4.1.2.2. Les rapports socio-fonciers entre les
coopérateurs et les agro-businessmen
La nature des rapports sociaux est fonction des
résultats des campagnes agricoles des coopérateurs. Trois cas de
figures sont possibles s'ils sont dans une coopérative rizicole.
D'abord, si la campagne humide du coopérateur peut
être excédentaire. La coopérative peut rentrer dans les
dépenses consenties au compte du coopérateur (dépenses
intrants) alors les spéculations de la campagne sèche sont un
additif à ses bénéfices. Dans ces conditions, la
sécurité foncière du coopérateur n'est pas
menacée puisqu'il peut l'assurer lui-même. Ensuite, la
récolte peut juste suffire pour couvrir les
dépenses faites par la coopérative au cours d'une campagne
humide. A ce niveau ce sont les cultures de la campagne sèche qui
serviront à la survie du coopérateur car il n'a pas pu
dégager d'excédent de riz. Le coopérateur doit chercher
des moyens ailleurs pour assurer sa redevance eau même s'il
bénéficiera à la prochaine
campagne humide des subventions en intrants. Et comme en
campagne sèche les coopératives
73
permettent à leurs membres de produire d'autres
spéculations en plus du riz, alors les relations avec les
opérateurs agro-business deviennent nécessaires grâce
à l'oignon. Dans le dernier cas, si la production de riz est
déficitaire c'est-à-dire n'est pas suffisante pour couvrir les
dépenses faites au compte de la production agricole de ce
coopérateur, la récolte est néanmoins
récupérée. Le coopérateur est redevable à la
coopérative. Pour épurer sa dette, il a un délai de deux
à trois campagnes agricoles. Il ne bénéficie plus de fait
d'aucune subvention pour sa production de riz (pas de semences ni d'engrais).
Après ce délai, s'il n'arrive toujours pas à payer sa
dette envers la coopérative, alors il est exclu du
périmètre agricole Le tableau n°4.2 montre l'état de
sécurité des coopérateurs et ceux qui pourraient
être les potentiels ouvriers agricoles des agro-businessmen.
Tableau n°4.2: Les endettés de la
coopérative Heressera exposés à une expulsion du
périmètre
Dettes en milliers de FCFA
|
] 0-5]
|
] 5-10]
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] 10-15]
|
] 15-20]
|
] 20-25]
|
] 25 et +
|
Total
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Nombre
|
3
|
4
|
9
|
0
|
28
|
3
|
47
|
Pourcentage(%) des coopérateurs
|
6,4
|
8,5
|
19,1
|
0,0
|
59,6
|
6,4
|
100
|
Source: ZONGO et AMVS, 2011
Au regard du tableau n°2 tous les membres de cette
coopérative sont endettés et plus de la moitié d'entre eux
doivent au plus 25 000FCFA à cette coopérative. Tous sont
déficitaires. Si les textes de cette coopérative doivent
s'appliquer avec une certaine rigueur tous les membres ne
bénéficieront pas de semences ni d'engrais. Pour ne pas tomber en
faillite la coopérative s'endette et repartit le paiement entre ses
membres. Ils auront donc à payer et leur dette envers la
coopérative et la somme empruntée à la coopérative
qui est comprise entre 2500 et 75 000 FCFA. Au niveau de la Coopérative
Agro-pastorale Sorokadi (CAPSO), ce sont aussi 20% des 45 membres qui sont
endettés. Cette dette va de 6 755 à 493 952 FCFA.
Ce niveau d'endettement montre que les risques
d'insécurité foncière augmenteront chez les
coopérateurs les plus endettés. Ils pourraient donc s'affilier
à des agro-businessmen pour éponger leurs dettes. Ils vont se
faire employer comme des ouvriers agricoles contractuels et comme leur salaire
journalier varie entre 500 à 2000 FCFA et que le travail n'est pas
permanent, ces coopérateurs peuvent devenir des producteurs sans terre.
Cette relation entre les agro-businessmen et les coopérateurs peut aussi
être une menace voire même une désorganisation de ces
organisations paysannes (OP). L'encadré n°4.4 est
évocateur:
74
Encadré n°4.4: « L'avènement
de l'agro-business au Sourou est la source de nos problèmes
»
« Ces agro-businessmen qu'on trouve sur le site de la
vallée, ce sont les purs produits de Guiédougou ;
c'est-à-dire qu'ils ont fait leurs premiers pas à
Guiédougou. Avec l'agro-business, il faut dire que l'homme est ce qu'il
est. Surtout quand un nouveau système est né, il faut s'attendre
à ses conséquences aussi. Nous, nous pouvons dire que nous
subissons déjà les conséquences de l'implantation de ces
agro-businessmen. C'est surtout la désorganisation de toutes les
coopératives. Quand un coopérateur avec qui vous étiez
trouve des partenaires agro-businessmen, du jour au lendemain il s'enrichit.
Cela amène des idées. Les lois, les statuts, tout ce qui est
lié à la coopérative est presque bafoué. Les
agro-businessmen s'immixent partout. On monte des coups à tous les
niveaux, dans toutes les coopératives. Cela fait que notre
coopérative est semée de bonnes et de mauvaises graines. Si
certains sont là, c'est pour maintenir la terre avec la nouvelle
politique du foncier rural parce que ça peut être utile d'un jour
à l'autre ». ZONGO. (2011). Entretien réalisé
avec M. Z.B.
L'agro-business a donc provoqué de profonds changements
dans les coopératives. PALE (2003) avait déjà abouti
à une telle situation quand il affirmait : « L'agro-business
bien que n'étant pas à la portée de tous semble susciter
l'intérêt de beaucoup d'entre eux qui désertent les
coopératives pour rejoindre les comités de gestion. »
(p175). Actuellement la situation n'a pas évolué
positivement. Les relations que les agro-businessmen entretiennent avec elles
sont la cause de leur désorganisation et de la réorientation de
leurs statuts, de leurs lois, de leurs objectifs ou de leur mort ! Le fait
d'établir des relations avec les autres acteurs de la production
agricole dans le Sourou installe beaucoup de producteurs en
insécurité foncière. Or s'il y a une
insécurité foncière sur les périmètres
aménagés du Sourou, cela pourrait conduire ses exploitants vers
les terres non aménagées. Ce qui pourrait être source de
conflits entre les autochtones et les nouveaux exploitants (agro-businessmen).
On peut dire que malgré le fait que, globalement, les acteurs agricoles
vivent des réalités d'insécurité foncière,
les dispositions juridiques en matière foncière, dans la tendance
actuelle, sont plus favorables aux agro-businessmen. BETHELEMONT, FAGGI et
ZOUNGRANA (2003) à travers leur entretien réalisé avec un
des directeurs techniques l'AMVS le 19 Juillet 2002 corrobore cette analyse
:
« L'Etat ne peut plus permettre de distribuer la
terre à tout le monde pour que chaque paysan puisse nourrir sa famille.
Le Burina Faso est un pays pauvre et il faut qu'on arrive à sortir de
cette pauvreté. Tout d'abord il faut que l'Etat arrête d'investir
à perte sans pouvoir obtenir le bénéfice de ses
investissements. De nouveaux entrepreneurs agricoles devraient prendre en
charge le développement de la vallée et pratiquer une agriculture
de type moderne. Pour cela, il faut avant tout une nouvelle approche des
marchés, l'intensification de la production des cultures de
qualité qui permette d'avoir une marque garantie sur les produits
agricoles. Si la nouvelle
75
génération d'exploitants de la vallée
arrive à réaliser ce type d'agriculture les produits du Sourou
pourront devenir concurrentiels sur les marchés internationaux et dans
la vallée, on pourra produire pour exporter » (p71).
Ainsi, les terres ne serviront plus à produire pour se
nourrir mais pour produire des cultures de rente pour faire sortir le Burkina
Faso de la pauvreté. La sécurité alimentaire est devenu un
problème de second plan et la sécurité foncière
aussi. Car celui qui ne s'inscrit pas dans cette logique pourrait être
exclu des périmètres agricoles.. Cela fait que 69,2% des
agro-businessmen se sentent en insécurité foncière.
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