4.1.2. La pratique de l'agro-business et les nouveaux
rapports fonciers
Les agro-businessmen, qu'ils proviennent des
coopérateurs locaux ou non, entretiennent des rapports socio-fonciers
multiples avec la population locale et les coopérateurs. Ces rapports
ont des manifestations de complémentarité et/ou d'opposition.
4.1.2.1. Les rapports socio-fonciers entre population
locale et agro-businessmen
La population locale contribue à la
sécurité foncière des agro-businessmen. Ils ont tous des
relations avec les chefs coutumiers et les informent de leurs activités.
Les formations sur le foncier. Facilitent cela. La population locale est aussi
une pourvoyeuse d'ouvriers agricoles (contractuels et permanents). Ces ouvriers
agricoles compensent le problème d'équipement agricole des
agro-businessmen et leur permettent d'être en règle
vis-à-vis du calendrier cultural et de la mise en valeur de toutes les
parcelles qui leur sont octroyées. Ainsi, pour certains, au regard de
leur proximité avec la population locale et les autorités
coutumières, les négociations
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pour avoir accès à la terre doivent se faire
avec celles -ci et non avec l'AMVS car elles assurent le mieux la
sécurité foncière.. Ils représentent 15,4% du total
des agro-businessmen.
L'encadré n°4.2 nous donne la compréhension de
cet agro-businessman sur la sécurité foncière:
Encadré n°4.2: Implication de tous les
acteurs locaux pour une sécurité foncière
«La sécurité foncière, on ne peut la
garantir qu'en se mettant en accord avec la population : les
propriétaires terriens, les villageois, les propriétaires des
champs. Il faut qu'ils soient tous impliqués dans cette entreprise
agro-business. C'est ce qui peut amener la sécurité
foncière. Il faut que l'Etat se désengage carrément de la
sécurité foncière et qu'il libéralise cette affaire
d'agro-business. Il faut quand même contrôler les agro-businessmen,
les suivre pour que les terres soient bien gérées mais qu'il
laisse le reste du débat entre la population et l'opérateur
économique, qu'ils s'accordent sur les terres à exploiter parce
que ces terres là appartiennent à ces populations qui vivent de
ces terres là. Mais tant que la masse, tant que toute la population avec
laquelle tu vis t'est hostile, elle ne te veut pas, mais elle va te chasser,
elle va tout saboter. Tu ne peux rien. Ils ont toutes les manières pour
saboter ton travail. Quand tu n'es pas bien accueilli dans une population tu ne
peux pas y rester ». Cela va être difficile pour avoir une
sécurité. ZONGO. (2011). Entretien avec
M.C.T.
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Selon cet agro-businessman, c'est plutôt le droit
coutumier sur les terres qui prime et qui est gage de sécurité
foncière. Cependant, ce contrat peut être remis en cause par cette
même population au regard des ambitions expansionnistes des
agro-businessmen. L'emprunteur peut voir sa superficie exploitée
réduite pour les besoins familiaux de la population locale ou même
retirée à cause des enjeux fonciers. En outre c'est à la
faveur du droit moderne que l'introduction des opérateurs privés
(agro-businessmen) a été possible. Le droit coutumier ne
reconnaît que la propriété collective de la terre sauf en
cas de pression foncière. La majorité des agro-businessmen
(84,61%) est plus pour le contrôle des terres par l'Etat à travers
un contrat bail d'au moins 25 ans pour garantir leur sécurité
foncière au lieu d'être attributaire. Pour ceux qui arrivent
à travailler hors périmètre (paysannat) le contrat verbal
n'est pas une source de sécurité foncière pour eux. Cela
est confirmé par cet entretien réalisé avec cet
agro-businessman à l'encadré n°4.3:
Encadré n°4.3: «On n'est pas en
sécurité en paysannat ou hors périmètre
»
«L'Etat doit prendre des mesures pour garantir nos
parcelles parce que plus nous avons des garanties au niveau du foncier, plus
nous sommes conscients de produire le maximum. Si vous allez sur les
périmètres, si vous voyez l'agro-business et si on part au
paysannat ce n'est pas la même chose. C'est un petit protocole qui
garantit la liberté, c'est une petite garantie. Les paysans n'ont pas
cela pour nous. Si on travaille en paysannat. On peut amener la fumure pour
améliorer notre champ puisque on sait qu'en mettant de la fumure, on
peut augmenter ta production. Si la production est bonne, ils peuvent nous
retirer la parcelle. Si je dis qu'on peut nous retirer la parcelle parce que
c'est sur des terrains locaux. Au niveau des autorités
coutumières, si tu pars négocier, on peut te dire de donner un
poulet, un coq. On part te montrer un ou deux ou trois hectares. Tu commences
à bien produire. C'est là même le danger car tu n'es
même pas en sécurité. Il faut savoir que l'année qui
suit, on va venir te dire : « Ah ! Il y a mon parent qui est venu de
la Côte d'Ivoire, on va te prendre ce morceau là ».
Est-ce que tu vas refuser ? S'il te dit que moi en tant que propriétaire
terrien, j'ai mon frère, sur 3 ha on va prendre 1 ha, tu as gagné
puisque tu n'as pas payé. Ils peuvent même retirer tout. C'est le
propriétaire terrien. Tu n'as pas la force» ZONGO. (2011).
Entretien avec M.B.O.
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L'étude déjà menée par le GRAF Infos
n°25, (2007.b.) qui a abouti à cette conclusion :
« En agriculture pluviale, le pourcentage de
satisfaction des populations en rapport de superficie, la qualité des
terres, la gestion des conflits et aux accords de prêt est en dessous de
50% preuve du sentiment d'insécurité dans laquelle, les
agriculteurs travaillent. Pour ce qui est de l'agriculture sur les
périmètres aménagés, 38,6% des
enquêtés sont satisfaits de la qualité
des aménagements. Seulement 26% sont satisfaits de l'attribution »
(p7).
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