3.4.2.2 Le changement de mentalité dans la
société
C'est un aspect que nous avons évoqué de
nombreuses reprises, le monde du jeu vidéo se calque sur la
société. Les choix qui sont faits dans les jeux reflètent
la mentalité qui prédomine dans la
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L'image de la femme dans les jeux vidéo
société et c'est aussi pour cela qu'on assiste
à de nombreux changements depuis ces dernières années. En
parallèle du mouvement #MeToo qui a mis en lumière le
harcèlement et les violences que de nombreuses femmes subissent au
quotidien et notamment dans les entreprises, des mouvements propres aux jeux
vidéo comme le Gamergate se mettaient aussi en place. À
l'origine, ce mouvement se voulait être une réaction contre le
féminisme et le progressisme dans les jeux vidéo en ciblant des
femmes éminentes du jeu vidéo à travers des menaces de
mort, du harcèlement et du doxing. Mais cela a eu pour
conséquence de faire réagir et de sensibiliser l'ensemble de la
société à ce qui pouvait arriver à quelconque femme
osant élever la voix au sein de ce milieu, créant ainsi une
guerre culturelle entre les deux camps (Gamergate (Campagne de
Harcèlement), 2022).
Ce mouvement a été vu comme une réaction
à l'apparition de femmes de plus en plus nombreuses dans le monde du jeu
vidéo qui venaient casser avec « l'identité du joueur »
masculin qui existait depuis les années 1990. Se plaçant en tant
que guerriers contre le féminisme, ses acteurs ont au contraire
créé un mouvement contre lequel l'opinion publique voulait
à tout prix s'opposer afin de ne pas laisser le sexisme et la misogynie
prendre le pas. Cependant ils révèlent aussi le problème
latent qui existe dans les jeux aussi bien que dans la société
à savoir que de nombreux hommes ne sont pas prêt à accepter
les femmes comme des égales ou supérieures dans le cadre de
l'exercice de fonctions professionnelles (Romano, 2021).
Ces vagues de haine ont un impact dans la vie réelle.
Lorsque la joueuse transsexuelle Remilia avait commencé à jouer
en LCS donc à haut niveau, celle-ci a subi une vague de haine et de
harcèlement tellement intense que cela l'a poussée au suicide.
« Elle était un exemple comme quoi les femmes pouvaient jouer
au même niveau que les hommes » (Hugo Blaix) et cela
n'était tolérable. Or l'idée que le harcèlement est
possible est permise par l'éducation. Au contraire, le respect de
l'autre, la sensibilisation au harcèlement et surtout l'arrêt des
stéréotypes de genre sont un premier pas vers une
égalité (Ilunaree). On aura beau créer des associations,
mettre en place de nombreuses actions, le travail de fond vient des parents (Mr
Smith).
Au sein même des jeux, il y a bien évidemment
aussi des changements à faire. Rajouter des femmes peut sembler avoir
peu d'intérêt. Parfois il s'agit d'un acte marketing : c'est
notamment le cas d'Ubisoft qui met en lumière le nombre
d'héroïnes qu'ils ont créés pour leurs jeux
vidéo à l'occasion de la journée des droits des femmes, en
omettant de dire que celles-ci ont quasiment toutes un sort tragique et ne
parviennent jamais à la fin du jeu (Louis Di Battista). C'est une
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très bonne chose que de plus en plus de femmes puissent
être inclues dans les jeux et soient montrées mais il ne faut pas
que cela desserve l'action initiale. Il faudrait travailler autant sur la
création des personnages féminins que sur celle des personnages
masculins, il faudrait pouvoir laisser le choix au joueur de choisir le sexe et
non pas en imposer un masculin systématiquement (JC Daull). Ou tout du
moins il faudrait que l'hégémonie masculine cesse d'être la
norme. Ce n'est pas grave d'avoir un jeu avec un héros masculin, ce qui
est gênant c'est de n'avoir que cela, avec des femmes pour lui servir
d'épouse ou d'esclave ou pire d'accessoire.
Il est aussi nécessaire de développer une vision
saine ou mixité et diversité sont des mots d'ordre et sont
respectés par tout le monde (Servane Fisher). Ce n'est pas normal
d'avoir toujours des femmes en sous-vêtements dans de nombreux jeux juste
parce que les hommes qui l'ont conçu étaient contents de les
voir. Modifier la perception des gens pour leur faire comprendre qu'il n'est
pas normal de juger une catégorie de personnes moins capable juste parce
que ce sont des femmes serait nécessaire, mais semble être un
défi très difficile à réaliser et surtout long
(Morgane Falaize).
Enfin, il est important d'opérer ces changements pour
que les femmes osent se mettre en avant dans l'industrie du jeu. Les
entreprises n'ont aujourd'hui que 22% de femmes mais sont-elles
présentes à l'embauche outre la discrimination qu'elles peuvent
subir ? C'est le problème auquel Omega Zell a pu faire face lors du
recrutement qu'il a réalisé, sur une cinquantaine de CV
reçus, il n'y avait que deux femmes. Pour lui qui apprécie et
prône la diversité et la mixité, ne pas avoir les profils
sous les yeux et disponible est le vrai problème.
Pour conclure, sans changements à une échelle
plus large il sera particulièrement difficile de réussir à
faire changer les choses dans le monde du jeu puisqu'il s'agit des mêmes
acteurs et donc de la même mentalité. Il serait intéressant
d'étudier l'influence que peuvent avoir les joueurs sur la
société en tant que telle.
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