Paragraphe 2 : les instances de contrôle
Admettre un champ large pour la conformité dans le
secteur des assurances et lui reconnaitre un périmètre
dépassant les contours de l'activité assurantielle c'est
reconnaitre aussi à des instances de divers domaines leur droit de
soumettre les entreprises d'assurances et de réassurance à leur
contrôle.
Toutefois, ces instances administratives dotées des
prérogatives de la puissance publique, ne bénéficient pas
toutes des mêmes outils pour l'exercice de leurs fonctions, certaines ont
le pouvoir d'infliger des sanctions (A) d'autres n'ont que le
pouvoir d'enquêter et de saisine (B).
A : Les instances dotées du pouvoir de
sanction
Il s'agit principalement de deux instances, le
Comité Général des
Assurances (CGA) (I) et le
Conseil de la Concurrence (CC)
(II).
I. Le comité général des assurances
(CGA)
Avant de détailler l'étendue des pouvoirs du
CGA (a), il paraît nécessaire de le
présenté au préalable (b)
a) Présentation du CGA.
Créé par la loi n° 2008-8 du 13
février 200821, modifiant et complétant le code des
assurances, le CGA est doté de la personnalité morale et de
l'autonomie financière. Son organisation interne reflète une
séparation rigoureuse des taches entre les quatre organes qui le
composent, à savoir le président du comité, le
collège, la commission de discipline, et les services techniques et
administratifs.
En sa qualité d'autorité de tutelle et de
contrôle du secteur des assurances, le CGA « veille à la
protection des droits des assurés et des bénéficiaires des
contrats d'assurance et à la solidité de l'assise
financière des entreprises d'assurance et des entreprises de
réassurance et leur
21 Loi n° 2008-8 du 13 février 2008,
modifiant et complétant le code des assurances qui stipule dans son
article premier « Il est inséré au code des assurances
promulgué par la loi n° 92-24 du 9 mars 1992, un sixième
titre intitulé "Le Comité Général des Assurances "
et comportant les articles 177 à 200 suivants »
21
capacité à honorer leurs engagements
»22 et est chargé principalement de missions
suivantes23 :
> Le contrôle des entreprises d'assurances, des
entreprises de réassurance et des professions liées au secteur
des assurances et du suivi de leurs activités,
> L'étude des questions d'ordre législatif,
réglementaire et organisationnel se rapportant aux opérations
d'assurance et de réassurance, aux entreprises d'assurance et aux
entreprises de réassurance que lui soumet le ministre des finances et de
l'élaboration des projets de textes y afférents sur sa
demande,
> L'étude des questions d'ordre technique et
économique se rapportant au développement du secteur des
assurances et à son organisation et la présentation de
propositions à cet effet au ministre des finances,
> Et en général, d'étudier et
d'émettre son avis sur toute autre question relevant de ses
attributions.
b) Les pouvoirs du CGA
En sa qualité d'autorité de tutelle et de
contrôle du secteur des assurances, le CGA est habilité à
prendre des mesures punitives (2) à l'encontre des
organismes d'assurances et de réassurance une fois les investigations et
les enquêtes (1) ont révélé des
manquements de leurs parts.
1. Le pouvoir d'enquêter
Le CGA est habilité techniquement et
juridiquement24 de mener des enquêtes dans le cadre des
prérogatives qui lui sont attribuées par la loi. Il peut
effectuer des contrôles sur pièces ou sur place au sein des
organismes assujettis à son tutelle afin de s'assurer de leur
conformité aux dispositions législatives et règlementaires
en vigueur.
Généralement le contrôle peut porter sur des
questions relevant de :
> la protection des droits des assurés et des
bénéficiaires des contrats d'assurance.
> la solidité de l'assise financière des
entreprises d'assurance et de réassurance et leur capacité
à honorer leurs engagements (la solvabilité).
> Des pratiques commerciales dans le domaine des
assurances.
> Le fonctionnement et la bonne gouvernance surtout en
matière de désignation de l'actuaire et des commissaires aux
comptes et nomination des premiers responsables chargés de l'audit
interne, de la gestion des risques, de l'actuariat et de la conformité
.
Les missions de contrôle sont effectuées par des
contrôleurs d'assurances accrédités ayant au moins le grade
d'inspecteur et munis de cartes professionnelles prouvant leurs
identités. Les infractions constatées doivent faire l'objet d'un
procès-verbal signé de deux contrôleurs au minimum et
comportant le cachet du service dont relèvent les agents verbalisateurs
pour qu'ils soient valides25.
22 L'article n° 178 du code des assurances.
23 L'article n° 179 du code des assurances
24 L'article n° 82 du code des assurances.
25 L'article n° 83 du code des
assurances.
22
2. Le pouvoir de sanction
Ce pouvoir trouve son fondement juridique dans l'article 87 du
code des assurances et témoigne par conséquent des attributions
judiciaires du CGA.
En effet, la commission de discipline du CGA dispose d'un
pouvoir de sanction disciplinaire, gradué en fonction de la
gravité du manquement faisant déjà l'objet d'un
procès-verbal dûment établi par l'organe de contrôle
et de constatations des manquements et elle statue sur les cas encourant l'une
des sanctions exhaustivement énumérées dans l'article 87
du code des assurances. Les décisions doivent être prises à
la majorité des voix et elles sont exécutoires dès leur
émission.
Reste à noter que
l'hétérogénéité des compétences
représentées dans la commission de discipline26 ne
suffit pas à elle seule de garantir la justice de ses décisions
sachant que le code des assurances n'a pas prévue des procédures
pour attaquer les décisions disciplinaires du CGA par n'importe quel
moyen ou voie.
II. Le conseil de la concurrence (CC)
« Protection de la clientèle » et «
pratiques commerciales », constituent deux termes largement
employés par les autorités de contrôle afin de
désigner un ensemble de règles favorables aux clients dans leurs
relations avec les professionnels et régissant la production, la
commercialisation et la consommation des services. Ces règles visent
à mieux informer le client et créent à la charge des
professionnels de nouvelles obligations.
Pour assurer l'efficacité de ces règles on a vu
créer le conseil de la concurrence (a) avec des attributions très
larges (b) afin de faire bénéficier aux clients la protection
nécessaire.
a) Présentation du conseil de la
concurrence
Créé par loi n° 2015-36 du 15 septembre
2015, relative à la réorganisation de la concurrence et des prix
et substituant à la commission de la concurrence créée par
l'ancienne loi n° 199164 du 29 juillet 1991 relative à la
concurrence et aux prix, le Conseil de la concurrence est une autorité
administrative indépendante ayant une double attribution, consultative
et juridictionnelle.
Loin de son rôle consultatif qui paraît sans
intérêt pour notre sujet, on peut confirmer qu'avec une
composition à majorité de magistrats27 que se
dévoile par excellence la fonction contentieuse de ce conseil de la
concurrence.
Quant à ses missions, le conseil de la concurrence est
chargé de surveiller et de sanctionner les pratiques
anticoncurrentielles et de protéger les consommateurs en matière
des prix28 . Et comme tout acteur économique, les organismes
d'assurances et de réassurance se trouvent concernés de
près par l'attribution juridictionnelle du conseil de la concurrence
soit pour
26 Article 191 du code des assurances « La
commission de discipline se compose des membres du collège suivants : -
le juge de troisième degré : président, - le conseiller au
tribunal administratif : membre,
- le représentant du ministère des finances :
membre, - l'un des membres choisis en raison de leur compétence et de
leur expérience en matière d'assurance : membre, et du
délégué général de l'Association
Professionnelle des Entreprises d'Assurance ou de son représentant
légal parmi les employés de ladite association ».
27 Voir l'article n° 13 de la loi n°
2015-36 du 15 septembre 2015, relative à la réorganisation de la
concurrence et des prix.
28 Dans ce cas seules les organismes et groupements
de consommateur légalement établis peuvent saisir le conseil de
la concurrence.
23
demander sa protection contre des pratiques
anticoncurrentielles soit pour se défendre suite à une
requête déposée à leur encontre.
b) L'attribution juridictionnelle du conseil de la
concurrence
Non habilité à accomplir des tâches
d'enquête et d'investigation, le conseil de la concurrence tend à
être une juridiction administrative spécialisée qui peut
être saisi par le ministre du commerce, les entreprises, les
organisations professionnelles ou syndicales, les organisations ou groupements
de consommateurs, la chambre de commerce et d'industrie et les
collectivités locales29, il est habilité à
juger les pratiques anticoncurrentielles, se prononce sur les requêtes
afférentes aux abus de position dominante et aux prix abusivement
bas...etc. Le Conseil peut également s'autosaisir d'office des pratiques
anticoncurrentielles sur un marché, il peut prononcer des amendes
pécuniaires. C'est dans cette perspective que l'article 27 de la loi du
15 septembre 2015 prévoit que « Le conseil de la concurrence peut,
le cas échéant :
- adresser des injonctions aux opérateurs
concernés pour mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un
délai déterminé, ou leur imposer des conditions
particulières dans l'exercice de leur activité,
- prononcer la fermeture provisoire de ou des
établissements incriminés, pour une période
n'excédant pas trois mois,
- transmettre le dossier au parquet en vue d'engager les
poursuites pénales ».
Par ailleurs, l'article 43 reconnait au conseil de la
concurrence le pouvoir d'infliger des sanctions pécuniaires dans les cas
prévus par la loi et ce nonobstant les sanctions prononcées par
les tribunaux.30
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