1.1.2. La revue de littérature
La revue de littérature a consisté en l'analyse
des oeuvres ayant fait cas soit de l'agro-business, soit l'agro-business en
relation avec la sécurité foncière et la
sécurité alimentaire. Les différents auteurs qui se sont
intéressés à ces thématiques ne s'accordent
pourtant pas quant à leur impact sur le monde rural et
l'efficacité de l'agro-business dans la lutte contre
l'insécurité alimentaire.
La conférence conjointe organisée par l'ONUDI,
la FAO, FIDA, la BAD, l'Union Africaine au Nigeria en 2010 et qui a
donné naissance aux Initiatives de Développement de
l'Agro-business et des Agro-industries en Afrique (ID3A), considère que
l'agro-business est facteur d'investissements, de modernisation de
l'agriculture. C'est un passage de l'agriculture familiale (rudimentaire)
à l'agriculture mécanisée, moderne grâce à
l'agro-industrie qui mettra sur le marché des produits agricoles
compétitifs. Le problème de commercialisation et de
transformation des produits agricoles que soulevait l'agriculture familiale ne
se posera plus. Pour son développement, l'agro-business
bénéficiera d'investissements colossaux. Cela est aussi une
aubaine pour payer les dettes contractées pour réaliser les
aménagements hydro-agricoles. Ainsi, pour SISSOKO (2009),
l'agro-business est réservé à ceux qui ont de grands
moyens financiers. Mais, ZONGO (2009) intègre les petits et moyens
opérateurs agricoles (les salariés et les moyens
commerçants) dans le groupe des agro-businessmen ; ils n'ont pas de gros
revenus mais pratiquent l'agro-business sur de petites superficies (moins de 10
ha). Cependant, l'installation non coordonnée ni
réglementée, l'évolution des modes d'accès à
la terre due à la monétarisation et à la marchandisation
de la terre auxquelles s'ajoute l'inexpérience et la non maîtrise
des techniques de travail font que certains agro-businessmen abandonnent leurs
périmètres ou s'installent sans respecter les textes et cela sans
être inquiétés. A ces difficultés s'ajoutent celles
évoquées par le Groupe de Recherche Action sur le Foncier (GRAF)
en 2008, liées au fait que nombre d'agro-businessmen soient venus sur
les périmètres par suivisme. Ils ne maîtrisent pas le
métier d'agriculteurs et ne cernent pas non plus les difficultés
relatives à la disponibilité et à la qualité de la
main d'oeuvre.
La liaison de l'agriculture au marché libre est le
principal slogan de l'agro-business. Les pays qui appliquent les PAS doivent se
laisser guider par le principe du «Laisser-aller, laisser-faire»
comme l'indique le groupe ONUDI, FAO, FIDA, BAD et UA (2010). Ce principe du
« tout marché » ne fait pas consensus. Ainsi, pour SORY
(2006), la concurrence déloyale des pays développés qui
subventionnent la production et la vente de leurs produits agricoles a des
effets négatifs sur la commercialisation des produits agricoles comme le
riz. A ce désavantage s'ajoute la non consultation des pays pauvres dans
la fixation des prix des produits agricoles et
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au renforcement des exigences de qualités que ne
peuvent, dans les réalités actuelles, satisfaire ceux-ci. SCOTT
et GRIFFON (1999) ont aussi conclu que les problèmes de
commercialisation des produits agricoles sont dus à la fin de
l'interventionnisme des Etats dans le secteur agricole et c'est la perspective
de la sécurité alimentaire qui est compromise. Pour MENDRAS
(1967):
« L'ouverture brutale au marché, la
concurrence déloyale des agricultures subventionnées
européennes et nord-américaines, la mécanisation à
outrance, la fin de l'interventionnisme étatique, l'accentuation de la
concentration foncière, et l'inégal accès au crédit
ont entraîné la déstructuration des économies
paysannes. Des Caraïbes au Cône Sud en passant par les Andes, le
triomphe des idées néolibérales a eu des
conséquences particulièrement fâcheuses sur la
pérennité des systèmes familiaux d'exploitation. Tant et
si bien que la production de biens alimentaires est aujourd'hui plus le fait de
puissants entrepreneurs ou de multinationales, que d'hommes et de femmes ayant
maintenu un lien ombilical avec la terre. La marginalisation croissante des
paysans annonce l'ironique avènement d'une agriculture sans
agriculteurs, ou la consécration paradoxale de pays sans paysan»
(p
68).
Pour cet auteur, la pratique de l'agriculture marchande, le
désengagement de l'Etat du secteur agricole, l'accaparement des terres
par le privé, ont ruiné l'économie rurale. La production
alimentaire est désormais aux mains des monopoles et l'exclusion de la
petite paysannerie. Cette dernière, en Amérique, aux
Caraïbe, a du faire face aux problèmes d'insécurité
foncière et alimentaire. Ces problèmes s'étendent
même sur les périmètres hydro-agricoles, irrigués.
Mais n'a pas pu conjurer les problèmes alimentaires que rencontrent les
pays pauvres. Au Sourou aussi, les coopératives et les populations
locales sont confrontées aux mêmes problèmes avec
l'agro-business. KOHOUN (2002) dans son étude démontre que :
« Au Sourou une étude effectuée par
PARENT et al. Sur la situation des enfants en 1999, révèle une
forte carence en micro-nutriments chez les enfants de Niassan-Koura. Par
ailleurs la carence de vitamine A est très forte (6,5%) dépassant
la prévalence nationale (1,5%). Ces résultats confirment aussi
ceux du Centre National de Nutrition (CNN)» (p.75).
Ainsi, trois ans après son application au Sourou,
l'agro-business n'avait pas encore atteint les objectifs à lui
confiés par l'Etat. Pourtant dans presque tous les pays, les lois
foncières sont révisées pour satisfaire les nouvelles
exigences de l'agro-business. DIALLA (2002) analyse cette dynamique
foncière à travers l'évolution des lois foncières
qui ont abouti à l'agro-business représenté par le
privé. Les relectures de la RAF en 1991, en 1996, et en 2010,
s'inscrivent dans ce cadre. ZONGO (2010) a abouti aux mêmes conclusions
à travers son étude portant sur les terres non
aménagées du Ziro. Et les conséquences sont selon cet
auteur :
«L'installation non coordonnée ni
réglementée dans la province du Ziro, une évolution rapide
d'accès à la terre, notamment par la monétarisation et
marchandisation dans le contexte d'un système foncier fondé sur
l'existence de la propriété privée. La gestion
individuelle des opportunités foncières dans l'accès
à la terre des agro-businessmen
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aura comme conséquence les déclenchements
des compétitions intra-familiales de plus en plus récurrentes, la
remise en cause des transactions foncières traditionnelles notamment par
les retraits, la diminution des superficies» (p 156).
L'avènement de l'agro-business au Burkina Faso et les
conséquences qui en découlent n'ont pas épargnés
les coopératives des périmètres agricoles du Sourou. Pour
PALE (2003), les coopératives paysannes ne sont pas viables à
cause de l'agro-business qui attire ces membres abandonne celle-ci pour les
comités de gestion et cela à tord ou à raison avec
certaines conséquences : expulsion des paysans de leurs terres et
changement de statut. Ils passent du statut d'exploitant familial à
celui d'ouvrier agricole pour aboutir à celui de paysan sans terre. On
assiste alors à leur paupérisation et leur exode rural vers les
zones rurales et vers les centres urbains. Ainsi la sédentarisation
visée par la mise en place des coopératives est remise en cause.
RWABAHUNGU (2002) avait aussi abouti à cette conclusion : « la
privatisation de la terre s'est avérée ne pas être une
solution miracle pour la sécurisation foncière» (p 1).
Cette insécurité foncière, conséquence de la
privatisation des terres ne sera pas en faveur de la sécurité
alimentaire.
BURBACH et FLYNN (1980) voient en l'agro-business la
principale cause de la marginalisation du monde rural car au lieu d'être
une solution aux crises alimentaires, elle en est la cause, surtout avec le
démantèlement de l'agriculture et la production des
denrées alimentaires sacrifiées sous le libéralisme. Face
à cette évolution incertaine avec l'agro-business, FALL (2008)
est plutôt pour le maintien d'un grand nombre de personnes dans
l'agriculture tout en les incitant à produire plus. Il est aussi pour
l'adoption de stratégies de financement de l'agriculture familiale et
l'inter-sectoralité des politiques agricoles pour lutter contre
l'insécurité alimentaire, la régulation des marchés
et la promotion des échanges entre les régions en vue de
constituer des stocks de sécurité pour les couches
vulnérables, et profiter de la complémentarité des bassins
de production, pour renforcer les marchés transfrontaliers, faciliter
l'approvisionnement des zones déficitaires en denrées
alimentaires au lieu de promouvoir l'agro-business. Aussi dans son étude
il aboutit au résultats que malgré tout, certaines cultures
pratiquées sous forme familiale ont permis néanmoins à
certains pays africains d'être les premiers au plan mondial. Les
pratiques culturales familiales ne sont donc pas sclérosées.
Contrairement, à FALL, la FAO, n'est pas pour le
maintien de l'agriculture familiale seulement dans le système de
production agricole car pour cette organisation, la recherche de solutions
à la faim et à la pauvreté doit être
multidimensionnelle. Aussi, toujours selon elle, la recherche de solution aux
crises alimentaires nécessite aussi un melting-pot à travers un
dialogue constructif sur l'agro-business avec les différents groupes
d'acteurs. Sinon, le passage en force de l'agriculture familiale à
l'agro-business suscitera des controverses et l'opposition des
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populations locales. Cette cohabitation de l'agriculture
familiale et de l'agro-business comporte cependant quelques risques. Selon
(LACOUR, 2006), en Amérique Centrale et au Sri Lanka par exemple, cette
cohabitation a été en défaveur des petits producteurs. En
effet, ne pouvant plus supporter la pression exercée par les
agro-businessmen, les producteurs familiaux ont été
acculés à «vendre leur seul bien qui leur reste: la
terre ». Au Sourou aussi, l'analyse des rapports socio-fonciers et
les jeux d'acteurs entre exploitants familiaux, coopérateurs en faveur
des agro-businessmen se rapproche de cette réalité surtout qu'on
a désormais des exploitants de fait et des exploitants sans terre.
Au delà de tout, l'agro-business est pour SISSOKO
(2009), une solution à l'insécurité alimentaire.
Au regard de cette revue de littérature, nous pouvons
dire que ces différentes études ont approfondi certains aspects
de la sécurité foncière, de la sécurité
alimentaire, et de l'agro-business et servent de tremplin pour les recherches
actuelles et futures. Cependant, les différents auteurs ne sont pas
unanimes sur l'analyse de la question et d'autres ne l'abordent pas clairement.
Ce qui veut dire que ce sujet n'est pas traité dans tous ses aspects. La
recherche sur ce thème n'est donc pas épuisée. C'est
pourquoi notre étude s'insère avec pertinence dans ce champ
d'investigation à travers des objectifs qui en prouvent
l'actualité.
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