1.2.2. RECENSION DES TRAVAUX ANTERIEURS SUR LA QUESTION
De nombreuses recherches ont été faites pour
expliquer la performance scolaire. Certaines ont abordé la question dans
le sens de l'investissement personnel de l'apprenant (Stinebrickner, 2007;
Schuman et al., 1985) ou de l'investissement des établissements
scolaires en matière d'éducation (Hanushek, 1995). Maintes
recherches indiquent que le style parental et les pratiques parentales sont de
meilleurs prédicteurs de la réussite scolaire que les
caractéristiques familiales (Dornbusch, Ritter, Leiderman, Roberts et
Fraleigh, 1987).
Le premier axe de recherche montre que l'effort (nombres
d'heures d'étude, assiduité aux cours, etc.) consenti par
l'élève a un effet positif sur sa performance. Les recherches
autour du second axe montrent que l'investissement des établissements
scolaires a quelques fois un effet positif sur la performance des
élèves. Les chercheurs, notamment les psychologues et les
sociologues, ont aussi exploré un autre axe : l'axe familial. Cet axe
est sans doute capital à la performance des élèves car la
famille est avant tout la première institution éducative de
l'élève. Les recherches autour de l'axe familial
s'intéressent surtout au style parental et à la participation
parentale au suivi scolaire. La relation communicationnelle parents-enfants
à laquelle notre recherche s'intéresse est intrinsèque au
style parental tandis que le suivi scolaire des parents ainsi que les
récompenses des parents pour inciter les enfants à l'excellence
sont inhérents à la participation parentale au suivi scolaire.
v Style parental
Selon Darling et Steinberg (1993), le style parental
correspond à une constellation d'attitudes qui sont communiquées
à l'enfant et qui créent un climat émotif à travers
lequel les comportements parentaux sont exprimés. Par conséquent,
le style parental se traduit, en partie, par les pratiques parentales qui
représentent des comportements à partir desquels les enfants
peuvent inférer les émotions des parents.
Les styles parentaux ont des conséquences
différentes sur le développement des jeunes. Les enfants de
parents autoritaires ont tendance à présenter un faible niveau
d'autonomie et de compétences cognitives et sociales. À
l'inverse, les enfants de parents démocratiques présentent une
haute estime de soi, et s'avèrent indépendants et
compétents dans les domaines social et scolaire. Par ailleurs, les
jeunes issus de familles permissives sont plus souvent irresponsables, et
montrent des faiblesses dans l'autocontrôle, de même que dans leurs
compétences cognitives et sociales (Baumrind, 1978, 1991; Maccoby et
Martin, 1983).
Baumrind a identifié trois styles parentaux qui
influencent le développement cognitif et social des enfants : le style
autoritaire, le style démocratique et le style permissif.
Le style autoritaire a les caractéristiques suivantes :
les parents essaient d'influencer, de contrôler et d'évaluer les
comportements et attitudes de leurs enfants sur la base d'un ensemble absolu de
critères ; les parents insistent sur l'obéissance, le respect de
l'autorité, le travail, la tradition et la préservation de
l'ordre ; les échanges verbaux entre parent et enfant sont
découragés.
Le style démocratique quant à lui se
caractérise par : une attente de comportements matures de la part de
l'enfant et une définition de critères clairs par les parents ;
une ferme application de règles et critères, recourant aux ordres
et aux sanctions si nécessaires ; un encouragement à
l'indépendance et à l'individualité ; une communication
ouverte entre parents et enfants, avec encouragement des échanges
verbaux ; et une reconnaissance des droits des parents et des enfants par les
uns et les autres.
Enfin, le dernier style est le style permissif dans lequel les
parents sont tolérants et permissifs face aux impulsions de leurs
enfants, utilisent le moins de punition que possible, demandent peu des
comportements matures et permettent une considérable
autorégulation des enfants.
Baumrind et Black (1967) dans une étude sur des
élèves de la Maternelle et Baumrind (1971, 1973, 1978) dans des
études sur des élèves de 8 à 9 ans montrent que les
enfants issus des familles démocratiques ont de plus grandes
compétences cognitives et sociales alors les enfants issus des familles
autoritaires et permissives sont socialement et cognitivement peu
compétents. Or notre recherche porte sur des adolescents dont
l'âge moyen est de 16 ans. Ces résultats sont-ils
vérifiés pour cette catégorie d'enfants ?
Pour répondre à cette question, Hess et McDevitt
(1984) ont montré que l'effet des processus du contrôle parental
sur la performance scolaire persiste parmi les enfants de 12 ans. De plus,
Dornbusch et al. (1987) et Steinberg et al. (1992) utilisant de grands
échantillons d'adolescents (entre 14 et 18 ans) ont abouti aux
mêmes conclusions. D'autres études ont montré que le style
démocratique, en dehors de la performance scolaire, développe un
certain nombre d'attitudes et de comportements relatifs à l'orientation
académique pendant l'adolescence parmi lesquels on peut citer une
valorisation de l'école, un plus grand engagement dans les
activités des classes, des aspirations scolaires élevées
et peu de mauvaises conduites à l'école telles que la tricherie
(Lamborn et al., 1991 ; Patterson et Yoerger, 1991 ; Steinberg et al., 1989).
Loin d'être sans conséquence sur la
scolarité, les comportements parentaux associés à ces
styles pourraient impacter les performances scolaires des élèves.
D'ailleurs, Claes et Comeau (1996) stipulent que le modèle parental
constitue un prédicteur de réussite plus efficace que des
caractéristiques propres à la famille. Pour Nimal, Lahaye et
Pourtois (2000, cités par Pourtois et al., 2013), les parents les plus
investis utilisent un répertoire de pratiques jusqu'à six fois
plus important que les autres, le style démocratique semblant le plus
approprié (Deslandes et Royer, 1994). Selon Kanouté (2006, p.
21), « le style parental (démocratique, autoritaire ou permissif)
réfère à l'éducation à l'intérieur de
la famille (McAndrew, 1988), aux pratiques sociales familiales (Meirieu, 1997),
à la socialisation générale en famille (valeurs
inculquées, limites établies, proximité des parents
à l'endroit de l'enfant, soutien à l'autonomie, etc.) ». Il
a donc une influence sur le mode d'action des familles vis-à-vis de
l'école et sur leur degré de participation.
Toute analyse du style éducatif des parents doit
cependant prendre en compte le style éducatif des enseignants. Les
résultats scolaires sont moins bons si les styles éducatifs sont
trop différents. Or, « la continuité des normes
familiales et scolaires est davantage caractéristique des milieux
favorisés que des milieux populaires » (Duru-Bellat et van
Zanten, 2009). Pour M. Duru-Bellat et A. van Zanten, la «
permissivité est corrélée avec les problèmes
d'attention et d'apprentissage, avec des attitudes hostiles à
l'égard des professeurs et des pairs » ; un contrôle
rigide induit de l'anxiété, de la passivité, un
comportement obsessionnel (Duru-Bellat et van Zanten, 2006). Pour d'autres,
Les parents qui valorisent la conformité de l'enfant
aux normes sociales attendent plus que les autres que l'école remplisse
son rôle de socialisation, tandis que ceux qui valorisent l'autonomie de
l'enfant attendent davantage qu'elle remplisse sa mission de formation
intellectuelle. [...] les effets de la valorisation du conformisme sur les
attentes de socialisation sont nettement plus importants dans les familles des
milieux non populaires. (Tazouti et al, 2005).
Le style parental constitue une variable importante dans
l'étude de l'influence familiale sur la réussite scolaire.
v Participation parentale au suivi
scolaire
Selon Christenson et al. (1992, cités par Deslandes et
Royer, 1994, p. 64), « la participation parentale correspond au rôle
des parents dans l'apprentissage des enfants », ce qui fait dire à
Fortin et Mercier (1994) qu'elle consiste notamment à vérifier le
matériel scolaire, superviser les devoirs et leçons, ainsi
qu'assister aux réunions de parents, tandis que pour Karsten, Ledoux et
Sligte (2006, cités par Menheere et Hooge, 2010), elle fait davantage
référence à la contribution des parents aux
activités scolaires. En ce sens, elle n'est pas à proprement
parler synonyme d'implication, même si elle peut permettre aux parents,
par leur présence aux activités organisées par
l'établissement scolaire, de montrer à leurs enfants l'importance
que revêt l'école à leurs yeux (Kohl, Lengua et McMahon,
2000).
Darling et Steinberg (1993) décrivent les pratiques
parentales comme des comportements définis par un contenu particulier,
par les valeurs des parents et par les buts visés par le processus de
socialisation.
Le lien positif entre la participation parentale au suivi
scolaire et la performance scolaire a été mis en évidence
par nombre d'études (Dornbusch et Ritter, 1992 ; Grolnick et Ryan, 1989
; Paulson, 1994 ; Steinberg et al., 1992 ; Stevenson et Baker, 1987). La
participation des parents se présente sous diverses formes. Les parents
peuvent aider leurs enfants à faire leurs devoirs de maison, discuter
avec eux, leur témoigner leur intérêt pour leurs
études, ou les suivre dans les activités extrascolaires. Selon
Dornbusch et Ritter (1992), les manifestations d'encouragements des parents qui
soutiennent, complimentent et offrent leur aide, sont suivies d'une
amélioration de la performance scolaire. Deslandes (1996) suggère
que la participation des parents au suivi scolaire a cinq dimensions : le
soutien affectif ; la communication entre parents et enseignants ; les
interactions axées sur le quotidien scolaire ; la communication entre
les parents et l'école ; et la communication entre parents et
adolescents. Deslandes montre que deux dimensions ont une liaison significative
avec les résultats scolaires : le soutien affectif des parents est
positivement corrélé avec les résultats scolaires de leurs
enfants, tandis que la communication avec les enseignants est
négativement liée aux résultats scolaires. Plusieurs
facteurs influencent la participation des parents au suivi scolaire. Les
parents sont enclins à participer au suivi scolaire de leurs enfants si
ceux-ci travaillent déjà bien à l'école (Baker et
Stevenson, 1986 ; Dauber et Epstein, 1993 ; Keith et al., 1993). Alpert et
Dunham (1986) montrent qu'une plus grande surveillance des activités des
élèves aide à réduire les taux d'abandon.
Les travaux sur la supervision parentale confirment que
l'encadrement des adolescents par les parents influence fortement la
réussite scolaire et contribue à prévenir les
comportements déviants, tels que la délinquance et l'usage de
drogues (Brown, Mounts, Lamborn et Steinberg, 1993; Dornbusch et al. , 1987;
Steinberg et al. , 1991; Steinberg et al. , 1994).
Pour Darling et Steinberg (1993, cités par Deslandes et
Royer, 1994), la participation parentale se traduit au travers d'une
série de pratiques, telles qu'une réaction aux résultats
scolaires notamment, mais elle peut s'avérer insuffisante dans
l'idée d'une augmentation des performances, comme le confirment
Deslandes et Royer (1994). Parallèlement à leur participation,
les parents communiquent à leurs enfants diverses émotions au
travers de leurs attitudes et comportements (Darling et Steinberg, 1993,
cités par Deslandes et Royer, 1994).
La réaction des parents aux résultats scolaires.
En général, les seules réactions parentales liées
à une amélioration de la performance scolaire sont les
encouragements de la part des parents, mesurés par l'utilisation du
soutien, de compliments, par l'incitation à faire mieux et par l'aide
offerte lorsque les élèves ont de faibles résultats
scolaires (Dornbusch et Ritter, 1992, Ginsburg et Bronstein, 1993).
Pour Feyfant (2011), L'autorité parentale se manifeste,
dans les milieux populaires, par la surveillance et la punition ; dans les
catégories moyennes et supérieures, la punition est plutôt
d'ordre psychologique (on retire son affection) ou légitimée par
le raisonnement. Depuis quelques années, on note une tendance à
mélanger les formes de contrôle souple et l'autonomie. Dans les
familles populaires, on stimule plus les filles, on laisse faire les
garçons. En termes de réussite scolaire, l'encouragement à
l'autonomie et à la prise d'initiatives est plus favorable à la
réussite, notamment à l'école élémentaire et
les rôles stéréotypés sont moins favorables à
la réussite scolaire des garçons. Van Zanten (2009) pense que les
parents de milieux populaires adhèrent à l'idéaltype de
«développement naturel» (faible intervention parentale) alors
que ceux des catégories moyennes et supérieures se retrouvent
plus dans l'idéaltype d'une «inculcation systématique''.
Malgré une convergence ou non avec les pratiques de
l'école, certains parents montrent une réelle envie de
communiquer avec l'école et leur enfant, avec l'objectif éducatif
commun de développer l'autonomie de l'enfant. Dutercq (1992) souligne
qu' « une lente évolution dans le style de l'éducation,
qui serait de moins en moins régulé par le contrôle et de
plus en plus influencé par un choix de mode relationnel à
l'intérieur de la famille privilégiant communication et
coopération, aussi bien entre parents qu'entre ceux-là et leurs
enfants » (p.125). La communication est une composante significative
du processus éducatif et, par ce fait, elle influence
considérablement la capacité de l'enfant à communiquer
tant au sein de la famille qu'à l'extérieur de celle-ci. Ce
désir généralisé de communication et de
proximité avec l'école trouve sa source dans la volonté
des parents de pouvoir communiquer avec les enseignants afin de prendre une
part active dans l'éducation de leurs enfants : « Les parents
cherchent eux-mêmes à participer à [la mission de
transmission du savoir de l'école] en privilégiant la
fréquence des contacts avec les enseignants et l'aide familiale au
travail scolaire (...) » (p.126).
Le Pape et Van Zanten (2009, p. 202) notent que les parents
des classes moyennes et supérieurs ont davantage tendance à
« échanger à leur initiative avec les enseignants et
à s'impliquer spontanément dans les diverses activités et
instance scolaire ». Ainsi, ils n'attendent pas d'être
convoqués et prennent rendez-vous avec les professeurs de leur enfant
s'ils en jugent l'utilité. Ils vont également à la
rencontre des professeurs de leur enfant même s'il n'y a pas de
problème notoire. De même, ils n'hésitent pas à
s'informer et savent à qui s'adresser lorsqu'ils ont des questions.
(Maulini, 1997) affirme que
cela fait à peine plus de cent ans que les enfants
sont scolarisés dans une institution commune, accessible à tous,
quelle que soit leur origine géographique, culturelle, religieuse ou
socio-économique. Cela fait donc cent ans que se pose cette difficile
question : quelle part de l'éducation des nouvelles
générations revient-elle à la famille, quelle part
à l'école ? Si une division du travail est utile, souhaitable,
nécessaire, où fixer des « limites » entre
sphère privée et instruction publique, entre éducation
familiale et éducation nationale ? (p.2)
Contrairement à ces études, notre recherche vise
à analyser dans le contexte béninois l'influence de
l'éducation parentale et d'un suivi sur l'instruction scolaire d'un
apprenant.
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