1.1.3. Les objectifs de l'étude
L'objectif global de l'étude est de contribuer à
l'analyse des relations entre les pratiques agricoles d'agro-business et les
perspectives de sécurisation foncière et alimentaire au Sourou.
De cet objectif global découlent les objectifs spécifiques
suivants ; il s'agit de :
- décrire les pratiques de l'agro-business dans un
contexte local marqué par une prédominance de la petite
paysannerie à Niasan, Di, Débé et Gouran au Sourou ;
- analyser les perspectives de sécurisation
foncière des différents acteurs d'agro-business dans les
localités de Niassan, Di, Débé et Gouran au Sourou ;
- analyser les perspectives d'une atteinte de la
sécurité alimentaire au moyen de l'agro-business dans les
localités de Niassan, Di, Débé et Gouran au Sourou.
1.1.4. Les hypothèses
Notre principale hypothèse soutient que les pratiques
agricoles d'agrobusiness ne sont pas compatibles avec les perspectives de
sécurisation foncière et alimentaire au Sourou. Les
hypothèses spécifiques sont les suivantes :
10
- la place de l'agro-business dans la production agricole des
localités de Niassan, Di, Débé et Gouran au Sourou est
faible comparativement à celle du reste de la petite paysannerie ;
- l'agro-business au Sourou n'est pas encore un modèle
agricole offrant à ses différents acteurs des perspectives de
sécurité foncière à Niassan, Di, Débé
et Gouran ;
- dans les localités de Niassan, Di, Débé
et Gouran, l'agro-business n'est pas la solution d'atteinte de la
sécurité alimentaire au Sourou.
1.1.5. La définition des concepts, les variables
d'études et la grille conceptuelle
Il s'agit des variables d'étude, de la grille
conceptuelle, et de la définition des concepts utilisés.
1.1.5.1. La définition des concepts
Notre étude véhicule un certain nombre de concepts
tels que : agrobusiness, agro-businessmen
sécurité foncière,
insécurité foncière, sécurité alimentaire,
insécurité alimentaire, ouvriers agricoles, cahier des charges.
Ceux-ci sont définis ci-dessous pour faciliter la compréhension
:
Agro-business
L'agro-business encore appelée agriculture capitaliste,
agriculture industrielle, agriculture patronale, agriculture nouvelle,
agriculture intégrée, ou la grande culture
mécanisée est un terme d'origine européenne pour
désigner l'ensemble des activités associées à la
production, la transformation, la commercialisation des produits agricoles.
Pour SISSOKO, (2009), l'agro-business est « l'ensemble des
activités directement liées à l'agriculture de l'amont
(semences, engrais, équipements, main d'oeuvre) à l'aval
(produits finis, commercialisation » (p 7).
Selon le MAHRH (2008) cité par OUEDRAOGO (2011) :
« Le Burkina Faso assimile l'agro-business aux
initiatives d'exploitation agricoles modernes. On entend par exploitation
moderne une exploitation disposant d'un minimum d'investissement
(infrastructure et équipement) et d'employés salariés
où sont appliquées les techniques modernes de production
permettant d'avoir des rendements au-dessus de la moyenne. La production est
principalement destinée à la vente » (p32).
En d'autres termes, l'agrobusiness est l'ensemble des
activités liées à la modernisation des services dans
toutes les filières agricoles. Dans la conception courante au milieu
agricole du Burkina Faso, l'agrobusiness, c'est faire du business dans
l'agriculture.
Les agro-businessmen
L'agro-business a ses acteurs: les agro-businessmen. Il s'agit
d'après le Forum de Bogandé cité par OUEDRAOGO (2011):
11
« L'ensemble des producteurs provenant du monde des
fonctionnaires, des salariés, des jeunes agriculteurs (trices) et des
opérateurs économiques dont l'activité est de
générer un surplus important de production agricole,
commercialisables. En d'autres termes, ceux qui
investissent ou qui cherchent des opportunités d'investissements dans le
secteur agricole pour aller au-delà de l'autosuffisance
alimentaire» (p32).
En fait, c'est la bourgeoisie agricole : anciens
coopérateurs, élus, salariés (cadre supérieurs de
l'Etat ou ONG), commerçants, retraité. C'est à ceux-ci que
va être progressivement confiée la difficile et complexe mission
d'atteinte de la sécurité alimentaire. Mais, est ce que la
recherche de plus value est-elle compatibles avec la sécurité
alimentaire?
Sécurité foncière/
insécurité foncière:
La sécurité foncière : elle fait
référence selon CISSE et DIAKITE(2007) au « degré
de confiance qu'a un individu ou groupe d'individus de ne pas être
privé arbitrairement de ces droits fonciers dont il a la jouissance et/
ou des avantages économiques » (p 3). Si les acteurs ruraux
sont sécurisés dans la jouissance de leurs terres et
bénéficient d'un environnement économique et social
favorable pour produire, ils peuvent assurer la sécurité
alimentaire, le développement durable et s'insérer avec
succès dans le marché.
On peut donc déduire que l'insécurité
foncière est une situation d'instabilité qui entrave une
jouissance sereine des droits fonciers sur la terre. Elle est
occasionnée par des conflits fonciers, la pression démographique,
la pression foncière, la confiscation ou l'expulsion d'une personne ou
groupe de personnes de leurs terres ou la venue de personnes aux objectifs
parfois opposés et des pratiques foncières
insécurisées. En ce qui concerne les acteurs d'agro-business,
l'insécurité foncière sur les périmètres
agricoles se manifeste à travers les outils juridiques et les modes
d'exploitation. L'absence de titre foncier ; une RAF, une loi
coopérative, un cahier des charges spécifiques et un protocole
d'accord qui prévoient des sanctions pouvant aboutir à
l'exclusion des parcelles sont des facteurs insécurisés. Pour
minimiser cela les agro-businessmen développent des modes de pratique
agricole qui insécurisent les autres acteurs par effets domino.
Sécurité alimentaire
/insécurité alimentaire
En ce qui concerne la sécurité alimentaire, elle
comporte cinq dimensions : la disponibilité (production
intérieure, capacité d'importation, de stockage et d'aide
alimentaire) ; l'accès (dépend du pouvoir d'achat et de
l'infrastructure disponible) ; la stabilité (infrastructures mais aussi
la stabilité climatique et politique) ; la salubrité et la
qualité (hygiène, principalement accès à l'eau).
Ainsi, la sécurité alimentaire se définit selon le MAHRH
et DCE, (2008), comme « Les gens en tout temps ont un accès
physique, social, économique à une nourriture suffisante, saine
et nutritive qui répond à leurs besoins et leurs
préférences alimentaires pour mener une vie saine et active
». Cette
12
définition est renforcée dans ce même
ouvrage par celle des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD) à travers ces termes : « la
sécurité alimentaire est un droit qui se veut de portée
universelle, nécessite une régulation et des interventions
publiques ». En d'autres termes, la sécurité
alimentaire n'est pas l'affaire d'une seule entreprise, de l'agro-business mais
de l'Etat.
L'insécurité alimentaire quant à elle,
est parfois qualifiée de structurelle ou de chronique pour traduire
l'incapacité d'une personne ou d'un ménage d'accéder
à une alimentation suffisante et saine en tout temps. La pauvreté
et la faible pluviométrie en sont des facteurs aggravants. Elle peut
aussi être conjoncturelle s'il y a des accidents climatiques, l'incidence
des ravageurs (criquets pèlerins) et d'autres catastrophes naturelles.
Son intensité varie en fonction du degré de
vulnérabilité et de la capacité des populations à
trouver des solutions alternatives. Il s'agit de la vulnérabilité
alimentaire. Cela est illustré par OUEDRAOGO (2006) :
« La vulnérabilité réelle
résulte des rythmes naturels comme des potentialités existantes
telles qu'elles ont été mobilisées par les
sociétés humaines pour diminuer les risques naturels. En d'autres
termes, la vulnérabilité réelle varie en fonction de la
capacité des communautés à affronter les crises par une
combinaison améliorée des pratiques (culturales...), des
technologies (savoir-faire, outillage...) et des investissements... Une famille
vulnérable incapable de faire face aux imprévus « devra
serrer la ceinture » pour satisfaire ses obligations... » (p
16).
L'insécurité alimentaire conjoncturelle est
temporelle. A des périodes d'abondances succèdent des
périodes de disettes. Quand se succèdent plusieurs années
d'incapacité à entreprendre des changements techniques et
organisationnels pour améliorer les revenus et la production agricole on
aboutit à une insécurité alimentaire structurelle.
L'indisponibilité chronique des denrées alimentaires,
l'instabilité du panier de la ménagère, la pauvreté
et l'absence d'hygiène alimentaire sont ses caractéristiques.
Les ouvriers agricoles ou employés
agricoles
Ce sont les employés dans les exploitations agricoles
modernes. Cette main d'oeuvre englobe les travailleurs salariés
permanents et contractuels. Ceux-ci viennent dans l'exploitation moderne soit
par contrainte (c'est le cas des exploitants familiaux sans terres et les
expropriés de leurs terres) soit pour se faire de l'argent
(contractuels). PEREIRA. (1982) est plus explicite:
« Pour autant que la connaissance historique, encore
précaire, nous permet de le savoir, les ouvriers agricoles
descendent d'une population depuis longtemps
prolétarisée, privée de toute relation à la terre
... Du point de
vue de leur insertion dans la formation économique
et sociale dominante, les ouvriers agricoles se comportent comme des ouvriers
de l'industrie, préoccupés par le salaire, l'emploi, l'horaire,
les conditions de travail... » (p 54).
Ce statut ne garantit cependant pas la sécurité
alimentaire car le salaire peut ne pas être suffisant pour prendre en
charge toute sa famille et la dépendance n'est pas source de
sécurité car la
13
recherche de profits peut conduire à l'exploitation de
l'ouvrier agricole ou à son licenciement. Le statut de paysan sans
terres devenu ouvrier agricole est une situation de précarité
foncière.
La Réorganisation Agraire et Foncière
(RAF):
C'est l'outil de régulation foncière de base.
Elle sert à définir les droits, les devoirs, à assurer la
sécurité foncière des producteurs agricoles ou à la
compromettre. Cette loi s'applique aussi bien aux acteurs agricoles des terres
aménagées que ceux des terres non aménagées. Le
Conseil National de la Révolution (CNR) est l'initiateur. L'Ordonnance
N° 84-050/CNR/PRES du 04/08/84 portant reforme agraire et foncière
au Burkina Faso donnait naissance à cette loi pour remplacer la Loi
N°77/60/AN du 12 juillet 1960 portant réglementation des terres du
domaine privé de la Haute Volta calquée sur la
Réorganisation foncière en Afrique Occidentale Française.
Cette loi a été relue en 1991(Zatu AN VIII-39 bis du 04 juin 1991
portant RAF-BF), en 1996 : Loi N°014/96/ADP du 23 mai 1996 et en 2012 (Loi
N°034-2012/AN du 02 juillet 2012 portant Réorganisation Agraire et
Foncière). Elle restructure l'espace agraire notamment les terres
agricoles au moyen de l'aménagement, la définition des droits
d'accès, d'exploitation et de contrôle de la terre.
La loi coopérative:
La Loi Coopérative ou Loi N° 014/99/AN du15/04/99
portant réglementation des sociétés coopératives et
groupements au Burkina Faso est une loi pour réguler les
activités des coopératives et des coopérateurs au regard
de leurs revenus de plus en plus croissant. En distinguant les
coopératives rizicoles des coopératives maraîchères,
des groupements pré-coopératifs des coopératives et en
laissant plus d'autonomie aux coopérateurs, cette loi a conduit
progressivement à l'agro-business dont l'organisation en
coopérative est la source.
Le cahier des charges et le protocole
d'accord
C'est une prescription de la Réforme Agraire et
Foncière (RAF). Il est élaboré par la commission
interministérielle conformément à l'article 189 du
décret d'application de la législation foncière au Burkina
Faso disposant que l'occupation et l'exploitation des terres agricoles doivent
se faire sur la base d'un cahier des charges type et tenant compte des
conditions d'exploitation liées à chaque aménagement hydro
agricole. Le cahier de charges est un document à caractère
juridique définissant les responsabilités, les droits et devoirs
sur les aménagements hydro agricoles ; les contraventions à payer
par les exploitants agricoles en cas de violation des prescriptions. Le cahier
de charge ne suffit pas à lui seul. Il est complété par un
protocole d'accord. C'est aussi un document à caractère juridique
qui indique les conditions
14
d'applications du cahier des charges. Au Sourou l'application
de l'agro-business est guidée par ces deux textes.
1.1.5.2. Les variables d'étude
Pour analyser les pratiques de l'agro-business dans un
contexte local marqué par une prédominance de la petite
paysannerie, nous avons retenu les variables suivantes: types de
spéculations (cultures céréalières et/ou cultures
de rente, marchés d'écoulement, catégories d'acteurs dont
les cadres d'ONG, hommes politiques, salariés, commerçants,
acteurs privés). Concernant les perspectives de sécurisation
foncière des différents acteurs d'agro-business dans les
localités de Di, Niassan, Débé et Gouran au Sourou, les
variables suivantes ont été considérées : la RAF,
la loi coopérative, le cahier des charges, le protocole d'accord et la
Loi 034 portant régime foncier rural, les rapports socio-fonciers.
Enfin, pour vérifier si l'agro-business est une perspective efficace
d'atteinte à la sécurité alimentaire au Sourou, nous avons
retenu les variables telles que les habitudes alimentaires et les pouvoirs
d'achat des populations locales, les prix des produits agricoles issus de
l'agro-business sur le marché local.
1.1.5.3. La grille conceptuelle
L'ensemble des concepts et variables d'analyse est
récapitulé dans le tableau n°1.1 ci-dessous :
15
Tableau n°1.1: récapitulatif des concepts et
variables d'analyse
Objectifs spécifiques
|
Hypothèses
|
Variables de
collecte
|
Echelle d'analyse
|
Population cible
|
Analyser les
pratiques de
l'agro-business dans un contexte local marqué par une
prédominance
de la petite paysannerie
|
La place de
l'agro-business
dans la production
agricole du Sourou est faible, comparativement à celle
du reste de la paysannerie
|
cultures
céréalières et/ou cultures de rente,
marchés d'écoulement, catégories
d'acteurs (ONG, hommes politiques, salariés,
commerçants, acteurs privés)
|
les localités de
Niassan, Di, Débé et Gouran
|
Acteurs non agricoles (Autorités
coutumières, Mairie,
AMVS), acteurs
d'agro-business exploitants familiaux,
coopérateurs, agro- businessmen)
|
Analyser les
perspectives de
sécurisation
foncière des
différents acteurs
d'agro-business
|
L'agro-business accentue l'insécurité
foncière dans les
localités de Di, Niassan, Débé et
Gouran
|
RAF, Loi
coopérative,
cahier des charges, protocole d'accord et la Loi
034 portant
régime foncier
rural, rapports
socio-fonciers
|
les localités
Niassan, Di, Débé et Gouran
|
Acteurs non agricoles (Autorités
coutumières, Mairie,
AMVS), acteurs
d'agro-business exploitants familiaux,
coopérateurs, agro- businessmen)
|
Analyser les
perspectives d'une
atteinte de la sécurité
alimentaire au moyen de l'agro- business.
|
Dans les localités
de Di, Niassan, Débé et Gouran,
l'agrobusiness
n'est pas la solution d'atteinte
de la sécurité
alimentaire au Sourou
|
habitudes alimentaires
pouvoir d'achat
des populations
locales, marché
d'écoulement
|
les localités
Niassan, Di, Débé et Gouran
|
Acteurs non agricoles (Autorités
coutumières, Mairie,
AMVS), acteurs
d'agro-business exploitants familiaux,
coopérateurs, agro- businessmen)
|
16
|