PARAGRAPHE 2 : LES FACTEURS DYNAMIQUES DE LA RESILIENCE
DE BOKO
HARAM
Les facteurs dynamiques de la résilience de BH sont
visibles à travers les obstacles stratégiques (A) et les
obstacles opérationnels (B).
A- LES OBSTACLES STRATEGIQUES
Ils relèvent des problèmes de coordination
minimale, de leadership institutionnel et de précarité
infrastructurelle observable.
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Cameroun à l'aune de la menace Boko
Haram
1- LE PROBLEME DE COORDINATION MINIMALE ET LE MONOPOLE
INSTITUTIONNEL
Dans le cas de la lutte contre Boko Haram, des sommets et
réunions ont été tenus de manière interne dans ces
deux principales organisations régionales aboutissant à des
déclarations officielles qui visaient la jonction des actions entre ces
organisations. Au-delà des déclarations officielles et
engagements mutuels à vouloir travailler ensemble, nous nous rendons
compte que les deux organisations phares du Golfe de Guinée que sont la
CEEAC et la CEDEAO n'ont pas coordonné leur effort pour une action
conjointe et coordonnée contre Boko Haram. Aucune action commune et
aucune coordination n'a été manifeste entre ces deux
organisations majeures ayant reçu mandat des Nations Unies en
matière d'intégration, de maintien de la paix et de la
sécurité. C'est vrai qu'un mandat a été
donné à deux chefs d'État de la CEEAC pour rencontrer les
dirigeants de la CEDEAO afin de rendre commune la stratégie et
l'opérationnalisation de la lutte contre Boko Haram. Après la
mission du président du Congo Denis Sassou Nguesso et du
président de la Guinée Equatoriale Theodoro Obiang Nguéma
et les promesses obtenues des dirigeants de la CEDEAO d'un sommet conjoint des
chefs d'État des deux organisations pour coaliser les efforts, une
réunion d'experts des deux communautés s'est tenue à
Douala au Cameroun le 2 avril 2015 avec pour objectif de préparer le
Sommet des Chefs d'État des deux organisations prévu le 8 avril
de la même année. Cependant, le sommet conjoint des chefs
d'État de la CEDEAO et de la CEEAC, initialement prévu le
mercredi 8 avril 2015 à Malabo, en Guinée Equatoriale, a
été reporté à une date ultérieure. Cette
rencontre qui a déjà fait l'objet d'une réunion au niveau
des experts, tenus le 02 avril dernier à Douala au Cameroun, doit
déboucher sur l'adoption d'une stratégie commune de lutte contre
le groupe terroriste Boko Haram qui sévit au Nigéria, mais aussi
au Cameroun, au Niger et au Tchad106.
Le sommet conjoint qui aurait entériné la
réflexion commune et des décisions stratégiques
collectives entre ces deux pôles majeurs de gestion des crises en Afrique
subsaharienne a donc été annulé sans aucune explication ni
aucun commentaire des deux communautés régionales. Aucune
initiative commune n'a suivi pour permettre une
106 Communiqué de presse, report du sommet conjoint
CEEAC-CEDEAO : 10 avril 2015
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Haram
coordination des efforts contre Boko Haram, aucune action
commune alors que le Bassin du Lac Tchad est situé sur et entre ces deux
organisations phares et les principaux pays déstabilisés par Boko
Haram appartiennent à parité à la CEEAC et la CEDEAO.
Malgré la conscience d'une action commune et conjointe entre les deux
communautés contre Boko Haram, chacune d'elles a continué de
réfléchir de manière individuelle à la lutte contre
Boko Haram et cela s'est reflété dans les documents officiels de
chaque organisation. Du côté de la CEEAC, bien qu'elle ait
réaffirmé dans la déclaration officielle du sommet de
Ndjamena du 25 mai 2015 son engagement à coopérer sur le plan
stratégique avec la CEDEAO contre Boko Haram, elle rappelle à ses
États membres de s'impliquer aux côtés du Cameroun et du
Tchad dans la lutte contre Boko Haram. La CEEAC a fait siennes les
résolutions de ce sommet extraordinaire du COPAX à Yaoundé
le 16 février 2015 et a exhorté les États membres qui ne
l'ont pas encore fait à honorer leurs engagements multiformes de
solidarité envers le Cameroun et le Tchad107.
Bien plus, le secrétaire général de la
CEEAC, dans un communiqué datant de février 2016 sur la lutte
contre Boko Haram, reconnaît la nécessité d'une action
régionale, mais ne mentionne pas particulièrement quelle
organisation serait le mieux à même de coopérer avec la
CEEAC pour une meilleure efficacité dans la lutte contre Boko Haram.
En dehors des déclarations officielles qui
démontrent que les organisations phares de la région ne
mutualisent pas leur effort contre Boko Haram, il est indéniable de
mentionner que les stratégies de lutte contre le terrorisme donc contre
Boko Haram sont différentes dans les deux communautés. Pour ce
qui est de la CEDEAO, elle a adopté en 2013 une stratégie commune
de lutte contre le terrorisme et son plan d'action engageant les États
de la communauté à renforcer leur capacité de
surveillance, d'harmonisation, de coordination et de réglementation des
politiques et pratiques des États en matière de prévention
et de répression du terrorisme en Afrique de l'Ouest. Contrairement
à la CEDEAO, la CEEAC n'a pas beaucoup d'initiative en matière de
lutte contre les nouvelles menaces. En dehors des mécanismes du COPAX,
elle a juste ajouté une touche opérationnelle en matière
de contreterrorisme en 2015. Il s'agit entre autres de la création
d'unités spécialisées pour lutter contre le terrorisme, la
mise en place d'une plateforme institutionnelle régionale
d'échange d'informations, de coopération et de collaboration
entre les différents services de sécurité et de
renseignement : ceci étant élaboré par les chefs des
services de renseignement et de sécurité des États de la
CEEAC. Il s'agit donc d'une coopération en Afrique Centrale dont le
107 Déclaration officielle sommet de Ndjamena, 25 mai
2015
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Haram
but est de mieux contrer les actes terroristes de
manière préventive ou durant la période des
activités terroristes. Ces différentes stratégies dans la
lutte contre le terrorisme semblent donc justifier la persistance de la menace
Boko Haram et le déficit de coordination de la CEEAC-CEDEAO.
En outre, la coordination déficitaire entre les deux
communautés majeures présentes dans le Bassin du Lac Tchad
pourrait aussi s'expliquer car la menace Boko Haram traverse à la fois
la CEDEAO et la CEEAC créant ainsi une entrave à une
réponse efficace. La menace Boko Haram qui traverse les
frontières des deux communautés a à la fois
compliqué la mise en commun des moyens sécuritaire pour faire
face à Boko Haram. Ceci s'explique parce que le Bassin du Lac Tchad a
une position géographique particulière. En effet, le Bassin du
Lac Tchad est à cheval entre la Communauté des États de
l'Afrique de l'Afrique Centrale et la Communauté des États de
l'Afrique de l'Ouest. Aucune de ces deux communautés ne pouvant
réagir de manière autonome et efficace contre le groupe
terroriste Boko Haram sans le soutien et l'action conjointe de l'autre. Cela
veut dire en d'autres termes que si l'une des deux organisations décide
d'intervenir, son champ d'action se délimitera de manière
partielle sur le territoire couvert par l'organisation en question et, en
conséquence l'ensemble du Bassin du Lac Tchad ne connaîtra pas une
accalmie et une sécurité du fait d'une possible et probable
continuation des activités terroristes dans l'autre communauté et
vice versa. Boko Haram a donc dû être favorisé par ce
chevauchement régional pour créer des multitudes de sanctuaires
de la violence en Afrique Centrale et en Afrique de l'Ouest donc les
conséquences continuent de se reprendre dans la région. Ce manque
de coordination entre CEEAC et CEDEAO n'explique pas seul l'échec des
mécanismes de sécurité dans la lutte contre Boko Haram.
Elle s'accompagne de la présence des autres organisations
supranationales dans le Bassin du Lac Tchad et le difficile monopole par
chacune de ces organisations des zones déstabilisées par Boko
Haram.
La multiplication des organisations régionales autour
du Bassin du Lac Tchad n'a pas seulement créé un problème
de coordination inter organisationnelle permettant d'appliquer les
mécanismes régionaux de sécurité afin de contrer la
menace Boko Haram. Cette croissance anarchique des institutions supranationales
dans cette région de l'Afrique a aussi créé des
problèmes liés au manque de monopole institutionnelle de la vaste
région menacée et déstabilisée par Boko Haram afin
d'arrêter les multiples désastres occasionnés par ce
groupe. Une région ou une sous-région donnée devrait avoir
des mécanismes permanents de
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Cameroun à l'aune de la menace Boko
Haram
coordination entre régions rassemblant les Etats de la
zone géographique et les poussant à agir de manière
commune suivant les règles qu'ils se sont eux-mêmes fixés.
En cas de conflit interétatique ou intra étatique, l'organisation
couvrant la région par la voie de tous ses États applique ainsi
les mesures élaborées à cet effet avec le soutien de tous.
Dans ces conditions, il pourrait être possible d'espérer que des
avancées positives et souvent efficaces seront au rendez-vous en cas
d'intervention régionale. C'est le contraire de la situation dans le
Bassin du Lac Tchad où l'on remarque la division de cette zone
géographique par les organisations régionales qui à la
fois sont actives sur le même terrain et au même moment. La
principale zone déstabilisée par Boko Haram crée un
déficit de monopole d'action d'une organisation régionale.
Ensuite, le manque de monopole des régions déstabilisées
par Boko Haram pourrait s'expliquer par la taille des organisations
supranationales et la légitimité de leur domaine d'action. Avec
la montée en puissance de ce groupe terroriste, plusieurs organisations
régionales ont engagé des démarches pour mettre fin aux
atrocités de Boko Haram. Mais leur champ d'action semble ne pas avoir
réduit l'ampleur de la menace. Le manque de monopole géographique
dans la région touchée par Boko Haram explique donc
l'échec des mécanismes régionaux de sécurité
pour endiguer ce groupe. Le manque de monopole régional ayant
généré l'échec des mécanismes
régionaux de sécurité tient au fait de la présence
de plus huit organisations supranationales dans le Bassin du Lac Tchad et leur
activité de simultanée dans la zone. La plupart de ces
organisations sont à vocation économique, mais se sont
attribué des mandats en matière de maintien de la paix et de la
sécurité. Comme chacune de ces organisations ayant des mandats
sécuritaires occupe au moins une sous-partie de la région, nous
remarquons ainsi une balkanisation de la région en plusieurs zones. Cela
explique le fait que la Communauté des États Sahelo-Saheliens
« CEN-SAD » a un intérêt pour les questions
sécuritaires dans le Golfe de Guinée du fait que le Niger,
Nigéria, Tchad, pays déstabilisés par Boko Haram sont
membres de cette communauté. La Commission du Golfe de Guinée a
aussi un rôle à jouer pour le maintien de la paix dans la
région, car le Cameroun et le Nigéria, troublés par les
activités de Boko Haram, sont membres de la communauté. La CEMAC
a aussi des actions à envisager dans le cadre de la
nécessité de stopper Boko Haram, car la zone qu'elle couvre
abrite les États touchés par ce groupe terroriste. Le fait donc
que toutes ces organisations auxquelles s'ajoutent la CEEAC, la CEDEAO et la
CBLT ont un mandat sécuritaire, partagent la principale zone du Bassin
du Lac Tchad déstabilisée par Boko Haram et non pas le
monopole
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Haram
de l'action sur toute cette zone géographique, il devient
difficile pour les États de se réunir et d'appliquer les mesures
régionales contre la menace.
Les réponses des Etats Africains face au
phénomène bokoharamique souffrent d'incohérences internes
et externes suffisamment graves. Si les Etats Africains n'y font pas urgemment
face, la réalisabilité du projet de Califat Mondial Islamiste de
Boko Haram ne sera qu'une question de temps. D'autant plus que la secte
mondiale a décidé de déchirer les sociétés
africaines du dedans, par les personnes-bombes et la peur devenue forme
psychologique d'approche collective du réel108.
2- LES OBSTACLES INFRASTRUCTURELS
La résilience de Boko Haram résulte des facteurs
offensifs qui regroupent les ressources multiformes, les voies et
infrastructures de communication et les bases. L'élément des
voies de communication est un danger potentiel pour les forces de
défense et de sécurité en raison de son état
précaire et constitue par là même un atout pour Boko Haram.
Il s'observe un problème de ravitaillement des troupes en zone de combat
qui s'explique par la complexité des voies de communication presque
inexistantes. Une armée moderne a besoin des infrastructures qui doivent
avancer en même temps qu'elle. L'excellent réseau routier, dense
et bien entretenu peut favoriser le déploiement rapide des troupes.
Malheureusement ce facteur capital pour la rapidité du mouvement a fait
défaut dans l'Extrême Nord Cameroun car il n'existe que des
tronçons de piste et des zones très étendues pas
très praticables. Les moyens logistiques parfois rudimentaires impactent
souvent les rapports de forces. Les troupes armées périssent sur
le champ de lutte pour des raisons liées au manque d'infrastructures de
communication. Il se pose de ce fait un problème de liaison et
même de transmission en temps de guerre. Les transmissions constituent
une arme qui unit les armées. Les zones vulnérables par Boko
Haram ne sont pas presque couvertes par le réseau et encore moins
électrifiées. A ce titre il convient de faire ressortir un
écart irrémédiable entre les forces de défense et
de sécurité et les groupes terroristes qui peuvent
résister par la défaillance technologique peu
développés. Ce facteur géostratégique a joué
son rôle en négatif pour la coalition alliée.
108 De l'art de vaincre Boko Haram : contributions pour la
défense du Cameroun et du Nigéria (I & II) Par Franklin
Nyamsi Professeur agrégé de philosophie Président du
Collectif Diasporique Camerounais
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