'exclusivité de la nationalité
congolaise. Cette loi taillée sur mesure perpétue les
contradictions et antagonismes entre les congolaises de souches et des
congolais issues de souches étrangères. Si l'instabilité,
le désordre, l'insécurité, les conflits interethniques,
les guerres, immigrations, etc... sont des conditions indispensables dans
lesquelles on peut saisir sa portée juridique, il serait plus
éclairant, dans cette étude, de dévoiler les
mécanismes ayant conduit à l'adoption de ce principe pour
espérer comprendre le contexte historico-politique et des contradictions
qu'elle engendre. Arsène MWAKA BWENGE le rappelle pertinemment bien
quand il décrit « la trajectoire étatique au coeur de la
conflictualité au Nord-Kivu »49 un
décryptage des événements marquants permet de cerner les
causes immédiates et lointaines qui ont motivées les
législateurs congolais d'adopter cette loi.
Trois sections structurent ce chapitre. La première
situe le contexte historique des guerres asymétriques des
recompositions, des transformations et des renouvellements des conflits en RDC.
La deuxième section cerne les conditions migratoires africaines et la
problématique de la gestion de l'espace en mettant l'accent sur les
visées hégémoniques des pays voisins. La finalité
de cette analyse est de comprendre les raisons motivationnelles des acteurs
ainsi, que la logique de leurs actions. La troisième et dernière
section cerne le processus de la démocratisation de la RDC depuis
l'adoption de la constitution du 18 février 2006 et ses
conséquences sur l'édification de la nation congolaise.
49 MWAKA BWENGE, A., Conflits,
conflictualité, processus identitaires au Nord-Kivu comprendre
l'institutionnalisation des violences, Thèse dirigée par : Elikia
M'BOKOLO et Jean OMASOMBO TSHONDA, Université de Kinshasa, 2010,
p.110.
50 MABIALA MANTUBA NGOMA,
«Fédéralisme et ethno régionalisme au
Zaïre », in Fédéralisme, `ethnicité et
intégration nationale au Congo, IFEP, Kinshasa, 1997, p. 65
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SECTION 1. CONTEXTE DES GUERRES ET DES CONFLITS
INTERCOMMUNAUTAIRE
Pour une dissertation scientifique portant sur les avantages
et inconvénients de principe de l'unicité et de
l'exclusivité de la nationalité congolaise, il est tout à
fait normal que nous examinons premièrement le contexte socio-politique
et idéologique qui a structuré le champ juridique des acteurs.
Autre cet aspect, nous avons porté notre attention sur les guerres dites
d'occupations, l'accord de Sun City, à cause de leur connexité
avec des évènements similaires.
1.1. Contexte des guerres
Au moment où éclate la guerre dite alors
rébellion des Banyamulenge ou guerre de l'Est du Congo,
il ne fait l'ombre d'aucun doute à la fois qu'une
guerre civile soit possible et que le départ de Mobutu soit largement
discuté, souhaité et même programmé à
différents niveaux. De ce fait, ce qui étonne n'est pas que le
vent de son départ ait soufflé de l'Etat mais qu'il ait
été rapidement balayé50.
De ce fait, le débat qui suit la rapide marche de
l'AFDL créée à Lemera le 18 octobre 1996, deux mois
après l'attaque des rebellions Banyamulenge en aout 1996 gravite autour
des capacités réelles de montagnards à chasser
l'armée congolaise se servant des éléments ex FAR et des
miliciens Interhamwe comme supplétifs. Pour les uns on assiste à
une pure agression alors que pour d'autres, les révolutionnaires
congolais alliés en finissent avec un régime honni. En fait, si
les victoires de l'Alliance ont rapidement soumis différents acteurs
à l'évidence, les récriminations d'une évasion
n'ont cessé. Le souci de s'accommoder de l'affirmation de plus en plus
violente de la congolité, doublée d'une singularisation politique
de Kabila estimée hâtive par ses alliés ougandais et
rwandais n'ont pas tardé à provoquer une seconde guerre des aout
1998.
Les contradictions grandissante de ces guerres vont
générer une fragmentation sociale et politique dont la
complexité et le souci d'une réponse toute faite face à
l'urgence du désastre crée suscite divers réponses
laissant croire en l'inexplication objective et concrète des
mécanismes qui rendent un tel épanouissement possible. C'est dans
ce cadre que je pose les hypothèses de violence endémiques
posée dans la première sous-section pour esquisser les
principales logiques de cette phase de la conflictualité orientale de la
RDC. A travers trois auteurs sous-sections, l'évanescence de l'Etat
congolais, l'ethno-nationalisme et la miliciarisation ainsi que les fissures
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ecclésiales s'esquisse concrètement
l'objectivation des raisons de l'endémicité de conflits.
En somme, la survenue de la guerre, sa
répétition ainsi que la persistance de la fragmentation violente
consécutive dans sa multidimensionnelle (ethnique, nationalité,
ethno-nationaliste...) demeure le principal repère. En fait, les
développements qui ont précède le déclenchement de
la guerre de l'AFDL ainsi que celle du RDC dénotaient d'un pourrissement
politique et d'une conflictualité annonciateurs d'une catastrophe.
Quatre leviers permettent de reconstituer ces processus qui conduisent à
la guerre et à la fragmentation conflictuelle et continuelle au
Nord-Kivu. Ces processus procèdent des tentatives des populations
locales et des pays voisins à combler les vides laissés par
l'Etat en matière d'arbitrage social et sécurisation, de la
montée de l'ethno nationalisme et de la militarisation qui redonnent aux
chefs traditionnels des nouveaux rôles, de l'ethno-politisation des
fissures au sein et entre les Eglises, ainsi que de la quête de nouveaux
équilibres régionaux couplée de l'entrecroisement des
réseaux de profit.
C'est cette logique de normalisation des violences miliciennes
qui a démultiplié les initiatives. Aucun leader politique n'a
centralisé la création des milices d'autodéfense afin de
les doter d'une même idéologie, d'une doctrine politique et d'un
rituel d'invulnérabilité uniformisé à l'instar de
Simba des années. Laurent-Désiré Kabila qui a tenté
d'en récupérer le dynamisme en septembre 1998 est mort sans avoir
fini de gérer les conflits internes qui les opposent beaucoup plus que
combattre les ennemis communs avoués : principalement les corps
expéditionnaires ougandais et rwandais ainsi que leurs
protégés rebelles congolais suscitées par eux.
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