III. LE FINANCEMENT DE L'AGRICULTURE FAMILIALE
Les capitaux ne sont disponibles en abondance aux fins
d'investissement dans l'agriculture, que dans quelques régions
privilégiées du globe, telle que l'Amérique du Nord,
l'Océanie et l'Europe Occidentale. Dans les régions en voie de
développement, les capitaux sont, pour ainsi dire par définition,
rares à l'extrême. Le revenu par tête d'habitant est bas et
n'augmente que très lentement. Même si l'on parvient à
accroître sensiblement le revenu par habitant, on n'aura surmonté
que le premier de toute une série d'obstacles. Une fois les gains
acquis, une partie doit en être épargnée en vue
d'être investie. Détourner des fonds de la consommation à
cette fin peut s'avérer quasi-impossible en raison de l'appétit
croissant des consommateurs. Sans compter que des dépenses
parallèles aboutissent à détourner des capitaux qui
pourraient être investis dans l'agriculture vers des catégories
d'utilisation bien moins bénéfiques.
Dans ces conditions, il devient extrêmement difficile
d'amasser des capitaux en vue de leur investissement dans l'agriculture ; c'est
pourquoi les acteurs locaux devraient donc trouver des stratégies
d'autofinancement propres ou des apports externes à leurs projets de
développement tels que le budget agricole participatif et le partenariat
stratégique.
A. RÔLE DU BUDGET AGRICOLE PARTICIPATIF (BAP)
Parler du budget agricole participatif revient tout d'abord
à appréhender la notion de «budget participatif''(BP). Le
budget participatif est un processus de démocratie directe, volontaire
et universel, au cours duquel la population peut discuter et décider du
cadre de recettes/dépenses et des politiques publiques44.
Dans ce contexte, le citoyen ne limite pas sa participation au vote -
c'est-à-dire au choix de ceux qui vont présider à la
gestion du territoire auquel il appartient - il va au-delà; il participe
à la détermination des objectifs, des ressources ainsi que de la
stratégie à mettre en oeuvre pour y parvenir.
C'est en effet le sens que donne A. FOWLER au mot
«participation'' quand il le définit comme étant «
un processus à travers lequel les acteurs influencent et
partagent le contrôle sur les décisions et les ressources qui
touchent à leurs vies»45. Historiquement,
le BP a été expérimenté pour la première
fois en 1989 au Brésil particulièrement à Porto Alegre,
44Ubiratan DE SOUZA in «72 questions
courantes sur le BP», édité par ONU Habitat, 2005.
45Alan FOWLER, Striking a balance, 1997.
Mémoire du Diplôme Professionnel
d'Expert-Consultant en Développement
79
Avril 2011
«Promotion des activités agropastorales et
activation de l'économie locale en situation
de décentralisation. L'exemple de l'agriculture familiale dans la
commune d'Ayos» par Emile Baudouin
MVOGO SOUGA.
capitale de l'Etat du Rio Grande do Sul comptant alors une
population de 1,5 millions d'habitants. Ayant connu du succès dans cette
partie du monde, cette pratique a commencé à s'étendre
dans plusieurs pays du monde. Le budget agricole participatif est donc une
composante du budget participatif global de la collectivité ; il
concerne le volet agricole et ses activités connexes. Ce budget permet
un partage de l'information entre les différents acteurs locaux et
inclut les individus et les groupes marginalisés. Les règles du
jeu sont définies par les EFA et la commune, ainsi la communauté
toute entière participe à son élaboration. Le BAP suppose
l'effectivité de la participation financière des populations; ce
budget facilite la mise à disposition des outils et services
indispensables à l'investissement agricole en encourageant la
création des richesses. Sa mise en oeuvre repose sur des principes
fondamentaux à savoir:
- Le principe de transparence : il favorise un meilleur
partage d'informations sur la gestion des projets agricoles;
- Le principe d'efficacité : il permet l'utilisation
optimale des fonds pour la satisfaction des besoins des acteurs
concernés;
- Le principe d'inclusion : qui recherche
l'amélioration des conditions de tous les acteurs des EFA et surtout
ceux naturellement marginalisés (femmes, jeunes) dans la
répartition des ressources agricoles;
- Le principe de solidarité : il permet l'orientation
des ressources vers les acteurs défavorisés du secteur (en termes
de foncier ou de finance), passant ainsi de l'intérêt individuel
généralement recherché à la priorité
collectivement identifiée au sein de la communauté;
- Le principe de participation: il s'agit de favoriser
l'intégration de tous les acteurs (quels que soient le sexe, l'âge
ou l'origine) au processus décisionnel et aux étapes de
planification, de mise en oeuvre et de contrôle des projets agricoles;
- Le principe de transversalité : il cherche à
promouvoir une saine articulation entre les différents niveaux de
gestion des projets agricoles locaux afin de garantir une vision globale et
concertée de développement de ce secteur d'activités.
Le BAP se déroule en sept (07) étapes :
Mémoire du Diplôme Professionnel
d'Expert-Consultant en Développement
80
Avril 2011
«Promotion des activités agropastorales et
activation de l'économie locale en situation
de décentralisation. L'exemple de l'agriculture familiale dans la
commune d'Ayos» par Emile Baudouin
MVOGO SOUGA.
y' L'étape introductive permet aux autorités
locales d'autoriser le déroulement du processus;
y' Faire l'état des lieux des activités
agricoles de la collectivité locale permet de mieux faire
connaître la CTD et de disposer d'informations essentielles pour la
réussite de l'approche;
y' La régulation est interne et définit les
règles du jeu. La mise en place d'un système de régulation
est fondamentale pour mettre en pratique un BAP;
y' Le diagnostic et la priorisation marquent le
démarrage de la phase d'analyse des problèmes rencontrés
par les agriculteurs;
y' Il y a création des alliances et du dialogue dans le
cadre du BAP;
y' Après vient la mise en oeuvre du BAP dans les grands
projets agricoles communaux;
y' Le suivi et l'évaluation du processus du BAP : il
s'agit dans cette dernière étape du cycle qui suit une approche
systémique, de mesurer l'avancement des activités par rapport
à la planification, les effets de l'innovation sur les résultats
des activités agricoles et sur l'environnement.
Le BAP apporte plusieurs innovations dans la mise en oeuvre
des activités agricoles au sein des collectivités territoriales
décentralisées 46:
> Pour les EFA : qui acquièrent le pouvoir
d'influencer les politiques locales à travers leur participation au
processus décisionnel relatif à la politique locale. Les EFA
passent ainsi d'un statut d'«observateur» à un nouveau statut
d'«acteur» pouvant promouvoir le développement de leur secteur
d'activités. Le BAP permet également de corriger les
déséquilibres socio-économiques en donnant non seulement
aux EFA sans exclusion, l'opportunité de s'impliquer dans la gestion de
leurs propres affaires, mais aussi et surtout à contribuer à la
réduction des disparités au sein de leur communauté et
à rétablir ainsi la
46ONU-HABITAT et ENDA Tiers Monde, Manuel de Budget
Participatif en Afrique francophone, Volume I, 2008.
Mémoire du Diplôme Professionnel
d'Expert-Consultant en Développement
81
Avril 2011
«Promotion des activités agropastorales et
activation de l'économie locale en situation
de décentralisation. L'exemple de l'agriculture familiale dans la
commune d'Ayos» par Emile Baudouin
MVOGO SOUGA.
justice sociale à travers les espaces de
cohérence. L'exercice du droit à l'information est aussi un
élément innovateur qu'apporte le BAP en ce qu'il assure une
meilleure circulation de l'information entre les différents acteurs
concernés ; ce partage d'information permet et entretien la
Co-construction des innovations à travers des cadres de
concertation. Last but not the least, le BAP aide au renforcement des
capacités d'intervention citoyenne des EFA car la participation de ces
derniers aux espaces de dialogue contribue à développer une
culture démocratique et citoyenne qui renforce le tissu social, le
savoir de ces derniers;
? Pour la commune : le BAP permet l'amélioration de la
transparence de l'administration locale et l'efficacité des
dépenses à travers la réduction des coûts de mise en
oeuvre des projets agricoles par la participation communautaire et le
contrôle citoyen. Il participe en outre à la mobilisation des
ressources locales supplémentaires via l'apport des EFA dans
l'allocation et à l'utilisation des ressources disponibles.
|