4.1.1.4. Le cahier spécifique des charges du
Sourou et de la haute vallée du Mouhoun et le protocole d'accord:
état de la sécurité foncière des acteurs agricoles
de Niassan, Di, Débé et Gouran
Ces deux textes se complètent. Ils déterminent
la présence ou l'exclusion des acteurs de la production agricole. Leur
sécurité en est tributaire.
Le cahier spécifique des charges est une prescription
de la Réforme Agraire et Foncière (RAF) de 1996 en son article
189 de décret d'application de la législation foncière. Un
Décret et un arrêté ont été pris pour son
élaboration, son adoption et son application. Il s'agit du décret
No97-598/PRES/PM/MEE/AGRI du 31/12/ 1997 portant cahiers des charges
pour la gestion des grands aménagements qu'il sera
élaboré. Il est suivi par l'arrêté conjoint
No98-032/MEE/ MA/ MEF/ MATS du 06/10/98 portant cahier
spécifique de la vallée du Sourou et de la Haute Vallée du
Mouhoun. Ce cahier indique la possibilité d'introduire des exploitants
autres que les coopérateurs ou les paysans sur les
périmètres irrigués. Il est une réponse
donnée pour l'émergence de nouveaux acteurs dans le monde
agricole. Il devrait permettre le développement de l'agro-business et de
l'agro-industrie dans la vallée du Sourou. Le cahier indique
spécifiquement les relations économiques, financières,
techniques et sociales qui doivent exister entre les agro-businessmen et l'AMVS
d'une part et de l'autre, la relation avec la parcelle et l'eau d'irrigation
tout en incluant les exploitants familiaux. Il y a aussi les conditions
d'attribution et d'exploitation des parcelles aux coopérateurs qui
tiennent compte d'un temps d'essai ou d'attribution provisoire. Elles tiennent
compte du statut social du coopérateur et certaines dispositions
morales. En effet, il doit être de nationalité burkinabé,
marié et disposer d'au moins quatre actifs. Il doit aussi être de
bonne moralité, résider sur le site, s'engager dans les
structures communautaires, exploiter personnellement la parcelle dont il est
attributaire et non
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propriétaire. Il doit respecter les dispositions du
cahier des charges. Un autre document complète le cahier des charges :
le protocole d'accord.
Le protocole d'accord définit le partenariat qui doit
exister entre l'agro-businessman et les conditions d'exploitation des
périmètres aménagés (Article 1). Il
détermine les modes de fonctionnement et de travail. Ce document
s'articule autour des engagements de l'AMVS (Article 2) et des exploitants
agro-business (Articles 3 à 4), les sanctions (Articles 5), le
règlement des litiges, la durée et l'entrée en vigueur du
protocole d'accord (Articles 6 et 7). Ce protocole est la
matérialisation du cahier des charges spécifiques de la
vallée du Sourou et du Haut Mouhoun sont quelques aspects. Avec le
protocole d'accord, on connaît la superficie mise en valeur par
l'opérateur d'agro-business, les cultures pratiquées et la
destination de sa production.
Ces textes ne sont cependant pas une garantie de
sécurité foncière. Les conditions d'attribution,
d'exploitation des terres aménagées contraignantes, les sanctions
prévues, le manque de droit de propriété, le cahier
spécifique des charges du Sourou et du Haut Mouhoun. Cette situation de
précarité foncière, justifie en partie les
stratégies de survivance telle la gestion des périmètres
par location sur le bloc C. C'est un des types des spéculations
foncières. Ce mode d'exploitation des parcelles du Bloc C est pourtant
interdit par le protocole d'accord signé avec l'AMVS. L'Article 5 du
AMVS/MAHRH (2006) portant clauses résolutoires est explicite en certains
de ces points : « L'AMVS pourra au titre de clauses
résolutoires à toute campagne retirer la parcelle d'exploitation
dans les cas ci- après : - Non respect des clauses de l'Article 3 ; en
cas de sous- location avérée des parcelles à tiers...
» (p 5).
Enfin le statut d'attributaire octroyé aux
agro-businessmen, laisse cependant une marge de manoeuvre aux autorités
administratives (AMVS) pour veiller au respect des obligations
consignées dans le cahier des charges spécifiques et du protocole
d'accord du Sourou et du Haut Mouhoun. A cause des sanctions un
agro-businessman peut perdre sa parcelle au profit d'un autre. Ces propos d'un
des agro- businessmen enquêtés sont illustratifs « Je
suis attributaire et non propriétaire. A tout moment l'AMVS peut
révoquer son accord » (Mme B. S.). Ce qui établit un
climat d'insécurité. Par ce fait, 76,9% des agro businessmen
enquêtés ne voient pas dans le protocole d'accord une garantie de
sécurité foncière puisque l'état de leur
sécurité foncière dépend du bon vouloir de l'Etat.
Ces propos d'un autre agro- businessman sont tout aussi évocateurs :
« La sécurité foncière des
agro-businessmen dépend de l'Etat. Si, aujourd'hui, on te donne un lopin
de terre dans les villes, qui garantit la sécurité
foncière ? C'est l'Etat. Sinon au niveau local, les autorités
coutumières et la population locale ne peuvent pas garantir votre
sécurité. Elles peuvent vous donner des terres mais si vous
faîtes des merveilles, vous savez, c'est l'Etre humain. S'il n'y a pas de
papiers qui vous garantissent la sécurité, on peut
vous retirer le champ à n'importe quel moment. Il n'y
a pas de demi-mesure » (M.O.B).
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L'encadré n°4.1, ci-dessous évoque les
péripéties d'un agro-businessman pour accéder aux terres
aménagées dans le Sourou du fait des considérations
politiques en cours.
Encadré n°4.1: L'application de
l'agro-business dans son sens original
En agro-business, on a non seulement une importation des
techniques mais aussi une importation des capitaux pour pouvoir réussir
cette agriculture raisonnée. On s'appuie sur les partenaires techniques
et financiers privés. Donc quand on parle de haute technologie, ce sont
les privés, les grandes firmes. Quand ces firmes veulent investir leur
argent dans leurs affaires, elles ne veulent pas aller avec le gouvernement,
avec les politiciens parce que personne n'est plus fort qu'un politicien. Au
Burkina, notre gouvernement n'a pas encore compris le secteur privé
à tel point même qu'au niveau de l'agro-business dont on parle,
ils veulent que les agro-businessmen leur amènent les fonds pour qu'ils
aménagent les terres. Et s'il n'aménage pas ? Est-ce que c'est
à l'AMVS qu'ils ont donné un crédit ? C'est moi leur
partenaire à qui ils affectent l'argent mais moi je ne peux pas prendre
mon argent pour donner à des politiciens. Comme j'ai refusé de
leur donner mon argent jusqu'à présent je n'ai pas pu
acquérir le terrain. Je n'ai même pas exploité même 1
ha des 250 ha demandés. J'ai demandé 250 ha pour un premier temps
et en 5 ans on va exploiter 1000 ha avec nos propres moyens. ZONGO
(2011). Entretien avec M.C.T.
Selon cet acteur, cette manière de pratiquer
l'agro-business au Sourou n'est pas la bonne. En agro-business, l'exploitant
est propriétaire. C'est le statut le plus sécurisant favorisant
la liberté d'entreprise. Avec ce statut, il peut produire ce qu'il veut,
mener toutes sortes d'activités sur son terrain (élevage, chasse,
tourisme...).
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