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L'effectivité du droit des investissements direct étranger au Cameroun.


par LoàƒÂ¯c MESSELA
Université catholique d'Afrique Centrale - Master 2 en Contentieux et Arbitrage des Affaires 2018
  

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CHAPITRE I : LES PESANTEURS D'ORDRE JURIDIQUE

Les pays en voie de développement sont parmi les plus réformateurs au monde. Cela en raison du caractère attractif que revêt la législation facilitant la vie des affaires. Il devient dès lors paradoxal que malgré cela, le pays n'atteigne pas le niveau de développement qui était envisagé au moment de la rédaction de ces lois. Car selon un auteur, « le droit doit faciliter l'activité économique au lieu de la contrarié ». C'est dire que des règles mal rédigé ou ne traduisant pas la réalité sociale dans un pays peuvent être de nature à compliqué l'exercice de l'activité économique dans l'espace OHADA en général et au Cameroun en particulier

Il sera question pour nous d'examiner les limites de la législation des investissements à promouvoir le développement économique et atteindre les objectifs de développement prévus dans le document «vision2035». Nous évoquerons succinctement les limites textuelles (SECTION I) et les limites pratiques (SECTION II).

Section I : Les pesanteurs liées à la sécurité juridique prévue dans les actes uniformes OHADA

Le traité OHADA dans son préambule énonce la sécurité juridique des activités économiques comme l'un des objectifs poursuivis par l'organisation. La sécurité juridique est indissociable de la sécurité judiciaire et le législateur OHADA l'a compris. C'est pourquoi en plus des normes devant encadrer la vie des affaires, il a également prévu un organe juridictionnel pour garantir l'application de ces actes uniformes. La sécurité juridique se caractérise par la prévisibilité des normes et leur accessibilité. Bien que l'OHADA ait largement amélioré la pratique des affaires dans les Etats membres, il n'en demeure pas moins qu'elle recèle des insuffisances. Tant dans le dispositif de ces actes uniformes (paragraphe 1) que dans l'application des décisions de justices rendues par la CCJA (paragraphe 2).

Paragraphe 1: les lacunes techniques des actes uniformes OHADA

L'OHADA conçue pour attirer les investissements et promouvoir le développement économique peine à atteindre ces objectifs. Le Cameroun qui pourtant est l'un des premiers pays à avoir ratifié le traité OHADA peine à décoller. Ceci même dans les matières régies par les actes uniformes. Le critère de base pour établir la comparaison est le rapport « doing

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Business ». Ainsi nous allons mettre en avant les lacunes techniques des actes uniformes (A), puis nous allons proposer des solutions pour améliorer le classement du Cameroun.

A) L'exposé des lacunes techniques contenues dans les actes uniformes OHADA

Seront pris en compte ici les indicateurs du rapport « doing Business » de la banque mondiale. Notamment, les textes qui ont trait à l'implantation de l'investisseur dans le pays hôte (1), ensuite les textes qui concernent l'exploitation de son activité (2) enfin les textes qui ont trait à la fin de l'entreprise (3).

1) L'implantation de l'entreprise

Pour l'indicateur création d'entreprises, le Cameroun a considérablement évolué de la période 2008 à 2017. Deux actes uniformes sont concernés par cet indicateur. Il s'agit de l'AUDCG163 et l'AUDSCGIE164. Ces deux actes ont été reformés respectivement en 2010 et en 2014. Mais l'OHADA peine à réaliser la finalité pratique que constitue la migration des acteurs du secteur informel vers une économie formelle165. Les délais de procédure pour la création d'une entreprise en droit Camerounais sont toujours longs et coûteux. Il faut compter en moyenne 16 jours pour qu'un homme puisse créer une entreprise contre 17 pour une femme.

De plus il est essentiel de rappeler que le tissu économique camerounais est à 90% d'acteurs du l secteur informel166. Le législateur OHADA gagnerait à adopter des mesures qui tendent à inclure davantage les acteurs de ce secteur. Notamment faciliter la migration de ces acteurs vers une économie formelle. Pour qu'un pays se développe, les réformes devraient faciliter l'activité de toutes les entreprises, qu'elles soient petites ou grandes, locales ou

163 Acte Uniforme portant Droit Commercial Général

164 Acte Uniforme portant Droit des Sociétés et Groupement d'intérêts Communs

165 S. KWEMO, « L'OHADA et le secteur informel : l'exemple du Cameroun », Bruxelles, Larcier, 2012, p. 432

166 Il n'y a pas de définition universelle acceptée de cette notion. Cependant, le BIT retient sept (07) critères pour la désigner. Il s'agit de :

- La facilité d'accès ;

- Les marchés concurrentiels non règlementés ;

- L'utilisation des ressources locales ;

- La propriété familiale des entreprises ;

- La petite échelle des activités ;

- Les technologies adaptées, à faible intensité de travail (main d'oeuvre)

- Les formations acquises en dehors du système scolaire. - Bureau International du travail, Conférence de 1971

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étrangères, rurales ou urbaines167. Ainsi, le législateur OHADA gagnerait à prévoir des solutions qui faciliteraient la migration de ces entreprises vers une économie formelle.

2) L'exploitation de l'entreprise

Il convient d'étudier les conditions de l'obtention de prêts (a), de l'exécution des contrats (b) et la protection des investisseurs minoritaires (c).

a) L'obtention de prêts

En Afrique Centrale, et au Cameroun en particulier, les difficultés d'accès à la propriété foncière posent deux principaux problèmes. D'une part, il est difficile de trouver un terrain une implantation ou encore une extension de ses activités, d'autre part, cela rend difficile la fourniture de garanties aux banques pour l'obtention de prêt. Or la garantie la plus usitée dans les banques est l'hypothèque. Ce qui rend donc difficile l'accès aux crédits pour les entreprises qui n'ont pas de propriété foncière.

b) L'exécution des contrats

Les facteurs pris en compte pour cet indice sont le temps, le coût de résolution d'un litige commercial par un tribunal d'instance, ainsi que la qualité des procédures judiciaires.

L'indisponibilité de l'information relative aux biens du débiteur qui sont censés servir d'assiette au droit à l'exécution est une donnée à prendre en considération. Il comprend de nombreux biens corporels qui, par définition, ont un caractère occulte et peuvent plus facilement être cachés, par conséquent être soustraits aux poursuites du créancier168. L'on pourrait soumettre le tiers à une obligation de déclaration assortie de sanctions au cas où il ne s'y conformerait pas. Dans certains pays Européens169, le débiteur déclare ses biens sous forme de témoignage devant le juge de l'exécution. Une telle disposition dans le droit OHADA serait de nature à faciliter le recouvrement des créances. On soumettrait dans le cas d'espèce la déclaration au juge du contentieux de l'exécution.

167A. DE SABA, « Un nouveau droit des affaires pour attirer les investisseurs en Afrique. Est-ce suffisant ? », Finance et Bien Commun 2007/3, p. 96-104, https://www.cairn.info/revue-finance-et-bien-commun-2007-3-page-96.htm consulté le 09 novembre 2018 à 14h

168 S. PIEDELEVRE, « Accès à l'information et accès à l'exécution, Les obstacles à l'exécution forcée : permanence et évolution », S/D Anne Leborgne et E. Putman, EJT, 2009, p. 105, cité par J. FOMETEU, Théorie générale des voies d'exécution OHADA, P.G POUGOUE, (sous la dir), Encyclopédie OHADA, Op cit. p. 2069

169 Allemagne, Danemark, Espagne, Suède

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Toutefois une partie de la doctrine émet des réserves à ce sujet. En effet, le professeur Piedelièvre suggère d'éviter l'établissement d'un fichier général de l'actif du patrimoine du débiteur. Un fichier général serait limité compte tenu des fluctuations quotidiennes que subit le patrimoine.

L'obligation faite au créancier de constater la défaillance du débiteur constitue une limite. Il est prévu à l'article 28 alinéa 1er de l'AUVE dispose : « à défaut d'exécution volontaire, tout créancier peut (...) contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ». De ce fait ce n'est que l'inaction du débiteur qui pourrait enclencher contre lui une procédure de saisie. Cette logique de l'inexécution est également retrouvée aux articles 179 et suivants de l'AUVE170. D'après ces articles, la procédure de conciliation est obligatoire avant de pouvoir procéder à une quelconque saisie des rémunérations du débiteur.

Concernant la nature de la créance, l'exécution forcée n'est parfaite que lorsque les poursuites sont exercées pour le recouvrement d'une somme d'argent. En présence de créances d'une toute autre nature, l'exercice de l'exécution forcée pourra s'avérer difficile voire impossible.

L'article 49 crée également la confusion dans l'esprit des justiciables. La loi ne précise pas si le juge du contentieux de l'exécution est le juge des référés ordinaires dont les décisions ne préjudicient pas au principal. Ou s'il s'agit d'un juge autonome qui a le pouvoir de statuer au fond. Par ailleurs le législateur camerounais en adoptant la loi de 2007 portant juge du contentieux de l'exécution a contribué davantage à semer le trouble dans l'esprit du justiciable171. Ainsi pour mettre un terme à la controverse, il serait essentiel voir judicieux que le législateur OHADA crée une juridiction de l'exécution chargée du contentieux des saisies, de manière à ce que chaque Etat fasse partie de l'institut dans son ordonnancement judiciaire. De plus le fait que la décision rendue par le juge de l'exécution soit susceptible d'appel conduit souvent le débiteur de mauvaise foi à solliciter et obtenir des renvois excessifs.

c) La protection des investisseurs minoritaires

Ce domaine est caractérisé par l'information, la responsabilité des administrateurs, la facilité des poursuites par les actionnaires, la règlementation des conflits d'intérêts, les droits

170 Acte Uniforme portant Voies d'Exécution

171 Il s'agit de la loi n° 2007/001 du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux du contentieux de l'exécution

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des actionnaires, la détention et le contrôle, la transparence des entreprises et la gouvernance des actionnaires. Tous ces éléments constituent le prisme du domaine de la protection des investisseurs minoritaires telle qu'évaluée par la banque mondiale dans son rapport. La référence aux standards internationaux est la boussole en ce qui concerne l'attractivité et la compétitivité dans l'espace OHADA.

Le Cameroun dans ce registre a connu une forte progression dans son classement de 2014172. La réforme de l'acte uniforme intervenue cette même année a considérablement amélioré le cadre juridique de la gouvernance des entreprises dans l'espace OHADA. Le régime de responsabilité des dirigeants sociaux aussi bien en période normale173 que lorsque l'entreprise connait des difficultés174 est bien défini dans l'AUDSCGIE. Bien que cette réforme ait amélioré la situation des investisseurs minoritaires et par là même le classement du Cameroun, il n'en demeure pas moins que le Cameroun est moins attractif que d'autres pays pourtant à peu près au même stade de développement.

3) La fin de l'entreprise

Le législateur OHADA a réformé l'AUPCAP175 en 2015. Désormais, il est possible pour les très petites entreprises de bénéficier des procédures de restructuration d'entreprises contenues dans l'acte uniforme. De plus l'autre évolution notoire concerne l'instauration de deux procédures de négociation dans l'AUM176 et l'article 5.1 de l'AUPCAP. Cette réforme a permis de promouvoir les règlements extrajudiciaires et la conciliation par ailleurs. Les procédures de médiation et de conciliation ont été instaurées dans le champ des solutions à l'insolvabilité des entreprises. Elles ont pour but de trouver une solution amiable avec les principaux créanciers et cocontractants dans l'optique de mettre fin aux difficultés du débiteur. Malgré ces avancées non-négligeables dans le domaine des procédures collectives, le Cameroun demeure mal classé. En effet le Cameroun occupe la 125ème position dans ce domaine177. Les délais en moyenne pour régler l'insolvabilité au Cameroun sont de 2.8 années et le coût de la procédure est de 33.5% du patrimoine. Cependant, dans les faits, les procédures sont souvent plus longues178. Or il est essentiel pour un investisseur de savoir

172 Le Cameroun occupe désormais le 138ème rang dans le Classement Doing Business.

173 Art 161-172 de l'AUDSCGIE en ce qui concerne la responsabilité civile. Les articles 886-905 du même acte en ce qui concerne la responsabilité pénale des dirigeants sociaux.

174 Art. 194 et suivants ; articles 226 et suivants concernant la banqueroute de l'AUDPCAP.

175 Acte Uniforme sur les Procédures Collectives et Apurement du Passif

176 Acte Uniforme sur le droit de la Médiation

177 Rapport DB 2018

178 DIFFO (J), Op cit, p. 83

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combien de temps et surtout le coût des procédures lorsque son entreprise est en cessation des paiements. Ceci dans le but soit d'initié à temps les procédures de sauvetage, soit de liquider ses actifs et ainsi sauvegarder une partie de ses capitaux.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein