WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La spécificité du personnage héroà¯que dans le Comte de Monte Cristo


par Hagar Ali-Cherif
CY Université  - Licence de Lettres Modernes  2022
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Partie II : Un érudit parmi les ignorants

Au début naïf et ingorant, c'est au contact de l'abbé Faria, puis grâce à ses nombreux voyages à travers le monde qu'Edmond Dantès évolue pour devenir le comte de Monte-Cristo. Un homme cultivé dans à peu près tous les domaines possibles et imaginables. Nous avons déjà vu en quoi il différait du modèle du héros habituel dont l'éducation restait à faire. Dans ce roman la situation est inversée puisque c'est le héros qui à un certain point instruira les autres personnages et non le contraire.

Véritable héros des milles et une nuits, Monte Cristo est considéré par beaucoup comme un pacha voyageant incognito. Si la profusion de luxe dont il fait preuve n'est pas sans rappeller les contes orientaux, le personnage ne fait pas que s'approprier le cadre et le décor propre à ces pays, il en intègre aussi la langue principale : l'arabe, qu'il parle avec une grande pureté ainsi qu'on peut le constater lorsqu'il s'adresse à son serviteur Ali. L'arabe n'est d'ailleurs pas la seule langue vivante parlée par le comte, l'abbé Faria ainsi que son passé de navigateur, l'ayant poussé à apprendre l'italien, le romaïque, l'espagnol, l'anglais, l'allemand et le grec en plus du français qui se trouve être sa langue maternelle. Loin donc de faire comme tout le monde et seulement imitier la mode orientale du XIXème siècle, le comte intègre la langue et la culture des pays visités. Cela se remarque lorsqu'il fait monter pour Haydée des appartements et un service tel qu'elle aurait pu en bénéficier dans son palais en Épire ou encore lorsqu'à Rome lors de l'exécution des condamnés Peppino et Andrea il se montre au courant des procédés des différents types de mises à mort. Homme cosmopolite par excellence, Edmond Dantès s'adapte aux pays dans lesquels il s'installe, tant physiquement que moralement. Cependant, revenant d'orient, il ramène de son voyage une philosophie orientale qui n'est pas sans choquer l'aristocratie française à laquelle il en fait part. «Ali est mon esclave ; en vous sauvant la vie il me sert, et c'est son devoir de me servir» [LCMC1 : 605p] dira-t-il à Mme de Villefort, lorsque son serviteur Nubien la sauvera, elle et son fils, d'un attelage aux chevaux enragés. C'est cette intégration de différentes cultures qui, venant s'ajouter à ses très nombreuses connaissances, font de notre héros un homme à la conversation recherchée et à la supériorité écrasante. Danglars, homme d'affaires obsédé par l'argent ne peut soutenir la comparaison et même le procureur du roi monsieur de Villefort, pourtant un esprit aiguisé, habitué aux plaidoiries, condescend à discuter avec cet étrange noble et est surpris par l'acuité et l'étrangeté de ses raisonnements. Franz d'Epinay et le jeune vicomte Albert de Morcerf lui-même, devenu amis du comte l'un à l'île de Monte Cristo, l'autre à Rome, le prenne comme protecteur, un être qui peut accomplir des miracles. Ceci est une manoeuvre habile du comte afin de parvenir à ses fins ainsi que

12

nous l'explique Jean-Marie Salien, professeur de littérature à l'université de Strasbourg : «L'efficacité de ces signes, qui dépend de la crédulité de leurs destinataires, se mesure aux réactions de Franz et d'Albert, enfants naïfs que le comte prend pour intermédiaires entre leurs parents et lui et qu'il s'occupe de charmer pour qu'ils le conduisent à leurs pères. Ces deux jeunes gens s'enthousiasment pour Dantès et sont impressionnés par les largesses de cet homme mystérieux qui les gâte. Franz, qu'il a attiré à grand-peine à Monte-Cristo, est ébahi et, bien que tout suggère l'artifice dans le palais de Simbad (alias Dantès), il donne innocemment dans le piège. Albert, moins soupçonneux encore, défendra énergiquement le comte contre les sceptiques»6.

Ainsi, si le savoir multiculturel du héros lui permet de parvenir à ses fin, il entraîne aussi son passage dans un camp plus difficile à définir. En effet la façon dont le comte utilise ses connaissances est tout sauf anodine. Il suffit de se rappeller la conversation sur les poisons qu'il tient avec Mme de Villefort, la seconde épouse du procureur, pour s'en convaincre. Monte Cristo fait le choix d'user de ce qu'il à appris afin de fomenter et de peaufiner sa vengeance. C'est lui qui donne à ladite Mme de Villefort la recette de la drogue avec laquelle elle empoisonnera toute sa famille, plongeant au final son mari dans la folie. C'est par sa connaissance des télégraphes qu'il parvient à corrompre un fonctionnaire et à lui faire envoyer un faux message, influant sur le cours de la bourse et contribuant à la ruine de Danglars. Enfin c'est en divulgant le récit pourtant secret de la trahison du comte de Morcerf qu'il provoque sa chute et plus tard son suicide. La somme de ses savoirs, couplée à la connaissance de faits qui auraient dû rester cachés, met Edmond Dantès en position de force, de supériorité par rapport à ses adversaires. Le fait même que ceux-ci ignorent sa véritable identité et ses intentions lui donne un avantage non négligeable. Toutefois, la façon dont il use de son intelligence afin de commettre une vengeance qui, même si elle est compréhensible, à somme toute de terribles répercussions, empêche le lecteur d'admirer pleinement le comte dont la cruauté et la froideur peuvent en effrayer plus d'un. Il est ironique de constater que les positions extrémistes et dangereuses d'Edmond Dantès ne sont pas dues à ses convictions politiques ainsi que le pensaient ceux qui dans son dossier de détenu notaient une mise en garde contre son bonapartisme enragé. Bien au contraire, c'est par la faute des complotistes que Dantès devient l'homme à l'intelligence redoutable qu'il est, eux qui en l'emprisonnant l'ont amené à rencontrer l'abbé Faria qui lui ouvre les yeux sur tant de choses. On ne peut pas dire que l'évolution du comte soit toujours positive, on pourrait même le qualifier de mégalomane ainsi qu'en témoigne cette conversation tenue avec le procureur du roi.

6 SALIEN, Jean-Marie, «La subversion de l'orientalisme dans Le comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas», dans Études françaises, vol 36, n°1, 2000, p188.

13

«- Je dis, monsieur, que [...] il a fallu que l'un dît : «Je suis l'ange du Seigneur» ; et l'autre : «Je suis le marteau de Dieu», pour que l'essence divine de tous deux fût révélée.

- Alors, dit Villefort de plus en plus étonné et croyant parler à un illuminé ou à un fou, vous vous regardez comme un de ces êtres extraordinaires que vous venez de citer ?

- Pourquoi pas ? Dit froidement Monte Cristo». [LCMC1 : 614p]

Il n'empêche que cette mégalomanie se fonde sur une supériorité bien réelle de la connaissance face à l'ignorance, que ce soit une ignorance de ses ennemis due à un manque d'études, ou l'ignorance de l'existence de Dantès dans leur ombre.

Le comte de Monte Cristo est l'un des personnages les plus érudits de la littérature populaire du XIXème siècle et c'est cette érudition qui est le fondement de sa vengeance et de sa singularité dans le beau monde. Par ses idéaux orientaux il intrigue les autres personnages et réussit à s'infiltrer auprès de ses ennemis, déclenchant un plan minitieusement préparé des années à l'avance. Nous retiendrons cet concept d'«infiltration» car il peut être lié à des notions telles que celles d'espionnage, de discrétion et de mystère. Et au fond, le comte de Monte Cristo ne reste-t-il pas un mystère vivant ? C'est ce que nous allons voir à présent.

14

15

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus