2.3. PROBLEMATIQUE
« Si tout le monde désire acquérir le
savoir, tous les parents désirent la réussite de leur enfant et
avant tout sa réussite scolaire qui lui donnera un diplôme, lui
assurera l'avenir professionnel. » (Duco, 1999, p.84).
Selon Calixte (2007, p. 56)
Le bouleversement qu'a connu le monde depuis la
révolution industrielle, a sans doute conféré à
l'école une place de choix dans la lutte contre
l'inégalité des chances pour la vie. L'école
représente l'une des institutions sociales de base, responsable du
mécanisme de production et de reproduction sociale. L'école
représente l'institution sociale par excellence de vulgarisation de
connaissances et de savoirs. Elle est le noyau de production de ressources
intellectuelles qui ont pour tâche de créer les différents
outils qui vont favoriser le développement et l'évolution
culturelle et technologique de la société.
Le constat est fréquent sur le décalage entre
l'école et la société. La première doit inculquer
aux futurs citoyens les valeurs républicaines et humaines (qui englobent
égalité, fraternité, solidarité,
épanouissement personnel, autonomie, tolérance, respect de
l'autre, esprit critique, goût du travail, responsabilité, savoir,
savoir-faire, savoir-être, politesse, ponctualité, sens du devoir,
etc.). (...) La société quant à elle valorise la
satisfaction et la rentabilité immédiates, la compétition,
le zapping, la facilité, le profit, le consumérisme, la chance,
voire l'injustice. Avec l'appui des médias et des milieux
économiques, elle érige un modèle qui est le
contre-exemple des idéaux de l'école. Un conflit de valeurs n'est
donc pas surprenant entre enseignants et parents. (Commission du débat
national sur l'avenir de l'école, 2004).
Le rôle central que la société
d'aujourd'hui confère à l'école, fait d'elle
l'élément central de mobilité et-ou d'insertion sociale.
Selon Migeot-Alvarado (2000),
d'une école « sanctuaire »,
fermée sur elle-même, qui se protégeait de l'intrusion des
parents, on est passé, en quelques décennies, à une
école « ouverte » sur l'environnement et qui tente
de faire des parents des partenaires privilégiés dans la lutte
contre l'échec scolaire. (p.9)
En effet, l'individu contemporain pour pouvoir
s'intégrer pleinement dans la sphère sociale doit passer par
l'école, et encore faut-il réussir. Comme le souligne Boudon
(1973), la société moderne est basée sur un système
méritocratique. Ce constat sous-entend théoriquement, que
l'accès à la position sociale est largement
déterminé par le niveau scolaire. De ce point de vue, plus on a
un niveau d'instruction élevé, plus la société nous
offre la possibilité d'avoir un statut social élevé.
Si l'Éducation Primaire Universelle est en train de
devenir réalité au Bénin, le TBS dans le Secondaire
dénote le faible taux de transition Primaire- Secondaire. En
réalité, les taux de promotion d'une année à une
autre sont en général faibles et les taux de décrochage
sont assez importants. En 2002, le taux de promotion enregistré dans le
Primaire était de 70,8 % et le taux de décrochage (ou d'abandon)
atteignait 8,3 % (Affo, 2004). Le Rapport d'État sur le Système
Éducatif National (RESEN, 2014) fait bien ressortir les faibles taux de
promotion d'une année à une autre et le faible taux de transition
Primaire-Secondaire.
Selon l'UNICEF (2007), malgré une croissance
économique annuelle qui se maintient autour de 4%, environ 1
béninois sur 3 vit toujours avec moins d'un dollar par personne et par
jour. On note des avancées importantes dans tous les domaines, notamment
en matière d'accès et de maintien des enfants à
l'école et de réduction des écarts entre les
garçons et les filles1, mais les défis à relever restent
très importants.
On note dans le primaire un pourcentage élevé
d'écoliers, pourcentage qui chute peu à peu en fonction de la
transition d'une classe à une autre. La forte pente entre le CM2 et la
6e montrent un faible taux de promotion dans le Primaire et un
faible taux de transition Primaire-Secondaire. Ces indicateurs de
l'efficacité interne du système éducatif béninois
sont inquiétants, et l'on doit penser à quelle stratégie
adopter pour améliorer la qualité de l'Éducation au
Bénin. Selon le RESEN (2014), de 59,4% en 2009, le taux brut de
scolarisation au premier cycle de l'ESG au Bénin est passé
à 70,8% en 2014. Cette situation dépendante des
caractéristiques de l'offre éducative montre dans quelle mesure
la capacité d'accueil du système est en deçà de la
demande potentielle. De 2009 à 2014, les effectifs se sont nettement
accrus, passant de 497 750 à 767303 élèves dans le public,
soit un taux d'accroissement annuel moyen de 9,04% sur la période.
On peut a priori penser sans aucun doute que des
établissements qui reçoivent un important financement et qui par
ricochet mettent de gros moyens dans la formation de leurs élèves
(emploi d'un plus grand nombre d'enseignants qualifiés, appropriation
d'une plus importante bibliothèque, etc.) aient un rendement meilleur
à celui de ceux qui n'en ont pas reçu et qui disposent de faibles
ressources. (Hanushek, 1995) a montré qu'améliorer le rapport
maître-élève, former les enseignants, avoir des enseignants
expérimentés, augmenter le salaire des enseignants, augmenter la
dépense par élève ou équiper les écoles n'a
pas toujours d'effet positif sur la performance des élèves. C'est
pourquoi, d'autres facteurs de la performance scolaire sont à
rechercher.
Plusieurs études (Kremer, Miguel et Thornton, 2004 ;
Angrist et Lavy, 2002) ont montré l'effet positif des incitations
(promesses, récompenses, bourses d'étude, etc.) sur la
performance des élèves. Celles qui ont investigué la
plateforme familiale ont dans un premier temps scruté des aspects comme
la condition économique de la famille, la taille de la famille, le
niveau d'instruction des parents, etc. Ensuite, elles ont touché
à la dynamique familiale c'est-à-dire aux interrelations et
interactions au sein de la famille. Selon Scheen (2017), pour nombre d'auteurs,
cette implication pourrait être la clé d'une amélioration
des résultats scolaires et, par conséquent, d'une diminution des
écarts de performance observés entre élèves aux
origines diverses.
Ces études sont surtout faites par des psychologues et
sociologues. La plupart ont été menées dans les pays
occidentaux, notamment aux États-Unis et au Canada, et ont montré
qu'une "bonne relation parents-enfants" est positivement corrélée
avec la performance scolaire ( Dornbusch et al., 1987 ; Steinberg et al., 1992
; Deslandes, 1996). Comme l'indique Ichou (2010), les recherches sur
l'investissement parental et ses incidences font l'objet d'études
quantitatives très nombreuses aux États-Unis.
Mais qu'en est-il d'un pays africain, comme le Bénin,
où la notion de famille et de dynamique familiale n'est pas en
adéquation avec celle des pays occidentaux et où l'on a affaire
aux parents en majorité autoritaires ?
L'éducation des adultes a-t-elle un impact sur
l'instruction scolaire des enfants ? A cette question de recherche
principale s'ajoute d'autres secondaires à savoir notamment :
- l'éducation de base que reçoit un enfant
peut-elle être à la base de sa réussite ou de son
échec scolaire ?
- un enfant qui dispose d'un suivi fréquent à
propos de ses études travaille-t-il mieux à l'école qu'un
enfant qui n'en dispose pas ?
Par ailleurs, il nous semble qu'au Bénin, il n'existe
quasiment pas de recherche rigoureuse sur la question. Ainsi, il nous a paru
légitime et indispensable d'analyser l'influence des parents sur la
performance scolaire au Bénin afin de donner un tant soit peu une
orientation aux politiques éducatives. Mais cette question est d'une
grande envergure et peut être analysée sous plusieurs angles. Nous
n'avons pas l'ambition ni l'intention de tout cerner. Il paraît donc
important d'énoncer les hypothèses postulées.
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