Paragraphe 2: les incitations financières
Outre les incitations fiscales et douanières, la loi de
2013 prévoit des avantages financiers au profit de l'investisseur
étranger. L'investisseur étranger bénéficie de la
libre disposition de son capital (A). Cette liberté est toutefois
assortie d'exceptions (B).
A) La garantie du libre transfert de capitaux
La garantie de libre transfert est un élément
essentiel de l'attractivité d'un pays. Il s'agit du « droit
pour les résidents d'un pays de transférer tous montants de
devises vers un
125 Contenus à l'article 56 alinéa 2 de la loi
n°2012-06 du 19 avril 2012 portant code gazier
126 Article 55 alinéa 2 du code gazier camerounais
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autre pays aux fins de financer des opérations de
capitaux, c'est à dire des opérations autres que des transactions
courantes »127.La liberté de transfert de capitaux
implique un volet positif, c'est-à-dire la possibilité d'investir
et un volet négatif, la possibilité de
désinvestir128 Elle se caractérise par la garantie de
libre transfert accordé par l'Etat d'une part (1) et par la garantie de
convertibilité de la monnaie (2).
1) Le contenu de la garantie
En droit international, il existe trois principaux types de
transferts de fonds :
? Les transferts vers l'extérieur dégagés
par l'investissement, sont protégés, les transferts de fonds
dégagés de l'exploitation de l'investissement sur le territoire
de l'Etat hôte. Il peut s'agir des bénéfices de
l'activité mais aussi du produit de la vente des actifs de
l'investissement129.
? Les transferts de fonds vers l'extérieur liés
à l'exécution d'obligations de l'Etat.
Cette typologie prend en compte les fonds liés à
l'exécution d'engagements conventionnels de la part de l'Etat
hôte. Il s'agit des sommes perçues par l'investisseur au titre de
compensation en cas d'expropriation, de la réparation en cas de pertes
ou encore des sommes consécutives de la condamnation de l'Etat
hôte au paiement d'une indemnité à l'investisseur.
? Les transferts vers l'intérieur. Il s'agit de tous
les fonds qu'un opérateur économique voudrait investir sur le
territoire de l'Etat hôte. Les fonds en question peuvent avoir pour objet
un nouvel investissement ou tout simplement être destinés à
une opération d'investissement existante.
L'Etat hôte doit donc s'abstenir de toutes mesures qui
retarderaient ou compliqueraient le paiement de l'une ou l'autre
catégorie de transfert ci-dessus cité130.
En droit camerounais, ces garanties sont contenues à
l'article 10 de la charte des investissements, ainsi que l'article 12 de la loi
de 2013.
127P. JUILLARD, Freedom of establishment,
freedom of capital movements and freedom of investment , ICSID Rev. -
FILJ, 2000, vol. 15, n°2, p. 36 cité par A. GILLES-YEUM «La
liberté d'investissement», Op. cit. p. 55 et ss.
128 Il s'agit pour l'investisseur de faire entrer dans le pays
hôte toutes les sommes qu'il veut investir sur le territoire de l'Etat en
question. Mais aussi de pouvoir rapatrier ses actifs dans l'hypothèse
d'une liquidation judiciaire ou une crise économique dans l'Etat
hôte.
129 Il s'agit des dividendes, recettes, produits de toute
nature des capitaux investis. Tel que prévu à l'article 12
alinéa 2 de la loi de 2013.
130 A. DE NANTEUIL, « Droit international de
l'investissement », Editions Pedone, 2017, p. 369 et
suivants
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La liberté de transferts permet à l'investisseur
d'un côté, la poursuite de la gestion courante de son
opération en ce qui concerne le paiement des employés, et de
l'autre la possibilité de faire sortir ses fonds du pays hôte pour
profiter des gains de l'investissement ou en cas d'échec d'en limiter
les pertes.
2) La convertibilité de la
monnaie
La garantie de libre transfert comprend également la
convertibilité de la monnaie dans laquelle les opérations
financières sont réalisées. Dans le processus de transfert
aucune des parties ne doit être perdante. C'est pourquoi le FMI a
imposé aux Etats d'assurer la libre convertibilité de leurs
monnaies et de veiller à ce que les transactions se fassent dans l'une
des devises utilisées pour les transactions
transfrontalières131. Ainsi l'investisseur pourra rapatrier
les bénéfices réalisés dans sa monnaie nationale et
bénéficier pleinement des fruits de son opération.
Il existe toutefois des dérogations à la
liberté de transfert de capitaux. B) Les dérogations
à la liberté de transfert de capitaux
L'engagement de l'Etat hôte à garantir le libre
transfert des fonds de l'investisseur n'est pas toujours absolu. Certaines
considérations restreignent le rapatriement des fonds. Elles peuvent
être d'ordre privé (1) ou public (2)
1) Dérogations en raison des
intérêts de personnes privées
L'Etat hôte peut prohiber le rapatriement de fonds de
l'investisseur lorsque ceux-ci sont destinés à honorer des dettes
vis-à-vis de créanciers nationaux, ou à assumer les
conséquences d'une mise en faillite132.
2) Dérogations liées au
bénéfice de l'Etat
L'opération d'investissement direct étranger est
de nature à promouvoir le développement au sein de l'Etat
d'accueil de l'investissement. C'est pourquoi l'Etat en question adoptera
toujours un comportement qui soit de nature à restreindre la fuite des
capitaux de son territoire. Toutefois il y a des considérations
particulières qui sont de nature à restreindre la libre
disposition par l'investisseur de ces capitaux. Il en est ainsi de :
131 Il s'agit du dollar, de l'euro, du livre sterling et du
yen
132 DE NANTEUIL (A), Op.cit, P. 372
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? La fiscalité. Elle constitue l'une des sources
majeures de revenus pour un Etat. A cet effet, ce dernier a tendance à
lutter contre des phénomènes d'évasion fiscale qui lui
causerait un important manque à gagner. L'investisseur qui ne s'est pas
encore acquitté de ses obligations fiscales ne saurait être
autorisé à rapatrier des fonds car ceux-ci serviront à
l'acquittement de ses obligations fiscales.
? Il en est de même pour des sommes destinées au
paiement de condamnations pénales dont l'investisseur serait
sujet133.
? Hormis les hypothèses de mauvaise foi de
l'investisseur direct étranger, il est possible pour l'Etat hôte
de restreindre temporairement les transferts de fonds. Ceci dans
l'hypothèse d'un déséquilibre passager de la balance des
paiements134 ou encore dans un contexte particulier de crise
économique qui serait de nature à limiter les transferts
monétaires hors de son territoire.
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