Paragraphe 2: Les obstacles à l'exécution des
sentences arbitrales
Etre muni d'une sentence arbitrale en sa faveur ne suffit pas
pour rentrer en possession de sa créance. La partie qui a emporté
doit encore exécuter cette dernière. Compte tenu du fait qu'elle
l'a obtenue après un procès long et coûteux220.
« L'inexécution d'une décision de justice
génère pour la partie qui l'a emporté, un sentiment
d'injustice d'autant plus exacerbée qu'elle n'aura parfois obtenue cette
décision qu'à la suite d'un procès long et onéreux
». Un procès non encore exécuté est
inachevé si la partie vainqueur ne peut obtenir l'exécution de la
décision rendue.
La convention de Washington instituant le CIRDI prescrit une
obligation de reconnaissance qui porte sur l'intégralité de la
sentence, ainsi qu'une obligation d'exécution des obligations
pécuniaires imposées par la sentence221. Cependant, le
législateur camerounais au mépris de cette dernière,
soumet tout de même l'exécution de la sentence à un
exequatur préalable.
219 Propos d'Antoine OLIVIERA, Président de la CCJA
à l'occasion du colloque de l'Association des Hautes Juridictions de
cassation des pays ayant en partage l'usage du français (l'AHJUCAF) sur
l'exécution des décisions de justice dans l'espace francophone du
23 mars 2012 à la Cour de cassation à Paris
220 C. HUGON, L'exécution des décisions de
justice, in Libertés et droits fondamentaux, 7ème
édition, Dalloz 2001, N°785, p. 612
221 A ce titre, l'article 54 alinéa 1er de
la convention CIRDI dispose : « Chaque État contractant
reconnaît toute sentence rendue dans le cadre de la présente
Convention comme obligatoire et assure l'exécution sur son territoire
des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s'il s'agissait
d'un jugement définitif d'un tribunal fonctionnant sur le territoire
dudit État. »
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Les investisseurs directs étrangers ont recours aux
modes alternatifs de résolution des litiges pour échapper
à la partialité des juridictions de l'Etat hôte et
bénéficier de la célérité et de la
confidentialité. L'exécution d'une sentence arbitrale revêt
donc quelques lacunes/imperfections qu'il convient de souligner. Que ce soit au
niveau de la procédure d'exéquatur (A). Bien qu'ayant obtenu une
suite favorable à sa procédure, l'investisseur n'est pas à
l'abri d'un éventuel arbitraire du juge de l'exécution (B).
A) Les limites textuelles de la procédure
d'exequatur
Comme nous l'avons souligné plus haut, le titulaire
d'une sentence arbitrale doit, préalablement la soumettre à
l'exequatur et enfin y faire apposer la formule exécutoire pour pouvoir
l'exécuter.
Le législateur Camerounais soumet toutes les sentences
étrangères à cette procédure. Dans ses dispositions
textuelles, des manquements sont relevés. Tant en ce qui concerne les
sentences rendues sous l'égide de l'arbitrage OHADA (1) que celles
rendues sous l'égide du CIRDI (2).
1) Les limites de l'exéquatur des sentences
rendues sous l'égide de l'arbitrage OHADA
Le législateur OHADA décline deux conditions
pour l'exéquatur : une positive et une négative. La condition
positive est l'existence de la sentence arbitrale (établie par la
production de l'original) accompagnée de la convention d'arbitrage ou
des copies de ces documents réunissant les conditions requises pour leur
authenticité. Tel que contenu à l'article 31 de l'AUA. La
condition négative de l'exequatur est la contrariété de la
sentence à l'ordre public. Le législateur impose au juge interne
de se contenter de la non-violation des conceptions les plus fondamentales de
la justice dans les Etats-membres de l'OHADA. Le juge peut refuser d'accorder
l'exéquatur à une sentence suivant 4 conditions.
Les procédures de reconnaissance et d'exequatur sont
régies par les lois de 2003/009 du 10 juillet 2003 désignant les
juridictions compétentes visées à l'AUA, ainsi que celle
de 2007 instituant le juge du contentieux de l'exécution.
Le juge compétent pour connaître des
procédures d'exequatur est le président du tribunal de
première instance du lieu où l'exécution de la sentence
est poursuivie. Ce dernier devra rechercher deux conditions : Une positive
traduite par la production de l'original de la sentence accompagnée de
la convention d'arbitrage ou les copies de tous les documents
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réunissant les conditions requises pour leur
authenticité222. La négative se traduit par la
possibilité de refus d'exequatur et ceci en cas de
contrariété à l'ordre public international. Toutefois le
législateur communautaire ne dit pas ce qu'est l'ordre public
international. De ce fait, sa détermination est soumise à
l'impérium du juge qui pourrait l'interpréter de manière
totalement arbitraire. Pour des raisons de célérités dans
l'exécution de la sentence, le législateur a assorti la
procédure d'exéquatur d'un délai de quinze (15) jours
à l'expiration duquel, le silence du juge vaut acceptation. La
procédure d'exéquatur est en principe simple. Le juge se contente
de vérifier l'authenticité des documents produits par la partie
requérante (l'original de la sentence, la convention d'arbitrage ainsi
que tous les autres documents requis pour leur authenticité).
2) Les limites de la procédure d'exequatur des
sentences rendues sous l'égide du CIRDI
En ce qui concerne les sentences rendues sous l'égide
du CIRDI, elles emportent exécution immédiate. Ce
conformément à l'article 54 de la convention de Washington.
Toutefois, en droit camerounais, le législateur a
soumis l'exéquatur des sentences rendues par le CIRDI à la
compétence de la cour suprême. Tel que prévue dans la loi
n°75/18 du 8 décembre 1975. L'article 1er de cette loi
dispose : « La Cour suprême est habilitée à
reconnaître par arrêt les sentences rendues par les organes
arbitraux de la Convention de Washington en date du 18 mars 1965 pour le
règlement des différends entre Etats et ressortissants d'autres
Etats ». Le législateur poursuit en disant : « Cette
reconnaissance emporte obligation, pour le greffier en chef de la Cour
suprême, d'apposer sur une sentence arbitrale reconnue la formule
exécutoire ». Cependant, la loi ne précise pas suivant
quelle procédure la Cour suprême accomplira cette tâche.
Elle ne dit pas non plus dans quelle formation la Cour suprême doit
statuer223. L'investisseur justiciable ne sait donc pas à
quels saints se vouer quant à la saisine de la juridiction, quant
à la durée de la procédure qui au demeurant n'est qu'une
procédure de constat et n'est en principe soumis à aucun
réexamen du fond.
222 Article 31 de l'AUA
223 J.M TCHAKOUA, L'exécution des sentences
arbitrales dans l'espace OHADA : Regard sur une construction inachevée
à partir du cadre camerounais, Op cit. p. 11
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