2 - Objet de l'étude
La zone rurale dispose d'une réserve potentielle de
produits agricoles de qualité qu'elle pourra mobiliser selon les
circonstances pour approvisionner soit les actifs des autres secteurs locaux
qui ne pratiquent pas d'activités agricoles (secteur secondaire voire
tertiaire), soit les populations des pays voisins et d'autres continents, et
celles séjournant occasionnellement au sein du territoire national
(touristes). Cette activité agricole produira à son tour des
revenus supplémentaires aux familles qui la pratiquent, revenus capables
d'être «captés»par investissement dans les autres
branches de production économiques. Il s'agit ici de montrer clairement
les effets positifs de la promotion des activités agropastorales sur
l'activation de l'économie locale.
6J-M. BROUSSARD, Economie de
l'agriculture, Economica, Paris, 1987.
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«Promotion des activités agropastorales et
activation de l'économie locale en situation
de décentralisation. L'exemple de l'agriculture familiale dans la
commune d'Ayos» par Emile Baudouin
MVOGO SOUGA.
3 - Champs conceptuels explorés
Afin de mieux comprendre l'étude ci-proposée, il
importe de cerner le sens de la thématique à travers les concepts
qui y sont liés.
- Activités agropastorales
L'agriculture est la culture, le travail du sol pour le faire
produire. L'élevage quant à lui consiste à élever,
entretenir les animaux destinés aux multiples usages de l'homme. Les
activités agropastorales sont donc celles qui sont liées à
l'agriculture et à l'élevage. Généralement, quel
que soit le pays ou la région, on va trouver, historiquement deux grands
types d'agriculture locale:
y' Celles qui sont fondées sur la polyculture
associée plus ou moins avec l'élevage et qui sont
orientées historiquement vers l'autoconsommation. Ces agricultures
deviennent au fur et à mesure des « agricultures à
surplus vivrier »7, selon l'expression de R.
BADOUIN, jusqu'à ce qu'elles soient fortement
intégrées au marché et qu'elles deviennent alors
spécialisées (en grande culture, élevage, etc.) ;
y' Celles qui sont historiquement spécialisées,
soit en raison de contraintes agro-écologiques (agriculture des zones de
montagne par exemple), soit du fait d'un certain nombre de
phénomènes agro-économiques (plaine viticole du Languedoc
en France) ou politiques (colonisation en Afrique et en Amérique).
Il est important de remarquer que si la prise en compte des
contraintes agro-écologiques provient généralement d'un
processus spontané très ancien d'adaptation des populations au
milieu physique, les deux autres phénomènes ont été
provoqués par l'extérieur.
- Exploitation Familiale Agricole
(EFA)
Pour les agronomes, la notion d'exploitation familiale
agricole est un concept issu de l'histoire agricole européenne qui fait
référence à « un modèle d'agriculture
basé sur la famille monogame nucléaire et les moyens qu'elle met
en oeuvre aux fins de produire des denrées agricoles »
(BERGERET & DUFUMIER, 2002). Cette famille va donc chercher à
7R. BADOUIN, Economie
rurale, Armand colin, 1971, P.598.
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de décentralisation. L'exemple de l'agriculture familiale dans la
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satisfaire ses objectifs économiques, mais aussi
sociaux et patrimoniaux, en mobilisant les moyens de production dont elle
dispose : le foncier, sa force de travail et ses ressources en capital fixe
(machines, outils...) et circulant (pour l'achat des intrants...).
La gestion d'une exploitation comprend ainsi l'ensemble des
décisions prises par le chef d'exploitation qui déterminent les
modalités de combinaison des moyens de production de l'exploitation.
Cette notion d'exploitation familiale agricole ou EFA est également
employée dans le contexte africain même si certains auteurs ont
montré que les contours des EFA africaines pouvaient être bien
plus larges que la « famille monogame nucléaire» (J.M.
GASTELLU, 1980) et que les unités de résidence, de
décision, de production, de consommation et d'accumulation ne
coïncidaient pas toujours.
L'analyse de la structure et du fonctionnement actuels d'une
exploitation agricole renvoie à son histoire : celle de l'acquisition
des moyens de production et de l'évolution de la combinaison de
systèmes de culture et d'élevage (DEVIENNE & WYBRECHT, 2002).
La structure et le fonctionnement d'une exploitation familiale varient dans le
temps. Ces variations s'expliquent par des causes externes liées au
contexte dans lequel l'exploitation évolue et par des causes internes
liées au cycle de la famille (WYBRECHT, 2002). Sur la base des travaux
de CHAYANOV8 les deux auteurs
précédents proposent un modèle qui résume
les principaux éléments de l'environnement, de la structure
(moyens de production) et du fonctionnement de l'exploitation familiale
agricole de manière classique.
- Décentralisation
La décentralisation se réalise par la
reconnaissance de la part de l'Etat d'intérêts locaux propres
gérés par les collectivités locales
décentralisées. La décentralisation suppose la
personnalité morale de la ou des collectivité(s) locale(s)
reconnue(s). Il n'y a pas de décentralisation s'il n'y a pas attribution
de la personnalité juridique. Ainsi, au Cameroun d'après les lois
n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du
02 juin 1972, n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996, n°
2004/017, n° 2004/018 et N°2004/019 du 22 juillet 2004 portant
8 A. CHAYANOV dans « Economie de la paysannerie non
capitaliste », analyse le mode de fonctionnement des exploitations
familiales agricoles européennes en confrontant les besoins de ces
dernières à leurs différentes ressources pour expliquer le
niveau de rendement obtenu. C'est de cette analyse qu'est né le
schéma classique des stratégies au sein des unités
familiales de production agricoles.
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respectivement orientation de la décentralisation,
règles fixant des régions et organisation des communes, à
part l'Etat, ne sont reconnues comme personnes publiques territoriales que les
régions et les communes. Il faut en deuxième lieu l'existence
d'affaires locales ; En fait, on peut dire que sont affaires locales celles que
la loi a confié à la collectivité locale. Il faut enfin
que ces affaires soient gérées par la population qui compose les
collectivités décentralisées ; Le procédé le
plus simple pour permettre une telle gestion est le procédé de
l'élection (élection du conseil municipal par exemple).
Si la décentralisation implique l'existence de
compétences propres au profit des autorités locales, elle
signifie également une certaine limitation de celles-ci, un certain
contrôle ou une supervision du gouvernement qui s'exerce dans les
conditions précises fixées par les textes et qui porte le nom de
contrôle de tutelle. Ce type de contrôle, à la
différence du pouvoir hiérarchique ne permet pas à l'Etat
de donner des ordres et de réformer les décisions prises par les
autorités des collectivités décentralisées.
Dans la pratique, la décentralisation connaît deux
modalités:
y' La décentralisation technique ou fonctionnelle (ou
par services) porte sur une tâche déterminée par sa nature
particulière qui est individualisée et dont la charge est
confiée à une personne publique autonome ; elle consiste donc
à détacher d'une collectivité un service ou un ensemble de
services spécialisés qui seront assumés par un
établissement public.
y' La décentralisation territoriale qui «
consiste, dans son essence, à individualiser une collectivité
humaine circonscrite sur une partie du territoire et à la charge de
gérer l'ensemble de ses propres affaires ; elle donne naissance à
des collectivités territoriales, ayant compétence pour mener une
action administrative »9. C'est ce cas précis qui nous
intéressera dans la présente étude à travers son
caractère «territorial».
- Développement local (DL)
Le Développement local est défini par les
experts comme « une volonté politique des acteurs de promouvoir
le développement du territoire sur lequel ils vivent en vue
d'améliorer la situation socio-économique des populations
». Il tient d'une nouvelle conception du
9 A. BOCKEL, Droit administratif, Néa, Dakar
1978, P.247.
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développement « territorialisé » et
endogène dont la ressource humaine est la force motrice, le
développement étant avant tout un phénomène humain,
c'est-à-dire que l'être humain (à travers ses valeurs et
ses comportements) occupe une place fondamentale dans le processus de
développement. Ce concept est apparu dès les années
6010 et repose sur le postulat simple d'une activation des
dynamiques de développement socio-économique via les
potentialités locales au profit des communautés à cette
échelle ; il se veut une réponse alternative à une
politique d'aménagement du terroir un peu trop centralisée et
dont on sentait poindre les limites face aux nouveaux défis
quotidiens.
Le DL inclut la participation active de tous les acteurs d'un
territoire pour identifier et réaliser les programmes qui correspondent
à la mise en valeur des atouts de ce dernier. Dans ce sens, on peut dire
que le territoire est le point de départ et de rencontre des acteurs du
développement. Il est le lieu où s'organisent, volontairement ou
de manière spontanée, les formes de coopération entre les
entreprises, les individus et les activités.
En résumé, le Développement Local se
traduit par une communauté d'intérêts des acteurs ; ce qui
lui confère son identité pluridimensionnelle liée aux
domaines économique, social, historique et culturel. Trois (03)
critères définissent et permettent de circonscrire le DL dans son
champ d'action:
y' Il est territorial : l'espace du Développement Local
est généralement situé entre le village et la
région. Le projet des acteurs locaux est le projet du territoire qui
détermine les limites de la zone de développement ; cette
dimension spatiale des sociétés telle que présentée
par certains auteurs à travers un triptyque
territoire/acteur/développement met au coeur du dudit concept
l'idée du « vivre ensemble » et de l'« agir ensemble
» qui laissent transparaître à leur tour la notion de
participation dans l'élaboration de la vision d'une part, des outils et
des stratégies à mettre en oeuvre d'autre part.
y' Il est multisectoriel : la créativité doit
être maîtrisée par les acteurs locaux. Il n'est donc pas un
cadre d'une spécialisation et d'une démarcation aiguës entre
les activités socio-économiques. En cela, il est bien difficile
d'isoler les
10 F. TESSON in Introduction au cours de Développement
local, 2008.
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activités les unes des autres de façon
étanche à cause de leur vocation complémentaire et parfois
même des initiatives qui les portent.
y' Jl est géré par les acteurs
locaux : trois types d'acteurs majeurs complémentaires coexistent dans
le processus de Développement Local : les acteurs publics (élus
locaux et structures déconcentrées de l'Etat), les acteurs
privés (secteur privé et patronat) et les acteurs associatifs
(organisations de la société civile) ; Les négociations
constituent le moyen de coopération entre les différentes
parties.
Somme toute, le Développement Local apparaît
comme un processus ou un phénomène dynamique multidimensionnel
ayant une diversité de trajectoires qui peuvent conduire une
communauté locale, une économie locale, ou un territoire
donné à acquérir la flexibilité et le potentiel
d'innovations nécessaires pour faire face aux défis posés
par un environnement (interne et/ou externe) local en constante mutation.
- Développement économique local
(DEL)
Le Développement Economique Local est inclut dans le
Développement Local (c'est-à-dire que DL=?DEL)11.
S'inscrivant dans une logique de construction de territoire, il est un
processus qui pour sa part, insiste sur la dimension création de la
richesse (et par là des chaînes de valeur) par les acteurs locaux
et une stratégie de promotion de l'emploi à travers le
développement de micro entreprises, le renforcement du dialogue
territorial et la planification du développement. Au centre du prisme,
figure la création de partenariats entre privé et public afin de
regrouper les acteurs de l'économie locale y compris les
représentants gouvernementaux et locaux. Pour qu'il soit efficace et
profitable, le processus de développement économique au niveau
local doit s'inspirer:
y' De l'orientation vers les productions qui
valorisent les potentialités locales; y' De la
création des conditions d'accès au financement des projets;
11En effet, le DL étant une conception
« territorialisée » du développement, devient de ce
fait cette « maison» dans laquelle s'organise tout le processus
conduisant au bien-être socio-économique du territoire
donné. Puisque le DEL insiste sur la stratégie à appliquer
pour la création des richesses et l'élargissement de l'espace
d'échanges dans un secteur bien précis du développement,
il ressort donc clairement qu'en faisant la somme des développements des
différents secteurs d'activités dans un territoire, on obtient le
développement agrégé dudit territoire : DL=?DEL.
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y' De l'amélioration des qualifications du marché
du travail; y' De la génération d'un système
d'infrastructures de soutien;
Ceci requiert donc un effort concerté et
coordonné pour que la connaissance de la réalité et des
besoins locaux se transforme en valorisation économique, en
capacité technique pour promouvoir les entreprises et les
possibilités de revenus et d'emplois dans la constitution de
mécanismes de développement fondés sur le «
consensus démocratique »12. En constituant la
réponse sans exclusion aux besoins de la population, le
Développement Economique Local est tout à la fois, une dynamique
territoriale et un processus permettant de créer et de promouvoir les
richesses soutenant l'emploi à l'échelle locale à travers
la mise en valeur les diverses ressources endogènes.
- Evolution du DEL
A l'origine, le Développement Economique Local
était presque exclusivement une affaire de politique gouvernementale
nationale, qui préconisait l'intervention directe dans
l'économie. Dans beaucoup de régions du monde, cette intervention
a été réalisée par le biais d'entreprises d'Etat.
Dans des contextes plus démocratiques, les gouvernements ont fait
recours à des mesures incitatives dans leurs politiques de
développement économique, afin d'attirer des investissements dans
des domaines tels que les infrastructures «hard»(routes,
télécommunications...) ; ces mesures incitatives ont souvent
été combinées avec des concessions comme les
allègements fiscaux, l'acquisition de terre à bon marché,
des taux de services réduits et même des compensations
financières directes pour les entreprises et les industries
installées dans la localité. L'idée à la base de
ces premières stratégies de développement local
était que l'investissement public crée de l'emploi et en
même temps procure des impôts. L'évolution du concept de DEL
peut se résumer ainsi qu'il suit:
? Avant 1960 : On avait l'accentuation des politiques
nationales globalisantes, l'existence d'interventions directes de l'Etat et la
présence d'entreprises parapubliques et publiques : l'Etat-providence
régnait;
12L'expression «consensus
démocratique» renvoie ici à une chaîne d'actions
sous-tendues par les éléments tels que l'information, la
consultation, la concertation, la négociation et la médiation de
tous les acteurs ; il y a imbrication entre démocratie
représentative et démocratie participative au sein du terroir.
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? De 1960 à 1990 : Il y a eu l'implication
limitée des acteurs, des mesures incitatives de promotion et des
infrastructures «hard»: c'était la consolidation des acquis de
l'Etat-providence ;
? De 1990 à nos jours : On retrouve la présence
de nouveaux acteurs influençant l'orientation des projets locaux pour
des solutions locales d'un côté, des infrastructures
«soft»et l'existence de partenariats diversifiés de
l'autre.
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